Vie religieuse en général
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Méditation sur l'obéissance
L'image de Dieu en l'homme Créé à l'image de Dieu, l'homme est
appelé
à
devenir
parfait
comme
son
Père
est
parfait.
La
vie
insufflée
en
ses
narines
au
matin
de
la
création,
selon
la
belle
figure
de
la
Genèse,
est
appelée
à
une
croissance
sans
fin.
L'homme
est
non
seulement
fait
pour
vivre
en
plénitude,
mais
il
porte
en
lui‑même
un
dynamisme
de
croissance
d'origine
divine. C'est là que se trouve le fondement de toute éthique. L'homme
porte
en
lui
une
semence
de
vie
divine.
Tout
ce
qui
respecte
et
favorise
la
croissance
de
cette
vie
est
bon.
Tout
ce
qui
l'empêche
ou
lui
nuit
est
mal.
L'aspiration
à
la
vie
est
le
dessein
de
Dieu
gravé
dans
le
cœur
même
de
tout
homme.
Le
péché
est
le
refus
de
vivre
et
de
croître,
l'attrait
de
la
mort.
«
je
suis
venu,
dit
jésus,
pour
qu'ils
aient
la
vie,
et
l'aient
en
abondance.
» Dieu a créé l'homme libre. Il l'a mis dans le monde et l'a
établi
maître
de
la
création.
Il
lui
a
confié
la
responsabilité
de
construire
et
le
monde
et
sa
propre
vie,
et
de
choisir
les
moyens
de
favoriser
et
d'orienter
leur
croissance.
Libre
et
responsable,
l'homme
doit
répondre
de
chacun
de
ses
choix.
Personne,
pas
même
Dieu,
ne
fera
ces
choix
à
sa
place
ni
en
répondra. Lorsque l'homme, dès la plus haute antiquité, devint conscient
de
ce
dynamisme
de
vie
en
lui‑même,
et
commença
à
faire
l'expérience
de
sa
relation
à
une
Source
de
vie
au-delà
du
monde
de
la
perception
sensorielle,
il
élabora
des
ensembles
de
mythes,
de
croyances
et
de
rites
pour
exprimer
et
nourrir
cette
expérience
et
pour
en
perpétuer
la
mémoire.
Il
se
sentait
appelé
à
entrer
en
profonde
communion
avec
cette
réalité
qu'il
appelait
parfois
Dieu.
Mais
cette
réalité
l'effrayait
aussi.
Servitude de la loi De plus, à cause de ses échecs, sa propre liberté l'effrayait
de
plus
en
plus.
Aussi,
le
Dieu
qu'il
avait
d'abord
perçu
comme
la
source
de
sa
vie,
comme la réalité la plus intime au fond de lui‑même, il
se
mit
à
le
percevoir
comme
1
un
maître
autoritaire
et
comme
un
législateur.
Par
ce
subterfuge,
il
se
démettait
de
la
responsabilité
de
prendre
ses
propres
décisions
et
de
faire
ses
propres
choix,
et
il
laissait
ce
soin
à
Dieu.
Par
la
religion,
née
de
la
perception
de
la
source
de
sa
liberté,
il
se
constituait
lui‑même
esclave. L'expérience religieuse d'Israël, unique à plus d'un point
de
vue,
s'est
cependant
développée
dans
ce
contexte‑là,
et
ne
s'en
est
dégagée
que
graduellement
et
partiellement.
Yahweh
fut
d'abord
perçu
comme
un
législateur
dictant
ses
volontés
à
son
peuple.
Ce
qu'il
y
avait
cependant
de
nouveau
dans
l'expérience
religieuse
d'Israël,
c'était
l'expérience
d'un
Dieu‑avecl'homme,
d'un
Emmanuel,
rencontrant
l'homme
au
coeur
de
son
histoire
humaine,
partageant
ses
guerres,
et
vivant
avec
lui
les
péripéties
d'une
alliance. Les grands prophètes d'Israël connaissent et présentent
ensuite
Jahweh
comme
un
père
aimant,
et
même
comme
une
mère
ou
encore
une
épouse
jalousement
amoureuse.
