Écrits et conférences d'intérêt général
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Raviver en soi la foi pascal Conférence donnée à l’église de la paroisse Ste-Alix à Wolluwe-St-Pierre, Bruxelles, au début du Carême, jeudi le 14 février 2013.
(Introduction)
Le 11 octobre 2012, cinquantième
anniversaire de l’ouverture du Concile Vatican II, le pape Benoît XVI ouvrait à
Rome une année de la foi, qu’un autre pape clôturera en la fête du Christ Roi
2013. C’est pour susciter et nourrir cette foi que Benoît XVI a aussi convoqué,
à la même époque, un synode sur la Nouvelle Évangélisation ;
et lors de la conclusion de ce synode il appelait les pères synodaux à
« raviver le feu de braise » de l’Évangile chez ceux qui ont perdu la
grande richesse de la foi.
Nous sommes donc en plein coeur de cette année de la foi, et cette foi sera
le thème de notre réflexion ce soir. Avant de raviver le feu de braise de la
foi chez les autres à travers une œuvre d’évangélisation, il convient en effet
de le raviver sans cesse en nous-mêmes.
Quand le Fils de l’Homme viendra,
demandait Jésus, trouvera-t-il la foi sur la terre ? (Luc 18,8). Et dans son livre Le rêve de Jérusalem, le cardinal Carlo María Martini commentait
cette parole de Jésus en faisant remarquer que la préoccupation ultime du Fils
de l’Homme ne sera donc pas de savoir si toutes les structures ecclésiales ont
bien fonctionné, mais s’il y a encore la foi sur la terre.
(Foi et
religion)
C’est donc la foi qui compte avant
tout. Et même s’il y a une relation
étroite entre la foi et son expression religieuse, la distinction entre foi et
religion est essentielle. S’il n’y a pas de foi sans les œuvres, il peut
malheureusement y avoir une culture religieuse et même une pratique religieuse
sans véritable expérience de foi.
La foi est de l’ordre de l’expérience.
Elle est une relation personnelle avec Dieu. Et la foi chrétienne consiste dans une relation personnelle de confiance
et d’amour avec Jésus-Christ. Si je possède cette foi en Jésus de Nazareth, je
forme l’Église avec tous ceux qui ont de même mis leur foi en Lui. Quant au
domaine du religieux c’est celui de l’expression et de la mémoire collective de
cette foi. Il comprend un ensemble de rites, de traditions, de récits et de
croyances à travers lesquels la foi s’exprime, se transmet et se garde vivante
de génération en génération. Il comprend aussi les enseignements moraux qui
découlent de cette foi. Il y a aussi le troisième niveau, celui de
l’interprétation de l’expérience, qui est celui des philosophies et des
théologies.
Je puis croire tout ce qu’enseigne la
hiérarchie de l’Église, pratiquer tous ses rites et tous ses commandements ;
et donner mon assentiment intellectuel à toutes ses croyances. Si je n’ai pas une relation personnelle
d’amour avec Jésus-Christ, je ne puis pas vraiment dire que j’ai la foi. (Cf.
l’histoire du funambule).
En conséquence, sans minimiser
aucunement l’importance des diverses formes de l’expression religieuse, ce qui
est le plus urgent de nos jours est de nourrir et au besoin de raviver les
braises de notre foi. Cette foi est une foi pascale. Qu’est-ce que cela veut dire ? Notre foi
est pascale tout d’abord parce que, comme dit Paul, si le Christ n’est pas
ressuscité, vaine est notre foi. Mais
aussi parce que ce n’est qu’après la résurrection de Jésus que la foi des
Apôtres s’est purifiée et s’est distinguée de l’ensemble d’attentes et
d’espoirs confus qu’ils avaient mis en celui dont ils
s’étaient faits les disciples.
(Nature
de la crise actuelle)
Notre Église, c’est-à-dire l’Église
que nous formons avec tous ceux qui ont mis leur foi en Jésus de Nazareth,
passe actuellement par une crise profonde. Personne ne le nie, et cela est
d’ailleurs suffisamment évident. Il ne suffit pas cependant de le constater. Il
convient de bien analyser la situation. Dans quelle mesure s’agit-il d’une
crise de la foi et dans quelle mesure s’agit-il d’une crise de la
religion ? Ou encore, dans quelle mesure s’agit-il d’un problème de
transmission des valeurs ? Problème que rencontrent aussi beaucoup
d’autres institutions. Il serait naïf de penser qu’il suffirait de remettre en
place des rites tombés en désuétude ou de revenir à des pratiques qui ont bien
fonctionné dans le passé pour que la foi refleurisse à nouveau et que les
églises se remplissent.
