Écrits et conférences d'intérêt général



(Dernière mise à jour le 23 juillet 2008)

 

 

 
 

 

Les espérances des Catholiques d’aujourd’hui [1]

 

 

            Lorsqu’on m’a communiqué, il y a déjà quelques mois, le thème que je devais traiter, je l’ai trouvé fort intéressant, car il répond à mes préoccupations personnelles.  Cependant lorsque j’ai commencé, il y a quelques jours, à vouloir mettre mes idées par écrit, j’ai trouvé problématique chacun des éléments de ce titre, que je voudrais donc tout d’abord décortiquer avec vous, avant d’entrer dans le vif de ma réflexion.

 

            Tout d’abord, je trouve problématique le pluriel de « les espérances ».  Je trouve en effet important de distinguer entre mon espérance et mes espoirs.  L’objet de mon espérance c’est Dieu, c’est l’appel que nous avons tous reçu à être transformés à l’image du Christ, c’est le retour de toutes, de tous et de tout dans le Christ, que Teilhard de Chardin appelait le point Omega. Cette espérance est inaltérable car elle est fondée sur Celui qui est le Fidèle par excellence.  Elle ne saurait être déçue – en tout cas pas de la part de Dieu, malgré mes – nos – infidélités.  Et puis, je suis remplis de mille-et-un espoirs et d’autant d’utopies – espoirs d’étapes, de paliers, de moyens pour arriver à l’objet de mon indéfectible espérance.  Même si je me sens encore jeune, j’ai assez vécu pour savoir que pour arriver à l’objet de cette espérance je dois accepter la mort d’un grand nombre de mes espoirs, tout en comptant bien qu’au moins quelques-uns se réalisent.  Tout ça pour dire que même si seulement une partie de mes espoirs se réaliseront, cela n’entamera jamais mon espérance.

 

            L’autre question que je me suis posée c’est au sujet du sens du mot « catholiques ».  On peut évidemment entendre par ce mot les personnes qui font partie de l’institution qu’on appelle l’Église catholique romaine.  Mais le mot « katholikos » a eu dans le passé et continue d’avoir un sens beaucoup plus large, désignant l’ensemble du Peuple de Dieu, qui n’est pas co-extensible avec cette Institution, et qui comprend la grande communion de tous ceux qui ont mis leur foi et leur espérance dans le Christ.

 

            De par sa nature, ce Peuple, cette Église – catholique dans son sens le plus profond et le plus large -- est constitué de personnes très différentes les unes des autres et dont la beauté s’enracine précisément dans ces différences. – Rappelez-vous ce si beau passage du Testament de Christian de Chergé qui nous parle de Dieu restaurant l’unité de l’humanité en jouant avec nos différences.  Donc, le grand nombre de personnes qui constituent ce Peuple nourrissent des espoirs très nombreux et très divers.  Avec les uns je puis m’identifier, mais certainement pas avec tous.  Je ne puis donc pas prétendre parler de tous les espoirs des catholiques d’aujourd’hui, mais seulement des espoirs qui sont les miens et que je crois partager avec un large secteur des Chrétientés. 

 

            Je me souviens qu’avant le premier Synode de l’Église universelle – le premier d’une longue série de synodes tous fort semblables quoique ayant des thèmes différents – le pape Paul VI avait voulu que les moines adressent à ce synode un message affirmant leur foi en la possibilité d’une rencontre verticale avec Dieu – à une époque où on insistait beaucoup sur la communion horizontale.  On avait alors demandé à Thomas Merton de rédiger – ou en tout cas de participer à la rédaction de – ce message.  Il s’y était refusé, disant : « De quel droit parlerai-je de haut à mes frères dans le monde.  Moi et mes frères dans le monde nous ne sommes tous que de pauvres pèlerins tombés sous les coups des mêmes brigands ; et tout ce que nous pouvons faire est de nous aider mutuellement à sortir du fossé. »  De même, je ne prétendrai pas pouvoir parler au nom de tous les « Catholiques » d’aujourd’hui.  Je présenterai simplement mes propres espoirs, étant quand même confiant de les posséder en commun avec beaucoup d’autres.

 

            Évidemment le mot « aujourd’hui » a son importance.  Mes espoirs – nos espoirs – d’aujourd’hui ne sont pas ceux d’il y a quarante ans ou même simplement vingt ou dix ans.  Et la plupart seront remplacés demain par d’autres espoirs – tous nourrissant la même espérance. 

