Écrits et conférences d'intérêt général
|
||||||
|
||||||
MÉDIATION
CULTURELLE DE L'EXPÉRIENCE RELIGIEUSE Un
peu dans le style des anciens sermons, je vais commencer par un
texte biblique et le texte auquel je voudrais me référer est au
livre de la Genèse, chapitre 28 . Jacob; le songe de Jacob. Jacob
va de Bershéba à Haran, et durant la nuit, il a un songe, il voit
des anges qui montent et descendent l'échelle ; elle a son pied
sur la terre et son sommet dans les cieux. Dieu lui apparaît.
Il lui dit qu'il est le Dieu d'Abraham, d'Isaac, le Dieu de son
père. II lui promet de lui donner cette terre : « Je serai avec
toi ». C'est une expérience spirituelle très, très profonde pour
Jacob. Quand i1 se réveille de son songe, il est terrifié et dit
: «Vraiment, Dieu était ici et je ne le savais pas. Ceci est un
lieu terrifiant, c'est vraiment la maison de Dieu. » Maison de
Dieu, c'est l'étymologie de Bethel. Et
que fait Jacob ? Il prend la pierre qui lui servait d'oreiller;
il la met debout comme une stèle et il constitue un autel
, il fait un sacrifice et, chaque fois qu'il passera à
cet endroit-là, il pourra refaire ce sacrifice ; et en refaisant
le sacrifice, en versant de l'huile sur cette stèle, il revivra
l'expérience qu'il a vécue. Il peut refixer l'origine de l'autel,
du sacrifice, du lieu sacré : un endroit où il revit une expérience
qui a été fondatrice, une expérience qui a été extrêmement importante
pour lui ; et cette expérience-là, il la racontera à ses fils
qui la raconteront à leurs fils; se créera une tradition autour
de laquelle s'élaboreront des mythes, au sens le plus profond
du mot - une histoire qui s'embellira constamment. S'élaborera
aussi une doctrine sur le sens de la vie, sur le sens de la relation
avec Dieu, sur les exigences morales qui en découlent. Nous avons là tous les
éléments d'une religion ; et nous avons là tous les éléments d'une
culture. Voici un petit tableau
très simple : les trois niveaux de l'expérience religieuse
Il y
a une expérience que l'on a vécue, qu'on peut revivre, qu'on veut
garder présente, qu'on veut transmettre on le fait à travers la
religion qui se constitue de mythes, de traditions, de doctrines,
de cultes et de codes moraux. Et ensuite, normalement à partir
de la seconde génération, où ce que l'on exprime ne correspond
plus à ce que l'on dit, on sent le besoin de l'interpréter. La
première génération n'a pas besoin d'interprétation ; on vit spontanément
; il n'y a pas de théologies dans la première génération chrétienne
; la théologie vient avec la deuxième génération. Il est
très important de distinguer ces niveaux mais ils sont impliqués
l'un dans l'autre ; il n'y a pas de foi sans expression religieuse
mais, malheureusement, on peut avoir une expression religieuse
vide de foi. Au niveau
du christianisme, que se passe-t-il ? Ce qui est propre au christianisme,
ce n'est pas d'être LA religion, une religion puisqu'il y en a
d'autres qui ont leur valeur, c'est d'être l'expérience de la
foi en Jésus-Christ. Dieu s'est révélé en Jésus-Christ. Un Dieu
personnel qui s'est révélé et qui offre une relation personnelle.
Cette foi chrétienne n'existe pas sans s'exprimer dans la vie...
dans un contexte religieux avec des éléments empruntés pour la
plupart à la religion juive, et aussi à d'autres rudiments fondamentaux
de l'humanité. La culture est quelque
chose de semblable : ce qui est propre à une culture, c'est d'être
UNE forme d'expérience humaine, une façon de vivre et de concevoir
l'existence, la relation avec Dieu, avec le cosmos, avec les autres
qui s'expriment à travers des traditions, une organisation sociale,
des institutions, des codes moraux etc... Et l'essentiel dans
une culture, ce n'est pas tellement ces éléments-là dans lesquels
ii y a une hiérarchie mais c'est le type d'expérience, la compréhension
de cette expérience. Foi religieuse, expérience religieuse dans
son sens le plus profond si elle est authentique et dans la mesure
où elle est authentique est la même pour tout être humain ; parce
que si l'on fait l'expérience de Dieu, si on rencontre Dieu, il
y a Dieu. Mais l'expérience n'existe jamais à l'état pur ; c'est
toujours une expérience vécue ; c'est une expérience qui devient
consciente ; il faut se la dire pour qu'elle soit consciente et
on se la dit uniquement à travers les moyens que nous donne la
culture. Il y a un type d'expérience religieuse qu'on peut faire
à (intérieur d'une culture et qu'on ne peut pas faire à l'intérieur
d'une autre. Et chaque culture est à la fois une richesse et une
limite. Et chaque expression religieuse est à la fois une richesse
et une limite. On verra qu'inculturer
le christianisme dans les structures d'une autre tradition religieuse
est un enrichissement pour le christianisme ; le christianisme
acquiert, en s'intégrant par exemple dans la grande culture hindoue,
de l'Inde, des modes d'expression religieuse qu'il n'avait pas,
sans perdre la caractéristique de son expérience. A l'origine et à la
base d'une religion, il y a toujours une expérience spirituelle
fondatrice qui est l'objet de foi. Cette foi s'exprime à travers
les divers éléments qui constituent la religion, rites, mythes,
traditions, et c'est à travers cela qu'une foi s'exprime, se transmet
de génération en génération, se perpétue ; et c'est aussi cette
tradition, cette religion qui forme les personnes qui y naissent
ou qui y entrent. C'est en naissant dans une culture ou en entrant