Si l’on veut comprendre ce qui s’est
passé dans l’Église au cours des cinquante dernières années, il faut analyser
aussi ce qui s’est passé dans la culture à la même époque, et qui était en
préparation depuis longtemps. Il est vrai qu’au cours des cinquante dernières
années, donc, chronologiquement, depuis le Concile Vatican II, un peu partout
en Europe, mais aussi en Amérique, la pratique religieuse des croyants a
diminué radicalement, le nombre des prêtres ainsi que des religieux et
religieuses a chuté, les dirigeants politiques de nos pays ont de moins en
moins tenu compte des avis et des enseignements de la hiérarchie ecclésiastique
ou même simplement des convictions des croyants. (Nous en avons eu un exemple
ces dernières semaines en France). Mais il serait faux et malhonnête
d’attribuer cette évolution au Concile ou à la façon dont il a été appliqué.
En ce qui concerne le Concile
lui-même, il ne faut pas oublier que tous ses documents (quatre Constitutions,
neuf Décrets et trois Déclarations) ont été votés à une majorité énorme des
voies, approchant souvent l’unanimité. On ne peut quand même pas prétendre que
la majorité des Pères conciliaires ont agi et voté à l’encontre des lumières de
l’Esprit Saint qu’ils avaient certainement reçues puisque Jésus a promis à son
Église d’être avec elle jusqu’à la fin du monde. Quant à l’application du
Concile, un certain nombre d’exagérations ou d’imprudences faites dans
l’euphorie des débuts de l’aggiornamento, particulièrement dans le domaine
liturgique, ne peuvent certainement pas expliquer la crise actuelle.
La véritable cause de cette crise fut en effet une immense révolution
culturelle qui se préparait depuis des siècles et qui éclata de façon
inattendue deux ou trois ans après la fin du Concile – et qui aurait
certainement éclaté de la même façon s’il n’y avait pas eu de Concile. Cette
révolution (dont mai 1968 à Paris ne fut qu’un des nombreux épiphénomènes)
affecta toutes les sociétés -- non seulement en Europe -- et aussi toutes les
grandes religions, aussi bien les religions anciennes que ce qu’on pourrait
appeler les « religions laïques » nées après les Révolutions des derniers
siècles. Cette crise ouvrit sur une
nouvelle ère qu’on a appelée postmodernité et que d’autres préfèrent appeler
néo-modernité.
Cette nouvelle culture mondiale
(superposée aux autres cultures qui continuent d’exister et qui même en furent
parfois réveillées) se manifesta comme une crise du rationalisme de la
modernité. Elle se voulut comme une fin
de tous les grands systèmes de pensée qui avaient prétendu être une explication
universelle de la réalité (aussi bien les système post-chrétiens – ou même anti-chrétiens -- que les
systèmes chrétiens). Ce fut le rejet de
la métaphysique mais aussi une critique radicale des sciences modernes dont le
caractère relatif était affirmé et qui étaient réduites
à des sciences purement fonctionnelles. S’ensuivit la dé-légitimation de
l’université et du système d’enseignement en général, etc. L’état moderne qui avait prétendu offrir une
société juste et pacifique tout en étant l’expression de la volonté des
citoyens était aussi rejeté.
Le monde dans lequel l’Église est envoyée, le monde dans lequel elle a à témoigner
non pas d’elle-même mais du Christ et de son message, ce monde a subi à notre
époque une transformation rapide et profonde comme il en avait rarement connu
dans le passé. Et il serait naïf de penser que l’avenir de l’Église s’est tout
simplement déplacé et qu’il est désormais dans d’autres continents où l’on peut
encore constater une pratique religieuse impressionnante et un grand nombre de
vocations. En réalité, il est facile de
constater que la même évolution que nous avons connue se répercute dans tous
les pays, dès qu’ils se dégagent de l’emprise soit de la colonisation, soit des
diverses formes de totalitarisme.
Plutôt qu’incroyants actifs, nos contemporains
sont désabusés, revenus de toutes les illusions dans lesquelles ils avaient
placé des espoirs trompeurs. Une attitude à laquelle Marcel Gauchet a donné le nom de désenchantement.
(Les
pèlerins d’Emmaüs)
Le récit des disciples d’Emmaüs (Luc
24, 13-35) est un très bel exemple non seulement d’un désenchantement similaire
mais aussi et surtout de la foi pascale. Ces deux disciples avaient quitté leur
village et sans doute leur famille et leurs occupations pour se mettre à la
suite de Jésus. Ils avaient cru qu’il
était le Messie qu’on attendait en Israël. Ils espéraient sans doute avoir une
place de choix dans son royaume, comme les Apôtres eux-mêmes. Or, leur maître avait été arrêté par les
chefs religieux du peuple, remis aux autorités romaines, condamné à mort,
exécuté et mis au tombeau. Tous leurs
espoirs étaient morts avec Lui. La parole
qu’ils adressent à l’étranger qui se joint à eux sur la route est l’expression
de tous les espoirs déçus : « Nous nous espérions qu’il était celui
qui allait délivrer Israël
... et voilà trois
jours ». Nous espérions que... Pendant que Jésus leur parle, avant même qu’ils l’aient reconnu, leur coeur est
tout brûlant, à cause de sa présence. Puis, ils le reconnaissent dans la
fraction du pain et dès qu’ils le reconnaissent, il disparaît de leurs regards.
