Fondations dans l’Ordre
I
- Tableau d'ensemble des fondations depuis la Seconde Guerre Mondiale
II
- Les diverses étapes du Statut des Fondations
III - Approbation d’une fondation par le Chapitre
Général
*
* *
I
- Tableau d'ensemble des fondations depuis la Seconde Guerre Mondiale
Un regard rapide sur la liste des
monastères de l'Ordre, dans l'ordre de leur date de
fondation, à la fin de l'Elenchus
Monasterium, montre que les quelque soixante-cinq dernières années de
l'Ordre ont été très fertiles en fondations.
Parmi les monastères actuels de
moines, 56 existaient déjà avant la 2ème Guerre mondiale, dont 15 ont été
fondés après 1892. Des 26 monastères de moniales à la même date, 13 ont été
fondés après 1892. Depuis la guerre, 47
nouvelles communautés de moines et 46 nouvelles communautés de moniales. Parmi
elles 5 communautés de moines et 8 de moniales sont des incorporations. Toutes
les autres sont des fondations.
Avant la guerre, seulement 12
monastères de moines se situaient hors d'Europe (8 en Amérique, 2 en Asie, 1 au
Moyen-Orient et 1 en Afrique. À la même date 4 monastères de moniales seulement
étaient situés hors d'Europe (2 au Japon et 2 au Canada).
Parmi les fondations de moines faites
depuis lors, 8 ont été faites en Europe de l’Ouest, 1 en Europe de l’Est, 10 en
Amérique du Nord (9 aux USA et 1 au Canada, qui fut fermée par la suite); 7 en
Amérique latine (5 en Amérique du Sud, 1 au Mexique, 1 dans les Caraïbes); 9 en
Asie/Océanie; et 11 en Afrique/Madagascar. Parmi les fondations ou
incorporations de monastères de moniales dans la même période, 17 (dont 8
incorporations) sont en Europe de l’Ouest; 1 en Europe de l’Est, 5 aux USA; 6
en Amérique latine (4 en Am. du Sud, 1 au Mexique et une en Amérique Centrale);
7 en Afrique et 5 en Asie/Océanie.
Un des phénomènes intéressants est que
cette augmentation continue du nombre des monastères est contemporaine avec une
diminution continue du nombre de moines et de moniales. Un grand nombre de ces
fondations ont été faites entre 1944 et 1960, quand les vocations étaient
nombreuses et le nombre de moines et de moniales dans l'Ordre était en
augmentation continue. Mais alors qu'il y a eu un changement radical dans le
nombre des vocations à partir de 1960 pour les moines et quelques années plus
tard pour les moniales, le mouvement des fondations ne s'est pas arrêté même
s'il se ralentissait certainement un peu. La moyenne du nombre des moines par
monastère en 1960 était de 55, maintenant elle est de 23. Pour les moniales,
ces chiffres sont respectivement 46 et 25.
La principale conséquence de ce
phénomène a été qu'un certain nombre de maisons fondatrices ont fait
l'expérience d'un manque important de vocations presque immédiatement après
avoir fait des fondations, et pour cette raison n'étaient pas en mesure, en
certains cas, de donner à ces fondations toute l'aide dont elles auraient eu
besoin, spécialement dans le domaine de la formation.
1)
Selon les aires géographiques
a)
Europe
Des 8 fondations de moines faites en
Europe de l’Ouest durant cette période, 2 furent faites dans les années
quarante, peu de temps après la seconde guerre mondiale: Nunraw par Roscrea en
1946 et Bethlehem par Mount Melleray en 1948. Ces deux fondations ont été
faites dans des régions du Royaume Uni où la vie cistercienne n'était pas
encore présente, Écosse et Irlande du nord. On ne peut pas dire la même chose
pour Bolton fondé en 1965 dans la partie centrale de l'Irlande, pas très loin
de Mount Melleray et de Roscrea, et de Sobrado fondé en 1966 sur la côte est de
l'Espagne, pas très loin de Osera. Deux autres furent faites en Espagne par la
suite et par la même communauté de La Oliva : Las Escalonias en 1994 et
Zenarruza en 1996. Il faut y ajouter l’incorporation de Boschi en 1996 et celle
de Myrendal en 2002, ainsi qu’une fondation récente en Europe de l’Est, celle
de Novy Dvur 1999).
Pendant la même période plusieurs
monastères espagnols de moniales ont été incorporés à l'Ordre: Vico et Arevalo
en 1951, Avila et Benaguacil en 1954, Carrizo en 1955 et Tulebras en 1957.
Brialmont, en Belgique, a été incorporé en 1976 et Donnersberg, en Allemagne en
2002 et Géronde en Suisse en 2008.
En dehors de ces incorporations, 9
fondations de moniales ont été faites en Europe de l’Ouest pendant cette
période: Nazareth par Soleilmont (1950), Maria-Frieden par Berkel (1953),
Valserena par Vitorchiano (1968), Paix-Dieu par les Gardes, Klaarland par
Nazareth (1970), la Paz par Alloz (1976), et Armeintera encore par Alloz (1989)
Tautra par Mississippi (1999) et Meymac par Laval (2007). Il faut y ajouter la
fondation de Naši Pasi en Europe de l’Est par Vitorchiano (2007.