Ils
perçoivent
même
et
annoncent
une
nouvelle
ère
de
l'histoire
humaine
où,
de
nouveau,
comme
au
jour
de
la
création,
l'homme
pourra
lire
la
volonté
de
son
Dieu
non
plus
sur
des
tables
de
pierre
ou
sur
les
parchemins
de
ses
législateurs,
mais
en
son
propre
coeur,
dans
le
s
aspirations
les
plus
profondes
de
son
être
créé
à
l'image
de
Dieu
et
animé
de
son
souffle.
Cette
libération
de
l'état
de
servitude
dans
lequel
l'homme
s'était
mis
lui‑même
allait
se
réaliser
pleinement
dans
la
personne
de
jésus
de
Nazareth.
Jésus, homme libre et radicalement obéissant En Jésus, la semence de vie placée en l'homme le jour de
la
création
a
atteint
sa
pleine
croissance.
En
lui
tout
est
vie;
aucun
refus
de
croissance.
Fils
de
l'homme,
né
de
la
terre,
il
est
fils
de
Dieu,
un
avec
le
Père.
Il
n'a
d'autre
règle
de
conduite
que
le
vouloir
du
Père.
Ce
qui
ne
veut
pas
dire
qu'il
obéit
à
des
«
ordres
»
reçus
de
son
Père.
Cela
veut
plutôt
dire
qu'il
n'est
qu'un
vouloir
avec
le
Père,
de
sorte
que
son
vouloir
le
plus
personnel
est
identique
à
celui
du
Père.
Sa
propre
mission
est
identique
à
son
être,
et
son
être
est
un
avec
le
Père.
Il
est
donc
radicalement
obéissant,
parce
qu'il
est
obéissant
par
la
racine
même
de
son
être.
Il
est
l'être
humain
en
qui
la
libération
à
l'égard
de
toute
loi
ou
de
toute
volonté
extérieure
a
été
totalement
réalisée. Et le grand et beau mystère est que jésus de Nazareth a
vécu
cette
obéissance
à
l'intérieur
d'une
expérience
de
croissance
humaine
normale.
Il
a
découvert
graduellement
sa
mission.
Il
a
eu
constamment
à
faire
des
choix
humains,
usant
des
mêmes
moyens
de
discernement
que
tout
autre
être
humain.
Il
a
dû
décider,
à
un
certain
moment,
s'il
continuerait
son
métier
de
charpentier
à
Nazareth
ou
bien
se
lancerait
sur
les
routes
de
Galilée
et
de
Judée.
Il
a
dû
décider
s'il
se
conformerait
ou
non
à
l'enseignement
des
Docteurs
de
la
loi
et
à
leur
système
religieux
;
ou
encore
s'il
monterait
ou
non
à
Jérusalem
pour
la
Fête,
etc.
Si
en
chacune
de
ces
circonstances
il
fit
la
volonté
de
son
Père,
c'est
non
pas
à
cause
d'une
révélation
spéciale
de
cette
volonté,
mais
parce
que,
chaque
fois,
il
fit
le
choix
conforme
à
sa
mission,
c'est‑à‑dire
à
son
propre
être
profond,
un
avec
le
Père. Un moment capital dans la découverte de sa mission fut certainement
lorsqu'à
son
baptême
il
entendit
la
voix
du
Père
:
«
Tu
es
mon
fils
bien-aimé.
»
Mais
peut‑être
que
le
vrai
point
tournant
de
sa
vie
se
situe
un
peu
auparavant,
au
moment
où
il
quitte
Nazareth
et
adopte
un
mode
tout
à
fait
nouveau
d'existence.
Cette
sorte
de
rupture
dans
sa
vie,
le
libérant
des
conventions
de
son
environnement
socio‑religieux,
et
le
lançant
dans
un
cheminement
solitaire,
ne
fut‑elle
pas
le
pas
radical
ouvrant
sa
conscience
humaine
à
la
pleine
perception
de
sa
mission
au
temps
de
son
baptême
? Le paradoxe est que, pour l'observateur superficiel, jésus
cesse
pratiquement
d'être
obéissant
à
partir
de
ce
moment‑là.
Jusque là, si l'on excepte une brève escapade à l'âge de
douze
ans,
il
s'est
conformé
à
toutes
les
demandes
de
son
environnement
culturel
et
religieux
et
a
été
formé
par
ce
milieu.