Les disciples ne semblent pas se préoccuper d’où il est venu et où il est allé
après avoir disparu de leurs regards. Ils retournent à Jérusalem pour dire aux
autres : « Il est ressuscité, il est vivant ».
On peut distinguer trois moments dans
cette rencontre :
1) Il y a tout d’abord l’écoute par le Christ du
désappointement, du désenchantement des pèlerins qui lui narrent le monde et
ses misères telles qu’ils les vivent, désillusionnés qu’ils sont d’un salut
matériel dans lequel ils avaient mis leur espoir.
2) Le second temps est celui d’une révélation prophétique
qui donne à voir le monde autrement et ouvre aux découragés une voie
libératrice, où ils pourront eux-mêmes devenir artisans d’une vraie libération.
Il faut passer par la croix pour entrer dans la gloire. C’est un temps de
conversion qui ouvre sur un troisième temps :
3) Ce troisième temps en est un d’émerveillement que les
pèlerins se doivent de partager aussitôt.
De même en est-il dans toutes les
apparitions de Jésus après la Résurrection. Tout à coup il est là, au milieu
des siens, et tout à coup il n’est plus là. Il est clair, dans chaque cas,
qu’il ne s’agit pas d’un retour à la vie antérieure, comme ce fut le cas pour
Lazare ou la fille de Jaïros (Mc 5, 21-43). Jésus a
bel et bien été mis à mort. Sa résurrection n’a rien à voir avec une
réanimation. C’est le Père céleste qui l’a ressuscité pour le faire entrer avec
son humanité dans son éternel présent où il nous rejoint partout et toujours.
Il est toujours là au milieu de nous comme il était là au milieu des Apôtres
réunis dans la chambre haute. Lorsque les disciples le voient c’est en eux que
le changement s’accomplit. Ce sont leurs yeux qui s’ouvrent. Lorsque nous le voyons nous aussi, dans la
foi, c’est en nous que s’opère le changement. Lui, il nous est toujours
présent, plus présent que nous pouvons l’être à nous-mêmes.
(Une
relation personnelle avec Dieu)
À l’occasion de la démission de Benoît
XVI, il y a trois jours, le prieur de Taizé, frère Aloïs, rappelait que le
Saint Père lui avait dit lors d’une audience, à quel point il appréciait le
fait qu’à Taizé, les jeunes sont orientés vers l’essentiel. Et lorsque frère
Aloïs demanda au Pape ce qu’était l’essentiel, celui-ci répondit :
« une relation personnelle avec Dieu ». Il est également significatif
que Benoît XVI, annonçant aux cardinaux réunis en conclave sa démission, leur
disait qu’il allait désormais servir l’Église par la prière. Sans doute qu’il continuera d’écrire ;
mais il est évident que sa relation personnelle avec Dieu dans la prière est ce
qui compte le plus pour lui. Une chose que l’on peut continuer de faire, même
lorsque nos forces physiques et mentales diminuent. C’est sans doute dans un
geste prémonitoire que Benoît XVI, il y a quelques années, avait déposé son
pallium sur les reliques de Célestin V, un pape de la fin du 13ème siècle, qui démissionna peu après son élection pour se retirer dans la solitude
(avant d’être emprisonné par son successeur...). D’ailleurs, un an plus tard, à
l’occasion de l’année jubilaire de la naissance de ce pape, Benoît XVI insista
dans son homélie sur son expérience de rencontre avec Dieu dans le silence intérieur.
« Une relation personnelle avec
Dieu », c’est ça la foi. Peut-être l’a-t-on oublié jusqu’à un certain
point dans nos efforts de renouveau et de réforme depuis le Concile. Mais peut-être l’avait-on oublié tout autant,
sinon plus, durant les années et même les siècles qui ont précédé Vatican II,
durant les années fastes d’un catholicisme culturel, où la santé de l’Église
universelle ou d’une Église locale était évaluée surtout à partir des
statistiques de la pratique religieuse.
(La
période du catholicisme social)
Durant toute cette période, c’est à
travers une culture chrétienne, c’est-à-dire une culture imprégnée jusqu’à un
certain point des valeurs chrétiennes, que se transmettait la religion et, pouvait-on
l’espérer, la foi. Dans nos pays de
tradition chrétienne, on naissait généralement dans une famille chrétienne qui
nous transmettait des valeurs humaines enracinées dans l’Évangile ; qui
nous transmettait aussi des pratiques religieuses, des croyances reçues de la
tradition, des principes moraux, et la pratique de formes diverses de prière
personnelle et collective. Tout cela conduisait normalement, mais pas toujours,
à une foi authentique, c’est-à-dire à une relation personnelle avec Dieu, qui pouvait
s’estomper à l’adolescence mais restait comme une braise non éteinte que
certains événements de la vie, comme par exemple la maternité et la paternité,
pouvaient raviver. C’était d’ailleurs de
la même façon que se transmettaient les valeurs humaines fondamentales dans les
familles non croyantes. Et malheureusement c’était aussi de la même façon que se transmettait, en certains cas, le mépris de la
religion chez des personnes qui avaient peut-être souffert de la conduite de
certains qui se disaient croyants. Ce
mode de transmission, que les sociologues appellent acculturation, ne fonctionne plus.
