Questions cisterciennes
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Présentation de mon document sur les laïcs cisterciens. par : Armand Veilleux Huerta 2008 Je ne vais évidemment pas lire tout ce document
qui a d’ailleurs été élaboré comme un document écrit et non pas
comme le texte d’une conférence.
Le lien Internet vous a été communiqué, et j’ai l’impression
que plusieurs d’entre vous, sinon la majorité, l’ont déjà lu.
Je vais donc simplement m’attacher ce matin à en dégager
les points principaux. En rédigeant ce document, que j’ai écrit récemment,
mais qui germait dans ma tête -- et mon coeur -- depuis longtemps,
j’avais deux buts. Le premier
était de tracer à grands traits l’histoire du mouvement de ce
que nous appelons les « laïcs cisterciens » depuis environ
un quart de siècle. L’autre était d’identifier les questions principales
et les défis qui se posent actuellement à la famille cistercienne
– moniales, moines et laïcs – en ce domaine, et d’indiquer quelles
sont les divers choix possibles.
Certains choix doivent être faits par les laïcs et d’autres
par les Chapitres Généraux concernés, avec, on l’espère, une réelle
concertation. Quant
à la partie historique de mon document, il s’agissait pour moi, comme je viens de le
dire, de tracer à grands
traits l’évolution du dernier quart de siècle.
Il ne s’agit pas d’une « histoire » au sens strict. Il serait d’ailleurs trop tôt pour l’écrire.
Je n’ai évidemment pas tout dit, et il y sans doute des
expériences intéressantes et riches que je n’ai pas mentionnées
et probablement certaines que j’ignore. Ce qui me semblait important
était de saisir et de faire voir la dynamique de ce « mouvement »
qui est, j’en suis sûr, un mouvement de l’Esprit Saint qui, après
avoir donné au cours des siècles passés de nombreuses expressions
au charisme cistercien, est en train de lui en donner une nouvelle.
Les Fondateurs de Cîteaux ayant appelé leur fondation Novum monasterium (monastère nouveau),
on peut dire que la « nouveauté » fait partie du charisme
propre de Cîteaux, à chaque époque. On pourrait se demander : « Y
a-t-il vraiment quelque chose de nouveau ? » En effet, il y a toujours eu des laïcs, hommes
et femmes, ayant établi des relations spirituelles étroites avec
une communauté monastique cistercienne, soit d’hommes, soit de
femmes. Ils trouvaient au monastère un lieu de prière,
parfois la direction ou l’accompagnement spirituel d’une moniale
ou d’un moine, et dans leur relation fraternelle avec la communauté
un encouragement et un appui pour leur vie de laïc dans le monde. Cela a toujours existé. C’est une réalité
dont on peut se réjouir et rendre grâce à Dieu, mais il
n’y a en cela rien de nouveau de nos jours. Il y a toujours eu également des laïcs trouvant
dans la culture et la littérature cistercienne et donc aussi dans
la spiritualité véhiculée par cette tradition littéraire et spirituelle
une inspiration pour leur propre vie spirituelle, qu’ils aient
ou non une relation particulière avec une communauté monastique. La nouveauté
de ce qui se passe actuellement réside, je crois, dans deux éléments
principaux : a) Le
premier élément est que des laïcs ayant trouvé dans leur relation
avec une communauté monastique et sa spiritualité, une source
d’inspiration et d’enrichissement pour leur propre vie, ont reconnu
que d’autres laïcs autour d’eux vivaient la même chose et ont
senti le besoin de communier avec eux – entre laïcs – dans cette
même grâce. Se sont donc
formés, généralement autour d’une abbaye – mais pas toujours –
des groupes de laïcs vivant cette même expérience.
Selon les sensibilités culturelles et spirituelles différentes,
ces groupes se sont appelés tout simplement des « groupes »,
ou des « fraternités » ou des « communautés ». Malgré les noms divers, et les formes d’expression
très variées, il y a là un charisme qu’on retrouve assez identique
dans chaque groupe, qui est le charisme de la communion, de la koinonia,
et donc un charisme éminemment « ecclésial ». b) Le
deuxième élément de
la nouveauté de votre mouvement – je dis bien « votre »
mouvement, car il est né des laïcs et non de l’Ordre – est l’incarnation
du charisme cistercien dans la vie laïque.
Et cela comporte deux aspects.
Le premier aspect est que,
un peu partout à travers le monde, des laïcs ont senti le besoin
et l’appel, non seulement à établir une relation étroite avec
une communauté monastique, mais aussi l’appel à vivre de sa spiritualité.
