Écrits et conférences d'intérêt général
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Les espérances des Catholiques
d’aujourd’hui
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Lorsqu’on m’a communiqué,
il y a déjà quelques mois, le thème que je devais traiter, je
l’ai trouvé fort intéressant, car il répond à mes préoccupations
personnelles. Cependant lorsque j’ai commencé, il y a quelques
jours, à vouloir mettre mes idées par écrit, j’ai trouvé problématique
chacun des éléments de ce titre, que je voudrais donc tout d’abord
décortiquer avec vous, avant d’entrer dans le vif de ma réflexion. Tout d’abord, je trouve
problématique le pluriel de « les espérances ». Je trouve en effet important de distinguer entre
mon espérance et mes espoirs.
L’objet de mon espérance c’est Dieu, c’est l’appel que
nous avons tous reçu à être transformés à l’image du Christ, c’est
le retour de toutes, de tous et de tout dans le Christ, que Teilhard
de Chardin appelait le point Omega. Cette espérance est inaltérable
car elle est fondée sur Celui qui est le Fidèle par excellence.
Elle ne saurait être déçue – en tout cas pas de la part
de Dieu, malgré mes – nos – infidélités.
Et puis, je suis remplis de mille-et-un espoirs et d’autant
d’utopies – espoirs d’étapes, de paliers, de moyens pour arriver
à l’objet de mon indéfectible espérance. Même si je me sens encore jeune, j’ai assez
vécu pour savoir que pour arriver à l’objet de cette espérance
je dois accepter la mort d’un grand nombre de mes espoirs, tout
en comptant bien qu’au moins quelques-uns se réalisent.
Tout ça pour dire que même si seulement une partie de mes
espoirs se réaliseront, cela n’entamera jamais mon espérance. L’autre question que je
me suis posée c’est au sujet du sens du mot « catholiques ». On peut évidemment entendre par ce mot les personnes
qui font partie de l’institution qu’on appelle l’Église catholique
romaine. Mais le mot « katholikos » a eu dans le passé et
continue d’avoir un sens beaucoup plus large, désignant l’ensemble
du Peuple de Dieu, qui n’est pas co-extensible avec cette Institution,
et qui comprend la grande communion de tous ceux qui ont mis leur
foi et leur espérance dans le Christ. De par sa nature, ce Peuple,
cette Église – catholique dans son sens le plus profond et le
plus large -- est constitué de personnes très différentes les
unes des autres et dont la beauté s’enracine précisément dans
ces différences. – Rappelez-vous ce si beau passage du Testament
de Christian de Chergé qui nous parle de Dieu restaurant l’unité
de l’humanité en jouant avec nos différences. Donc, le grand nombre de personnes qui constituent
ce Peuple nourrissent des espoirs très nombreux et très divers.
Avec les uns je puis m’identifier, mais certainement pas
avec tous. Je ne puis donc
pas prétendre parler de tous les espoirs des catholiques d’aujourd’hui,
mais seulement des espoirs qui sont les miens et que je crois
partager avec un large secteur des Chrétientés.
Je me souviens qu’avant
le premier Synode de l’Église universelle – le premier d’une longue
série de synodes tous fort semblables quoique ayant des thèmes
différents – le pape Paul VI avait voulu que les moines adressent
à ce synode un message affirmant leur foi en la possibilité d’une
rencontre verticale avec Dieu – à une époque où on insistait beaucoup
sur la communion horizontale. On avait alors demandé à Thomas Merton de rédiger
– ou en tout cas de participer à la rédaction de – ce message. Il s’y était refusé, disant : « De
quel droit parlerai-je de haut à mes frères dans le monde. Moi et mes frères dans le monde nous ne sommes
tous que de pauvres pèlerins tombés sous les coups des mêmes brigands ;
et tout ce que nous pouvons faire est de nous aider mutuellement
à sortir du fossé. » De
même, je ne prétendrai pas pouvoir parler au nom de tous les « Catholiques »
d’aujourd’hui. Je présenterai
simplement mes propres espoirs, étant quand même confiant de les
posséder en commun avec beaucoup d’autres. Évidemment le mot « aujourd’hui »
a son importance. Mes espoirs
– nos espoirs – d’aujourd’hui ne sont pas ceux d’il y a quarante
ans ou même simplement vingt ou dix ans.
Et la plupart seront remplacés demain par d’autres espoirs
– tous nourrissant la même espérance.