 

            Pour expliquer d’où je viens, je dirai que je fais partie de la génération de ceux qui ont attendu le Concile Vatican II, qui se sont grandement réjouis de son annonce par Jean XXIII, qui l’ont suivi au jour le jour avec intérêt, y plaçant de grands espoirs – qui ont travaillé avec toutes leurs forces à le mettre en pratique, qui ont vu certains de leurs espoirs se réaliser mais qui ont dû faire le deuil d’une grande partie, sinon de la majeure partie de leurs espoirs – sans pour autant ne jamais perdre l’espérance.  Voir des secteurs entiers de l’institution ecclésiastique faire en quelque sorte marche arrière et tenter de revenir sur bien des points à l’avant-Concile fait mal ; mais n’entame pas l’espérance.

 

            Avant de présenter quelques-uns de mes espoirs, je voudrais affirmer quelques-unes de mes convictions.

 

 

L’Église c’est nous

 

            En tout premier lieu je veux réaffirmer – ce que plusieurs des autres intervenants de cette rencontre ont exprimé sur des registres différents :  l’Église, c’est nous.  Lorsque nous parlons de l’Église, nous ne devons pas penser d’abord à sa structure hiérarchique, au Pape et à la Curie romaine, ni même aux évêques et aux prêtres.  Nous devons penser à l’ensemble des Chrétiens, parmi lesquels certains ont reçu des ministères à remplir.  Ces ministères ne se situent pas au dessus du Peuple.  Ils se situent au coeur du Peuple.  Et je crois qu’il faut aller plus loin.  Par l’expression « ensemble des Chrétiens » il faut entendre non seulement tous ceux qui appartiennent à l’Église catholique romaine, mais tous ceux qui ont mis leur foi dans le Christ, et qui l’expriment visiblement soit à travers une pratique liturgique et sacramentelle – dont il ne faut évidemment pas minimiser l’importance --soit simplement à travers une vie conforme au message évangélique et surtout à la loi de l’amour du prochain.

 

            Cette conception de l’Église, qui est un retour à la vision de l’époque patristique, est l’une des pierres angulaires de l’ecclésiologie de Vatican II, exprimée dans « Lumen gentium », la constitution dogmatique sur l’Église.  Rompant avec la vision pyramidale des derniers siècles, cette ecclésiologie voit l’Église non plus d’abord comme une société hiérarchiquement structurée, mais comme un sacrement, un mysterion, c’est-à-dire la manifestation visible du mystère du salut – mystère de communion trinitaire, dans la visibilité d’une communion entre les hommes et les femmes constituant l’humanité que le Fils de Dieu a assumée tout entière dans son Incarnation.

 

 

 

L’Église existe pour le monde

 

            Autre conviction profonde :  L’Église n’existe pas pour elle-même.  Elle existe pour le monde.  Dieu a tant aimé le monde qu’il lui a envoyé son Fils Unique.  À ce même monde qu’il a tant aimé, même si celui-ci ne l’a pas reçu, le Christ a envoyé tous ses fidèles.  L’Église n’est pas la communauté d’une petite partie de l’humanité ayant le privilège d’être sauvée, ou en tout cas appelée au salut.  Elle est la communauté de ceux qui ont reçu la mission de témoigner dans leur vie du salut auquel tous, sans exception, sont conviés.

 

            L’Église n’a donc pas à se préoccuper de « sa » visibilité ; elle doit se préoccuper de la visibilité du salut.  Qu’est-ce que le salut – c’est la participation à la vie divine. Or la vie divine est essentiellement une vie de communion : communion entre le Père et le Fils dans un même Amour, au sein de la Trinité.  Cette communion a été communiquée à l’humanité à travers Jésus de Nazareth, pleinement divin et pleinement humain.  Elle nous est offerte à tous comme un don et une mission.  C’est la mission fondamentale de tous ceux qui croient au Christ non seulement de vivre cette communion mais de la rendre visible en la vivant.

 

            L’espoir fondamental des Catholiques à l’égard du monde c’est, me semble-t-il de lui donner et de lui redonner l’espérance, surtout à notre époque où tant d’espoirs ont été trahis.