dans une culture que graduellement
on est amené à vivre un type d'expérience humaine. Et cela, on
pourra le transposer dans le domaine de la formation monastique
: c'est en vivant la vie monastique que graduellement on est conduit
à l'expérience spirituelle proprement monastique. Il n'y a pas
d'autre façon. Il y a entre ces trois
niveaux une hiérarchie bien que ces trois niveaux soient nécessaires
:1 'expérience est évidemment le niveau le plus essentiel et
le plus important. Et, en liturgie, c'est très important parce
que la liturgie se situe, dans son mode d'expression, au second
niveau ; mais ce qui est important dans la liturgie, ce n'est
pas la façon dont on célèbre, c'est CE qu'on célèbre : et ce que
l'on célèbre se trouve
dans la première colonne, c'est l'expérience de Dieu: Et souvent,
dans nos efforts de réforme ou d'adaptation de la liturgie, on
se préoccupe beaucoup de la modalité et on peut oublier parfois
la réalité qu'on célèbre. Ce qui a été un peu
le drame de l'évangélisation de l'Afrique, c'est que, à l'époque
où le christianisme n'était pas
en très grande santé dans les pays d'où provenaient les
missionnaires, une époque de juridisme et de ritualisme, très
souvent comme on était peu nombreux, on arrivait dans les villages,
on baptisait ; or ces peuples-là étaient profondément religieux
- ils avaient leurs traditions, leurs mythes, leur rituel - et
on leur dit : vos traditions ne sont pas les bonnes, nous avons
les bonnes ; vos rites ne sont pas les bons, nous avons les bons,
etc... nous allons remplacer tout cela, mais, très souvent, on n'a
eu ni le temps, ni la préoccupation de conduire à une expérience
personnelle profonde et de conduire à une prière personnelle,
contemplative. Je puis croire tout ce qu'enseigne l'Église, je
puis pratiquer tous les sacrements, je puis observer toutes les
règles, si je n'ai pas une relation personnelle profonde avec
le Christ dans la prière, je n'ai pas la foi. Je pratique la religion
mais je n'ai pas la foi si je n'ai pas une relation personnelle.
Ce n'est pas une question de croire à un certain nombre de choses,
même si la foi doit s'exprimer à travers une religion que je n'ai
pas inventée, donc que je dois recevoir. L'expérience fondatrice
du christianisme, c'est l'expérience de Jésus-Christ. Dans l'Évangile,
Jésus-Christ ne se présente pas comme une
grand professeur, un grand théologien ; il ne nous fait pas de
grandes théories sur son Père ou sur le Royaume ; il nous parle
essentiellement de son expérience ; son expérience c'est d'être
le Fils du Père ; il nous dit qu'il a avec le Père une relation
d'amour qui est l'Esprit Saint ; et il nous invite à vivre la
même expérience ; ça, c'est l'expérience fondatrice du christianisme. A l'origine
d'autres grandes religions, - par exemple le bouddhisme, après
l'expérience très profonde qu'a fait le Bouddha, - à l'origine
de toute culture, il y a une expérience, qui n'est pas une expérience
qui s'est faite en un moment ; mais un peuple, un groupe humain
dans un contexte historique et géographique déterminé est arrivé
à exprimer, à verbaliser d'une certaine façon une conception de
sa vie, de sa relation avec les autres et c'est cette conception
de la vie qui se transmet à travers tous les éléments de ce qu'on
appelle une culture. Cette expérience est toujours partagée par
un groupe, se transmet à travers des traditions etc... Et on perçoit
déjà ici le lien entre religion et culture ; lorsque la foi se
vit concrètement, elle se vit avec d'autres personnes, donc elle
se vit dans un groupe humain, dans une société et elle s'exprime
à travers des éléments qui constituent graduellement une culture
ou elle modifie une culture existante. Et de même dans la culture,
l'élément principal, c'est l'expérience et donc l'expérience du
sens de la vie, du sens ultime qui est une dimension essentiellement
religieuse. Quelques éléments qui sont importants pour préciser la relation
entre foi et culture : Dans Gaudium et Spes, le document de Vatican
11 sur l'Église et le monde moderne, il y a un paragraphe qui
est très souvent cité comme une définition de la culture : le n° 53. Ce n'est pas une définition au
sens scientifique mais c'est une excellente description « C'est le propre de la personne humaine de ne pas pouvoir
atteindre un niveau de vie vraiment et pleinement humain si ce
n'est à travers la culture, c'est-à-dire en cultivant les biens
et les valeurs de la nature ; toutes les fois qu'il est question
de vie humaine, nature et culture sont aussi étroitement liées
que possible ». Nous avons déjà ici les deux notions de nature et de culture
et la relation entre les deux. La nature est ce qui est donné,
ce que l'on reçoit ; et la culture est quelque chose que les hommes
réalisent, créent en cultivant les biens et les valeurs de la
nature. On n'a pas de culture sans cultiver quelque chose. Tandis
que la nature signifie la création en tant qu'elle préexiste à
nous, humains, la culture est ce que l'être humain, au moyen de
son travail intellectuel, manuel, son influence, fabrique, à partir
de cette création. La culture est le milieu humanisé par l'activité
humaine. Deux concepts de culture, les deux façons d'approcher la
culture : le premier que l'on pourrait appeler classique, classico-humaniste,
(on possède de la culture, quelqu'un qui peut parler des grands
auteurs classiques, qui s'y entend en musique classique, etc...
