Écrits et conférences d'intérêt général
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Jean Yahya Michot et la littérature politique du G.I.A. (dans Collectanea cisterciensia,
62
(2000),
78-80) Jean Yahya Michot était professeur à l'Université Catholique
de
Louvain
au
moment de la publication du volume
recensé
par
le
Père
Louis
Wehhé.
Cette
publication
fut
suivie
pour
lui
d'un
congé
sabbatique
qui
se
termina
par
une
séparation négociée
de
l'Université
de
Louvain.
Par
la
suite,
il
fut
engagé
au
Centre d'études
islamiques
d'Oxford
(qui
ne
fait
pas
partie
de
l'Université
d'Oxford mais
lui
est
affilié).
Cet
engagement
qui
suscita
un
débat
animé
en
Angleterre
amena
l'auteur
à
déclarer
oralement
et
par
écrit
qu'il
n'approuvait
pas
le
meurtre
et
la
violence
ce
qui
était
loin
d'être
évident
dans
l'écrit
ici
recensé. La compétence de Michot et sa connaissance approfondie
du
grand
penseur
que fut Ibn Taymiyya ne font pas
de
doute.
Beaucoup
de
choses
surprennent
cependant chez
un
académicien
de
si
haut
calibre.
Ce
qui
intrigue
ce
n'est
pas
seulement le
fait
de
publier
son
pamphlet
sous
le
pseudonyme
de
«Nasreddin
Lebatelier»;
cela
relevant
plutôt
de
la
coquetterie,
puisque
l'identité
de
l'auteur était dès
le
premier
instant
un
secret
de
polichinelle.
Ce
qui
surprend,
c'est
plutôt le fait
qu'un
grand
islamologue,
dans
le
contexte
de
la
traduction
d'un
texte
classique
de
l'islam,
cite
tout
ce
qui
a
pu
se
publier
en
Europe
sur
les
moines de Tibhirine
dans
les
mois
qui
ont
suivi
leur
assassinat,
fût-ce
dans
la
plus obscure
des
feuilles
diocésaines.
On
se
serait
attendu
qu'une
information
si minutieuse
intéresse
les
services
secrets
plus
que
les
islamologues.
Mais
peut-être convient-il
de
replacer
cette
contribution
dans
le
contexte
plus
général de l'islam
belge. Dans un volume intitulé précisément Facettes de l'islam belge, et publié peu avant l'ouvrage
de
Michot,
le
professeur
Felice
Dassetto
avait
rassemblé
plusieurs contributions
nous
aidant
à
comprendre
la
vie
de
l'islam
en
Europe
et spécialement
en
Belgique
[1]
. On y trouve
en
particulier
deux
études
du
professeur
Alain
Grignard
de
l'Université
Libre
de
Bruxelles,
dont
l'une
porte
sur
la littérature
politique
du
G.1.A.
algérien
ayant
circulé
en
Belgique
[2]
. Selon Grignard les fameux
messages
bien
connus
du
G.I.A.
sont
rédigés
«en
arabe
littéraire, dans une
langue
souvent
teintée
d'archaïsmes
et
envahis
par
de
longues
paraphrases
du
discours
coranique».
Comme
tels,
continue
Grignard,
ils
sont
inaccessibles
à
la
majorité
des
immigrés
maghrébins
et
semblent
même
susceptibles
de
rebuter
l'Algérien
moyen.
Il
mentionne
ingénument
l'opinion
de
certains selon
qui
«ces
textes
n'auraient
été
élaborés
qu'à
l'usage
des
islamologues et des
services
de
renseignements...».
De
plus
leur
contenu
religieux
paraît
bien
secondaire
par
rapport
au
politique
(p.
76). On peut se demander pourquoi Michot défend avec une telle
vigueur
la
motivation religieuse de l'assassinat
des
moines
de
Tibhirine
au
moment
même où le professeur
Grignard
concluait
son
étude
sur
la
littérature
du
G.I.A.
par la phrase
suivante:
«(Cette
analyse)
nous
a
...
permis
d'apporter
quelques
jalons
dans
l'histoire
des
Groupes
Islamistes
Armés
algériens
et
de
les
envisager dans une
autre
perspective.
Ne
pourraient-ils
pas,
en
effet,
n'être
que
l'exacerbation
outrancière
d'un
mouvement
révolutionnaire
tiers-mondiste
où
le
fait
religieux se
situerait
plus
en
aval
qu'en
amont?»
(p.
88). Contrairement à l'argumentation fougueuse mais non convaincante
de
Michot,
Anna
Bozzo,
professeur
d'études
islamiques
à
l'Université
de
Rome,
a démontré comment l'unanimité avec
laquelle
de
nombreuses
personnalités
et
organisations
religieuses
musulmanes
en
Algérie
et
à
travers
le
monde
ont
condamné l'enlèvement
et
l'assassinat
des
moines
de
Tibhirine,
constitue
un
rare cas d'ijma' (consensus)
ou
d'ittifaq (entente) dans
le
monde
musulman
[3]
. Beaucoup de questions restent ouvertes: Comment un illettré
comme
Djamal
Zitouni a-t-il pu composer les communiqués
qui
lui
sont
attribués?
Où
ces
textes furent-ils
composés?
Comment
expliquer
que
ce
même
Zitouni,
qui
apparaît
en
1994
après
la
mort
de
l'émir
Attia
(qui
s'était
rendu
au
monastère
dans la nuit
de
Noël
1993
et
avait
garanti
la
vie
sauve
aux
moines),
soit
éliminé
tout
juste
après
l'assassinat
des
moines
de
Tibhirine
et
la
publication
du
«message» annonçant
leur
exécution?
On
sait
qu'au
moment
où
Zitouni
apparaît,
le
G.I.A. est
totalement
éclaté
et
infiltré
par
des
forces
externes,
et
les
doutes
se
multiplient
concernant
l'origine,
l'identité
et
la
sincérité
religieuse
de
ses
membres. Seule
une
enquête
approfondie,
qui
prenne
en
compte,
entre
bien
d'autres choses, l'ensemble de la
production
littéraire
des
groupes
islamistes
et
de leurs sympathisants pourra aider à résoudre les nombreuses questions
non
encore
éclaircies
concernant
les
circonstances
dans
lesquelles
les
moines
de
Tibhirine
furent
enlevés
et
exécutés. Abbaye N.-D. de Scourmont B — 6464 FORGES
Dom Armand VEILLEUX, ocso abbé
[1]
Felice Dasseto
(éd.),
Facettes
de
l'islam
belge,
Bruylant-Academia,
Louvain-la-Neuve,
1997.
[2]
Alain GRIGNARD,
«La
littérature
politique
du
G.I.A.
algérien.
Des
origines
à
Djamal
Zitouni. Esquisse
d'une
analyse»,
p.69-95:
Idem,
«L'islam
radical
en
Belgique
à
travers
la
littérature
de
propagande:
une
introduction»,
p.
167-178.
[3]
Anna Bozzo, «Islam and Civil Society in Algeria and France
in
the
Age
of
Globalisation:
The Islamic Umma Confronted with
Terrorism»
dans
The
Journal
of
North
African
Studies
2
(1997), 1-9. |
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