Questions cisterciennes
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REFLEXIONS SUR LE CHAPITRE GÉNÉRAL
DE L'ESCORIAL Lorsqu'on essaye d'évaluer
un Chapitre Général, on est toujours tenté de le comparer à un
autre Chapitre Général. N'ayant
jamais assisté dans le passé à un Chapitre Général d'abbesses,
je ne puis comparer ce Chapitre ci à un autre Chapitre d'abbesses.
Cela serait difficile de
toute façon, puisque ce Chapitre était très différent des précédents
du fait qu'il portait surtout sur les Constitutions. Et pour cette même raison, il est naturel de
le comparer au Chapitre d'Holyoke.
Je crois que dans l'opinion de ceux qui assistèrent aux
deux Chapitres, celui de l'Escorial fut plus difficile que celui
d'Holyoke. Les positions des capitulantes étaient plus
diverses au point de départ et il fut plus difficile d'arriver
à un consensus, spécialement sur des questions très critiques
comme la clôture et l'unité de l'Ordre ou encore la relation avec
la branche masculine de l'Ordre. Il faut cependant remarquer
que les abbesses se sont trouvées à ce Chapitre dans une situation
passablement différente de celles des abbés l'an dernier. La situation juridique était beaucoup plus complexe.
Dans la branche masculine, nous avions travaillé sur les
Constitutions depuis 1967, et plusieurs points importants de celles-ci
avaient été modifiés au cours des Chapitres Généraux successifs.
De fait, le travail d'Holyoke a consisté essentiellement
à compiler la législation élaborée au cours des quinze dernières
années, et à lui donner une forme systématique. Quelques questions importantes devaient encore
être étudiées; mais elles n'étaient pas très nombreuses. Bien que les moniales
aient travaillé avec les moines au cours des années à l'élaboration
des Constitutions (les moines profitant grandement de leur participation),
les abbesses durent affronter au début du dernier Chapitre une
longue liste de questions importantes et difficiles qui n'avaient
pas encore été résolues. La plupart de ces questions ne pouvaient même
pas être formulées clairement parce qu'elles se rattachaient à
une situation difficile encore en évolution: la relation entre
les deux branches de l'Ordre. Cette situation était encore plus compliquée
du fait des différences entre les désirs des moniales d'une part
et l'orientation de la Sacrée Congrégation pour les Religieux
d'autre part, aussi bien qu'à cause de la réelle difficulté qu'il
y a de trouver une façon de demeurer un seul Ordre tout en possédant
deux Chapitres Généraux distincts. Lorsque le Cardinal
Antoniutti invita les moniales à tenir leur propre Chapitre Général
et sembla les pousser vers une complète séparation de la branche
masculine, le sentiment général dans l'Ordre fut qu'il était préférable
de ne pas essayer de clarifier trop tôt la situation juridique
et de laisser la vie évoluer, conformément au sage principe voulant
que la législation suive la vie plutôt que d'en conditionner la
croissance. Cette attitude
était sage et elle a permis une évolution réelle et bonne. Cependant ma conviction personnelle est que
nous avons atteint, il y a déjà quelques années, le point où cette
attitude d'attente a commencé d'avoir des effets négatifs. Je crois que les questions discutées au dernier
Chapitre et les diverses options offertes dans chaque cas auraient
pu être formulées plus clairement avant le Chapitre. Beaucoup de temps aurait été ainsi économisé,
et nous aurions pu aller un peu plus loin dans l'élaboration de
notre nouvelle législation. Malgré la grande diversité
des opinions et un réelle difficulté à construire un consensus
sur certains points, l'atmosphère générale du Chapitre fut très
bonne. Il y eut naturellement des moments de tension,
mais même alors il y avait un bon sens d'humour dans l'assemblée. Quelque chose de très sain. La liturgie fut bonne;
je dirais même que pour un groupe si pluraliste, elle fut très
bonne. La célébration eucharistique de toute l'assemblée
me semble essentielle, même si chaque groupe linguistique doit
alors faire des sacrifices. La
Prière Eucharistique en latin semble être une bonne solution.
Personnellement, je préfère avoir un peu de diverses
langues dans chaque célébration; d'autres préfèrent que chaque
célébration soit tout entière dans la même langue. D'autres desiderata pourraient être exprimés,
et il y a certainement place pour des améliorations; mais j'ai
vraiment goûté l'Eucharistie quotidienne (de même que l'Office
Divin en anglais, quand il me fut possible d'y participer).