Bien qu'on hésite à séparer en
différentes catégories ces fondations européennes, on peut voir des différences
évidentes entre celles qui furent faites peu après la 2ème guerre mondiale,
avec les problèmes particuliers de cette époque, et celles faites dans les
années soixante et soixante-dix. Maria-Frieden, fondé en Allemagne par des
moniales hollandaises, seulement huit ans après la fin de la guerre est un bon exemple
des difficultés rencontrées par le premier groupe. La Paix-Dieu et Klaarland
fondés la même année (1970) sont les témoins des tentatives faites dans les
années soixante-dix pour une nouvelle expression simplifiée du charisme
cistercien.
En ce qui concerne les incorporations de monastères de moniales
pendant cette période, il pourrait être utile de réfléchir à la façon dont
elles ont été réalisées et les difficultés qu'elles ont expérimentées, puisque
nous pourrons avoir certains cas semblables dans le futur. Pendant les premiers
siècles de l'Ordre, quand les incorporations de monastères étaient fréquentes,
un groupe important de moines ou de moniales était souvent envoyé dans le
monastère qui serait incorporé, afin d'aider la communauté à progresser dans
l'esprit et le charisme cistercien. L'Ordre a-t-il eu un tel souci pastoral
dans ces cas? Peut-être simplement cela n'a pas été jugé nécessaire.
b)
Amérique du Nord
Avant la guerre, il y avait aux
États-Unis d'Amérique 3 maisons de moines fondées au milieu du XIXème siècle,
et elles avaient connu un développement lent jusqu'à la seconde guerre
mondiale. Pendant et après cette guerre, il y a eu dans ces maisons,
spécialement à Gethsemani et à Spencer, une augmentation étonnante du nombre
des vocations. Plusieurs fondations ont été faites en quelques années, juste
pour faire face à l'affluence des novices. Gethsemani a fait 5 fondations aux
USA entre 1944 et 1955, et Spencer 3 entre 1948 et 1956. Au Canada il y avait 4
maisons. En 1977 une nouvelle fondation a été faite par Oka dans l'Ontario pour
recevoir les vocations anglophones venant de l'Ouest et du centre du Canada ;
elle a été fermée en 1998).
La première fondation de moniales a
été faite aux USA à Wrentham, en 1949 par Glencairn, et la seconde à Redwoods
en 1962 par Nazareth. Dans les 30 années suivantes Wrentham fera 3 fondations
aux USA: Mississippi (1964), Santa Rita (1972) et Crozet (1987). Les deux
monastères de moniales au Canada n'ont pas fait de fondations. Mississipi fonda
Tautra, en Norvège (1999).
Ces fondations nord-américaines
doivent une bonne part de leur vitalité au développement et au nouveau rôle de
l'Église catholique américaine dans les décennies qui ont suivi la guerre.
Elles ont apporté à l'Ordre, en particulier dans les années soixante-dix, un
souffle de créativité qui a été généralement le bienvenu même s'il était
parfois ressenti comme menaçant.
c)
Afrique
En Algérie Atlas fut fondé par
Aiguebelle en 1934. Ensuite en 1951, la fondation de Grandselve (maintenant
Koutaba), également par Aiguebelle, a été le début d'une longue série de
fondations faites en Afrique par plusieurs communautés de l'Ordre. Les
monastères de moines sont: Mokoto, par Scourmont en 1954; Victoria, par Tilburg
en 1956; Emmanuel, par Achel en 1958; Maromby, par Mont-des-Cats en 1958; Bela
Vista, par San Isidro en 1958; Bamenda par Mount S. Bernard en 1963; Kokoubou
par Bellefontaine en 1972; Awhum adopté
par Genesee en 1978. Nsugbe, au Nigeria par Bamenda en 2000 et Illah, également
au Nigéria, incorporé en 2005 avec Genesee comme maison-mère.
Les fondations de moniales en
Afrique/Madagascar durant la même période ont été: La Clarté-Dieu par Igny
(1955); Étoile Notre-Dame, par les Gardes (1960); Butende par Berkel (1964);
Grandselve, par Laval (1968); Abakaliki, par Glencairn (1982); Huambo, par
Valserena (1982); Kikwit, une fondation africaine par une autre fondation
africaine, l'Étoile Notre-Dame (1991), et Ampibanjinana par Campénéac (1996).
Kibungo, au Rwanda, a été fondé en 2002 par un groupe de soeurs ayant dû fuit
Murhesa, au Congo, par suite de la guerre civile de 1996.
Une des caractéristiques communes des
fondations africaines est la difficulté de la situation économique qu'elles
rencontrent actuellement. Elles sont presque toutes réduites à une économie de
subsistance, produisant à peine assez pour se nourrir, alors que quelques-unes
d'entre elles avaient, il y a quelques années, une économie florissante et
étaient auto-suffisantes. Cette situation est due à celle de l'Afrique en
général, qui dépend du système économique mondial et des situations locales au
niveau social et politique. Quelques-unes, ont vécu (comme celles de l’Angola)
ou vivent encore (comme celles de la Rép. Dém. du Congo) depuis des années dans
une situation de guerre. La générosité avec laquelle elles sont fidèles à leur
vie monastique dans ces conditions est admirable et, dans quelques cas,
vraiment héroïque.