). Le deuxième est le sens anthropologique et sociologique. L'histoire
du mot culture dans le premier sens a été décrit par un ouvrage
de Wilhem WUNDT, un allemand Culture
et histoire, il en fait l'étymologie : culture vient de
colere, cultiver en
latin, d'où dérive le mot cultus,
d'abord dans le sens de cultus
deorum et cultus agri ; on cultive les dieux et on
cultive le champ. Le mot cultus
est synonyme de cultura
mais cultura est plus tardif. Cultus agri s'est transformé ensuite en
cultura agri. A partir du Moyen Age tardif,
on s'est mis à parler de la cultura
mentis. Cicéron avait
déjà parlé de la cultura
animi : on doit cultiver son esprit : « cultura
animi philosopha est ». Et c'est dans cette foulée qu'à partir
de la Renaissance, on commencera à employer le mot culture dans
son sens classique et humaniste. Gaudium et Spes « Par le terme général de culture, nous entendons tout ce
par quoi l'homme affine et développe les multiples capacités de
son esprit et de son corps ; s'efforce de soumettre l'univers
par la connaissance et le travail ; humanise la vie sociale, aussi
bien la vie familiale que l'ensemble de la vie civile, grâce au
progrès des mœurs et des institutions ; traduit, communique et
conserve enfin dans ses œuvres, au cours des temps, les grandes
expériences spirituelles et les aspirations majeures de l'homme,
afin qu'elles servent au progrès d'un grand nombre et même de
tout le genre humain ». (n° 53 par. 2) Il
y a donc ici une énumération des divers biens que l'homme cultive,
à travers lesquels il élabore une culture : ce sont les biens
physiques, matériels, les biens de la terre. Ce sont les biens
de l'esprit, du coeur, de l'âme ; ce sont aussi les biens des
relations interpersonnelles. Et l'homme peut donner à tous ces
biens qu'il cultive, une permanence : à travers des œuvres, les
couvres d'art... Et c'est ici que ce nouveau concept de culture
- le concept sociologique - est plus riche que le concept traditionnel
parce qu'il englobe le concept traditionnel ; la culture au sens
classique n'est qu'une petite partie de la culture humaine ; c'est
un aspect important mais une partie seulement de la culture humaine. L'élaboration
des systèmes politiques, des systèmes économiques, des systèmes
sociaux, des oeuvres d'art, les conquêtes de la science... tout
cela fait partie de cette culture humaine, la technique comme
l'art. Et parce que c'est transmis de génération en génération,
on parle déjà de société. La culture ne peut pas en ce sens-ci
être la culture d'une personne ; c'est toujours la culture d'un
groupe ; et c'est ce qui donne l'identité au groupe : c'est un
complexe, un système de traditions, de codes et d'histoires qui
donne à un groupe son identité. Et quand quelqu'un entre dans
cette société ou naît dans une société, il est conduit à son identité
personnelle à travers l'intégration dans une identité commune. Le
texte de Gaudium et Spes continue
(n° 53 par. 3) « En conséquence, la culture présente nécessairement un aspect
historique et social ; en effet, à partir des différentes façons
d'utiliser les choses, de travailler, de s'exprimer, de pratiquer
la religion, et de former les coutumes, de faire des lois et de
créer des institutions juridiques, de développer les sciences
et les arts et de cultiver le beau, naissent les diverses conditions
de vie et les diverses façons d'organiser les biens de la vie
; ainsi se développe le contexte historiquement défini dans lequel
tout homme de quelque origine ou époque s'insère et par quoi on
atteint aux biens qui permettent de promouvoir la civilisation
» ; et
un peu plus loin, on mentionne que, dans ce sens, la pluralité
des cultures est une dimension essentielle du concept de culture.
Il n'y a pas de culture au sens sociologique sans pluralité des
cultures ; et c'est une richesse. (cf. n° 54) Jean
Paul II parie constamment d'inculturation, de culture et il y
a un texte de base : en 1980, il a fait un discours à l'UNESCO
sur la culture, la première année de son pontificat, et dans ce
discours, il donne d'une façon très avouée, son concept de culture.