Le deuxième aspect, qui est la conséquence du premier, a été l’appel
ressenti par beaucoup de laïcs, à incarner dans leur vie de laïcs
(vie familiale, vie de travail, engagements sociaux ou politiques)
les valeurs essentielles de la vie cistercienne – que les moniales
et les moines s’efforcent de vivre à leur manière. Pour mettre ce développement nouveau en perspective,
quelques repères historiques peuvent être utiles. Il y a eu, au douzième siècle, dans l’ensemble
du peuple de Dieu, en dehors même des monastères un grand mouvement
de renouveau spirituel, comportant un retour à la simplicité évangélique,
à la prière simple et contemplative, à la pauvreté et à l’idéal
de la communauté primitive de Jérusalem.
La fondation de Cîteaux est née comme un fruit de ce vaste
mouvement de renouveau qui soufflait sur toute l’Église, et qui
était essentiellement un mouvement laïc au coeur d’une Église
qui était devenue extrêmement cléricale au cours des siècles précédents.
Cîteaux a donné une expression monastique à
ce mouvement spirituel de renouveau et, à travers ses hauts et
ses bas, à travers ses périodes de décadence, de réforme et de
renouveau, l’a conservé vivant dans l’Église jusqu’à aujourd’hui.
Aujourd’hui l’Esprit Saint, qui ne manque pas d’humour,
semble vouloir se servir de communautés monastiques, dont plusieurs
sont devenues fragiles et humainement très faibles, pour faire
revivre ce charisme de renouveau chez les laïcs, au coeur de l’ensemble
du Peuple de Dieu, où il était né, et duquel les moines et les
moniales l’avaient reçu. Ainsi
la boucle est refermée ! Questions
et défis qui se posent aujourd’hui aux laïcs et à l’Ordre A) Question
d’une certaine reconnaissance des laïcs cisterciens N’importe qui peut intégrer dans sa vie les
valeurs chrétiennes qui sont au coeur de la vie cistercienne. Et, évidemment, personne n’a besoin de permission
pour le faire. Mais à partir du moment où une personne ou un groupe
se donne un nom qui a déjà un sens bien précis dans la société
et dans l’Église, une certaine forme de reconnaissance devient
nécessaire, aussi bien pour les laïcs que pour les moines ou les
moniales. Le charisme « cistercien »
n’appartient à aucun groupe ; il appartient à l’Église, c’est-à-dire à l’ensemble
du Peuple de Dieu. Mais
les Ordres Cisterciens et les Congrégations cisterciennes reconnues
par l’autorité ecclésiastiques en sont les gardiens. Si une personne ou un groupe n’ayant aucun lien
avec aucune communauté monastique reconnue revêt l’habit cistercien
et dit : nous sommes des « Cisterciens », l’autorité
de l’Église devra dire, pour que le peuple de Dieu ne soit pas
induit en erreur : « ce ne sont pas des Cisterciens »,
même si ce qu’ils vivent est peut-être très édifiant.
Ainsi en est-il des laïcs.
Des laïcs peuvent se dire « cisterciens » dans
la mesure où ils ont reçu une forme ou l’autre de reconnaissance.
Jusqu’ici, depuis près de 25 ans, l’Ordre cistercien
de la Stricte Observance (qui n’est pas le seul mais le seul dont
je puis parler en connaissance de cause ) a opté pour laisser
le mouvement évoluer, en laissant à chaque communauté la responsabilité
de faire son propre discernement en ce domaine.
Personnellement j’ai toujours cru que c’était jusqu’à maintenant
la position la plus sage pastoralement, mais je fais aussi partie
de ceux de plus en plus nombreux qui croient que le temps est
venu d’une certaine reconnaissance plus officielle. Cette reconnaissance
peut se faire à plusieurs niveaux. a) Communauté locale. Plusieurs
groupes sont nés de l’initiative de quelques laïcs qui ont trouvé
un accueil favorable auprès d’un membre de la communauté monastique. Parfois l’abbé ou l’abbesse a tout simplement
donné un accord tacite. En d’autre cas l’accord a été plus explicite
et parfois c’est l’abbé lui-même qui accompagne le groupe.
Ceci peut fonctionner très bien mais reste fort précaire.
En effet le moine qui accompagne le groupe peut mourir ou partir
ailleurs et l’abbé peut dire qu’il n’a personne pour le remplacer.
De même un abbé peut être très favorable à la présence
d’un groupe de laïcs rattachés à l’abbaye, mais son successeur
peut ne pas vouloir en entendre parler.
C’est pourquoi certains pensent qu’il serait important
qu’après un certain temps le chapitre conventuel de la communauté approuve par vote l’existence
de ce groupe de laïcs cisterciens, de sorte que l’abbé suivant
ne puisse pas le supprimer facilement.
Cependant un abbé peut toujours ne pas se sentir lié par
ce vote si l’existence d’une telle communauté de laïcs, qui n’est
pas prévue par nos Constitutions, n’est pas explicitement approuvée
comme une possibilité par le Chapitre Général. b) L’Ordre.