Pour expliquer d’où je
viens, je dirai que je fais partie de la génération de ceux qui
ont attendu le Concile Vatican II, qui se sont grandement réjouis
de son annonce par Jean XXIII, qui l’ont suivi au jour le jour
avec intérêt, y plaçant de grands espoirs – qui ont travaillé
avec toutes leurs forces à le mettre en pratique, qui ont vu certains
de leurs espoirs se réaliser mais qui ont dû faire le deuil d’une
grande partie, sinon de la majeure partie de leurs espoirs – sans
pour autant ne jamais perdre l’espérance.
Voir des secteurs entiers de l’institution ecclésiastique
faire en quelque sorte marche arrière et tenter de revenir sur
bien des points à l’avant-Concile fait mal ; mais n’entame
pas l’espérance. Avant de présenter quelques-uns
de mes espoirs, je voudrais affirmer quelques-unes de mes convictions. L’Église c’est nous En tout premier lieu
je veux réaffirmer – ce que plusieurs des autres intervenants
de cette rencontre ont exprimé sur des registres différents : l’Église, c’est nous. Lorsque nous parlons de l’Église, nous ne devons
pas penser d’abord à sa structure hiérarchique, au Pape et à la
Curie romaine, ni même aux évêques et aux prêtres.
Nous devons penser à l’ensemble des Chrétiens, parmi lesquels
certains ont reçu des ministères à remplir.
Ces ministères ne se situent pas au dessus du Peuple. Ils se situent au coeur du Peuple. Et je crois qu’il faut aller plus loin. Par l’expression « ensemble des Chrétiens »
il faut entendre non seulement tous ceux qui appartiennent à l’Église
catholique romaine, mais tous ceux qui ont mis leur foi dans le
Christ, et qui l’expriment visiblement soit à travers une pratique
liturgique et sacramentelle – dont il ne faut évidemment pas minimiser
l’importance --soit simplement à travers une vie conforme au message
évangélique et surtout à la loi de l’amour du prochain. Cette conception de l’Église,
qui est un retour à la vision de l’époque patristique, est l’une
des pierres angulaires de l’ecclésiologie de Vatican II, exprimée
dans « Lumen gentium », la constitution dogmatique
sur l’Église. Rompant avec
la vision pyramidale des derniers siècles, cette ecclésiologie
voit l’Église non plus d’abord comme une société hiérarchiquement
structurée, mais comme un sacrement, un mysterion,
c’est-à-dire la manifestation visible du mystère du salut – mystère
de communion trinitaire, dans la visibilité d’une communion entre
les hommes et les femmes constituant l’humanité que le Fils de
Dieu a assumée tout entière dans son Incarnation. L’Église existe pour le monde Autre conviction
profonde : L’Église
n’existe pas pour elle-même. Elle
existe pour le monde. Dieu
a tant aimé le monde qu’il lui a envoyé son Fils Unique.
À ce même monde qu’il a tant aimé, même si celui-ci ne
l’a pas reçu, le Christ a envoyé tous ses fidèles.
L’Église n’est pas la communauté d’une petite partie de
l’humanité ayant le privilège d’être sauvée, ou en tout cas appelée
au salut. Elle est la communauté
de ceux qui ont reçu la mission de témoigner dans leur vie du
salut auquel tous, sans exception, sont conviés. L’Église n’a donc pas
à se préoccuper de « sa » visibilité ; elle doit
se préoccuper de la visibilité du salut.
