Écrits et conférences d'intérêt général



 

 

 
 

J’ai mal à mon Église

 

            Je suis fils de l’Église, qui m’a engendré à la communion avec Dieu et avec mes soeurs et mes frères en humanité. Elle est dans mes veines et dans mes os ; je n’y puis rien !  Mais aujourd’hui elle me fait mal – tout autant à cause de ce qu’elle se fait à elle-même et fait au monde qu’à cause de ce qui lui arrive du monde

            J’ai fait mes premières études de théologie durant les dernières années du pontificat de Pie XII à l’époque où les théologiens qui avaient reconnecté la pensée théologique avec la Bible et les Pères de l’Église étaient mis à l’écart. Et puis il y a eu Vatican II, que j’ai vécu sur place, à Rome, avec grande intensité.  

 

Une reconquête

Tous les grands textes de Vatican II ont été votés avec une quasi-unanimité.  Mais il y avait aussi au Concile une minorité que l’ouverture au monde d’aujourd’hui effrayait et qui gardait la nostalgie de la « chrétienté » médiévale.  Cette minorité ne comprenait pas qu’un Mgr. Lefebvre. Des évêques venus de derrière le rideau de fer, ayant lutté courageusement contre le communisme mais ayant été peu exposés au mouvement de renouveau s’y rattachaient aussi à des degrés divers.  Depuis lors cette minorité n’a cessé de reconquérir graduellement ce qu’elle avait « perdu » au Concile, que ce soit dans le domaine liturgique, dans celui du dialogue inter-religieux, ou dans celui de la pensée théologique. Cela fait mal.

            Il fut pénible de voir que les synodes de l’Église universelle ne devinrent jamais un exercice de collégialité – comme ils avaient été conçus -- mais des forums d’échange d’opinion, servant d’introduction à une exhortation papale publiée plusieurs mois plus tard.

            Il fut pénible de voir certaines conférences épiscopales comme celles de l’Amérique Latine mises au pas et graduellement reconfigurées dans une ligne romaine après avoir incarné d’une façon prophétique l’esprit du Concile.

 

Une crise fabriquée

            Mais cette Église que j’aime et qui me fait souffrir, souffre aussi et j’en souffre.  Elle est actuellement malmenée d’une façon injuste.  On lui a fabriqué de toutes pièces une crise de crédibilité. Oui, des prêtres et des religieux ont commis des actes de pédophilie, qui sont des crimes nullement excusables. Que des évêques et des supérieurs religieux ayant connu l’existence de ces faits n’aient pas toujours réagi comme cela semble évident aujourd’hui est triste.  Tout cela fait mal.

            Mais la « crise » actuelle dont ne cessent de parler les médias a été fabriquée en faisant tout à coup une grande publicité autour d’un nombre de situations datant souvent de plusieurs décennies, déjà connues pour la plupart et déjà sanctionnées par la justice dans plusieurs cas.  Si l’on considérait la profession de chacune des personnes actuellement en prison en Belgique ou ailleurs pour avoir commis des actes de pédophilie, il serait facile de créer avec la même méthode une « crise de crédibilité » identique autour de chacune des professions libérales de notre société.

            Il est pénible de voir un effort qui semble concerté de transformer en « problème d’Église » ce qui est un énorme problème de la société actuelle.  Tout aussi pénible est la tendance de certains médias à vouloir faire croire que tous les ecclésiastiques sont des pédophiles alors que ceux qui sont coupables de telles actions sont une infime minorité.

            Enfin on ne sait s’il faut s’attrister ou rire devant l’habile orchestration des « fuites », expliquées et corrigées vingt-quatre heures plus tard -- après leur publication dans la presse internationale -- lors de l’audition du Cardinal Danneels. Un vaudeville digne d’une forme primitive de laïcisme qui ne fait certes pas honneur à la justice belge.

 

Armand Veilleux