Une autre caractéristique de beaucoup
de ces maisons (pas de toutes cependant) est d'avoir un bon nombre de vocations,
même si le discernement soit beaucoup plus difficile dans un contexte culturel
où il n'y a pas une longue tradition monastique, et spécialement quand ce
discernement doit encore être fait par des fondateurs d'une autre culture. En
lien avec cela il y a, pour beaucoup de ces fondations, un grand besoin d'aide
dans ce domaine, et l'impossibilité où elles se trouvent souvent d'obtenir
cette aide, car la maison mère est elle-même terriblement à court de personnel.
Un bon nombre de monastères auraient besoin d'au moins quelques personnes en
plus pour être aidées au plan de la formation, ou simplement de moines ou de
moniales mûrs et solides, pour donner seulement un témoignage de vie des
valeurs monastiques aux jeunes en formation.
Nos moines et nos moniales d'Afrique
ont certainement une contribution spéciale à donner à l'Église locale dans le
domaine de l'inculturation, comme le Pape Jean Paul II leur rappelait à Parakou
il y a une quinzaine d’années, mais peut-être que le moyen le plus rapide pour
cela est d'assurer une solide formation monastique de base à tous les jeunes
africains qui viennent au monastère.
d)
Amérique Latine
Presqu'immédiatement après avoir fait
trois fondations aux USA Spencer en a fait deux en Amérique du Sud: Azul en
1958 et La Dehesa (plus tard appelé Miraflores) en 1960. (Miraflores est passé
plus tard à Gethsemani). Ensuite, nous devrons attendre 20 ans avant que
d'autres fondations soient faites en Amérique latine: Novo Mundo par Genesee en
1980 et Jacona par San Isidro en 1981. Quelques années plus tard: Los Andes par
Holy Spirit en 1987 et Evangelio par Viaceli en 1989. Presque dix ans plus tard
San Isidro fondra Paraíso.
Quant aux moniales, Ubexy a fondé El
Encuentro au Mexique en 1971. Puis il y aura trois fondations faites par
Vitorchiano en Amérique du Sud: Hinojo (1973), Quilvo (1981), Humocaro (1985).
Récemment Tulebras a fondé Esmeraldas en Équateur (1992). En 2001 Hinojo fonda
Juigalpa en Amérique Centrale et Quilvo fonda Boa Vista au Brésil en 2009.
Il y a maintenant en Amérique du Sud
une présence monastique solide et bien établie. La Conférence régionale
cistercienne (REMILA) ainsi que les différentes Conférences monastiques de
Bénédictins et Cisterciens d'Amérique latine sont très actives pour veiller à
la formation de leurs membres. Bien que les distances soient grandes entre les
maisons, les moyens de transport sont certainement bien meilleurs qu'en
Afrique. Le nombre des vocations a un peu diminué depuis une dizaine d’années,
mais il y a déjà un solide noyau de moines et moniales sud américains dans
chaque communauté.
Une autre raison pour laquelle les
fondations en Amérique du Sud ont rencontré beaucoup moins de difficultés que
celles d'Afrique, est que cette Église a des racines qui remontent à plus de
500 ans, même si la vie monastique comme telle, n'a jamais été présente pendant
la période de la colonisation, sauf au Brésil. Le très petit nombre de
vocations venant de groupes ethniques sud-américains est une question qui peut
mériter réflexion. Naturellement cela est lié avec l'histoire de la
colonisation et de l'évangélisation du continent.
e)
Asie/Pacifique du sud
Consolation en Chine, Phare au Japon,
et Latroun en Israël, ont été fondés au siècle dernier. En 1953, trois ans
avant de fonder Victoria en Afrique, Tilburg fondait Rawa Seneng en Indonésie.
Puis, quelques années après avoir fondé Nunraw et Bethlehem, Mount Melleray
fondait Kopua en 1954, et Roscrea fondait Tarrawarra la même année. Plusieurs
années plus tard, en 1968, Sept-Fons fondait N.D. des Iles, faisant revivre une
fondation faite en Nouvelle Calédonie un siècle plus tôt, et en 1972 la région
américaine fondait N.D. des Philippines. En 1980 Phare fondait Oita dans la
partie centrale du Japon, et en 1991 Vina fondait Shuili à Taiwan. On peut
mentionner ici Saint-Sauveur, au Liban fondé en 1998 par Latroun et fermé en
2006.
La série des fondations de moniales
dans cette partie du monde durant cette période commença avec trois fondations
japonaises faites par d'autres communautés japonaises: Imari, par Tenshien
(1953), Nasu, par Nishinomiya (1954), et Miyakojima, également par Nishinomiya
(1981). Il y eut ensuite une fondation en Corée, Sujong, par Tenshien (1987) et
Gedono en Indonésie par Vitorchiano en 1987. Vinrent ensuite Rosary, fondation
faite par Nishinomiya en 1993 et adoptée ensuite par Gedono ; Matútum par
Vitorchiano (1993), et Ananda Matha, en Inde par Soleilmont (1995).