La
façon
dont
ses
concitoyens
expriment
leur
surprise
lorsqu'il
commence
à
se
comporter
«
étrangement
»
démontre
bien
qu'il
avait
été
jusque
là
un
observant
fidèle
et
non
remarqué
des
coutumes
et
obligations
sociales
et
religieuses
de
son
peuple,
et
de
l'enseignement
traditionnel
des
docteurs
et
des
scribes.
Mais
soudain,
mû
par
la
perception
intérieure
de
sa
mission,
il
entreprend
de
poursuivre
un
cheminement
solitaire,
au‑delà
de
toutes
ces
balises,
guidé
par
la
seule
lumière
ardente
de
son
coeur. Son obéissance sera désormais la fidélité radicale à cette
vision
et
à
sa
perception
de
Dieu,
irréconciliable
avec
celle
des
leaders
spirituels
du
peuple.
Cette
fidélité
le
conduira
à
la
mort,
car
dès
qu'il
a
commencé
à
vivre
en
homme
pleinement
libre
il
est
devenu
embarrassant
et
dangereux
pour
les
pouvoirs
en
place,
aussi
bien
religieux
que
civil.
Après
tout,
la
servitude
à
aussi
ses
avantages,
et
les
hommes
n'entendent
jamais
volontiers
l'appel
à
la
liberté.
Spécialement
ceux
qui
sont
esclaves
du
pouvoir
qu'ils
détiennent.
Comment
pourraient‑ils
le
laisser
démonter
impunément
le
système
qu'ils
ont
si
minutieusement
établi
? D'autres, avant et après lui, ont fait la même expérience.
Paul
de
Tarse
est
un
bon
exemple.
Jusqu'à
sa
conversion
il
est
parfaitement
obéissant,
le
plus
fidèle
observateur
des
traditions
religieuses
de
son
peuple.
Le
contexte
socio‑culturel
où
il
se
meut
constitue
un
cadre
sûr
et
sécurisant
pour
si
propre
existence.
Mais
un
jour
il
a
la
grâce
de
descendre
de
ses
grands
che
vaux.
Il
rencontre
jésus
et
découvre
son
propre
coeur.
Il
devient
immédiate.ment
très
humble
et,
en
même
temps,
le
plus
agaçant
des
êtres
libres.
Il
ne
peut
nier
ce
qu'il
a
perçu
et
cela
devient
sa
norme
d'action.
Il
est
embarrassant
pour
tout
le
monde,
à
commencer
pour
les
chrétiens.
Ceux
de
Damas
ne
seront
d'ailleurs
que
trop
heureux
de
le
mettre
dans
un
panier
et
de
le
glisser
en
dehors
des
murs
de
la
ville,
et
ceux
de
Jérusalem
l'expédieront
rapidement
à
Tarse.
Pour
sa
propre
sécurité,
bien
sûr
!
Mais
il
est
quand
même
intéressant
de
lire
la
conclusion
de
ce
récit
dans
le
livre
des
Actes
:
«
ils
le
conduisirent
à
Tarse.
Les
Églises
à
travers
la
Judée,
la
Galilée
et
la
Samarie
étaient
désormais
laissées
en
paix
»...
Lui
aussi
sera
obéissant
jusqu'à
la
mort.
L'homme à la recherche de son coeur Cette sorte de rupture radicale dans la vie de jésus et
de
Paul,
marquant
le
début
d'un
cheminement
personnel
solitaire
au‑delà
du
support
de
la
société
religieuse
ambiante,
n'est
pas
une
réalité
qui
leur
est
exclusive,
loin
de
là.
Cela
correspond
au
contraire
à
un
type
d'expérience
humaine
dont
l'histoire
connue
remonte
à
près
de
deux
mille
ans
avant
Jésus.
Toute
culture
et
toute
religion
est
un
système
destiné
à
former
les
individus
et
à
les
porter,
dans
un
type
donné
d'expérience
humaine
et
religieuse.
Mais
en
toute
culture
il
y
a
des
individus
qui,
à
un
certain
point
de
leur
évolution,
se
sentent
appelés,
par
fidélité
à
leur
être
profond,
à
aller
au‑delà
de
ce
que
favorise
ou
permet
le
cadre
ou
le
support
de
leur
environnement
socio‑religieux.
S'ils
se
rencontrent
avec
d'autres
chercheurs
solitaires,
ou
s'ils
ont
des
disciples
venus
se
former
au
contact
de
leur
expérience,
ils
élaborent
une
sous‑culture,
à
l'intérieur
de
la
culture
ambiante,
comme
cadre
générateur
et
porteur
d'un
type
spécifique
d'expérience.