Ce concept éclaire tout ce qu'il a dit depuis. Pour comprendre
ce qu'il dit, il faut retourner à ce texte-là où il décrit -
la culture comme caractéristique de l'être humain par rapport
à l'animal et au monde matériel, - et ensuite, la culture comme caractéristique d'une société
déterminée, dans un groupe déterminé. (Cf. DC 1788, 15.06.80,
n° 6 et 59, page 604...). Il
insiste beaucoup sur cette idée que la pluralité est une dimension
essentielle du concept de culture et que chaque culture est le
bien commun de toute l'humanité. La culture
n'appartient pas à ceux qui y sont présentement mais appartient
à toute l'humanité ; et donc toute l'humanité a le droit de s'y
abreuver, mais aussi a le devoir de la protéger. Ainsi toutes
les cultures qui existent, nous en avons la responsabilité. C'est
une conception que Jean Paul II a dans d'autres domaines aussi,
par exemple lorsqu'il dit que le charisme d'un ordre religieux
n'appartient pas à cet ordre mais appartient à toute l'Église,
au Peuple de Dieu ; et tout le Peuple de Dieu a un droit de regard
sur l'évolution du charisme ; ce ne sont pas les quelques personnes
qui vivent selon ce charisme qui peuvent faire ce qu'elles veulent
avec ce charisme ; il appartient à l'ensemble du Peuple de Dieu.
Ceci n'est pas étranger au concept de culture. L'homme est un être
social et son caractère social se réalise dans une pluralité de
sociétés ; chaque forme de vie sociale a une complexité qui lui
est propre en relation et en subordination avec les autres sociétés.
On peut donc dire que chaque société possède sa propre culture,
c'est-à-dire son propre système de significations, de croyances,
de symboles etc... La culture, c'est l'univers humanisé que se
constitue un groupe déterminé, consciemment ou inconsciemment
; c'est sa représentation propre du passé, son projet d'avenir,
ses institutions et ses créations typiques, ses habitudes, ses
croyances, ses comportements caractéristiques, sa manière originale
de travailler, de communiquer, de célébrer, de créer des techniques
et des œuvres révélatrices de son art et de ses valeurs ultimes
; on peut alors passer à d'autres niveaux du concept de culture
: il y a la culture d'un peuple mais aussi la culture propre à
un groupe déterminé, pourvu que ce groupe ait une certaine stabilité.
Donc, toute communauté, jouissant d'une certaine permanence, possède
une culture qui lui est propre ; c'est une sous-culture par rapport
à d'autres cultures plus larges dans lesquelles elle s'insère
; et il n'y a rien de péjoratif dans ce concept de sous-culture
; ainsi une nation, une région, une catégorie sociale déterminée
a sa culture : la culture des jeunes, la culture des travailleurs,
etc... La culture désigne leur manière caractéristique de se comporter,
de penser, de jouer, de percevoir les autres et de se percevoir.
Comment est né ce concept de culture
qui est maintenant utilisé de manière constante dans les documents
ecclésiastiques ? Quiconque réfléchit sur la situation sociale, à quelque
niveau que ce soit, doit utiliser et utilise les méthodes de l'analyse
culturelle. Ce concept de culture, concept sociologique, n'est
pas très ancien ; il a grandi avec l'évolution des sciences de
l'homme, en particulier les sciences historiques et l'anthropologie
qui n'est pas une science très vieille ; elle a environ un siècle. On
peut diviser l'anthropologie en deux grandes périodes *
une période qui commence au siècle passé jusque vers 1950. *
depuis 1950, une période assez distincte. Les anthropologues du siècle dernier, au moment où se développaient
les moyens de transport, allèrent visiter des groupements humains
qui étaient peu connus auparavant, qu'on pouvait examiner. Ils
ont découvert des groupes humains ayant des coutumes, des habitudes,
des mœurs sociales différentes des nôtres. Le premier qui a écrit
quelque chose qui soit demeuré un classique du genre, c'est Vincent
TYLOR dans son livre Primitive Culture. Ce livre contient une définition de la culture qui est tout
à fait dépassée mais qui est aussi constamment citée comme classique
: « la culture ou la civilisation, c'est cet ensemble complexe
qui comprend le savoir, les croyances, l'art, l'éthique, les droits,
les coutumes et toutes les autres aptitudes acquises par l'homme
comme membre d'une société ». Ceci est écrit en 1871. En
1952 : on analyse toutes les définitions de la culture données
jusqu'à ce moment-là : il y en a 164. Ce qui explique cette grande
variété, c'est que, jusqu'à ce moment-là, l'approche était purement
phénoménologique : on décrivait les cultures, les comportements
que l'on voyait. Chacun pouvait les décrire, les regrouper à sa
façon et les interpréter. Et de cette approche purement anthropologique,
une des meilleures expressions est l'ouvrage du grand anthropologue
Mircéa ÉLIADE. Dans son collège, à Chicago,
s'est développée une école que l'on appelle « l'anthropologie
culturelle ». Cette école a élaboré un certain nombre de notions
qui sont assez différentes des notions antérieures, purement phénoménologiques.