Il est impossible de faire des
remarques générales sur ce groupe de monastères, car ils représentent une très
grande variété de cultures et de situations. Lantao et Shuili continuent
courageusement, mais dans des situations vraiment difficiles, la tradition
cistercienne établie par N.D. de Consolation, un des plus grands monastères de
l'Ordre peu d'années après sa fondation. Les monastères japonais de moines et
de moniales sont des témoins d'une solide implantation du charisme cistercien
au Japon depuis presqu'un siècle. Kopua tient bon avec courage tandis que
Tarrawarra et N.D. des Philippines ont été bénies par d'assez nombreuses
vocations etc. Rawa Seneng et Gedono ont aussi une bonne proportion de leurs
communautés en formation. N.-D. des Iles en Nouvelle Calédonie, fondée en 1968
a été fermée en 2001.
Un trait commun à beaucoup de ces
monastères est la très grande distance géographique qui les sépare de la maison
mère. N.D. des Philippines est un cas intéressant, puisque c'est une fondation
préparée et assumée par toute une région.
2) Quelques réflexions complémentaires
a) Relation
avec la maison fondatrice
Selon la tradition cistercienne, une
communauté est fondée par une autre communauté qui lui transmet sa propre
expression de l'esprit cistercien. Pour qu'une fondation réussisse et se
développe il est normalement nécessaire qu'elle ait été voulue et qu'elle soit
soutenue chaleureusement par la maison mère. Quand une fondation est le projet
personnel d'un abbé, ou d'un petit groupe de fondateurs, sans être assumée par
toute la communauté (ou au moins par une grande partie), il y a peu de chance
qu'elle se développe. Il y a des cas de fondations qui ont commencé comme une
aventure personnelle et qui se sont bien développées, mais seulement parce que,
à un certain moment, elles ont été assumées et adoptées par la communauté du
fondateur.
La relation entre la maison mère et la
fondation, pendant les premières années de la fondation, c'est-à-dire jusqu'au
moment de l'autonomie, est aussi essentielle pour le sain développement de la
nouvelle maison. Une communauté ne devrait pas fonder une maison si elle ne prévoit
pas la possibilité de continuer à soutenir la fondation pendant plusieurs
années, financièrement ou, au moins, en personnel. Il faut une paternité
responsable!
b)
Responsabilité collective
Malgré ce qui vient juste d'être dit,
il reste que des communautés qui semblent être tout à fait en mesure de faire
une fondation, font soudain l'expérience d'un manque de vocations et parfois
d'une crise économique dans leur propre communauté, et ne peuvent plus aider
leur fondation d'une manière adéquate. Selon nos Constitutions, quand le
Chapitre Général approuve une fondation, toutes les maisons assument une
responsabilité collective à son égard. Il faut dire qu'il y a une grande
générosité dans l'Ordre, spécialement quand une fondation a besoin d'aide matérielle.
Mais il y a actuellement un grand nombre de fondations (et aussi de communautés
anciennes!) de l'Ordre qui ont un besoin extrême d'être aidées en personnel, en
particulier de personnes capables d'aider pour la formation des jeunes moines
ou moniales, et elles ne peuvent pas recevoir cette aide.
c) Nombre des
fondateurs
Dans l'Ordre le nombre traditionnel
pour une fondation était de 12 moines ou moniales. Autrefois, souvent un plus
grand nombre était envoyé. Dans notre récent Statut des fondations on ne
demande plus que 6 personnes, et parfois une exception est même demandée sur ce
point au moment de l'approbation. Y a-t-il un nombre idéal?... Quand un groupe
important arrive dans une culture différente, spécialement dans les jeunes
églises, le danger est de transposer dès le début d'importantes structures
importées qui seront difficiles à adapter plus tard. On a adopté un nombre plus
restreint plus tard, non seulement à cause du personnel disponible moins
nombreux dans les maisons fondatrices, mais aussi parce qu'on sentait qu'il
était plus facile pour un petit groupe de s'adapter à une culture différente.
Mais l'expérience tend à montrer que si nous voulons établir quelque part notre
genre de vie cistercienne commune, le groupe ne doit pas être trop petit. Non
seulement six semble être un minimum, mais parmi ces six, en plus du supérieur,
il doit y avoir un bon administrateur ou cellérier, un maître des novices, et
une personne capable d'être second supérieur. Créer une situation ou le
supérieur de la fondation doit assumer seul toutes ces tâches ne semble pas
loyal ni pour le supérieur, ni pour la fondation.
d) Adaptation
et inculturation
L'inculturation est un thème qui ne
peut pas être absent d'une réflexion sur les fondations de l'Ordre dans les
jeunes Églises. Le 9 février 1992, pendant son voyage en Afrique, le Saint Père
à mentionné son importance à nos moines et moniales de Parakou: "La vie
monastique est une grande force spirituelle pour une Église particulière... Je
connais la vitalité des communautés de ce diocèse, dont une a déjà fait une
fondation en dehors du Bénin. J'invite les communautés monastiques à offrir
leur contribution, spécialement dans le domaine de l'inculturation"
(Osservatore Romano, édition hebdomadaire en français, 9 fév.1993).
Très souvent, cependant, quand on
parle d'"inculturation" on pense seulement à "adaptation".