Dans l’évangélisation des Jeunes Églises, au siècle passé, on a souvent –
mais pas toujours – fait l’erreur de transmettre toute la dimension religieuse
et cultuelle du catholicisme en croyant que la foi suivrait automatiquement. L’Esprit Saint l’a sans doute fait naître en
plusieurs personnes, cette foi, mais probablement pas dans les masses. La recrudescence de l’animisme et de
pratiques de sorcellerie de nos jours, montre qu’une nouvelle évangélisation
est nécessaire là aussi comme en Europe.
(Catholicisme exculturé)
S’est produit chez nous un phénomène
de séparation entre la foi chrétienne et la culture. Le
problème de fond qui se présenta à l’Église, durant toute cette période, fut
que le substrat politique, social et intellectuel qui avait servi de base
humaine à son action spirituelle durant à peu près un millénaire n’existait
plus. On sait comment Danièle Hervieu-Léger a utilisé le concept d’exculturation (tout l’opposé de l’inculturation) pour
désigner la lente disparition de la matrice culturelle qui, tout au long du
Moyen-âge avait été l’élément principal de la transmission de la foi. Heureusement, cette matrice culturelle
subsiste encore, en partie, de façon « invisible » et sert de point de
repère aux pratiquants réguliers ou épisodiques qui subsistent. (Cf. Danièle
Hervieu-Léger, Catholicisme, la fin d’un monde, Bayard 2003). La vision de l’homme et du monde censée
fonctionner comme préalable à l’exposé de la foi chrétienne est en train de
disparaître, ayant prolongé son existence pendant un certain temps, tout en
n’étant plus véritablement « alimentée » par la foi chrétienne.
(La
Chrétienté)
La culture dite chrétienne du
Moyen-Âge s’était développée lorsque l’ensemble, ou en tout cas la très grande majorité
des citoyens partageaient la foi chrétienne. Au moment du croulement de
l’empire romain, l’Église avait été la seule institution capable de conserver
et de transmettre aux générations suivantes les trésors culturels de
l’antiquité, aussi la seule institution capable d’assurer une certaine stabilité
en période de guerres continuelles.
Durant
cette longue période l’Église est puissante, de plus en plus puissante. C’est elle qui sauve la culture du passé et
la transmet aux peuples nouveaux. C’est
elle qui, durant des siècles, assure à peu près seule l’éducation, le soin des
malades et des voyageurs. Elle se sert
de ce pouvoir et de la solidité de ses institutions pour évangéliser,
transmettre et nourrir la foi chrétienne. Ce sont les papes, devenus très
puissants, surtout à partir de Grégoire VII, à la fin du 11ème siècle et
d’Innocent III, un peu plus d’un siècle plus tard, qui nomment les empereurs,
leur apprennent à gouverner et les forcent au besoin à s’humilier devant
eux.
C’est une période formidable
d’expansion de la religion chrétienne, qui devient la dimension culturelle de
tout l’Occident. Durant cette période de
l’histoire de l’Église qu’on appelle la Chrétienté, les gens n’étaient
probablement ni meilleurs ni véritablement plus croyants qu’on ne l’est
aujourd’hui, mais les valeurs de la culture dite chrétienne étaient reconnues
par tous – par les plus fervents croyants, comme par les pires mécréants –
comme les valeurs de référence de tout l’Occident.
Ces temps sont révolus. Les cultures européennes (ou américaines ou
africaines ou asiatiques) ne seront certainement pas ré-évangélisées par des
documents officiels venant des autorités ecclésiastiques. L’institution ne peut plus s’imposer. L’autorité au sein de l’Église doit
concentrer son action sur la qualité de vie de l’Église et c’est celle-ci,
c’est-à-dire l’ensemble des fidèles, qui pourra avoir de nouveau une influence
sur la société. Cette influence
correspondra à la qualité de la foi des individus.
(Culture
chrétienne ?)
Ce n’est pas que la « culture
chrétienne » a disparu. On peut même dire qu’il n’y a jamais eu une
culture chrétienne parallèle aux autres cultures. Ce qui a existé et existe toujours, ce sont
des cultures qui ont été « christianisées », toujours jusqu’à un
certain point ; jamais totalement. Il y reste toujours des éléments de
paganisme. Comme ces cultures sont actuellement entrées dans un processus de
plus en plus rapide de transformation, elles ont besoin d’être constamment
confrontées de nouveau avec le message de l’Evangile. C’est là, d’ailleurs, le sens de la Nouvelle
Évangélisation (qui n’est pas tellement différent de ce qu’on appelle l’incuturation).