Ainsi
sont
nés
tous
les
monachismes,
en
Inde,
en
Grèce,
en
Israël,
avant
le
monachisme
chrétien.
Ce
que
toutes
ces
personnes
cherchent,
d'une
façon
ou
d'une
autre,
plus
ou
moins
consciemment
selon
les
cas,
c'est
la
découverte
de
la
volonté
de
Dieu,
à
travers
la
découverte
de
leur
propre
coeur.
Très
significative
à
cet
égard
est
la
réponse
du
vieillard
Palamon
au
jeune
Pachôme
qui
vient
lui
demander
de
le
faire
moine
près
de
lui
:
«
avec
la
grâce
de
Dieu,
nous
lutterons
de
concert
avec
toi,
jusqu'à
ce
que
tu
arrives
à
te
connaître
toi‑même.
» Jésus était tout entier sous la mouvance de l'Esprit. Le
reste
des
hommes
ont
en
leur
coeur
non
seulement
l'Esprit
de
Dieu,
mais
aussi
des
semences
de
désintégration
et
de
mort
déposées
là
par
l'esprit
mauvais.
Et
il
leur
est
souvent
difficile
d'exercer
à
leur
égard
un
juste
discernement.
C'est
la
raison
pour
laquelle
l'expérience
montre
que
quiconque
désire
poursuivre
un
sérieux
cheminement
spirituel
a
besoin
d'un
guide,
c'est‑à‑dire
d'une
personne
expérimentée
qui
l'empêche
de
se
leurrer. Lorsque les premiers moines chrétiens se retirèrent au désert
pour
vivre
cette
expérience
de
cheminement
solitaire,
à
la
recherche
de
leur
propre
coeur
et
de
Dieu,
ils
découvrirent
rapidement
les
dangers
et
les
écueils
de
cette
lutte
solitaire
avec
les
forces
du
mal
et
le
besoin
d'un
guide
spirituel.
Ils
se
placèrent
donc
sous
la
direction
d'anciens,
c'est‑à‑dire
de
personnes
qui
avaient
fait
la
même
expérience
et
qui
étaient
désormais
possédées
par
l'Esprit.
Et
quand
ils
se
regroupèrent
en
communautés,
ils
élaborèrent
une
sorte
de
sous‑culture
chrétienne,
un
style
de
vie
selon
une
règle
et
sous
la
direction
d'un
supérieur.
Nature et signification de l'obéissance humaine Dans les deux cas, soit la soumission à un père spirituel
soit
l'entrée
dans
une
communauté,
nous
ne
sommes
pas
en
présence
de
formes
de
vie
divinement
instituées,
mais
bien
de
moyens
élaborés
par
les
hommes
dans
leur
recherche
de
la
volonté
de
Dieu
à
travers
leur
propre
croissance
spirituelle.
La
motivation
et
les
buts
sont
spécifiquement
chrétiens
;
les
moyens
utilisés
appartiennent
à
une
tradition
humaine
multiséculaire.
Quelle
est
donc,
pour
un
chrétien,
la
nature
et
le
sens
de
l'obéissance
à
un
maître
spirituel
ou
à
une
règle
et
un
supérieur
? Nous pouvons trouver d'abord quelque lumière dans ce que
l'Écriture
dit
à
propos
de
l'obéissance
aux
pouvoirs
établis,
et
spécialement
dans
l'attitude
de
jésus
à
leur
égard.
Au
temps
de
jésus,
la
Palestine
était
sous
domination
romaine.
Comme
en
tout
pays
conquis,
il
y
avait,
dans
la
population,
des
«
coopérants
»
et
des
«
maquisards
».
Certains
juifs
étaient
compromis
avec
le
pouvoir
étranger,
comme,
par
exemple,
les
publicains
ou
collecteurs
d'impôts,
considérés
par
plusieurs
comme
des
pécheurs
publics.
D'autres,
par
ailleurs,
comme
les
Zélotes,
étaient
des
sortes
de
guérilleros
désireux
de
chasser
l'envahisseur.
jésus
choisit
ses
disciples
dans
les
deux
camps,
et
ne
semble
pas
s'être
tellement
préoccupé
de
quel
côté
les
gens
se
situaient.
