Les Laïcs associés à des monastères Cisterciens

 

et leur reconnaissance par l’OCSO

 

 

I - Rappel historique rapide

 

Origine

 

Il y a toujours eu des personnes laïques trouvant dans leur proximité avec un monastère de moines ou de moniales un support pour leur vie spirituelle.  Il y a souvent eu aussi des groupes de diverses natures rattachés à un monastère et se désignant par exemple comme « Les Amis » de telle communauté, ou encore des groupes se consacrant à l’étude et à la propagation de la culture ou de la tradition cistercienne.

 

Depuis un peu plus d’un quart de siècle un phénomène différent s’est manifesté et n’a cessé de croître.  Il s’agit de personnes laïques vivant une grande communion avec une communauté cistercienne et sentant l’appel à incarner dans leur vie de laïcs les valeurs essentielles de la spiritualité cistercienne.

 

La spiritualité cistercienne étant essentiellement cénobitique, ces laïcs se sont généralement constitués en groupes ou communautés de laïcs rattachés à une communauté monastique concrète.

 

 

Rencontres internationales

 

Ce mouvement a pris suffisamment d’ampleur pour que ces groupes de Laïcs Cisterciens organisent périodiquement des Rencontres Internationales pour partager leurs expériences et voir s’il était possible de recevoir une certaine reconnaissance officielle de la part des Ordres cisterciens.

 

Ce furent les rencontres de Quilvo au Chili (2000), de Conyers USA (2002), de La Grange de Clairvaux en France (2005), de Huerta en Espagne (2008) et maintenant de Dubuque,USA, en 2011.

 

 

Chapitres Généraux

 

L’existence de ces Laïcs cisterciens, de leur regroupement en communautés rattachées à divers monastères, et de leurs rencontres internationales périodiques a été mentionnée à presque tous les Chapitres Généraux de l’OCSO depuis 1984, et fut l’objet d’une étude plus approfondie en Commissions aux RGM de 1993 et 2008.  L’Ordre a toujours manifesté une attitude ouverte et sympathique à leur égard, sans toutefois vouloir légiférer à leur sujet, reconnaissant le droit et la responsabilité de chaque communauté de s’associer un tel groupe.

 

Quelques Laïcs cisterciens furent invités à la RGM de1993 et les membres du Steering Committee furent invités aux Chapitres de 2005 et 2008.  Un membre de l’Ordre fut désigné par les RGM de 2005 pour servir de liaison entre l’Ordre et ces groupes et il fut reconduit dans sa fonction par la RGM de 2008.

 

Tous ces gestes constituaient de façon évidente une reconnaissance officieuse de ce mouvement de la part de l’Ordre.

 

 

Huerta 2008

 

La rencontre internationale des Laïcs Cisterciens à Huerta en 2008 prit une importance particulière. Elle avait été préparée durant trois ans par une réflexion bien coordonnée au niveau des Régions ou des diverses parties de l’Ordre.  Les participants élaborèrent un important document intitulé « Identité cistercienne laïque » dans lequel ils donnaient une expression à leur identité cistercienne, décrivant les valeurs qu’ils désiraient vivre et qu’ils s’engageaient à vivre.  Ils exprimaient aussi le désir d’une certaine reconnaissance par l’Ordre Cistercien.

 

Dans un autre document intitulé Liens de charité, ils se constituèrent en une Association Internationale des Communautés de Laïcs Cisterciens.  Le but n’était évidemment pas de créer une sorte de Tiers Ordre cistercien, ni même de constituer une Asscociation internationale de Fidèles, qui pourrait ensuite demander à être reconnue par le Saint Siège.  Le but était simplement d’avoir une sorte d’existence permanente comme personne morale, les membres de chaque rencontre Internationale ne pouvant engager qu’eux-mêmes.  La constitution de cette Association permettait aussi à l’ensemble des Laïcs Cisterciens, en tant que personne morale, de dialoguer avec les diverses instances des Ordres cisterciens.

 

 

RGM 2008

 

Les membres du Steering Committee élu à la Rencontre de Huerta furent invités à la RGM de 2008 comme ils l’avaient été à celle de 2005. Ils y présentèrent le document sur l’Identité cistercienne laïque qui fut étudié par quatre commissions mixtes de la RGM).