(Deux
interprétations de la crise des valeurs)
La crise des valeurs que traverse la
société actuelle n’est pas étrangère à ce qui se passe dans l’Église. De cette
crise on peut faire diverses lectures. Monsieur Jérôme Vignon (président des Semaines Sociales de France, qui
collabora plusieurs années avec Jacques Delors au moment où celui-ci présidait
la Commission européenne) en distingue deux : une première lecture qui met
en avant l’aspect anthropologique et une autre qui souligne l’aspect
épistémologique. Selon la première lecture,
la culture occidentale dominante et la foi catholique seraient désormais dans
un antagonisme frontal. La raison positive et l’interprétation positive de la
nature, fermées à toute transcendance, à toute recommandation morale minent les
fondements du droit, fondements qui avaient été encore il y a peu, communs au
christianisme et aux sociétés sécularisées . Cette approche était largement présente dans les interventions au récent synode
sur la Nouvelle Évangélisation, en particulier dans le discours d’ouverture du rapporteur
général, qui parla d’emblée du tsunami de la sécularisation qui avait balayé
toute la culture occidentale.
Jérôme Vignon préfère un autre courant d’interprétation qui met l’accent
sur le caractère épistémologique des transformations de la culture
contemporaine. « Ce qui est en cause dans cette vision, ce sont moins les
fondements anthropologiques, la vision de l’humain, que la façon de recevoir et
de construire la vérité. (C’est pourquoi il l’appelle
« épistémologique »). On
pourrait – dit-il –, selon cette vue, parler d’une métamorphose de la
conscience collective tenant à une mise en cause du caractère absolu de
l’autorité. Selon cette vision,
l’anthropologie chrétienne, ou toute forme de postulat éthique, ne sont pas a
priori rejetés comme inexacts, mais perdent leur crédit lorsqu’ils sont
présentés sous le sceau d’une certitude exclusive. On serait alors moins dans une crise des valeurs
que dans une crise des modalités de leur transmission, ouverte par une relation
nouvelle aux diversités des savoirs et des expériences. » Cette évolution
peut d’ailleurs être constatée non seulement dans le domaine religieux, mais
aussi dans les domaines politique, scientifique et social. On peut y voir une
expression de ce dont parle saint Paul au chapitre 8 de sa Lettre aux Romains
lorsqu’il dit que la nature tout entière gémit dans les douleurs de
l’enfantement, attendant la pleine révélation des fils de Dieu.
De même, face à ce qui se vit présentement
dans l’Église, on peut avoir une interprétation cataclysmique ou une
interprétation épistémologique, pour utiliser l’expression de Jérôme Vignon.
Selon l’interprétation qu’on préférera, ou bien on s’efforcera de revenir à la
vitalité d’antan en s’efforçant de restaurer les formes religieuses du passé, ou
bien l’on concentrera ses efforts sur l’expérience de foi, confiants dans
l’Esprit qui sait, à chaque époque faire jaillir de nouvelles expressions de la
dimension religieuse de cette foi.
(Comment
nourrir la foi pascale)
Alors la vraie question est de savoir
comment nourrir, entretenir, raviver cette foi afin de pouvoir la partager.
Les chrétiens de la première génération se sont spontanément regroupés en
petites églises ou communautés locales. L’intensité de leur foi s’est exprimée
en pratiques religieuses engendrées par leur foi. Ils ont vite mis par écrit la
compréhension de cette foi dans des textes qu’ils se sont transmis de
génération en génération jusqu’à nous et qui nourrissent encore notre foi. Les
pratiques religieuses à travers lesquelles ils exprimaient leur communion dans
la même foi, la même espérance et le même amour ont longtemps évolué avant de
se scléroser à une époque plus récente.
Tous nos efforts doivent consister à développer
une foi pascale qui nous permettre de rencontrer Jésus de Nazareth tout au long
de nos cheminements, de le rencontrer dans ceux qui cheminent avec nous ou que
nous rencontrons. Conscients que, depuis sa résurrection il est toujours
présent partout, y compris dans notre monde sécularisé, nous devons nous
habituer à le voir apparaître et disparaître au gré de l’intensité de notre foi
ou de notre désenchantement.
Pour cela nous devons sans cesse pénétrer au fond de notre coeur pour y
écouter sa voix. C’est là l’expérience première de la foi. C’est ce que les
grands ascètes et mystiques de tous les temps ont conçu comme la prière
continuelle : être présent à la présence divine en pénétrant dans le silence, à
l’endroit de notre coeur où notre être jaillit de l’Être (avec un grand « E »).
Cette expérience ne s’enseigne pas. Aucun humain ne peut à proprement parler «
enseigner » la prière. Seul l’Esprit Saint le fait. Ce que l’être humain peut
faire est d’aider son frère ou sa soeur à préparer son coeur à la réception de
cette grâce. Diverses techniques peuvent
servir à cette purification et à cette préparation ; mais il serait dangereux
de considérer l’utilisation de ces méthodes comme une forme de prière. Elle ne peuvent qu’y
préparer.