 

            Il faudrait repartir du beau vieux mythe de la Genèse nous montrant la parfaite harmonie initiale entre les humains et Dieu et avec tout le cosmos brisée par le péché.  À partir de ce moment-là toutes les harmonies ont été brisées et elles sont toutes à rétablir. Le Fils de Dieu est venu pour cela et nous a donner la mission de continuer sa tâche.

 

            Dans un monde comme celui où nous vivons, où il y a tant de guerres et de violence ; dans un monde où de prétendus philosophes prônent la lutte entre les cultures et les civilisations, dans un monde où l’on écrase des peuples pour leur infuser de force ce qu’on prétend être la démocratie, dans un monde où les mêmes pouvoirs qui ont mis sur pied des machines de mort se votent ou se font voter par des référendums téléguidés des auto-amnisties, les chrétiens doivent s’efforcer de nourrir l’espérance en semant des espoirs de communion en vivant eux-mêmes cette communion à tous les niveaux – Communion avec Dieu, communion entre les humains, entre les peuples, les cultures et les religions, communion aussi avec le cosmos. 

 

            À côté des exigences de cette communion les problèmes concernant les structures de l’institution ecclésiale, concernant la curie romaine, concernant la messe de Saint Pie V (ou Pie VI ou Pie VII, peu importe), concernant les traductions liturgiques, etc.  sont, somme toute, fort secondaires.  Ils n’en sont pas moins réels.

 

           

Les espoirs des chrétiens face à la structure ecclésiale

 

            Je voudrais traiter maintenant des espoirs – de mes espoirs – face à l’institution ecclésiale qu’est l’Église catholique romaine.  Mais, encore une fois, j’entends par « Église » l’ensemble de la communauté ecclésiale – donc, nous tous – et non seulement la hiérarchie, et je voudrais présenter ces espoirs dans le cadre plus général de ce que je viens de décrire comme étant mes convictions fondamentales.  Tous mes espoirs sont reliés à la réalité fondamentale de la « communion ».

 

            L’espoir le plus fondamental doit être que chaque chrétien soit préoccupé avant tout de sa propre communion avec Dieu.  L’appartenance à Dieu est antérieur à l’appartenance à l’Église.  Pour cela il est important que l’évangélisation et la catéchèse ne consistent pas seulement à initier à des rites ni même à enseigner des vérités, mais à conduire à une relation personnelle d’amour avec le Dieu qui habite au plus profond de chacun de nos coeurs.  Si cette communion existe, toutes les autres communions en jailliront comme des fruits.  Si elle n’existe pas, tous les autres efforts dits pastoraux ne seront que du remue-ménage stérile.  C’est pourquoi il est important que l’évangélisation – qui doit être toujours « nouvelle » sous peine de ne pas mériter son nom – doit être une inculturation permanente, c’est-à-dire une confrontation sans cesse renouvelée du message évangélique avec la culture d’aujourd’hui – pas celle d’hier ou d’avant-hier – et dans un langage compréhensible à l’homme d’aujourd’hui.  De cette rencontre, l’expérience humaine d’aujourd’hui recevra un niveau nouveau de signification et le message évangélique recevra une nouvelle expression – ce qui est l’essentiel de l’inculturation.

 

            L’Église, dans sa réalité théologique et mystique est née à la Pentecôte, comme on le dit souvent.  Par ailleurs, l’Église en tant que structure ecclésiastique est née lorsque les premiers chrétiens ont donné une organisation visible à leur communion et ont élaboré un ensemble de services ou ministères au service de cette communion, et se sont donné aussi des structures pour mettre cette communion au service de toute l’humanité à travers leur prédication et leur activité missionnaire. Conformément à la loi de l’Incarnation, le Fils de Dieu s’étant fait homme à un moment précis de l’histoire humaine, l’extraordinaire système de communication de l’Empire romain a permis au message évangélique de se répandre rapidement dans tout cet immense empire romain.  Mais il ne faut pas oublier que cet empire romain était essentiellement une fédération de cités, de telle sorte que le christianisme primitif fut avant tout une religion des villes, les habitants des campagnes étant appelés les « païens » ou « paysans ».  Avec la paix dite constantinienne, l’Église s’organisa en diocèses sur la base de la structure administrative de l’empire romain.  Cette structure persista tout au long du Moyen-âge et jusqu’à nos jours, malgré les invasions barbares et le remplacement de l’empire par la société féodale.  On connut alors une longue période dite de « chrétienté » durant laquelle les gens n’étaient probablement pas plus chrétiens qu’aujourd’hui, mais où l’Église était le point de repère et où les valeurs chrétiennes étaient reconnues par tous comme des valeurs fondamentales, même par ceux qui ne les vivaient pas.  Cette période est terminée et les efforts pour la rétablir sont aussi futiles qu’ils sont pathétiques.