 

Ces échanges aboutirent à un vote reconnaissant ce phénomène des Laïcs cisterciens comme une expression laïque du charisme cistercien.  (Je reviendrai dans quelques instants sur la portée de ce vote). Dans un deuxième vote, la RGM demandait aux Conférences Régionales de réfléchir sur le document présenté par les Laïcs cisterciens pour voir ce que l’Ordre pouvait assumer.

 

Toutes les Régions sauf une avaient pu faire cette réflexion avant la tenue des Commissions Centrales à Tilburg en 2010.  Celles-ci décidèrent de mettre la question au programme de la RGM de 2011 où elle sera traitée selon la procédure ordinaire, c’est-à-dire par quatre Commissions Mixtes.

 

Les Commissions Centrales m’ont demandé de préparer un document de sur le travail des régions à ce sujet.  Il s’agit du présent travail.

 

 

 

II – La RGM de 2008 et ses suites

 

Importance du vote 71

 

« Nous reconnaissons l’existence d’une expression laïque de notre charisme cistercien dans ce que vivent aujourd’hui les groupes de laïcs rattachés à plusieurs des monastères de notre Ordre » (Oui 132 ; Non 21 ; Ast 10).

 

On ne saurait assez insister sur l’importance et la portée de ce vote. Les Chapitres Généraux et les RGM depuis Holyoke (1983) avaient donné une reconnaissance indirecte et officieuse à ce mouvement.  En 2008, il s’agit d’une reconnaissance officielle et très claire.  Il importe de bien peser tous les éléments de la formulation de ce vote.

 

La reconnaissance porte sur des groupes, non sur des individus. Elle porte sur des groupes rattachés à des monastères de notre Ordre.  Cela évidemment n’implique aucun jugement de valeur sur ce qui peut être vécu par des individus non rattachés à un groupe quelconque, ou sur des groupes non rattachés à une communauté monastique.   Ce qui est limité c’est tout simplement l’ampleur du champ de la réalité sur laquelle l’Ordre peut se prononcer et sur laquelle il se prononce effectivement.  La RGM OCSO ne pouvait évidemment pas se prononcer sur les groupes rattachés à des monastères autres que ceux de notre Ordre.

 

Ce que la RGM, c’est-à-dire les deux Chapitres Généraux de Moniales et de Moines affirment dans ce vote va au-delà de tout ce que les promoteurs les plus ardents de ce mouvement auraient pu espérer.  La RGM affirme que « Nous reconnaissons l’existence d’une expression laïque de notre charisme cistercien dans ce que vivent [ces] groupes ».

 

Une telle approche présuppose une attitude qu’il importe de préciser.  Cette attitude, qu’on retrouve dans divers documents de l’Ordre depuis Vatican II, consiste à concevoir que le « charisme cistercien » est plus grand que l’ensemble des institutions cisterciennes officiellement reconnues.  Ce charisme n’appartient pas aux Ordres cisterciens, ni même à l’ensemble des moines et des moniales actuelles.  Comme tout charisme, il appartient  à l’Église, c’est-à dire à l’ensemble du Peuple de Dieu. Si Dieu a voulu susciter cette nouvelle expression du charisme cistercien, comme il en avait suscité plusieurs formes dans le passé, c’est notre responsabilité de le « reconnaître ».

 

Une fois que cette reconnaissance a été affirmée, la question qui s’ensuivait logiquement était : « Quelle attitude l’Ordre (et plus précisément les Chapitres Généraux qui affirmaient cette reconnaissance) devait-il prendre face à cette nouvelle expression ? ».  Les discussions faites en Commissions Mixtes de la RGM sur le document « Identité cistercienne laïque » n’arrivèrent à rien d’assez précis pour permettre à la Commission de Coordination de la RGM de formuler des votes à ce sujet.  On se contenta donc d’un vote (nº 72) demandant aux Régions de poursuivre l’étude de ce document « indiquant ce que nous pouvons assumer en tant qu’Ordre ».  Il faut reconnaître que ce dernier membre de phrase n’est pas d’une clarté évidente, et les Régions ne s’y sont guère attardées.

 

La position des Régions

 

Une bonne synthèse de la réflexion des Régions se trouve dans le Compte Rendu de la réunion des Commissions Centrales à Tilbourg en 2010.