Le
Chapitre Général peut, comme il l’a fait, inviter des Laïcs cisterciens
au Chapitre Général. Il
peut recevoir de Laïcs cisterciens réunis en Rencontre Internationale,
une lettre et y répondre. Tout
cela constitue évidemment une reconnaissance implicite du mouvement ;
mais cette reconnaissance implicite risque de ne pas avoir beaucoup
de sens et même de devenir irresponsable, si le Chapitre ne précise
pas ce qu’il reconnaît et à quelles conditions.
Cette reconnaissance pourrait prendre plusieurs
formes. On ne peut sans doute pas demander au Chapitre Général
de reconnaître chacun des groupes de Laïcs cisterciens. La reconnaissance dont je parle pourrait, par
exemple consister simplement dans le fait que le Chapitre Général,
dans un vote officiel, dise que chaque communauté est libre de
s’associer un groupe de laïcs. Il pourrait alors déterminer certaines
conditions. Par exemple il pourrait stipuler que, pour que des
laïcs puissent se donner publiquement le nom de « cisterciens »,
ils devraient appartenir à une communauté ou une fraternité de
laïcs approuvée par le chapitre conventuel de la communauté et
peut-être stipuler que ni l’abbé seul ni la communauté ne pourronnt supprimer cette branche laïque de la communauté
sans que ne soient remplies telles ou telles conditions. Théoriquement on pourrait penser à d’autres
formes de reconnaissance officielle par l’Ordre, par exemple la
Constitution d’une sorte de Tiers-Ordre, parallèle aux deux branches
monastiques féminine et masculine.
Mais cette option me semble avoir bien peu d’amateurs.
Je ne m’y attarde donc pas. De même je ne m’attarde pas non plus à l’option
voulant que l’ensemble des communautés de laïcs cisterciens se
fassent reconnaître par l’Église comme une Association
Internationale de laïcs. Bien
peu, je crois, désirent aller dans ce sens. Je vous invite donc à réfléchir, en groupes,
sur les questions suivantes : a) Désirons-nous une reconnaissance officielle de la part
du chapitre conventuel de la communauté à laquelle nous sommes
rattachés ? b) Désirons-nous une certaine reconnaissance officielle
du mouvement des Laïcs
cisterciens de la part de l’Ordre (ou de la Congrégation) monastique
à laquelle nous sommes rattachés ? c) Avons-nous une opinion concernant la forme que cette
reconnaissance pourrait prendre ? B) La
gestion pratique d’un mouvement international Les divers groupes de Laïcs cisterciens ont
senti depuis longtemps le besoin de communier entre eux. Cela a conduit à la tenue de trois Rencontres
Internationales, sans compter la présente.
À chaque rencontre internationale les représentants des
groupes présents ont demandé à quelques personnes de préparer
la rencontre suivante et aussi d’assurer une certaine coordination
des échanges entre les groupes entre les réunions.
Cependant la mission de ce groupe n’a jamais été définie
clairement, en tout cas pas dans un texte voté par l’Assemblée.
Une difficulté additionnelle est qu’une fois
la Rencontre Internationale terminée le groupe de personne qui
ont élu le Comité de direction (ou Steering Committee) en question, n’existe
plus. Il n’y a pas une
personne morale (une organisation, une
association, etc.) de qui le Comité de Direction reçoit son mandat
et à laquelle elle devrai rendre compte de son mandat lors de
la prochaine Rencontre. N’y
aurait-il pas lieu de vous constituer en une sorte d’Association
libre de communautés de laïcs cisterciens, avec un nombre
minimal de règles et de statuts, pour coordonner la communion
et la communication entre les groupes et pour donner un mandat
précis à un Comité de direction. (Mais il ne s’agit pas du tout
ici d’une Association au sens canonique du terme). Je vous invite donc à réfléchir, en groupes,
sur les questions suivantes : a) Désirons-nous une prochaine Rencontre Internationale ? (Si la réponse est positive on pourra parler ensuite de
la date et du lieu) b) Désirons-nous établir comme la dernière fois un Comité
de Direction ayant pour tâche à la fois de préparer cette Rencontre
et de coordonner les communications entre les groupes d’une Rencontre
à l’autre. (Si la réponse est positive, il y aurait lieu de rédiger
un mandat écrit à remettre à ce Comité ; et de pourvoir aux
besoins économiques de son fonctionnement). c) Désirons-nous établir une Association (avec peut-être
un autre nom) de groupes (ou communautés) de Laïcs cisterciens
qui confierait au Comité de Direction mentionné ci-dessus son
mandat ? Et ma suggestion serait que, sur chacun de ces
points, vous preniez rapidement une position de principe avant
d’entrer dans la discussion des détails. |
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