Cette école, au lieu de donner une simple compilation et description
des diverses cultures humaines, essaie de les comprendre en les
percevant dans chaque cas comme un ensemble à la fois intérieur
et extérieur où toutes les coutumes, les pratiques, les institutions,
sont perçues comme l'expression d'une finalité, d'un sens donné
à l'existence humaine. C'est toujours un complexe vu dans son
ensemble et en relation avec une vision, une perception, une expérience
humaine. Dans
les définitions de la culture données à partir de ce moment-là,
ii y a toujours deux éléments essentiels : *
la dimension symbolique : les comportements comme symbole de quelque
chose. *
et la dimension de sens, « meaning » (signification). C'est
cela qui est l'élément essentiel : la signification. Si on analyse
les diverses traditions culturelles, on y retrouve un grand nombre
de symboles ou de gestes symboliques. Tout cet ensemble exprime
une conception de la vie, une conception de l'existence humaine,
du monde, des relations interpersonnelles, des relations avec
la divinité. Ce ne sont pas des gestes extérieurs ni les symboles
mêmes qui constituent le cœur d'une culture, puisque les mêmes
gestes peuvent signifier des choses absolument différentes dans
les cultures
différentes. Ce qui est essentiel à une culture, c'est la conception
de la vie, le sens de la vie exprimé par ces symboles ; et cette
distinction est importante parce qu'elle nous permet de comprendre
qu'une société peut subir des changements dans ses coutumes extérieures
- ce qui arrive à toute culture - sans perdre pour autant son
âme. II
y a trois niveaux dans une culture * le niveau de l'expérience, le sens de la vie que se donne
graduellement un groupe humain, qui s'exprime à travers *
le niveau des traditions, des symboles et finalement des comportements. * Le niveau des philosophies pour s'expliquer à soi-même.
Ce niveau-là n'est pas essentiel mais il est indispensable. Supposons que j'aille dans un pays étranger, une culture
très différente de la mienne, où j'arrive pour la première fois
: tout d'abord, je perçois des comportements extérieurs qui sont
différents des miens - une façon différente de manger, (avec des
baguettes !), de s'habiller, de parler, de saluer, etc... - Je
puis assister à des rites d'initiation, des rites de mariage,
de funérailles, et je suis incapable de savoir ce que signifie
tel ou tel symbole utilisé dans ces rites-là parce que c'est le
groupe qui se Test donné, ce symbole. Si quelqu’un de ce groupe
ou quelqu'un qui y vit depuis longtemps m'initie, peut me faire
comprendre, je peux comprendre ; mais il faut que quelqu'un me
le dise, je ne peux pas le deviner. Nous avons déjà deux niveaux,
le niveau des comportements visibles, des phénomènes et le niveau
symbolique ; mais en-dessous de, tout cela il y a un autre niveau
immensément plus important : l'ensemble de conceptions de ce groupe
culturel concernant la vie, l'existence humaine dans le monde
; et c'est cet ensemble de conceptions qu'un groupe maintient,
développe et transmet parfois inconsciemment, à travers sa façon
de vivre, ses coutumes, ses traditions, ses rites... Encore une
fois, c'est là l'essentiel. Les coutumes extérieures de n'importe quelle culture sont sans
cesse en évolution, parfois si lentement qu'on n'a pas l'impression
qu'elles évoluent, parfois si rapidement que cela déconcerte les
personnes qui n'ont pas une grande facilité pour faire face aux
changements, et toute culture évolue au contact des autres cultures.
C'est important surtout à notre époque de rencontres massives
des cultures. Si on étudie les grandes cultures de l'humanité
qui ont perduré pendant des siècles, on se rend compte que chaque
fois qu'une de ces cultures a atteint un âge d'or ou un moment
de développement exceptionnel, c'est quand elle a été mise en
contact, même d'une façon brutale, avec une autre grande culture. Dans la réalité globale
qu'on appelle une culture, on peut discerner trois niveaux * Le niveau des valeurs
ou de l'expérience ou de la foi. Une certaine échelle déterminée
de valeurs et d'éléments essentiels y fait l'identité d'une collectivité
au point qu'on est normalement obligé de s'y plier, de s'y soumettre
sous peine d'exclusion du groupe. * Le niveau des institutions
qui correspondent à cette échelle des valeurs et qui comporte
les coutumes, les habitudes, les rites ,
à ce niveau-là il y a toujours une évolution. L'évolution peut
être très importante sans que la culture perde son identité et
son âme. * Le niveau
des expressions plus superficielles, de comportements extérieurs,
qui évoluent beaucoup. Et le fait par exemple qu'un élément extérieur
passe d'une culture à l'autre ne veut pas dire que
cette culture a influencé l'autre. Le fait que, actuellement,
le mot « Sony » ou le mot « Toshiba » se trouve à travers tout
le monde ne veut pas dire que la culture japonaise est partout.