 

            Un des espoirs que je nourris, et que je partage sans doute avec beaucoup de Catholiques, c’est que l’Église en tant qu’institution ecclésiastique, se rende compte et reconnaisse explicitement que cette période de chrétienté est terminée.  Cela signifie non seulement la pleine acceptation de la laïcité de la société – évidemment plutôt dans la ligne de la laïcité à la française que dans la ligne du fondamentalisme laïque à la belge – mais aussi l’élaboration de nouvelles structures de présence au sein de la société. 

 

            Cela veut dire que l’activité missionnaire de l’Église doit se réaliser essentiellement à travers la qualité de vie de chaque croyant beaucoup plus qu’à travers une visibilité collective et de grandes démonstrations publiques.  Il est important de ne pas confondre la visibilité du message évangélique vécue par chaque chrétien, chacun dans son milieu de vie et de travail, et la visibilité de l’Église comme institution.  Personnellement je doute beaucoup que les processions dans nos villes ou nos villages, soit avec le Saint Sacrement, soit avec les reliques de tel saint ou telle sainte, aient un réelle valeur évangélisatrice, même si elles constituent une visibilité folklorique de l’institution ecclésiale.

 

            Au sein d’un Peuple de Dieu conçu de cette façon, il y a évidemment place pour des responsabilités diverses, des services et ministères. Ils sont même nécessaires.  Mais ils sont des services de la communion comportant parfois une réelle autorité mais non pas l’exercice d’un pouvoir. Dans cette perspectives tous les insignes honorifiques et toute la garde-robe ecclésiastique héritée des coutumes de l’empire romain ou des cours féodales n’a plus grand sens.  On comprend toute l’importance que ce folklore conserve ou prend à nouveau chez ceux qui s’efforce de rétablir une situation sociale de chrétienté. 

 

            Ce sont là des choses somme toute superficielles.  Il y a plus profond.  Mon espoir est que l’Église redevienne plus visiblement une communauté de communautés.  La vision ecclésiologique de Vatican II , dont j’ai parlé tout à l’heure, considère que la cellule fondamentale de l’Église est l’Église locale. Celle-ci n’est pas une subdivision administrative de l’Église universelle ;  mais c’est plutôt l’Église universelle qui est constituée par la communion entre toutes les Églises locales.  Il me semble que toutes les transformations subies par nos sociétés, à l’échelle mondiale, au cours des derniers siècles fait que la structure administrative de l’Église fondée sur les structures de l’Empire romain à l’époque de Constantin, puis sur celles de la société féodale, exige de façon de plus en plus urgente une opération assez radicale de décentralisation des structures de gouvernement.

 

            Le Pape, successeur de Pierre, comme évêque de Rome – ce qui est sa fonction première et essentielle -- est aussi successeur de Pierre dans sa mission de confirmer ses frères dans la Foi.  Ce qui implique évidemment un certain primat et une autorité doctrinale au niveau de l’Église universelle.  Je crois que personne d’entre nous ne niera ce primat et cette responsabilité pastorale universelle.  Mais les structures administratives qui se sont développées au cours des siècles pour l’aider dans l’exercice de cette tâche – concrètement celles de la Curie romaine – ont pris des proportions gigantesques qui semblent en beaucoup de cas étouffer la communion plutôt que la servir et la promouvoir – d’autant plus que les moyens modernes de communication lui donnent une capacité d’intervention pratiquement immédiate à travers le monde.

 

            Concrètement, le renversement fait par la Constitution de Vatican II sur l’Église, remplaçant la vision pyramidale des siècles précédents par une vision comunionnelle, n’a pas encore été concrétisée dans les structures administratives de la Curie.  Pour réaliser le « renversement » aussi à ce niveau-là, il faudrait que naissent graduellement de nouvelles structures qui fassent remonter la vie de la base vers le sommet.  Il faudrait que les évêques locaux et les conférences épiscopales nationales et continentales aient plus d’autorité, comme elles en ont eu durant des siècles, les réajustement de tir et la correction d’erreurs éventuelles se faisant par le sensus fidelium, comme durant les premiers siècles, beaucoup plus que par la parution continuelle de règlements universels et de mises en garde. 