Mais
il
demande
à
ceux‑ci
d'être
honnêtes
et
consistants
avec
leur
choix
et
logiques
avec
eux‑mêmes.
Lorsqu'on
lui
demande
s'il
est
légitime
de
payer
le
tribut
à
César,
il
se
fait
montrer
une
pièce
de
monnaie
à
l'effigie
de
César,
et
il
répond
de
rendre
à
César
ce
qui
est
à
César.
Ce
qui
veut
dire
:
si
vous
utilisez
la
monnaie
de
l'autorité
romaine,
et
profitez
des
services
que
les
Romains
vous
offrent,
alors
soyez
honnêtes
et
logiques,
et
payez
le
tribut.
L'obéissance
à
l'autorité
romaine
n'est
pas
présentée
comme
l'obéissance
à
une
autorité
divine
déléguée,
mais
comme
un
comportement
sincère
et
honnête
dans
une
situation
sociale
donnée.
Vous
pouvez
accepter
ou
refuser
cette
Situation
;
c'est
une
question
de
choix
humain.
Mais
vous
devez
être
logiques
et
accepter
les
conséquences
de
votre
choix.
Vous
devez
donc
alors
être
toujours
soumis
à
Dieu,
de
qui
vous
recevez
sans
cesse
la
vie. L'attitude de jésus à l'égard des systèmes religieux des
Pharisiens
et
des
Docteurs
de
la
loi
est
la
même.
A
ceux
qui
ont
choisi
de
suivre
ce
système
et
de
profiter
de
la
sécurité
religieuse
et
psychologique
qu'il
offre,
aussi
bien
lue
de,
ses
autres
avantages,
jésus
demande
d'observer
ce
qu'ils
enseignent.
Quant
à
lui
et
à
ses
disciples,
ils
ont
pris
leur
distance,
et
il
ne
se
sent
pas
obligé
d'observer
leur
interprétation
de
la
loi
et
leurs
prescriptions,
pas
plus
lue
de
payer
le
tribut
à
César.
Il
se
refuse
décidément
à
faire
partie
de
leur
système. De même, lorsque saint Paul recommande aux esclaves d'être
obéissants
à
leurs
maîtres,
il
ne
prétend
pas
que
l'autorité
du
maître
d'esclaves
est
une
autorité
divine
déléguée,
Il
recommande
simplement
ce
qui
semble
une
attitude
logique
consistante
avec
un
système
social
déterminé,
à
un
point
précis
de
son
évolution.
Et
dans
ses
recommandations
aux
femmes
d'être
soumises
à
leur
mari,
il
ne
faut
pas
voir
l'expression
d'une
loi
divine
concernant
la
nature
des
relations
entre
les
sexes,
mais
un
jugement
prudentiel
tributaire
d'un
certain
contexte
culturel
limité. Quant aux structures sociales à l'intérieur du groupe de
ses
disciples,
l'Église,
Jésus
n'a
donné
qu'un
précepte
précis
:
se
mettre
au
service
les
uns
des
autres.
Tout
le
reste
est
utilisation
de
moyens
humains,
tributaires
de
divers
systèmes
sociaux,
pour
essayer
de
répondre
à
ce
précepte. L'Écriture réfère toujours l'obéissance directement à Dieu.
Elle
est
la
conformité
du
vouloir
humain
au
vouloir
divin.
Nulle
part
il
n'apparaît
que
la
soumission
d'un
homme
à
un
autre
homme
soit
vertueuse
en
elle‑même
;
et
nulle
part
il
n'est
dit
que,
dans
sa
recherche
de
la
volonté
de
Dieu
il
soit
plus
vertueux
pour
l'homme
de
se
soumettre
aux
décisions
d'une
autre
personne
que
de
prendre
ses
propres
décisions,
selon
son
discernement
personnel.
L'obéissance
à
toute
autorité
humaine,
à
un
père
spirituel
comme
à
une
règle,
est
une
question
de
logique
et
de
consistance
avec
soi‑même
dans
l'utilisation
des
moyens
choisis
pour
découvrir
la
volonté
de
Dieu. La loi de Dieu, la volonté de Dieu sur chaque homme est
inscrite
en
son
coeur.
Le
chemin
vers
Dieu
passe
par
le
coeur
de
l'homme.