 

Dans l’ensemble, les Régions prennent pour acquis le vote 71, même si toutes ne semblent pas en avoir perçu toute la portée. En tout cas, personne ne remet ce vote en cause.

 

Un certain nombre de Régions -- près de la moitié -- pensent qu’il faut s’en tenir à cette déclaration de 2008 et ne pas légiférer davantage.  Les autres pensent qu’il serait nécessaire ou opportun d’établir des critères pour la reconnaissance d’un groupe de Laïcs Cisterciens rattachés à une communauté monastique déterminée.  De toute façon, toutes les Régions soulèvent suffisamment de questions pour que les Commissions Centrales aient jugé bon de mettre cette question dans son ensemble (et non seulement tel ou tel aspect) au programme de la prochaine RGM (« Nous souhaitons mettre le sujet des Laïcs Cisterciens au programme de la RGM de 2011 »).

 

Dans ce qui suit j’essaierai de décrire, à partir des comptes rendus des réunions des Conférences Régionales, les questions qui se posent encore et auxquelles la RGM de 2011 devra s’efforcer de donner une réponse.

 

 

 

III – Questions et préoccupations

 

A) La question de l’identité cistercienne

 

Cette question avait été soulevée et longuement discutée à Huerta dans le cadre de la formulation du document « Identité laïque cistercienne ».  Dans le cadre de cette discussion il était devenu évident qu’il ne pouvait s’agit, pour qui que ce soit,  de « conférer » cette identité cistercienne à un groupe, mais simplement de la « reconnaître ».

 

Une ou l’autre région suggère qu’on ne parle plus de « laïcs cisterciens », mais d’Associés de tel ou tel monastère. À cela on peut répondre que la RGM de 2008 est déjà allée au-delà de cette problématique, en reconnaissant explicitement le caractère cistercien de ce que vivent ces groupes.

 

Comme la RGM parle explicitement de groupes rattachés à une communauté monastique, l’appartenance à un groupe et le lien à une communauté monastique semblent essentiels dans cette reconnaissance.

 

 

Le rôle de la communauté monastique

 

Tout ce qui s’est dit au Chapitre Général, dans les discussions en Commissions Mixtes aussi bien qu’en Assemblée Plénière semble aller dans la direction suivante : c’est à la Communauté monastique locale de reconnaître ou de ne pas reconnaître le caractère « cistercien » de ce que vit un groupe rattaché à la communauté.

 

L’Ordre est une communauté de communautés, au sein de laquelle les orientations importantes se prennent collégialement au sein du Chapitre Général.  Durant environ un quart de siècle l’Ordre a laissé le mouvement dit des Laïcs cisterciens évoluer librement, comptant sur l’attitude responsable de chaque communauté.  À partir du moment où l’Ordre, d’une façon officielle et collégiale, reconnaît le caractère cistercien de tels groupes, il est normal que l’Ordre établisse certains critères pour cette « reconnaissance » qu’il choisit d’assumer. C’est pourquoi plusieurs pensent que l’Ordre devrait au minimum établir quelques critères pour que cette reconnaissance faite par la communauté locale puisse être assumée par l’ensemble de l’Ordre.

 

Au minimum, l’intervention explicite du Supérieur au nom de la communauté est jugée nécessaire.  Dans cette perspective il ne suffit pas qu’un groupe se forme auprès d’un moine ou d’une moniale, même si c’est avec une sorte de consentement implicite du supérieur.  Il doit y avoir le minimum d’intervention requis pour qu’on puisse parler d’une reconnaissance faite par la communauté.

 

Certains pensent qu’un souci de justice aussi bien à l’égard de l’ensemble de la communauté monastique qu’à l’égard de la communauté laïque suggère qu’une telle reconnaissance officielle soit faite non par le supérieur seul mais par un vote du Chapitre conventuel.  D’une part cela assurerait que la décision ne soit pas prise sans un mûr examen et, d’autre part, cette décision communautaire ne pourrait pas être annulée facilement.

 

 

Les groupes non reconnus et les personnes isolées

 

Il est clair que la « reconnaissance » donnée par l’Ordre dans son vote 71 de la RGM de 2008 ne s’applique pas à des groupes de partage, de prière, etc. qui ne sont pas reliés à une communauté monastique précise et ne sont pas explicitement reconnus par elle.  Cette non-reconnaissance n’implique aucun jugement de valeur sur ce que vivent ces groupes. Il ne semble cependant pas légitime de leur part de s’attribuer eux-mêmes le titre de « cistercien ».