Même chose pour Coca-Cola ou Pepsi-Cola... Ce sont
des coutumes bonnes ou mauvaises, des comportements bons ou mauvais
qui ont été adoptés d'une façon globale. Ce n'est pas une influence
culturelle, ce n'est pas vraiment culturel. Au niveau profond,
ce sont des comportements, qui graduellement peuvent amener à
une évolution de la pensée mais pas automatiquement. Une culture est donc
à la fois une richesse et une limitation. Chaque culture n'a qu'une
perception limitée de l'existence humaine. La culture est à la
fois universelle et particulière ; c'est pourquoi la rencontre
des cultures et le dialogue interculturel sont des choses si importantes.
On s'enrichit toujours au contact des autres cultures ; à moins
de percevoir que notre culture a tout et que les autres sont inférieures,
ce qui est la tentation de toutes les cultures... Le point de
référence est : « est-ce qu'ils sont comme nous ? ». On se prend
pour la norme ; c'est la tentation éternelle. Et parfois, on le
fait d'une façon très naïve... Question d'un membre d'une communauté
française : « Est-ce qu'on a traduit en anglais la TOB ? » C'est
typique, la TOB, c'est ce que nous utilisons. Est-ce que les autres
ont été assez intelligents pour la traduire dans leur langue ?
On ne fait pas référence au texte hébraïque, on fait référence
à ce qui nous sert à nous... Le niveau fondamental,
c'est le niveau des valeurs. On peut élaborer un grand nombre
de valeurs, mais on va surtout parler de la valeur de religion.
En plus de sa conscience d'exister, d'être, l'homme se trouve
confronté à des exigences et à des devoirs qui sont les projections
idéales qu'il perçoit comme devant être une vie humaine bien vécue
; ce sont les valeurs. Chaque culture se distingue par son appréciation
de certaines réalités. On donne une valeur à une réalité ; c'est
nous qui créons les valeurs. L'appréciation, ce sont les priorités
que nous mettons entre les réalités objectives. Au cœur de toute culture
se retrouve une anthropologie qui la détermine par ses éléments
fondamentaux : ce sont les valeurs qui orientent les choix fondamentaux
du comportement personnel et communautaire. Admettre l'influence
plus prépondérante qu'assument les valeurs dans la cohésion d'un
peuple veut dire qu'en fin de compte, il y a une culture distincte
parce qu'il y a un groupe partageant la même échelle de valeurs.
Et l'une des valeurs que l'on retrouve dans toutes les cultures,
c'est la religion. Je dis toutes les cultures parce que le socialisme
athée ou l'athéisme contemporain, dans l'histoire de l'humanité,
sont une sorte d'exception. Et en fait, ce n'est pas une exception
parce qu'il s'est constitué en religion. Le socialisme a pris
le même rôle qu'avait la religion. Pour traiter cette question
à fond, il y aurait un grand nombre de distinctions à faire, par
exemple distinguer entre religion et religiosité, entre comportements
religieux et appartenance à un groupe religieux. Je peux dire
que je n'ai pas de religion, cela ne veut dire que je n'ai pas
un comportement religieux. Un bon nombre d'auteurs - théologiens ou philosophes - soutient,
quoique avec des nuances très diverses, que la religion et la
culture sont inséparables et que la religion est en fait le constitutif
ultime de la culture. On pourrait aligner ici mais avec des nuances,
BERGSON,
BLONDEL, MARITAIN, William JAMES, SCHELER..., parmi les anthropologues
ÉLIADE, parmi les théologiens non catholiques
Paul TILLICH qui dit : a
La religion en tant que préoccupation
ultime est la substance qui confère son sens à la culture ; et
la culture est la totalité des formes dans lesquelles l'intérêt
fondamental de la religion s'exprime. En résumé, la religion est
la substance de la culture et la culture est la forme de la religion
». La religion est un fait culturel ; la
culture est un fait religieux ; la relation entre les deux. 1) La religion est un fait culturel : Cela ne veut pas dire qu'elle est uniquement un fait culturel...