Une forme de prière chrétienne par
excellence est l’écoute de la Parole de Dieu, que cette écoute se fasse en
lisant la Bible, seul ou en communauté, ou encore en écoutant cette parole, de
préférence dans la liturgie. Se mettre à
l’écoute de cette Parole, qui est nouvelle chaque fois que nous nous exposons à
elle, est une expérience de foi et un moyen privilégié de raviver notre foi.
Durant des siècles, surtout après la Réforme protestante et en réaction à
celle-ci, les catholiques laïcs ont été pratiquement coupés d’un contact direct
avec le texte de l’Écriture. Heureusement, déjà bien avant Vatican II, mais
plus spécialement depuis, l’ensemble des fidèles peut accéder directement à ce texte à travers diverses traductions -- ou dans
l’original -- et sont encouragés à le faire. L’expression lectio divina,
est devenue soudain populaire, et plusieurs personnes s’offrent pour
l’enseigner. Or le danger est de
transformer cette lectio en une
technique et quelque fois en une technique quelque peu ésotérique. Or il ne s’agit pas de pratiquer une
technique, ou d’être fidèle à une « observance » religieuse. On serait alors dans le domaine du religieux
et non plus de la foi. Il s’agit plutôt
de se mette simplement à l’écoute de la Parole de Dieu et de la laisser nous
interpeller comme personne individuelle aussi bien que comme communauté locale
ou comme Église et de la laisser opérer en nous une transformation du coeur et
de l’esprit, qui doit aboutir normalement à une transformation des attitudes et
de la vie.
Une autre façon tout à fait liée à
celle-ci de raviver notre foi consiste à former de petites communautés où cette
expérience de foi peut être partagée plus facilement que dans les grands
rassemblements, paroissiaux ou autres, qui demeurent nécessaires, mais qui ne
suffisent plus
(Notion
d’expérience)
J’ai utilisé quelques fois, depuis le
début de cet entretien, le mot expérience. Je suis conscient de l’ambiguïté de
ce mot, et c’est pourquoi je voudrais apporter quelques précisions.
À l’origine de la foi chrétienne, il y a un groupe d’homme et de femmes
qui, dans leur rencontre de Jésus de Nazareth, ont fait l’expérience de Dieu.
Ils ont vu Jésus, ils l’ont entendu, ils l’ont touché, ils l’ont admiré et
aimé, ils l’ont quelque peu compris, et quelques-uns parmi eux l’ont suivi.
Leur expérience de Dieu fut une synthèse – activement établie et maintenue –
entre une perception humaine d’une part et, d’autre part, une foi qui allait
bien au-delà de cette perception. Leur expérience de Dieu n’était pas le
sentiment ou l’ensemble de sentiments qu’ils pouvaient ressentir en présence de
Jésus, mais la synthèse de ces sentiments avec leur foi. Et cette synthèse eut
des effets profonds et permanents dans leur vie.
Dans notre vie spirituelle, il y a ordinairement des périodes de joie et de
consolation, suivies de périodes d’obscurité et d’ennui. Dieu n’est pas plus
présent ou plus absent dans les unes que dans les autres. Sa présence ne dépend
pas de nos états d’âme. Nous pouvons aussi faire l’expérience, au cours de
notre vie, de moments forts, de brefs moments (flashes) d’intuition ou
d’illumination lorsque, par exemple, il nous est subitement donné de comprendre
certaines paroles de l’Écriture. Nous pouvons aussi faire parfois l’expérience
d’un grand trouble et de confusion intérieure. Ces deux genres d’expérience se
passent en général à l’aube d’une nouvelle conversion. Il s’agit, de toute
façon, de points tournants dans notre vie, de moments de crise où notre
psychisme lui-même doit être converti.
De nos jours on parle assez souvent d’expériences de pointe (peak experiences en anglais), et l’on tend à leur donner une importance très grande, comme si
elles étaient un but dans la vie. Tout cela est beau et bon. Cependant, le
danger est que, dans beaucoup de mouvements culturels ou religieux
contemporains, depuis les années ’60 du dernier siècle, on considère trop
facilement de telles expériences comme des expériences religieuses et même comme
des expériences de Dieu. C’est là une erreur. Un sentiment artistique devant la
beauté, un mouvement d’amour intense en présence d’une personne chère, une
inclination généreuse vers ce qui est grand et absolu, ou encore un sentiment
de communion avec l’univers ou avec un groupe de personnes – tout cela est
admirable et peut facilement conduire à une expérience religieuse, mais ce n’en
est pas une en soi. De plus une expérience religieuse intense n’est pas
nécessairement une expérience de Dieu. Elle peut n’être que l’actualisation de
la dimension religieuse de notre psychisme humain.