Pour
découvrir
la
volonté
de
Dieu,
il
doit
d'abord
découvrir
son
propre
coeur,
devenir
conscient
de
son
véritable
être,
de
son
«
moi
»
profond
(bien
au‑delà
de
ses
désirs
superficiels
et
de
ses
caprices).
Cela
requiert
un
long
effort
de
purification
et
de
détachement
à
l'égard
de
tout
ce
qui
constitue
le
«
faux
moi
».
Être
obéissant
consiste,
pour
l'homme,
à
découvrir
sa
vocation
ou
mission
propre,
c'est‑à‑dire
à
devenir
conscient
de
son
mode
propre
et
inaliénable
de
relation
au
Père,
et
à
accepter
les
conséquences
de
cette
prise
de
conscience,
avec
les
déchirures
et
les
morts
qu'elle
peut
nécessiter. Dans ce processus de purification et de croissance, de recherche
et
de
réalisation
de
la
volonté
de
Dieu,
l'homme
doit
faire
le
choix
de
moyens,
dont
certains
seront
plus
adaptés
que
d'autres
pour
lui.
Ce
choix
des
moyens
est
la
responsabilité
de
l'homme
;
Dieu
ne
le
fait
pas
pour
lui.
Et
bien
que
ce
choix
soit
libre,
il
est,
bien
sûr,
largement
conditionné
par
le
contexte
historicoculturel
où
chacun
se
trouve.
Les choix humains et leur risque Lorsqu'il atteint l'âge adulte et un certain degré de maturité,
l'homme
doit
choisir
d'abord
son
type
de
relation
avec
la
société
civile
et
l'institution
religieuse.
Il
se
mariera
ou
restera
célibataire
;
il
choisira
un
cheminement
spirituel
solitaire,
se
laissant
éventuellement
former
ou
guider
par
un
maître
spirituel,
ou
il
se
joindra
à
une
communauté
de
cheminement.
S'il
choisit
de
se
consacrer
à
un
type
déterminé
de
service,
il
pourra
s'y
donner
seul,
de
façon
autonome
ou
se
joindre
à
un
groupement
qui
assume
et
organise
un
tel
service
;
ou
encore
il
pourra
demander
à
un
évêque
de
l'intégrer,
par
l'ordination,
dans
le
service
pastoral
de
l'Église
institutionnelle,
etc.
Une
fois
qu'un
tel
choix
a
été
fait,
librement
et
consciemment,
la
fidélité
à
soi‑même
comme
aux
autres
personnes
concernées
exige
qu'on
y
soit
fidèle
et
qu'on
en
accepte
toutes
les
implications
et
les
conséquences. Si je me confie à un maître spirituel, à l'instar des premiers
moines
du
désert,
ou
des
moines
bouddhistes
ou
hindous,
c'est
pour
arriver,
par
ce
moyen,
à
devenir
une
personne
libre
et
détachée,
à
maîtriser
mes
passions
et
à
connaître
mon
propre
coeur,
afin
de
pouvoir
découvrir
Dieu
et
son
vouloir,
l'aimer
et
vivre
en
union
avec
lui.
je
me
confie
à
ce
maître
parce
que
j'ai
confiance
en
sa
capacité
de
me
guider
à
travers
ce
processus.
Je
m'en
remets
totalement
à
lui
et
fais
tout
ce
qu'il
me
dit,
non
parce
que
je
crois
que
ses
décisions
personnelles
sont
automatiquement
la
volonté
de
Dieu
sur
moi,
mais
parce
que
je
fais
confiance
à
son
charisme
pour
me
faire
croître
dans
le
Christ.
Je
crois
qu'il
est
assez
en
contact
avec
son
propre
coeur
pour
m'aider
à
découvrir
le
mien.
Il
pourra
me
demander
de
faire
des
choses
ridicules
parfois
;
et
si
j'ai
l'humilité
de
les
faire,
ce
ne
sera
pas
parce
que
je
ne
les
considère
pas
idiotes,
mais
parce
que
je
crois
que,
par
ces
gestes
idiots
en
eux‑mêmes,
le
maître
expérimenté
sait
me
conduire
au
détachement
et
à
la
liberté,
et
me
faire
croître.
Il
s'agit
pour
moi
d'être
logique
et
consistant
avec
mon
choix
d'un
moyen
bien
spécifique
de
croissance
humaine
et
spirituelle. Et si je me joins à une communauté, ce n'est pas parce que
Dieu
aurait
fait
ce
choix
pour
moi.
