Écrits et conférences d'intérêt général



 

 

 
 

 

La joie de croire 

           

            À la fin de la prière commune du matin et du soir à l’abbaye de Scourmont, nous chantons chaque jour une antienne à la Vierge Marie.  L’un de ces chants se termine par la demande suivante : « Réveille en nous la joie de croire dans la nuit ». Cette mention de la joie de croire prend tout son sens durant le temps pascal, qui célèbre le mystère de la vie, de la mort et de la résurrection de Jésus-Christ, source de vrai bonheur. La foi en Dieu est une source de joie ; et toute forme de religion ou de religiosité qui tue ou diminue la joie, est une fausse religiosité, opposée à la foi. 

 

            Dans l’Évangile de saint Matthieu la prédication de Jésus commence par la proclamation des béatitudes, une longue série de sources du vrai bonheur.  Heureux les pauvres de cœur, les cœurs purs, ceux qui sont assoiffés de justice, les artisans de paix.

 

            Et au cours du dernier repas qu’il prend avec ses disciples, Jésus leur révèle le mystère de l’amour qui l’unit à son Père et, après les avoir invités à demeurer dans cet amour et aussi à s’aimer les uns les autres, il ajoute : « Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite ».

 

            Bien des événements en nous ou autour de nous peuvent obscurcir cette joie. C’est pourquoi notre joie de croire a besoin d’être constamment ravivée. Dans la vie spirituelle comme dans la nature, il y a en général une alternance de jours et de nuits, de moments quand tout est clair et de moments quand tout devient obscur.  Cela vaut du cheminement du Monde et de l’Église aussi bien que du cheminement de chaque personne.  La foi aide à conserver une joie profonde même au milieu de ténèbres et parfois de souffrances, tout comme Jésus parlait à ses disciples de la joie parfaite au moment même où il entrait dans les ténèbres de sa propre Passion.

 

            Cette alternance entre lumière et ténèbres varie évidemment selon les personnes et aussi selon les époques.  Les grands mystiques de toutes les traditions religieuses se répartissent en deux catégories : les mystiques de la lumière et ceux des ténèbres. Il semble que, de nos jours, les vrais mystiques (comme Mgr. Romero, Elder Camara, Mère Teresa, Jean Vanier, etc.) sont particulièrement proches de la misère et de la souffrance humaines.

 

            Au niveau mondial la situation est particulièrement noire depuis quelques années, et, plus récemment, nous connaissons une crise financière, qui a engendré une crise économique, laquelle est en train de provoquer à son tour une crise sociale.  Pour ne pas nous laisser aller au pessimisme et à la tristesse, la foi des croyants doit être sans cesse réveillée.  Celle-ci ne leur fait pas ignorer les drames de l’humanité, mais maintient en eux la joie de l’espérance qui leur permet de travailler, chacun pour sa petite part, à corriger ces situations afin que tous puissent vivre dans la joie.

 

            Au niveau ecclésial, certaines orientations des dernières années et particulièrement une série d’évènements récents, ont de quoi attrister et peut-être décourager ceux qui avaient beaucoup espéré du grand Souffle qui avait animé Vatican II.  Mais là aussi une foi authentique nous permet de percevoir le caractère relatif de toutes ces situations et de trouver malgré celles-ci une joie profonde dans notre relation avec la personne de Jésus. Seule cette joie peut permettre à l’Esprit, qui a animé l´Église depuis ses débuts, de continuer son œuvre à travers la foi et l’espérance de chaque croyant.

 

 

Armand Veilleux

 

dans L'Appel, mai 2009, nº 317, p. 20.