Ces expériences peuvent être très bonnes en elles-mêmes ; elles peuvent
même conduire à une rencontre de Dieu. Il est cependant important de se rendre
compte qu’elles ne sont pas en elles-mêmes une expérience de Dieu. Je crains
qu’on ait parfois induit en erreur des chrétiens et des chrétiennes sincères en
leur enseignant des méthodes de prière conduisant à de tels états
psychologiques et en leur faisant croire que ces états psychologiques étaient
déjà la prière, alors qu’ils n’étaient qu’un préalable – souvent fort utile –
au don de la prière.
Un bel exemple d’expérience de Dieu est l’apôtre Paul. Ce qui lui est arrivé
sur le chemin de Damas fut certainement une expérience de pointe (peak experience).
Ce fut un moment très important dans sa vie. Mais Paul fut certainement aussi
intensément uni au Christ durant toutes les années suivantes de sa vie que
durant ce moment précis. De plus ce ne fut pas une expérience isolée. Elle
avait été préparée par quelque chose et elle fut suivie de quelque chose. En
effet, lorsque Paul s’engagea sur la route de Damas, son cœur était plein
d’agressivité contre les Chrétiens, non pas parce qu’il était un homme méchant,
mais au contraire parce qu’il était fidèle aux traditions dans lesquelles il
avait été formé. Il était plein d’agressivité, parce qu’il se sentait menacé
par cette nouvelle foi qui était opposée aux traditions qu’il chérissait et qui
l’avaient formé. C’est par amour pour Dieu qu’il persécutait les innovateurs.
Le vrai choc qui le jeta en bas de ses grands chevaux fut la question :
" Pourquoi ME persécutes-tu ? Un Dieu qui s’identifiait avec les
persécutés : ce fut le vrai choc pour le Juif, Paul de Tarse. Paul s’était
préoccupé jusqu’à ce moment de maintenir une séparation entre les Juifs et les
païens. Lorsqu’il se réveilla, ou lorsqu’Ananias ouvrit ses yeux, Paul aurait pu faire ce que tant de convertis ou de pseudo-convertis
font : il aurait pu se mettre à détruire ce qu’il avait servi, mais avec la
même passion, et se mettre à adorer ce qu’il avait détruit, mais avec la même
intolérance. Il aurait alors changé un " moi " pour un autre "
moi ". Le seul véritable changement aurait été l’identité de ceux qu’il
persécutait. Or, tout au contraire, et en dépit du fait que les premiers
Chrétiens étaient fortement tentés de renforcer leur identité et de souder leur
cohésion en luttant agressivement contre les Juifs, projetant sur eux leur
complexe de culpabilité et les rendant responsables de la mort de Jésus, Paul
utilisa toute son énergie et une grande partie de ses écrits pour démontrer que
les Juifs étaient et resteraient une partie intégrale du plan de salut.
Dans la vie chrétienne les expériences extraordinaires (celles auxquelles
on donne facilement le nom d’expériences mystiques) n’ont pas de valeur
spirituelle particulière. Elles sont des bornes sur la route. Rien de plus. Et
beaucoup de choses que nous pouvons facilement considérer comme des expériences
mystiques peuvent n’être en fait que de simples états psychologiques. Nous
faisons l’expérience de Dieu, non à travers des états psychologiques
particuliers, mais par le moyen d’une conversion continuelle, portée par une
observance de discipline quotidienne.
On en revient toujours à la même
conclusion. Ce qui est le plus urgent et le plus nécessaire est raviver et de
nourrir l’expérience de foi chez ceux qui ont encore une foi vivante, même si
elle est réduite à une braise plutôt qu’à une flamme vigoureuse.
L’Évangélisation, nouvelle ou ancienne, ne peut se faire que par la transmission
d’une foi vive et authentique. Si cette foi est vive, il se peut qu’elle
engendre en la personne qui la porte et qu’elle anime, des sentiments religieux
très vifs. Ces sentiments pourront évidemment pousser vivement le fidèle à
partager la foi qui le rend si joyeux ou si profondément heureux ; mais ce
n’est pas ces sentiments qu’il doit partager mais bien sa foi toute nue. Si
elle est réellement transmise, elle saura engendrer dans l’autre les sentiments
qui lui conviennent.
Fides quaerens intellectum
La foi doit aussi être éclairée. Saint Anselme parlait de fides quaerens intellectum ; et l’on sait
avec quelle consistance et quelle insistance Benoît XVI, tout au long de son
activité intellectuelle, depuis ses premières publications comme jeune
théologien jusqu’à ses dernières intervention comme pape a souligné
l’importance de la raison dans l’acte de foi. La faiblesse – et l’on pourrait dire le danger – de beaucoup de
mouvements religieux qui de nos jours peuvent encore attirer des foules surtout
de jeunes, est de faire appel au sentiment religieux et à une piété unilatéralement
affective, sans incorporer une solide culture intellectuelle.
Il y a dans le texte de Benoît XVI annonçant au cardinaux sa démission une petite phrase très « bénédictine ».