Il y a une différence importante entre les deux. L'adaptation est quelque chose
de nécessaire, important même, mais qui reste superficiel. Quand on arrive en
étranger dans une autre culture, il est normal de s'adapter aux coutumes de la
population locale. Et nous pouvons dire que, dans l'ensemble, les fondateurs de
nos fondations cisterciennes mentionnées ci-dessus ont été très courageux et
généreux pour s'adapter aux situations locales, en ce qui concerne la
nourriture, le vêtement, les bâtiments, etc. L'usage d'instruments de musique
locaux dans la liturgie est de même nature et cela a été fait dans une bonne
mesure. L'inculturation est quelque chose de beaucoup plus profond. C'est
quelque chose qui se produit de soi-même quand les représentants d'une culture
ont intégré l'expérience de foi et l'expérience monastique. Le point important
est que ce qui est inculturé n'est pas une série de coutumes extérieures mais
une expérience intérieure.
Quand on visite des monastères de
l'Ordre dans les jeunes églises, c'est un privilège de voir assez de moines et
moniales "authentiques" parmi les vocations locales et permet
d'affirmer qu'il y a un authentique processus d'inculturation bien en route.
II
- Les diverses étapes du Statut des Fondations
Les Constitutions de 1894 et de 1924
comportaient bien peu d’éléments concernant la manière de faire une fondation
et le processus que celle-ci devait suivre pour arriver au stade de
l’autonomie. Aussi, les Chapitre Généraux, surtout à partir de 1925 prirent un
certain nombre de mesures en réponse à des situations particulières[1].
C’est en 1953 que le Chapitre des
moines, en réponse à la situation nouvelle créée par les fondations
d’après-guerre en Amérique et la nouvelle vague de fondations qui commençaient
en Afrique, rédigea un premier Statut des
Fondations pour les communautés de moines (Actes, pp. 39-42). Un Statut pour les fondations de moniales fut
approuvé l’année suivante – toujours par le même Chapitre des moines ! (Actes,
pp 24-26). (Il est curieux de constater que ces deux Statuts sont rédigés en
latin, alors que le Chapitre de 1953 approuve d’autres documents semblables, y
compris un Statut de la Commission de Liturgie, rédigés en français).
La vague de fondations des années
suivantes fit que les Chapitres Généraux durent apporter de nombreuses modifications
à cette législation. La situation
particulière de plusieurs nouvelles fondations amena l’Ordre à rédiger un
« Statut des fondations lointaines », approuvé ad experimentum en 1967 (Actes,
pp. 170-171) et revu en 1969 (Actes,
pp. 326-327). Il s’agissait surtout de répondre aux difficultés rencontrées par
ces fondations dans l’accession au rang de maisons autonomes. On parle aussi alors de « fondations
simplifiées » (Voir Actes du CG
de 1965, pp. 105-106 et de 1967, pp. 146-147), bien qu’on ne rédige pas de
Statut particulier à leur sujet. On en
réserve cependant strictement l’approbation au Chapitre Général.
On sentit bientôt le besoin d’étendre
à toutes les fondations les normes spéciales prévues en 1967 pour les
fondations « lointaines ». D’ailleurs la notion de « fondation
lointaine » était en elle-même problématique. Lointaine de quoi ? Le Chapitre Général des Abbés de 1974
approuva -- ad experimentum, évidemment ! – un nouveau Statut qui
supprimait la distinction juridique entre fondations ordinaires et fondations
dites lointaines, et concédait à toutes la possibilité de passer par le stade
de « semi-autonomie », bien que cette notion fût elle aussi
extrêmement problématique.
Les Abbesses, à leur Chapitre de 1975,
sur la base de ce Statut des moines, qu’elles modifièrent sur un certain nombre
de points, votèrent leur propre Statut (Compte
Rendu, pp. 25-28), ce qui amena les Abbés, en 1977 à approuver un nouveau Statut des Fondations (Compte Rendu, pp 42-44) plutôt que de
confirmer celui qu’ils avaient approuvé ad
experimentum en 1974. Le point
difficile était toujours celui de la notion de « semi-autonomie ».
Un certain nombre de modifications
effectuées dans la législation au moment de la rédaction des Constitutions fit
qu’un nouveau Statut fut rédigé. Il fut
présenté et voté rapidement à la fin du Chapitre Général de 1987, sans que les
Capitulants eussent le temps de le bien examiner (Compte Rendu, pp. 307-310). Il
s’agissait désormais d’un Statut unique pour les moines et les moniales Le texte en fut présenté en trois langues
(anglais, français et espagnol) non sans de nombreuses différences – souvent de
nuances, mais en certains cas plus que de nuances – entre les trois versions,
et sans qu’aucune des trois versions n’aie été indiquée comme texte
original. C’est pourquoi le Conseil
Permanent fut amené en 1996 à présenter à l’approbation des Chapitres Généraux
une harmonisation de ces trois versions.
(Voir votes, dans le Compte Rendu, p. 43)
Diverses modifications au Statut
furent votées aux RGM de 2002 et 2005, Elles concernent surtout le moment où
est requise l’approbation du Père Immédiat d’une fondation de moniales et le droit
de vote pour les professions aussi longtemps qu’une maison n’est pas encore
autonome.
L’évolution de ce Statut au cours du
dernier demi-siècle est un bel exemple de la façon dont l’évolution de la vie
amène à un rajustement constant de la loi.