Elle est d'abord une foi, donc quelque chose qui est reçu ; mais
elle a toujours une dimension culturelle ; même les religions
qui se considèrent comme supra-culturelles, ou transculturelles
- c'est le cas du christianisme : non pas lié à aucune culture,
du moins en principe, déterminée, - constituent
un fait culturel à travers leurs institutions et leurs incarnations
concrètes dans la société... Même dans le cas des religions qui se considèrent comme directement
inspirées par Dieu - c'est le cas du christianisme - le langage
divin n'aurait aucun sens s'il n'était aussi un langage humain,
intelligible aux hommes, au moins d'une époque et d'un milieu
; ainsi Dieu parle à travers un langage humain qui est culturel,
qui est propre à une culture déterminée et qui doit être ensuite
traduit dans les autres cultures. Donc c'est un fait culturel. 2) La culture est un fait religieux : Si on excluait de la culture le fait religieux, c'est-à-dire
la dimension du sens ultime de l'être, sa prétention de fournir
le terreau dans lequel l'homme puisse développer toutes ses possibilités
et arriver à sa fin ultime, la culture cesserait d'être culture
et deviendrait un simple ensemble de comportements qui amèneraient
à ce qu'il faut faire immédiatement. Si on vit l'immédiateté,
on renonce à la culture. La culture est ce qui nous conduit à
cette fin ultime et cette fin ultime
est la dimension religieuse. La culture a dans son essence même
une dimension religieuse ; elle est un fait religieux. 3)
Et donc la troisième thèse sera celle-ci : La
culture fournit à la religion son langage - langage au sens
très, très large - et la religion fournit à la culture son contenu
ultime. Le fait religieux ne pourrit s'exprimer - et même l'expérience
religieuse ne pourrait être vécue - si elle ne trouvait un langage
adéquat que lui fournit la culture d'un temps et d'un lieu. Mais
en même temps, la culture humaine n'est rien d'autre que la cristallisation
des efforts faits par l'homme pour arriver à sa fin ultime. On
peut alors se poser la question : quelle est la relation entre
culture et christianisme ? Peut-on parler de culture chrétienne
? Il
n'y a pas de foi sans expression religieuse et donc il n'y a pas
de foi sans expression culturelle. Toute foi, pour devenir la
vie de l'homme, a besoin de médiations culturelles, ce par quoi
elle s'exprime. La médiation culturelle n'est pas quelque chose
d'étranger à la foi, de l’ordre d'une simple méthode ; elle est
dimension constitutive de la foi elle-même ; pas de vraie foi
qui ne s'exprime à travers le vécu ; la foi chrétienne pénètre
toutes les activités de l'homme. Mais les valeurs de la foi chrétienne
qui se présentent comme toutes les valeurs spirituelles et morales
avec un caractère d'universalité et d'absolu, ont besoin d'être
traduites, concrétisées et expliquées pour pouvoir mordre sur
la réalité et devenir opérationnelles dans une société concrète,
et une époque concrète. La foi sans médiation historique des diverses
cultures ne peut être ni comprise ni vécue ; même si elle est
indépendante de toute culture déterminée, et si elle transcende
toutes les cultures, la foi ne peut être vécue ni même conçue
que dans une culture déterminée. Aucune
incarnation culturelle ne réalise toutes les possibilités de la
foi. Toute culture est limitée, et surtout, aucune expression
culturelle ne s'identifie au contenu de la foi et à son message.
Il est très important de faire la distinction entre foi chrétienne
et culture chrétienne. La
foi chrétienne se transmet à travers les expressions diverses
de la culture chrétienne. Il n'y a pas une culture chrétienne
qui serait parallèle aux autres cultures humaines ; non ! ce
qui existe, ce sont des cultures humaines christianisées, plus
ou moins christianisées ou en voie d'être christianisées. Il n'existe
pas une culture chrétienne ; il existe des cultures christianisées. Ce
fut le drame de l'évangélisation : à ce moment-là, on croyait qu'il y avait une culture chrétienne et qu'on
rendait un très grand service aux peuples des autres continents,
en leur apportant cette culture chrétienne; ce qui voulait dire
éliminer leur culture, remplacer leur culture par la culture chrétienne.
C'est une erreur monumentale ! Toute culture
a besoin d'être évangélisée à chacune de ses étapes d'évolution et
toute culture est capable d'être évangélisée. Et c'est la notion
de « nouvelle évangélisation » sur laquelle Jean-Paul II revient
constamment. Si vous lisez bien ses textes, lorsqu'il parle de
nouvelle évangélisation, son attitude n'est pas de dire que la
première évangélisation n'a pas été adéquate ou qu'elle ne fonctionne
plus, mais de dire que l'évangélisation, c'est la rencontre de
l'Évangile et de la culture ; et donc toutes les cultures sont
en évolution et une évolution toujours plus rapide ; donc chaque
fois qu'une culture a évolué, elle est nouvelle, elle a besoin
dans sa nouveauté d'être de nouveau confrontée avec l'Évangile
: et c'est cela qui est la nouvelle évangélisation : confrontation
nouvelle, renouvelée, constante, d'une culture en évolution avec
l'Evangile pour être convertie ; que les éléments nouveaux de
la culture soient eux aussi imprégnés de l'Évangile. Une bibliographie sérieuse sur la culture
fait aujourd'hui plus de mille titres... Ainsi que sur la relation entre culture
et christianisme... On
pourrait ramener les positions actuelles à trois propositions 1/ Une première
que l'on pourra baptiser et que l'on baptise - surtout dans les
milieux italiens, espagnols - la
culture de l'absence. Un petit peu en relation avec la théologie
apophatique. Par cette expression, on désigne la position de ceux
qui, tout en rejetant toute forme de séparation entre foi et culture,
affirment fortement leur autonomie réciproque et, partant de la
notion que Dieu est tout autre, concluent que la seule façon de
le rejoindre et d'en témoigner est la foi pure. On admet donc
que les chrétiens à titre individuel, doivent être un levain dans
la pâte mais on refuse la possibilité d'une incarnation du message
chrétien par quelques formes historiques de la culture humaine.