Qu’est-ce que le salut – c’est la participation à la vie
divine. Or la vie divine est essentiellement une vie de communion :
communion entre le Père et le Fils dans un même Amour, au sein
de la Trinité. Cette communion
a été communiquée à l’humanité à travers Jésus de Nazareth, pleinement
divin et pleinement humain. Elle nous est offerte à tous comme un don et
une mission. C’est la mission
fondamentale de tous ceux qui croient au Christ non seulement
de vivre cette communion mais de la rendre visible en la vivant. L’espoir fondamental des
Catholiques à l’égard du monde c’est, me semble-t-il de lui donner
et de lui redonner l’espérance, surtout à notre époque où tant
d’espoirs ont été trahis. Il faudrait repartir du
beau vieux mythe de la Genèse nous montrant la parfaite harmonie
initiale entre les humains et Dieu et avec tout le cosmos brisée
par le péché. À partir de ce moment-là toutes les harmonies
ont été brisées et elles sont toutes à rétablir. Le Fils de Dieu
est venu pour cela et nous a donner la mission de continuer sa
tâche. Dans un monde comme celui
où nous vivons, où il y a tant de guerres et de violence ;
dans un monde où de prétendus philosophes prônent la lutte entre
les cultures et les civilisations, dans un monde où l’on écrase
des peuples pour leur infuser de force ce qu’on prétend être la
démocratie, dans un monde où les mêmes pouvoirs qui ont mis sur
pied des machines de mort se votent ou se font voter par des référendums
téléguidés des auto-amnisties, les chrétiens doivent s’efforcer
de nourrir l’espérance en semant des espoirs de communion en vivant
eux-mêmes cette communion à tous les niveaux – Communion avec
Dieu, communion entre les humains, entre les peuples, les cultures
et les religions, communion aussi avec le cosmos.
À côté des exigences de
cette communion les problèmes concernant les structures de l’institution
ecclésiale, concernant la curie romaine, concernant la messe de
Saint Pie V (ou Pie VI ou Pie VII, peu importe), concernant les
traductions liturgiques, etc.
sont, somme toute, fort secondaires.
Ils n’en sont pas moins réels. Les espoirs des chrétiens face à la structure ecclésiale Je voudrais traiter
maintenant des espoirs – de mes espoirs – face à l’institution
ecclésiale qu’est l’Église catholique romaine.
Mais, encore une fois, j’entends par « Église »
l’ensemble de la communauté ecclésiale – donc, nous tous – et
non seulement la hiérarchie, et je voudrais présenter ces espoirs
dans le cadre plus général de ce que je viens de décrire comme
étant mes convictions fondamentales. Tous mes espoirs sont reliés à la réalité fondamentale
de la « communion ». L’espoir le plus fondamental
doit être que chaque chrétien soit préoccupé avant tout de sa
propre communion avec Dieu. L’appartenance
à Dieu est antérieur à l’appartenance à l’Église. Pour cela il est important que l’évangélisation
et la catéchèse ne consistent pas seulement à initier à des rites
ni même à enseigner des vérités, mais à conduire à une relation
personnelle d’amour avec le Dieu qui habite au plus profond de
chacun de nos coeurs. Si cette communion existe, toutes les autres
communions en jailliront comme des fruits.
Si elle n’existe pas, tous les autres efforts dits pastoraux
ne seront que du remue-ménage stérile.
C’est pourquoi il est important que l’évangélisation –
qui doit être toujours « nouvelle » sous peine de ne
pas mériter son nom – doit être une inculturation permanente,
c’est-à-dire une confrontation sans cesse renouvelée du message
évangélique avec la culture d’aujourd’hui – pas celle d’hier ou
d’avant-hier – et dans un langage compréhensible à l’homme d’aujourd’hui. De cette rencontre, l’expérience humaine d’aujourd’hui
recevra un niveau nouveau de signification et le message évangélique
recevra une nouvelle expression – ce qui est l’essentiel de l’inculturation. L’Église, dans sa réalité
théologique et mystique est née à la Pentecôte, comme on le dit
souvent. Par ailleurs,
l’Église en tant que structure ecclésiastique est née lorsque
les premiers chrétiens ont donné une organisation visible à leur
communion et ont élaboré un ensemble de services ou ministères
au service de cette communion, et se sont donné aussi des structures
pour mettre cette communion au service de toute l’humanité à travers
leur prédication et leur activité missionnaire. Conformément à
la loi de l’Incarnation, le Fils de Dieu s’étant fait homme à
un moment précis de l’histoire humaine, l’extraordinaire système
de communication de l’Empire romain a permis au message évangélique
de se répandre rapidement dans tout cet immense empire romain.
Mais il ne faut pas oublier que cet empire romain était
essentiellement une fédération de cités, de telle sorte que le
christianisme primitif fut avant tout une religion des villes,
les habitants des campagnes étant appelés les « païens »
ou « paysans ». Avec
la paix dite constantinienne, l’Église s’organisa en diocèses
sur la base de la structure administrative de l’empire romain.
Cette structure persista tout au long du Moyen-âge et jusqu’à
nos jours, malgré les invasions barbares et le remplacement de
l’empire par la société féodale.