Le
problème insoluble de la semi-autonomie
Au début de l’Ordre, lorsqu’on faisait
une fondation, l’abbé était choisi et béni avant de quitter la maison
fondatrice. Il partait alors avec ses
douze compagnons (souvent plus) et la fondation était, dès le premier jour, une
abbaye. Lorsque se multiplièrent, vers le milieu du 20ème siècle,
les fondations dites « lointaines », c’est-à-dire dans un pays ou un
continent loin de la maison fondatrice, et donc dans une culture différente, il
devenait difficile d’envoyer un fort contingent de fondateurs. On croyait d’ailleurs que cela pourrait
rendre difficile l’intégration des vocations locales et le processus
d’inculturation. Comme voie de conséquence l’accession à l’autonomie, qui
nécessitait la présence de douze profès solennels pouvait être retardée de
plusieurs années.
Le Chapitre Général de 1967 inventa
alors la notion, plutôt boiteuse du point de vue juridique, de
« semi-autonomie ». En réalité
le prieuré semi-autonome était une maison sui
iuris, ses membres y étant stabiliés, élisant son propre supérieur qui
était supérieur majeur et membre de droit du Chapitre Général. La maison-mère conservait cependant à l’égard
de ce prieuré autonome des obligations semblables à celle qu’elle pouvait avoir
à l’égard d’une fondation. De plus, dans
la version de 1967, corrigée cependant en 1969 sur ce point, l’abbé de la
maison fondatrice était désigné comme « abbé fondateur » et non pas
comme « père immédiat ». En même temps ces mêmes Chapitres Généraux
de 1967 et 1969 donnaient aux fondations non encore autonomes des droits qui
relevaient normalement de la maison fondatrice, surtout concernant les votes
pour l’admission des novices à la profession.
Le nouveau Statut des Fondations approuvé ad
experimentum par le Chapitre des Abbés en 1974 consacrait la notion de
semi-autonomie et limitait à six – et non plus à douze, le nombre de moines
requis pour qu’une maison soit élevée à ce rang. Dans le Statut qu’elles rédigèrent à leur Chapitre
de 1975, les abbesses conservèrent l’essentiel des caractéristiques données à
ce nouveau type de maison, mais lui refusèrent le titre de
« semi-autonome », ce qui amena le Chapitre des abbés de 1977 à
reconsidérer la question.
Cette notion de « semi-autonomie »
était une anomalie juridique. Déjà la
Commission de Droit de 1976 (voir rapport, p. 16) faisait remarquer qu’on
concevait assez généralement dans l’Ordre qu’une telle maison n’était
pas « totalement autonome », alors que, du point de vue canonique,
elle l’était tout autant qu’un prieuré autonome ou une abbaye. Dom Vincent Hermans prépara donc pour le
Chapitre suivant des Abbés une nouvelle version du Statut qui abandonnait cette
notion alambiquée de semi-autonomie.
Mais la majorité des Capitulants, peu sensibles aux finesses juridiques,
et voulant assurer à ces jeunes communautés le droit de recevoir de l’aide de
la maison fondatrice, firent en sorte que cette notion soit réintroduite dans le
Statut. Les Abbesses la ré-introduirent
donc docilement dans leur Statut l’année suivante (1978).
Dans les Constitutions votées par les
moines à Holyoke en 1984 et dans celles votées par les moniales à El Escorial
en 1985, l’expression « prieuré semi-autonome » a été remplacée par
celle de « prieuré simple » (pour distinguer celui-ci
d’un « prieuré majeur »). Mais la réalité juridique demeurait la
même. Lorsque le texte de nos
Constitutions fut présenté au Saint-Siège, l’une des remarques faites par la
Congrégations des Religieux était qu’il fallait supprimer cette distinction
entre deux catégories de prieurés, puisqu’il s’agissait toujours d’une maison sui iuris et donc pleinement
autonome. Nous avons insisté pour
maintenir cette distinction dans le Statut 5.A.c de nos Constitutions
(approuvées en 1990) avec une note au bas de la page (la seule note de toutes
nos Constitutions) disant que c’était « selon le droit propre de
l’Ordre »... un droit remontant à 1967. Ce qui fait que, jusqu’à
aujourd’hui, dans l’esprit de plusieurs membres de l’Ordre, y compris des Pères
Immédiats, le « prieuré simple » n’est pas totalement
autonome !...
Dans la branche masculine de l’Ordre,
lorsqu’une fondation acquiert son autonomie, elle devient maison fille de sa
maison fondatrice. Un problème spécial est créé dans la branche féminine du
fait que lorsqu’une fondation accède à l’autonomie, elle perd tout lien
juridique avec sa maison fondatrice, mais celle-ci conserve des obligations
spéciales à son égard jusqu’à l’accès au statut de prieuré majeur ou d’abbaye. Cela a amené certaines régions et les
Commissions Centrales de Cardeña (2007) à demander une étude sur la possibilité
de maintenir dans ces cas une relation de caractère juridique. Il est difficile de concevoir ce que pourrait
être cette relation à moins que l’on accepte de s’orienter vers l’instauration
d’un système de filiation dans la branche féminine parallèle à celui de la
branche masculine.