Évidemment, on risque alors de se réfugier dans une forme d'intimisme,
qui peut facilement devenir
indirectement une forme de complicité avec les structures sociales
antiévangéliques puisqu'on n'a pas à s'occuper de ces réalités-là. 2/ L'autre,
c'est ce que l'on appelle la
culture de la présence, celle d'une chrétienté qui s'offre
comme alternative à toutes les cultures. C'est ce qui fait dire
ceci : « La modernité a été une faillite ; grâce à Dieu, ces siècles
sont finis, nous sommes maintenant dans une nouvelle époque de
postmodernité et il faut reconstituer une nouvelle chrétienté
». 3/ Et la solution qui
me semble la bonne, c'est ce que j'appellerai la culture de la médiation : les valeurs chrétiennes et le message
chrétien sont transmis à travers les diverses cultures humaines
christianisées. C'est la seule façon d'évangéliser. Évangéliser
ne consiste pas à transmettre individuellement la foi mais consiste
à instaurer une « Église », une ecclesia, un groupe humain qui vit sa
foi et qui la vit à l'intérieur de sa culture, donc en laissant
transformer sa vie sociale par les valeurs évangéliques. A mon
avis, c'est la seule approche qui respecte parfaitement l'autonomie
et la complémentarité de la foi et de la culture. Cela
nous amène à la conception d' « inculturation » qui en fait n'est
pas différente du concept de nouvelle évangélisation. La
foi doit être inculturée dans toutes les cultures, pas uniquement
dans les autres cultures : mais à commencer par chacune des nôtres. Le
mot « inculturation » appartient au jargon ecclésiastique. Les
sociologues de métier ne citent pas le mot « inculturation ».
Ils emploient d'autres termes : acculturation, enculturation.
A l'origine de la réflexion dans l'Église sur l'inculturation,
le langage a été flou durant assez longtemps ; on utilisait un
mot pour l'autre. L'inculturation a une dimension théologique.
Lorsqu'on parle d'inculturation, on se situe au niveau théologique
; c'est un mot qui n'est utilisé que dans ce contexte-là, et lorsqu'on
parle d'inculturation on parle nécessairement d'inculturation
de la foi. C'est justement la relation de la foi chrétienne ou
du message chrétien avec les différentes cultures. L'enculturation
est le processus par lequel quelqu'un est inséré dans sa propre
culture : comment l'enfant est inséré dans sa culture, graduellement... On parle aussi d'acculturation,
ce qui signifie la rencontre avec une culture autre que la sienne,
le contact entre deux cultures différentes ; si je vais vivre
dans une culture différente de la mienne, il est sage de ma part
de m'habituer aux comportements extérieurs : manger comme on mange,
s'habiller comme on s'habille, etc... Çà, c'est l'acculturation.
Ce n'est pas encore du tout (inculturation. Au niveau liturgique,
adopter en Afrique par exemple le tam-tam, différentes formes
de vêtements liturgiques..., tout çà, c'est de (acculturation
aux coutumes locales. Cette acculturation est importante, mais
elle n'est pas l'inculturation. Le mot inculturation
est apparu la première fois en 1962 dans un article de P. MASSON de la Nouvelle Revue Théologique qui disait
qu'il est important d'avoir un catholicisme inculturé. La deuxième
fois, c'est 12 ans plus tard dans le compte-rendu de la réunion
des fédérations des Conférences Épiscopales d'Asie : on parle
d'inculturation du christianisme. A partir de ce moment-là, le
mot est devenu très populaire. Ce qui nous intéresse
vraiment, dans cette inculturation du christianisme, c'est cette
médiation culturelle de la foi, la culture servant de médiation
à la foi. C'est une autre manière de dire « inculturation ». Cela
montre bien que dans le processus d'inculturation, il y a rencontre
: rencontre entre le message évangélique et une culture déterminée
; avec un changement dans les deux : la culture se trouve enrichie
par ce que la foi chrétienne a à transmettre, et le christianisme
se trouve enrichi par une nouvelle expression de la perception
de la foi chrétienne... Petro
ROSANO, premier secrétaire du Secrétariat pour le dialogue interreligieux,
écrivait : « A la base de toutes les religions, il y a une dimension
personnelle et subjective de la religion. On ne peut rechercher
la religiosité en dehors de l'homme mais uniquement en lui ; il
s'agit d'un mode particulier d'être humain, une prise de position,
une attitude qui se répercute sur les objets les plus divers.
Ce n'est pas la réalité objective qui est religieuse, c'est l'attitude
de l'homme qui est religieuse. Le contenu objectif d'une religion
ne devient objet religieux que lorsque (homme l'accueille dans
la foi et l'amour et leur donne vie en sa personne... ». Novembre
1993 BRICQUEBEC
Dom
Armand VEILLEUX Viale
Africa 33 00144
ROMA N.B. : Cette conférence a été rédigée
à partir de l'enregistrement « sur le vif ». Sauf quelques ajustements
de style, nous avons jugé plus honnête de laisser à ce témoignage
son caractère « oral », donc peut-être plus rugueux, mais certainement
plus vivant. Par respect aussi pour son auteur ! La
rédaction. |
|
|||||