Écrits et conférences d'intérêt général
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Un jardin de roses
Flannery O’Connor tient une place importante dans la littérature
américaine du
Dans
un de ses récits, elle raconte comment les femmes de son pays, victimes
d’oppressions de toutes sortes, de la part de leurs maîtres et souvent de leur
mari, et ployant sous le poids du travail et de la pauvreté, préservaient dans
leur vie un espace de sérénité et de santé psychologique, en entretenant toujours
avec beaucoup d’amour, dans un coin de leur propriété, un jardin de roses.
Ces
humbles et fortes femmes vivaient sans doute sans le savoir ce qu’un autre
grand poète de l’époque, T.S. Eliot, avait chanté dans son Four Quartets : « le moment dans le jardin de
roses », comme un moment d’éternité.
La
beauté qui sauvera le monde
Un siècle plus tôt, dans son roman L’Idiot, Dostoievsky avait fait proclamer par le prince Michtine que ce
serait la « beauté qui sauverait le
monde ». Et l’un des plus
grands évêques de notre époque, Carlo María Martini, alors qu’il était
archevêque de Milan, prit cette phrase comme thème de l’une de ses plus belles
lettres pastorales, en l’an 2000.
L’humanité vit des moments difficiles.
Alors qu’un développement extraordinaire de la technologie aurait dû apporter
prospérité à tous les peuples de la planète, la majorité des humains vivent encore
dans une pauvreté aussi grande que celle du Sud américain du temps de Flannery O’Connor.
Les maladies endémiques ne sont pas mieux contrôlées qu’il y a un siècle. Les
guerres multiplient sur tous les continents au même rythme où se raréfient les
réserves de pétrole. Tout cela engendre
des misères inouïes.
Les milliers de femmes violées dans
les guerres de l’Est du Congo ont vraiment besoin d’un jardin de roses pour
continuer à vivre, tout comme les victimes du sida partout en l’Afrique,
souvent sans accès aux médicaments. Dans
les grandes démocraties d’Occident où les ouvriers sont soudainement mis au
chômage par dizaines de milliers, beaucoup de familles ont grandement besoin de
jardins de roses.
Dans l’Église, où les turpitudes de certains
de ses membres sont mises à la lumière du jour, les victimes ont besoin d’un
jardin de roses. De même que ceux qui,
tout en ayant vécu une longue vie au service des pauvres et des petits dans l’intégrité
la plus totale, se voient assimilés en bloc par certains medias aux misérables
abuseurs.
Dans
cette même Église, beaucoup se sont appliqués avec toute leur énergie à faire
passer dans leur vie personnelle et dans celle de leurs communautés les
intuitions et les orientations de Vatican II. Eux aussi ont souvent besoin de
retourner à leur jardin de roses pour ne pas se laisser attrister par plus
d’une décision venue d’en haut.
Une
fleur au fusil
Quels sont ces jardins de roses ?
Il y a sans doute parmi nous ceux qui ont la chance d’avoir un véritable
jardin, fait de vraie terre, où ils peuvent eux-mêmes planter, arroser et voir
croître de vraies roses. Mais il existe
aussi des poètes, comme Colette Nys Mazure, qui offrent aux lecteurs des
bouquets de poèmes, que nous pouvons planter dans un coin secret du cœur. Il y a des artistes comme Barbara et Mannick que Gabriel Ringlet a
aidés à (re)découvrir. Leurs chansons sont autant d’autres jardins
dans d’autres coins du cœur.
Dans
un monde où il y a tant de laideurs, il y a aussi une dose étonnante de beauté
qui est offerte à travers bien des gestes de tendresse, de pardon, de bonté
dont est capable ce même monde. Autant de roses.
Nul ne peut vivre sans un jardin de
roses. Puisse-t-il y en avoir assez pour en mettre une dans le canon de chaque
fusil de chaque soldat de tout l’univers.
Armand
VEILLEUX
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