En même temps, les exigences pour
l’approbation d’une fondation étant devenues moins grandes et interprétées
parfois de façon plutôt large, certaines fondations restent dans ce statut
durant de nombreuses années. Les vocations locales sont alors amenées à faire
leur profession – y compris la profession solennelle -- pour la maison-mère,
qui peut être sur un autre continent, et qu’ils n’ont jamais visitée. Au cours des derniers Chapitres Généraux
diverses solutions ont été cherchées, avec parfois des décisions non
concordantes entre les deux Chapitres, concernant les votes canoniques pour
l’acceptation à la profession. La
suggestion a été faite de ne pas admettre de candidats ou candidates à la
profession solennelle tant qu’une communauté n’est pas sui iuris. Certains
répondent que ce serait injuste à l’égard des candidats ou candidates qui ont
parfois neuf ans de voeux temporaires et qui voudraient s’engager pour la
vie. D’autres répondent qu’il n’est pas
juste non plus de leur permettre de s’engager pour la vie alors que la maison
où ils vivent n’a pas encore d’existence juridique ni d’avenir certain et
qu’ils/elles n’ont aucunement l’intention d’aller vivre dans la maison
fondatrice qui est d’une autre langue, d’une autre culture et sur un autre
continent.
L’évolution du Statut des Fondations
est l’exemple d’une législation qui a sans cesse évolué pour répondre aux
exigences nouvelles de la vie. Elle
manifeste aussi les dangers de l’introduction de nouvelles catégories
juridiques non suffisamment bien pensées qui crée par la suite des problèmes
juridiques et humains insolubles.
L’Ordre devra sans doute dans les années à venir repenser cette question
dans son ensemble, non seulement à la lumière de l’histoire des 50 dernières
années, mais aussi de toute la Tradition de l’Ordre depuis le 12ème
siècle jusqu’à aujourd’hui,
III - Approbation d’une fondation
par le Chapitre Général
1)
L’importance et le sens de cette approbation
Nos Constitutions, après une brève
mais importante Première Partie, intitulée Le Patrimoine Cistercien,
et une deuxième beaucoup plus longue, intitulée La Maison de Dieu ou le
Monastère, en a une troisième qui décrit comment tous les monastères
autonomes sont reliés en un seul Ordre.
La
première Constitution de cette troisième partie (C. 71) décrit comment les
Supérieurs de l’Ordre exercent une responsabilité collégiale sur l’ensemble des
monastères de l’Ordre, tout spécialement lorsqu’ils sont réunis en Chapitre
Général.
Selon
la C. 79, intitulée La Compétence du Chapitre Général, la toute
première responsabilité du Chapitre Général est « d’approuver les
nouvelles fondations de monastères ».
L’approbation
d’une fondation par le Chapitre Général n’est donc pas une simple formalité à
remplir à un moment quelconque du processus de fondation, mais une chose de
très grande importance, puisque c’est la première responsabilité du Chapitre
Général, avant même l’élection des Officiers de l’Ordre ou l’acceptation de
leur démission ou l’approbation des changements dans les Constitutions, etc.
Quel
est donc le sens de cette approbation, qui fait qu’elle soit si
importante. La C. 69 le dit d’une façon
très succincte : « Les abbés qui approuvent une fondation
entourent la jeune plantation de leur soin fraternel ». Le Statut des Fondations le dit d’une
façon un peu plus élaborée : « La
fondation ne peut être reconnue comme telle qu’après l’approbation du Chapitre
Général. Par cela les abbés
accueillent la nouvelle fondation dans la communion de charité unissant tous
les monastères de l’Ordre et ils s’engagent à l’assister d’une façon
fraternelle. »
2)
Le moment de cette approbation
Puisque
les Supérieurs de l’Ordre, en approuvant une nouvelle fondation, assument à son
égard une responsabilité collégiale, il est essentiel qu’ils puissent le faire
en connaissance de cause et puissent examiner si toutes les conditions
énumérées dans le Statut des Fondations ont été respectées. Ils doivent donc, en communion avec la
Communauté fondatrice, porter un jugement collégial sur l’opportunité de faire
la fondation à tel lieu, à tel moment. Ils
doivent surtout s’assurer collégialement que la Communauté fondatrice est en
état de faire une fondation viable sans mettre son propre équilibre en danger.
Pour
toutes ces raisons, le vote d’approbation du Chapitre Général perd tout son
sens et devient une simple formalité juridique si la demande
d’approbation est faite au moment où la fondation est déjà réalisée d’une façon
irréversible.
3) La pré-fondation ou la cellule
cistercienne ?
Deux
« projets » de fondations de moniales avaient vu le jour en 1978. Le
premier était constitué par un groupe de jeunes angolaises qui se préparaient à
Benaguacil, en Espagne. Le deuxième était celui de Mère Agnese de Vitorchiano
au Venezuela. Le Chapitre Général des
Abbesses de 1981 demanda à l’Abbé Général et son Conseil « d’assumer
temporairement la responsabilité de la « pré-fondation » en Angola »,
leur déléguant le pouvoir de l’approuver comme fondation lorsque la situation
le permettrait. (votes 58 et 59). Était ainsi
introduite la notion de pré-fondation.
La
fondation d’Humocaro constitua une situation plus difficile. Commencée comme
« fondation diocésaine » , elle fut
graduellement assumée par Vitorchiano. Le Chapitre Général des Abbesses de
1985, après de difficiles et douloureux échanges approuva les démarches faites
par la Communauté de Vitorchiano en vue d’une fondation régulière et confièrent
de même à l’Abbé Général et son Conseil le soin d’approuver la fondation
lorsque toutes les conditions seraient réalisées.