C'est
que
je
choisis
ce
style
de
vie
communautaire
comme
un
moyen
que
je
crois
apte
pour
moi
de
poursuivre
ma
recherche
de
la
volonté
de
Dieu,
Ceci
vaut
pour
toute
communauté,
celles
que
l'on
appelle
actives
comme
celles
que
l'on
dit
contemplatives.
Dans
le
cas
des
communautés
actives,
il
y
a
une
dimension
supplémentaire.
je
choisis
de
réaliser
un
service
d'Église
en
communion
avec
une
communauté
structurée
en
fonction
de
ce
service
plutôt
que
de
le
réaliser
seul
(ce
qui
serait
un
choix
également
légitime,
quoique
peut‑être
moins
adapté
pour
moi).
Ici
encore
il
s'agit
du
choix
d'un
moyen.
La
vie
religieuse,
sous
ses
différentes
formes,
est
un
style
de
vie
chrétienne
destiné
à
favoriser
un
type
d'expérience
de
Dieu
et,
en
certain
cas,
à
constituer
un
contexte
favorable
à
un
type
déterminé
de
service.
Ces
formes
de
vie,
élaborées
par
les
hommes,
ont
été
éprouvées
par
l'expérience
des
siècles,
et
leur
utilité
a
été
confirmée
par
l'approbation
de
la
hiérarchie
de
l'Église.
Il
ne
s'agit
donc
pas
d'institutions
divines.
La
motivation
et
les
buts
du
religieux
chrétien
sont
spécifiquement
chrétiens
et
enracinés
dans
l'Evangile.
Le
moyen
utilisé,
ou
la
forme
de
vie,
est
une
institution
humaine
dont
l'histoire
déborde
largement
les
cadres
historiques
et
géographiques
du
christianisme.
Il
s'agit
d'un
système
qui
ne
peut
produire
ses
fruits
que
s'il
est
accepté
dans
son
entier.
Ici
encore,
une
fois
que
j'ai
choisi
ce
moyen,
la
logique
et
l'honnêteté
exigent
que
je
me
conforme
à
sa
législation,
à
sa
structure
hiérarchique,
etc. L'arbre doit être jugé à ses fruits. Inutile de dire que
chacun
des
choix
ci‑dessus
mentionnés
comporte
des
risques.
Une
situation
d'«
obéissance
»,
apte
à
favoriser
la
croissance
de
telle
personne,
sera
néfaste
pour
telle
autre.
L'obéissance
totale
et
quasi‑aveugle
à
un
maître
peut
être
un
excellent
moyen
de
croissance,
comme
le
prouve
l'expérience
de
toutes
les
grandes
religions
du
monde.
Mais
elle
peut
aussi
conduire
à
de
terribles
échecs,
surtout
si
le
maître
n'est
pas
aussi
charismatique
qu'on
le
croit
ou
qu'il
se
croit
lui‑même.
Même
à
l'époque
de
l'âge
d'or
du
monachisme
chrétien
en
Égypte,
si
bien
des
moines
furent
conduits,
par
cette
technique,
à
de
hauts
degrés
de
conscience
et
d'union
à
Dieu,
d'autres
y
laissèrent
leur
santé
physique
et
psychique,
sous
la
férule
de
maîtres
incompétents.
Et
l'histoire
S'est
souvent
répétée,
jusqu'à
nos
jours.
Il
en
est
de
même
de
la
vie
communautaire,
qui
peut
conduire
à
la
liberté
intérieure
et
favoriser
un
apostolat
fécond,
tout
comme
elle
peut
empêcher
l'une
et
l'autre,
si
elle
est
sclérosée
ou
mal
orientée.
Si
beaucoup
de
tort
a
été
causé
par
des
supérieurs
autoritaires,
sincèrement
convaincus
de
parler
continuellement
au
nom
de
Dieu,
plus
de
mal
encore
est
souvent
résulté
de
la
démission
des
«
sujets
»
renonçant
à
leur
responsabilité
personnelle,
tout
en
considérant
qu'ils
renonçaient
à
leur
«
volonté
propre
».
Discernement des « vocations » et formation Lorsqu'un novice se présente à la porte d'une de nos communautés,
nous
nous
efforçons
souvent,
à
travers
toutes
sortes
de
moyens,
de
découvrir
s'il
a
la
«
vocation
»,
comme
si
celle‑ci
était
un
genre
de
virus
décelable
par
des
tests
appropriés.
