Honteuse hypocrisie
d’un monde qui se prétend civilisé
28 décembre 2008 – Fête de la Sainte Famille (pour ceux à qui cela dit
quelque chose).
Depuis plus de vingt-quatre heures la bande de Gaza est à feu et à sang,
sous une attaque particulièrement meurtrière et barbare de l’aviation
israélienne. Le premier ministre israélien, Ehud Olmert, déjà terni par une gestion tout à fait incompétente de la guerre
déclenchée au Liban il y a quelques années, et récemment forcé de démissionner de
son poste pour corruption, a peut-être vu dans ce dernier acte de barbarie
contre le peuple palestinien un moyen de s’assurer, avant de quitter sa
fonction, que son nom reste dans les livres d’histoire, au moins comme une note
au bas d’une page.
Le plus triste – dégoûtant plutôt que
surprenant
–
n’est
pas
l’action
d’Israël,
qui
s’inscrit
dans
une
longue
liste
d’opérations
destinées
à
faire
en
sorte
que
ne
puisse
jamais
exister
un
état
palestinien
et
donc
à
faire
en
sorte
que
disparaisse
le
peuple
palestinien
comme
tel
–
mais
bien
la
réaction
de
la
communauté
internationale. Évidemment, tous les gouvernements expriment
leur
horreur
devant
la
violence
déclenchée
dans
la
bande
de
Gaza
ces
derniers
jours,
appelant
les
deux
parties
à
la
« retenue ».
Le
gouvernement
Bush
qui
quittera
l’histoire
dans
quelques
semaines
--
après
avoir
engendré
la
terreur
sur
une
grande
partie
du
globe
durant
huit
années
qui
mériteront,
ne
fût-ce
que
par
le
nombre
de
victimes,
probablement
plus
qu’une
footnote dans les manuels d’histoire -- se contente
de
rendre
le
Hamas
responsable
de
cette
attaque
meurtrière,
sans
l’ombre
d’un
mot
de
blâme
à
l’égard
d’Israël.
Dans
le
monde
occidental
seul
le
Pape,
ce
matin
(28
décembre),
a
dit
que
toute
violence
des
deux
côtés
était
condamnable.
La
diplomatie
lui
interdisait
évidemment
de
répartir
équitablement
les
blâmes.
Tout le monde semble mettre sur le même
pied le lancement de quelques douzaines (peut-être quelques centaines) de
roquettes artisanales sans la moindre précision et qui ne font pratiquement
jamais de victimes et le déclenchement de bombardement massifs de zones à
population très dense, faisant près de 300 morts et plus d’un millier de
blessés en quelques minutes. Quelle hypocrisie ! Tout au plus, l’un ou l’autre
chef d’État parle de réaction « disproportionnée ».
On dit que le Hamas est responsable,
puisqu’il a rompu le cessez-le-feu, en reprenant les attaques à la
roquette. En fait il ne l’a pas rompu,
puisque les tirs ont recommencé à la fin d’une trêve de six mois qui n’a pas
été renouvelée ni par Israël, ni par le Hamas.
D’autre part Israël n’a jamais respecté cette trêve depuis sa signature
le 18 juin, puisqu’il a continué a maintenir un blocus
de la bande de Gaza, maintenant toute la population d’un million et demi de
personnes dans une énorme prison à ciel ouvert, sans possibilité laissée aux
organismes humanitaires, y compris aux Nations Unies, d’apporter à cette
population en danger les services les plus élémentaires en soins médicaux, en
nourriture et en eau potable. Un des cas des plus classiques de crime contre
l’humanité. De plus, au cours de cette
trêve de six mois, Israël ne s’est pas privé de pénétrer à son gré à
l’intérieur de la bande de Gaza pour assassiner qui il jugeait bon, par
exemple, le 4 novembre dernier. Cette
prétendue trêve a été un simple prétexte pour monter une invasion terrestre qui
aura très probablement lieu dans les prochains jours, sinon dans les prochaines
heures, et dont la première phase était une attaque aérienne massive, selon une
technique bien développée par l’armée américaine, en particulier par le Général
Colin Powel (minimisant les dangers de pertes chez
l’attaquant, sans tenir compte qu’elle maximise les victimes civiles innocentes
du côté opposé).
On peut certes déplorer les lancements
de roquettes par le Hamas et se demander
ce qu’elles rapportent ; mais un peuple assiégé a-t-il, oui ou non, droit
à l’auto-défense ? Et si cette
méthode de défense ne plaît pas, en a-t-on une autre à lui offrir ? Devant ce barrage de roquettes à peu près
inoffensives, mais qui sèment quand même la terreur, on parle de guerre
asymétrique, et donc de terrorisme.
Alors ? La symétrie exigerait-elle
que quelqu’un fournisse aux Palestiniens, pour se défendre, le même genre
d’avions, de chars d’assaut et d’armes nucléaires que possède Israël ?
Un gouvernement a été élu démocratiquement
par le peuple Palestinien, il y a quelques années. Au lieu de collaborer avec ce gouvernement
pour trouver une solution pacifique à la crise du Moyen-Orient engendrée par
l’Occident il y a plus d’un demi-siècle, les grandes puissances ont préféré
l’isoler, ne pas le reconnaître et le faire tomber. La raison ? Il ne fallait pas se mettre à dos Oncle Sam qui
avait appliqué sur ce gouvernement le label « terroriste » -- toujours
appliqué de façon arbitraire, évidemment, sans se soucier du fait – qui est
évident pour tout le monde – que si on appliquait ce label de façon objective
avec toujours les même critères, on ne pourrait éviter de l’appliquer à
l’occupation d’une large partie de la Palestine par Israël (contre toutes les
lois internationales et malgré de nombreuses résolutions des Nations Unies), ni
au blocus imposé à la bande de Gaza par Israël, ni à des attaques massives dans
des quartiers à population dense comme celles des derniers jours, ni,
évidemment, à de nombreuses initiatives du régime moribond de Georges W. Bush,
dont le cas le plus emblématique restera dans l’histoire le camp
d’extermination psychologique dénommé Guantanamo.
Cette hypocrisie est la cause première
et principale du drame actuel et des souffrances infligées depuis soixante ans
au peuple palestinien.
Armand VEILLEUX