Écrits et conférences d'intérêt général



(Dernière mise à jour le 2 octobre 2008)

 

 

 
 

 

 

Jésus et les foules [1]

 

Jésus n’avait pas un très bon sens d’organisation. 

           

            Il n’a pas su gérer les foules qui l’ont suivi.  Il avait plutôt tendance à les fuir, surtout lorsqu’elles voulaient le couronner roi.  Il savait bien qu’un jour elles crieraient : « Hosanna au Fils de David » et, le lendemain : « Crucifie-le ». C’étaient les personnes, non les foules, qui l’intéressaient. 

 

            Plusieurs disciples – hommes et femmes -- le suivirent.  Un jour il les envoya deux par deux faire ce qu’ils lui avaient vu faire : chasser les démons, guérir les malades et annoncer la Bonne Nouvelle.  Aussi simple que cela -- sans aucun manuel d’instructions. 

 

            Parmi ces disciples, il en a choisi douze. Pas facile de voir selon quels critères il les a choisis.  Il les rencontre et leur dit : « Viens, suis-moi ». Et ils le suivent.  C’était un groupe assez bigarré. Plus le temps avançait, plus ils se chamaillaient pour savoir lequel d’entre eux serait le plus grand dans son royaume. L’un finira par le vendre. 

           

            Il ne leur légua pas une structure.  Simplement une foi -- qu’il leur demanda de propager.  À l’un d’entre eux, Pierre, au moment même où il lui prédisait qu’il renierait son maître, il donna la mission de confirmer ses frères dans la foi.  Mission énorme, mais sans grand détails sur la façon de faire.  Ici non plus, pas de manuel d’instructions.

 

           Pas surprenant qu’après sa mort les choses ont été assez confuses dans les débuts.  Les Apôtres, confrontés à un problème de veuves et de tables à servir, instaurèrent  les diacres pour servir les tables, afin de se garder libres pour l’annonce de la bonne nouvelle.  Mais, en fait,  ces diacres se mirent tout de suite à prêcher eux-mêmes la bonne nouvelle. Ce qui les conduisit bientôt au martyre.

 

            Plus on en tuait, plus ils étaient nombreux à embrasser cette foi en Jésus de Nazareth et à la transmettre à d’autres.  Il ne faut pas oublier qu’il y eut ce Paul, qui a dû être franchement embêtant pour les Douze.  En tout cas, ceux-ci ont vite compris qu’il fallait le laisser faire, d’autant plus qu’il consacrait toute son énergie à répandre la foi à toutes les nations – ce que Jésus leur avait demandé de faire.  Des structures se mirent en place. Très tôt il y eut des communautés de croyants dans les villes de Palestine  et dans tout l’Empire romain.

 

            Heureusement il y eut Constantin, qui reconnut la religion chrétienne comme religion de son empire.  L’Église profita alors de l’organisation mise en place depuis des siècles par les empereurs.  Elle aura ses diocèses, ses paroisses, sa curie.  L’empereur utilisera son autorité pour convoquer lui-même le premier Concile œcuménique, puis une fois qu’elle s’y est fait la main, l’Église convoquera elle-même ses propres Conciles. 

 

            Cela a très bien fonctionné durant des siècles, même si, au long de la route, on a perdu d’abord les Orientaux, puis les Protestants, puis les Anglicans.  Ensuite on a perdu les ouvriers et la classe intellectuelle.  Finalement, en Occident, l’Église est redevenue un tout petit troupeau, comme au début.  Mais quelle organisation ! On a des diocèses, des archidiocèses, des provinces ecclésiastiques, des paroisses, des doyennés, des rencontres diocésaines et même mondiales, et j’en passe.  Le petit problème est qu’en beaucoup d’endroits nous ne sommes presque plus assez nombreux pour faire fonctionner les structures en place.

 

            Et si on essayait de retourner à la simplicité des origines ?  Je me demande ce qui pourrait en sortir.  Peut-être une nouvelle Pentecôte ?  C’est-à-dire que tous pourraient aller chacun de son côté crier sa foi à tout vent – sans peur. Qui sait ?

 

 

Armand Veilleux

 

 

           



[1] dans L'Appel, Septembre 2008, nº 309, p. 20.