On connut alors une longue période dite de « chrétienté »
durant laquelle les gens n’étaient probablement pas plus chrétiens
qu’aujourd’hui, mais où l’Église était le point de repère et où
les valeurs chrétiennes étaient reconnues par tous comme des valeurs
fondamentales, même par ceux qui ne les vivaient pas. Cette période est terminée et les efforts pour
la rétablir sont aussi futiles qu’ils sont pathétiques. Un des espoirs que je
nourris, et que je partage sans doute avec beaucoup de Catholiques,
c’est que l’Église en tant qu’institution ecclésiastique, se rende
compte et reconnaisse explicitement que cette période de chrétienté
est terminée. Cela signifie non seulement la pleine acceptation
de la laïcité de la société – évidemment plutôt dans la ligne
de la laïcité à la française que dans la ligne du fondamentalisme
laïque à la belge – mais aussi l’élaboration de nouvelles structures
de présence au sein de la société.
Cela veut dire que l’activité
missionnaire de l’Église doit se réaliser essentiellement à travers
la qualité de vie de chaque croyant beaucoup plus qu’à travers
une visibilité collective et de grandes démonstrations publiques. Il est important de ne pas confondre la visibilité
du message évangélique vécue par chaque chrétien, chacun dans
son milieu de vie et de travail, et la visibilité de l’Église
comme institution. Personnellement je doute beaucoup que les processions
dans nos villes ou nos villages, soit avec le Saint Sacrement,
soit avec les reliques de tel saint ou telle sainte, aient un
réelle valeur évangélisatrice, même si elles constituent une visibilité
folklorique de l’institution ecclésiale. Au sein d’un Peuple de
Dieu conçu de cette façon, il y a évidemment place pour des responsabilités
diverses, des services et ministères. Ils sont même nécessaires. Mais ils sont des services de la communion comportant
parfois une réelle autorité mais non pas l’exercice d’un pouvoir.
Dans cette perspectives tous les insignes honorifiques et toute
la garde-robe ecclésiastique héritée des coutumes de l’empire
romain ou des cours féodales n’a plus grand sens.
On comprend toute l’importance que ce folklore conserve
ou prend à nouveau chez ceux qui s’efforce de rétablir une situation
sociale de chrétienté. Ce sont là des choses
somme toute superficielles. Il
y a plus profond. Mon espoir
est que l’Église redevienne plus visiblement une communauté de
communautés. La vision ecclésiologique de Vatican II , dont
j’ai parlé tout à l’heure, considère que la cellule fondamentale
de l’Église est l’Église locale. Celle-ci n’est pas une subdivision
administrative de l’Église universelle ;
mais c’est plutôt l’Église universelle qui est constituée
par la communion entre toutes les Églises locales.
Il me semble que toutes les transformations subies par
nos sociétés, à l’échelle mondiale, au cours des derniers siècles
fait que la structure administrative de l’Église fondée sur les
structures de l’Empire romain à l’époque de Constantin, puis sur
celles de la société féodale, exige de façon de plus en plus urgente
une opération assez radicale de décentralisation des structures
de gouvernement. Le Pape, successeur de
Pierre, comme évêque de Rome – ce qui est sa fonction première
et essentielle -- est aussi successeur de Pierre dans sa mission
de confirmer ses frères dans la Foi.
Ce qui implique évidemment un certain primat et une autorité
doctrinale au niveau de l’Église universelle.
Je crois que personne d’entre nous ne niera ce primat et
cette responsabilité pastorale universelle.