 

            On doit aussi rêver que les synodes de l’Église universelle, qui ressemblent souvent à des copies au papier carbone les uns des autres, soient beaucoup plus un exercice de la collégialité épiscopale agissant avec autorité en communion avec le successeur de Pierre que de simples assemblées de consultation préparant une liste de propositions à partir desquels une équipe de rédacteurs rédigera une instruction que le Pape fera sienne et promulguera.

 

            Au cours du dernier siècle et même du siècle précédent, l’Église catholique a été bénie par une succession de Papes qui ont tous été de grandes figures par leur sainteté personnelle aussi bien que par leurs qualités humaines et intellectuelles.  Cela a été une grâce pour l’Église ; mais a aussi concouru indirectement à un développement de plus en plus grand de l’aire d’intervention du Pape dans la vie de l’Église universelle.au point où l’on a parfois parlé de Jean-Paul II comme étant « l’évêque de l’Église universelle » (ce qui est certainement faux théologiquement) ou comme « le curé de l’Église universelle ».  À une époque où il y a dans toute la société une crise de l’autorité (nos sociétés civiles étant caractérisées par l’exercice du pouvoir sans véritable autorité), le peuple en général et surtout les jeunes ont facilement développé à l’égard de Jean-Paul II un culte parfois semblable à celui octroyé à une star, portant souvent beaucoup plus d’attention au messager qu’au message.  Sans nier le bien immense que peuvent faire de grands rassemblements comme les JMJ, on peut se demander s’ils ne risquent pas d’intensifier ce processus de glissement.

 

            Dans cette perspective, une participation plus active des fidèles serait souhaitable dans le choix des évêque, au-delà de la consultation qui se fait depuis quelques années auprès de quelques personnes.

 

            Il me semble urgent également de repenser le ministère sacerdotal, non pas tellement à cause du manque de plus en plus aigu du nombre de prêtres, mais bien plutôt parce que ce manque de prêtres est l’une des conséquence du fait que cette révision n’a pas été faite assez tôt.  Au cours des premiers siècles de l’Église, divers ministères sont nés, au fur et à mesure des besoins et selon les circonstances, plusieurs d’entre eux étant exercés par des laïques.  Graduellement, surtout au cours des siècles de l’Église impériale et féodale, tous ces ministères ont été regroupés sur la même personne, exerçant une fonction importance d’autorité sur l’église locale considérée comme subdivision administrative de l’église diocésaine et donc sous l’autorité immédiate de l’évêque. 

 

            On pourrait revernir à une plus grande diversification des ministères, certains étant exercés par quelqu’un ayant reçu une ordination sacramentelle spéciale pour ce ministère concret.  Il n’y a aucune raison théologique contraignante voulant que le ministre de l’Eucharistie soit aussi l’administrateur de la paroisse et le dispensateur de l’enseignement ou de la catéchèse.  Si l’on revenait à cette grande diversification des ministères, la question du célibat ecclésiastique d’une part, et celle de l’ordination des femmes à tel ou tel ministère se poseraient d’une façon toute différente.

 

            Beaucoup d’autres aspects pourraient encore être mentionnés.  On en reviendra toujours au primat de la communion.

 

            Tout au long de l’Évangile, on voit que le Christ a toujours exercé une grande autorité tout en refusant constamment le pouvoir.  Notre Église – c’est là un autre de mes désirs – doit réapprendre à vivre sans pouvoir – et doit donc pour être crédible se défaire des affublement du pouvoir. Elle doit réapprendre à vivre sous la tente, comme le peuple d’Israël au désert, piquant sa tente lorsque la nuée s’arrête et se remettant en marche lorsque la nuée se lève.

 

            Nous avons besoin d’une Église nomade.

 

           

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[1] Conférence donnée à l’Abbaye de Maredsous, Belgique, au cours d’un colloque sur le thème “Quel avenir pour les catholiques et leur Église?”le 12 novembre 2005. Les autres intervenants étaient Guy Gilbert, Hilde Keboom et Paul Tihon. Le texte des interventions a été publié par les Éditions Fidélité, Namur, 2006.