On sait que lorsque Joseph Ratzinger est devenu pape il a pris le nom de
Benoît, au moins en partie, comme il l’a expliqué lui-même, à cause de son
attachement à saint Benoît, dont il avait bien connu la spiritualité au cours
de ses nombreuses retraites dans les monastères bénédictins de Bavière. Il dit ceci
aux cardinaux : « Après avoir examiné ma conscience devant Dieu, à
diverses reprises, je suis parvenu à la certitude que mes forces, en raison de
l’avancement de mon âge, ne sont plus aptes à exercer adéquatement le ministère
pétrinien ».
Personnellement, en lisant ce texte,
j’ai tout de suite vu un parallèle avec un important passage de la Règle de
saint Benoît concernant l’acceptation d’un nouveau moine. Au nouveau venu,
auquel on donne l’accès au monastère uniquement après s’être assuré qu’il
désire vraiment et pour les bonnes raisons ce qu’il demande, on lui lit trois
fois la Règle de la communauté en lui disant chaque fois qu’il est libre de
rester ou de partir. Et, à la fin, c’est lui qui doit prendre sa décision
après, dit saint Benoît, « une
sérieuse délibération avec lui-même ». Il n’y a ici, comme dans la formule
de Benoît XVI, aucun faux mysticisme, aucune recherche de « signes »
de la volonté de Dieu. Il y a au contraire la pleine assomption de sa
responsabilité de prendre soi-même sa décision, en analysant le poids de la
tâche et les forces dont on dispose. La tâche à accomplir est la première
considération ; l’évaluation attentive de ses propres forces en consultant
à plusieurs reprises sa conscience vient ensuite. L’examen rationnel de la
relation entre les deux conduit à une décision. C’est là une profonde vue de foi, et tout
l’opposé de ce que serait une prière pour demander à Dieu des « signes »
de sa volonté.
Monseigneur Joseph Doré, lui aussi un théologien
devenu évêque puis démissionnaire de son propre choix lorsqu’il jugea le moment
venu, a un beau chapitre sur la foi dans son livre : À cause de Jésus ! Pourquoi
je suis demeuré chrétien et reste catholique. On y trouve cette formule
surprenante, mais combien expressive : « Il n’y a pas moyen de croire sans croire ». Une autre façon de
dire que toute forme de témoignage, d’enseignement ou de proposition des
valeurs chrétiennes ou de la foi doit prendre en considération celui à qui
cette proposition est faite afin de s’assurer qu’elle lui a été faite d’une
façon pour lui intelligible.
C’est sans doute pourquoi un autre
théologien demeuré jeune malgré son grand âge, le père Joseph Moingt, dit que
les hommes d’aujourd’hui sont beaucoup plus sensibles lorsqu’on leur parle de sens que lorsqu’on leur parle de salut.
Les deux formules renvoient à la même réalité et à la même personne de
Jésus-Christ, le Fils de Dieu qui s’est fait homme pour nous révéler le sens,
la signification, la destination de notre existence humaine.
Dans un
monde sécularisé
Si l’on est d’accord sur le fait que ce qui se passe actuellement est un problème
de société et que nous assistons à ce que Jérôme Vignon appelle une transformation
épistémologique, nous ne gaspillerons pas d’énergie à vouloir contrecarrer la
sécularisation de notre société, comme si elle était nécessairement l’œuvre du démon.
Nous consacrerons plutôt cette énergie à reconnaître la présence du Christ dans
ce monde sécularisé, même si, selon l’économie de la foi pascale, cette présence
se manifeste rarement et relève plutôt de notre capacité de voir et de la
qualité de notre regard que de ce qui se passe dans ce monde au milieu duquel
nous vivons. Le Christ post-pascal est présent partout et en tout temps. C’est
l’intensité de notre foi qui nous permettra de le voir et c’est par cette
intensité de notre foi, et non par la visibilité de nos exercices religieux que
nous pourrons communiquer cette foi aux autres.
Cela revient toujours au même dilemme : Faut-il tout faire pour
nourrir une expérience contemplative de foi adulte qui trouvera ses moyens
d’expression à travers la vie de tous les jours et périodiquement à travers des
expressions rituelles et sacramentelles ; ou faut-il mettre toute son
énergie à multiplier les manifestations religieuses et rituelles en espérant qu’elles nourrisse la foi qu’elles présupposent. Il ne faut
évidemment pas exclure ni l’une ni l’autre approche. Mais le fait d’en privilégier
l’une plutôt que l’autre peut signifier le succès ou l’échec de nos efforts de
nouvelle évangélisation.
Et, de toute façon, dans notre relation personnelle avec Dieu, sans
négliger le moins du monde la pratique sacramentelle et les autres expressions
rituelles de la foi, il ne faut jamais oublier que nous sommes sauvés par une
intervention tout à fait gratuite de Dieu à cause de notre foi et non par notre
pratique religieuse. Puissions-nous
entendre sans cesse la voix du Ressuscité nous dire comme il le disait aux
personnes qu’il guérissait sur les chemins de Galilée et de Judée « Ne crains
pas. Ta foi t’a sauvé »
Armand VEILLEUX, ocso
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