Cette
attitude
suppose
une
conception
relativement
récente
de
la
vocation
qui
implique
une
intervention
directe
de
Dieu
dans
le
choix
des
«
moyens
».
On
retrouve
la
même
attitude,
au
fond,
chez
ceux
qui,
lorsqu'ils
quittent
la
vie
religieuse,
disent
avoir
découvert
qu'ils
n'avaient
pas
«
la
vocation
». L'attitude des Pères du désert me semble beaucoup plus saine
et
réaliste.
Lorsqu'un
aspirant
se
présentait
à
lui,
l'ancien
lui
décrivait
son
régime
de
vie,
puis
il
lui
disait
:
«
examine‑toi
pour
voir
si
tu
veux
vivre
ce
genre
d'ascèse,
et
si
tu
peux
le
supporter
».
De
même,
saint
Benoît
écrit
sa
Règle
monastique
à
l'intention
de
quiconque
veut
retourner
par
la
voie
de
l'obéissance
vers
Dieu
dont
il
s'était
détourné
par
la
désobéissance.
Et
je
ne
crois
pas
que
‑saint
Bemard
soumettait
à
de
longs
tests
les
brochettes
de
novices
qu'il
ramenait
à
Clairvaux
après
chacune
de
ses
tournées
de
prédication. Il me semble donc que lorsqu'un novice vient dans une communauté,
l'important
n'est
pas
de
découvrir
s'il
appartient
à
cette
catégorie
d'êtres
humains
qui
sont
censés
«
avoir
la
vocation
»,
mais
bien
de
découvrir
s'il
veut
réellement
le
genre
de
vie
dans
lequel
il
entre,
et
de
l'amener
au
besoin
à
le
vouloir
de
plus
en
plus
consciemment
et
sincèrement.
Et
lorsque
les
novices
quittent
le
noviciat,
dire
qu'ils
«
n'avaient
pas
la
vocation
»
pourrait
bien
n'être
qu'une
façon
facile
de
refuser
d'admettre
notre
incapacité
à
leur
donner
la
formation
qu'ils
étaient
venus
chercher. je crois que la plupart des échecs dans la vie religieuse
(et
par
échecs
je
n'entends
pas
nécessairement
les
sorties)
proviennent
du
fait
que
bien
des
gens
sont
entrés
dans
la
vie
religieuse
sans
l'avoir
jamais
délibérément
choisie.
Ils
y
sont
venus
parce
qu'on
les
a
convaincus,
ou
parce
qu'ils
se
sont
convaincus
eux‑mêmes
que
telle
était
la
volonté
ou
la
décision
de
Dieu
sur
eux.
Ils
ont
accepté
cette
volonté
extérieure
sans
jamais
l'avoir
voulue
eux-mêmes.
De
fait,
en
bien
des
cas,
ils
ne
sont
jamais
arrivés
à
un
degré
suffisant
de
connaissance
de
soi
pour
savoir
vraiment
ce
qu'ils
voulaient
au
fond
d'eux‑mêmes.
Et
il
se
peut
bien
que
la
forme
de
vie
religieuse
où
ils
ont
échu
les
ait
empêchés
d'y
arriver.
La volonté de Dieu pour tout homme est écrite en son coeur.
Toute
forme
d'obéissance
qui
aliène
l'homme
et
le
conduit
à
la
soumission
mécanique
à
des
lois
extérieures
appartient
à
cette
longue
série
de
moyens
religieux
que
l'homme
a
inventés
au
cours
de
l'histoire
pour
refuser
de
prendre
ses
propres
responsabilités
en
demandant
aux
dieux
de
prendre
ses
décisions
à
sa
place.
La
seule
forme
d'obéissance
vraiment
chrétienne
est
celle
qui
conduit
l'homme
à
la
découverte
de
son
propre
coeur,
de
cette
partie
de
lui‑même
où
il
est
un
avec
Dieu.
Et
cette
obéissance
ne
peut
porter
ses
fruits
qu'en
celui
qui
la
choisit
délibérément
et
en
accepte
sincèrement
et
honnêtement
toutes
les
implications
et
les
conséquences.
Mistassini Armand VEILLEUX ocso
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