 

De même pour les personnes isolées qui vivent -- ou jugent vivre -- la spiritualité cistercienne, même dans une union étroite avec des moines ou des moniales ou avec une communauté.  Ce qu’ils vivent relève plutôt de l’oblature.  L’oblature est une appartenance essentiellement individuelle, même si plusieurs oblats d’un monastère peuvent se réunir pour des exercices communs.  La réalité reconnue par la RGM de 2008 est une réalité essentiellement communautaire.

 

Quelques questions annexes

 

Responsabilité : L’une ou l’autre région a dit que l’Ordre comme tel ne devrait pas assumer de responsabilité face au mouvement des Laïcs Cisterciens.  À cela on peut répondre qu’en invitant des représentants des Laïcs Cisterciens aux réunions de la RGM et surtout à travers le vote 71 de la dernière RGM, l’Ordre a déjà assumé sa responsabilité à leur égard.  Il ne pourrait y renoncer qu’en revenant en arrière sur cette décision. Serait-ce responsable ?

 

Famille cistercienne : Une région demande qu’on ne reconnaisse pas les Laïcs Cisterciens comme appartenant à la Famille Cistercienne.  À ce sujet il convient de préciser que la notion de « Famille Cistercienne », n’est pas une notion ayant une portée juridique. C’est  simplement  une belle expression pour désigner dans leur ensemble tous les Ordres ou Congrégations ou autres institutions dans lesquelles s’incarne la Tradition et la Spiritualité cistercienne.  Le bienheureux Jean-Paul II a lui-même parlé des Laïcs cisterciens comme appartenant à la famille cistercienne, dans son message à la Famille Cistercienne en 1998.

 

 

La question de l’Association

 

Au fil des années les Laïcs Cisterciens ont tenu des rencontres, comme je l’ai dit plus haut.  À chacune de ces rencontres les participants présents ne pouvaient parler qu’en leur nom propre et au nom de leurs groupes respectifs.  Même si on élisait une équipe pour préparer la réunion suivante, le groupe qui les avait élus cessait d’exister à la fin de la réunion et cette équipe n’avait aucune personne morale à qui rendre compte de son travail.  Même le Steering Committee élu à réunion de La Grange en 2005, à la suggestion de Dom Bernardo Olivera, ne représentait aucune personne morale. À Huerta, les participants décidèrent de se constituer, à titre expérimental, en une Association Internationale des Communautés de Laïcs Cisterciens. Cette Association n’est pas une Association internationale de Fidèloes au sens canonique, qui serait approuvée par Rome et qui serait une branche laïque autonome par rapport au Chapitre des Abbés et à celui des Abbesses.  Il est simplement une structure organisationnelle que les groupes existants se donnent pour gérer leur communication entre eux et avec l’Ordre.

 

Conclusion

 

Lors des prochains Chapitres Généraux, ou de la RGM d’Assise 2011, l’Ordre Cistercien de la Stricte Observance devra :

 

1) prendre pour acquis qu’il a déjà reconnu les groupes de laïcs cisterciens rattachés à des communautés de l’Ordre comme une nouvelle expression du charisme cistercien.  Personne n’a suggéré de remettre en cause cette décision de 2008.

 

2) confirmer qu’il n’étend cette reconnaissance qu’aux groupes (et non aux individus) clairement rattachés à une communauté  locale, à moins qu’il ne veuille décider autrement sur ce point qui ne fait pas l’unanimité.

 

3) décider s’il veut établir des critères ou des conditions qui devront être appliqués pour qu’une communauté de Laïcs Cisterciens puisse être effectivement considérée comme étant réellement rattachée à une communauté monastique.

 

4) décider s’il veut reconnaître l’Association des communautés de Laïcs cisterciens et la Commission de Coordination (Steering Committee) comme son interlocuteur en tout ce qui concerne les relations entre les Laïcs Cisterciens et l’OCSO

 

5) décider s’il désire de nouveau élire un membre de l’Ordre comme lien entre l’Ordre et les Laïcs Cisterciens.

 

 

 

Armand VEILLEUX