Mais les structures administratives qui se sont développées
au cours des siècles pour l’aider dans l’exercice de cette tâche
– concrètement celles de la Curie romaine – ont pris des proportions
gigantesques qui semblent en beaucoup de cas étouffer la communion
plutôt que la servir et la promouvoir – d’autant plus que les
moyens modernes de communication lui donnent une capacité d’intervention
pratiquement immédiate à travers le monde. Concrètement, le renversement
fait par la Constitution de Vatican II sur l’Église, remplaçant
la vision pyramidale des siècles précédents par une vision comunionnelle,
n’a pas encore été concrétisée dans les structures administratives
de la Curie. Pour réaliser le « renversement »
aussi à ce niveau-là, il faudrait que naissent graduellement de
nouvelles structures qui fassent remonter la vie de la base vers
le sommet. Il faudrait que les évêques locaux et les conférences
épiscopales nationales et continentales aient plus d’autorité,
comme elles en ont eu durant des siècles, les réajustement de
tir et la correction d’erreurs éventuelles se faisant par le sensus fidelium, comme durant les premiers siècles, beaucoup plus
que par la parution continuelle de règlements universels et de
mises en garde. On doit aussi rêver que
les synodes de l’Église universelle, qui ressemblent souvent à
des copies au papier carbone les uns des autres, soient beaucoup
plus un exercice de la collégialité épiscopale agissant avec autorité
en communion avec le successeur de Pierre que de simples assemblées
de consultation préparant une liste de propositions à partir desquels
une équipe de rédacteurs rédigera une instruction que le Pape
fera sienne et promulguera. Au cours du dernier siècle
et même du siècle précédent, l’Église catholique a été bénie par
une succession de Papes qui ont tous été de grandes figures par
leur sainteté personnelle aussi bien que par leurs qualités humaines
et intellectuelles. Cela a été une grâce pour l’Église ; mais
a aussi concouru indirectement à un développement de plus en plus
grand de l’aire d’intervention du Pape dans la vie de l’Église
universelle.au point où l’on a parfois parlé de Jean-Paul II comme
étant « l’évêque de l’Église universelle » (ce qui est
certainement faux théologiquement) ou comme « le curé de
l’Église universelle ». À
une époque où il y a dans toute la société une crise de l’autorité
(nos sociétés civiles étant caractérisées par l’exercice du pouvoir
sans véritable autorité), le peuple en général et surtout les
jeunes ont facilement développé à l’égard de Jean-Paul II un culte
parfois semblable à celui octroyé à une star, portant souvent
beaucoup plus d’attention au messager qu’au message.
Sans nier le bien immense que peuvent faire de grands rassemblements
comme les JMJ, on peut se demander s’ils ne risquent pas d’intensifier
ce processus de glissement. Dans cette perspective,
une participation plus active des fidèles serait souhaitable dans
le choix des évêque, au-delà de la consultation qui se fait depuis
quelques années auprès de quelques personnes. Il me semble urgent également
de repenser le ministère sacerdotal, non pas tellement à cause
du manque de plus en plus aigu du nombre de prêtres, mais bien
plutôt parce que ce manque de prêtres est l’une des conséquence
du fait que cette révision n’a pas été faite assez tôt.
Au cours des premiers siècles de l’Église, divers ministères
sont nés, au fur et à mesure des besoins et selon les circonstances,
plusieurs d’entre eux étant exercés par des laïques.
Graduellement, surtout au cours des siècles de l’Église
impériale et féodale, tous ces ministères ont été regroupés sur
la même personne, exerçant une fonction importance d’autorité
sur l’église locale considérée comme subdivision administrative
de l’église diocésaine et donc sous l’autorité immédiate de l’évêque. On pourrait revernir à
une plus grande diversification des ministères, certains étant
exercés par quelqu’un ayant reçu une ordination sacramentelle
spéciale pour ce ministère concret.
Il n’y a aucune raison théologique contraignante voulant
que le ministre de l’Eucharistie soit aussi l’administrateur de
la paroisse et le dispensateur de l’enseignement ou de la catéchèse.
Si l’on revenait à cette grande diversification des ministères,
la question du célibat ecclésiastique d’une part, et celle de
l’ordination des femmes à tel ou tel ministère se poseraient d’une
façon toute différente. Beaucoup d’autres aspects
pourraient encore être mentionnés.
On en reviendra toujours au primat de la communion. Tout au long de l’Évangile,
on voit que le Christ a toujours exercé une grande autorité tout
en refusant constamment le pouvoir.
Notre Église – c’est là un autre de mes désirs – doit réapprendre
à vivre sans pouvoir – et doit donc pour être crédible se défaire
des affublement du pouvoir. Elle doit réapprendre à vivre sous
la tente, comme le peuple d’Israël au désert, piquant sa tente
lorsque la nuée s’arrête et se remettant en marche lorsque la
nuée se lève. Nous avons besoin d’une
Église nomade.
[1]
Conférence donnée à l’Abbaye de Maredsous, Belgique,
au cours d’un colloque sur le thème “Quel avenir pour les catholiques
et leur Église?”le 12 novembre 2005. Les autres intervenants
étaient Guy Gilbert, Hilde Keboom et Paul Tihon. Le texte des
interventions a été publié par les Éditions Fidélité, Namur,
2006. |
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