Les
réticences les plus fortes concernant cette dernière approbation (i.e. celle
d’Humocaro) vinrent des Supérieurs et Supérieures de la Remila, qui ne
voulaient pas entendre parler de « pré-fondation » considérant qu’une
pré-fondation était une réalité extérieure à l’Ordre et n’avait donc pas besoin
de l’approbation du Chapitre Général.
Ce
sont ces douloureuses discussions qui conduisirent à l’introduction dans le Statut
des Fondations à partir de 1987, d’une section intitulée « Cellule
cistercienne (ou Pré-Fondation) ». Le but était de permettre à un petit
groupe d’au moins deux personnes d’aller sur le lieu prévu pour la future
fondation afin d’apprendre à connaître la culture locale et, au besoin, la
langue, et de préparer (et non pas réaliser) la fondation. Un
aspect non négligeable de cette formule, et en fait la première raison de son
introduction, était de pouvoir considérer cette « cellule
cistercienne » comme une « maison religieuse » selon les normes
du droit si bien que des moniales pourraient aller préparer une fondation sur
place sans avoir à demander un indult d’exclaustration (comme cela s’était fait
auparavant).
Or,
ce qui s’est passé est que, depuis lors, on a constamment utilisé cette formule
pour faire des fondations en bonne et due forme avant même de demander
l’approbation du Chapitre Général. Dans
de très nombreux cas, lorsque l’approbation du Chapitre Général est demandée,
le terrain a été acheté, le monastère a été construit (au moins en partie,
sinon en totalité), la vie communautaire y a débuté, souvent avec une
célébration imposante de l’Église locale.
Que peut faire alors le Chapitre Général sinon donner sa bénédiction au
fait accompli, son rôle de discernement devenant tout à fait exclu ? Pas
surprenant alors que la solidarité collégiale à l’égard de ces fondations,
lorsqu’elles sont dans le besoin, joue de moins en moins.
4)
Les conditions requises pour faire une fondation
Le
Statut des Fondations énumère un certain nombre de choses sur lesquelles
doit porter le discernement de la Communauté qui veut fonder, avant que
celle-ci puisse entreprendre une fondation.
La première condition mentionnée est que la communauté ait ce qu’il faut
en personnel qualifié et en ressources matérielles. Ce serait évidemment aller contre l’esprit de
l’Ordre et du Statut que d’entreprendre une fondation sans que ces conditions
soient remplies, en comptant que les autres monastères de l’Ordre viendront
bien à la rescousse.
Pour
répondre à des situations nouvelles, le Statut des Fondations (qui n’a
cessé d’être modifié pratiquement à chaque Chapitre Général) prévoit, depuis
2002, la possibilité pour deux ou plusieurs maisons de l’Ordre de s’unir pour
faire une fondation. Quelques beaux
exemples existent. On peut penser, par
exemple que deux communautés peuvent s’unir pour constituer un groupe fondateur
de six personnes, en en fournissant chacune trois. On peut aussi penser à une communauté qui a
le personnel suffisant mais n’a pas les ressources financières et qui élabore un
projet commun en partenariat avec une autre communauté qui n’a pas le
personnel mais peut apporter l’argent nécessaire.
Pour
qu’un projet collégial de ce genre aie du sens, il faut que ce soit vraiment un
« projet commun », et donc que toutes les communautés
concernées soient également impliquées dans le processus de discernement
dès de point de départ et à chacune des étapes.
Si une communauté allait de l’avant de façon tout à fait autonome dans
un processus de fondation, en prenant toutes les décisions, laissant à une
autre simplement le soin de pourvoir aux besoins financiers, on ne serait plus
du tout dans une situation de solidarité ou de collégialité cistercienne.
5)
Aide financière provenant de la Caisse d’Aide de
l’Ordre
Depuis
quelques années l’Ordre dispose d’une Caisse d’Entraide, où les
monastères qui le désirent versent annuellement ce qu’ils peuvent, cette somme
étant redistribuée aux monastères de l’Ordre dans le besoin qui en font la
demande.
Au
début de l’an 2009, la Commission chargée de gérer cette Caisse d’Entraide
s’est vue confrontée à un certain nombre de demandes pour financer la mise en
marche ou le développement de fondations non encore approuvées par le Chapitre
Général. Après échange et consultation
avec l’Abbé Général et son Conseil, la Commission a estimé que l’argent dont
elle dispose ayant été donné pour les monastères de l’Ordre elle ne pouvait pas
l’utiliser pour financer des fondations sur lesquelles le Chapitre Général n’a
pas encore pu exercer son devoir de discernement en vue d’assurer une
responsabilité collégiale. Tout ce qui précède explique les fondements d’une
telle décision, que le prochain Chapitre Général pourra évidemment remettre en
cause.
À
l’auteur de la présente note, il semble urgent que le Chapitre Général
réaffirme d’une façon claire à quel moment du processus de fondation doit
intervenir l’approbation du Chapitre Général et ce qu’il est licite et légitime
-- ou non -- de faire avant cette approbation, dans la mesure où l’on veut
qu’il s’agisse d’une fondation cistercienne.
Armand Veilleux
[1] Cette
évolution a été étudiée par Colette FRIEDLANDER, dans son étude Décentralisation et identité cistercienne
1946-1985, Ed. du Cerf 1988, spécialement pages
146-159 et 456-468.