A Holyoke deux questions
avaient monopolisé l'attention et l'énergie du Chapitre dès le
début: la Liturgie des Heures, spécialement l'obligation individuelle
à y participer, et la collégialité. A
l'Escorial, il y eut un phénomène identique.
Deux questions captivèrent l'assemblée: la clôture et l'unité
de l'Ordre avec la question annexe de la collégialité. La clôture:
La question de la clôture
en fut une sur laquelle le Chapitre sembla perdre du temps. Je dis: "sembla perdre", car en fait
le travail pénible par lequel il fallut passer fut utile. Ce fut un bon exercice de dialogue authentique
et un bel exemple de la façon dont un consensus peut se bâtir
sur la base de ce que l'on partage en commun, même si les opinions
peuvent différer sur plusieurs points secondaires.
La question a des ramifications
fort complexes. Que la
solitude soit un aspect important de la vie monastique, tout le
monde en sera d'accord en principe, les moniales encore plus que
les moines sans doute. Qu'une séparation matérielle du monde soit nécessaire
pour assurer cette solitude, même si cette séparation est seulement
un moyen et non une fin en elle-même, cela aussi est admis par
tous. Une autre position généralement acceptée est
que la clôture est l'une des observances monastiques qu'il n'y
a pas de raison objective de la traiter différemment des autres
observances. Mais le fait est que
la clôture des moniales a été traitée très différemment des autres
observances (par les législateurs masculins!) à travers les siècles
et dans le Droit Canon, y compris le Nouveau Code qui lui porte
une attention particulière, confiant à l'évêque local la responsabilité
particulière de veiller sur son observance. De plus, la législation
ecclésiastique a établi une distinction entre la clôture papale
qui semble être entourée d'un halo spécial de sainteté, et la
clôture constitutionnelle, qui apparaît à plusieurs comme une
sorte de clôture de seconde classe.
D'après le Code il semble que se vous voulez être considérée
comme une moniale contemplative avec voeux solennels, vous devez
observer la clôture papale, c'est‑à-dire que vous devez
suivre les normes décrites dans Venite
Seorsum ou dans le document qui doit remplacer Venite Seorsum. (Mais il n'est
pas certain si ou, en tout cas, quand un tel document sera publié,
et quelle en sera l'orientation).
Certaines abbesses insistaient
pour conserver la clôture papale, et donc Venite Seorsum; mais il ne semble pas qu'il y ait plusieurs monastères
de l'Ordre, s'il en est, qui suivent exactement les normes de
Venite Seorsum. . . Et je serais surpris qu'il y ait des communautés
qui désirent le faire. Toutes les abbesses
désiraient que le contrôle sur la clôture soit exercé à l'intérieur
de l'Ordre. En d'autres mots, elles ne voulaient pas que
l'évêque ait à y voir. Donc,
unanimité jusque là. Mais
alors vient la question: qui remplira ce rôle qui, au moins théoriquement,
était rempli par l'évêque jusqu'à maintenant? La plupart désiraient
que ce fût l'abbesse. Elles voulaient que l'abbesse ait dans sa communauté
la même autorité sur la clôture que l'abbé a dans la sienne. Elles auraient donc été satisfaites de la Const.
31 du texte de Holyoke,
telle quelle. Mais à bien
y penser, un certain nombre d'abbesses n'étaient pas trop certaines
de vouloir que les moniales aient la même clôture que les moines;
car elle croient que les moines sortent trop facilement, et ne
voudraient pas que leurs moniales fassent de même. En conséquence certaines
désiraient que l'on établisse une liste des cas dans lesquels
l'abbesse peut permettre aux moniales de sortir et à des personnes
de l'extérieur d'entrer, et que l'on élabore des normes précises. D'autres, au contraire, ne désiraient ni normes
précises ni lites de cas. Le
résultat final fut un texte de compromis qui donne quelques directives
générales et énumère un certain nombre de cas (assez évidents)
sans essayer de donner une liste complète.
Le texte souligne également la responsabilité de chaque
soeur et de la communauté entière dans le discernement à faire
en ce domaine. Certaines pensaient
que la mention du Père Immédiat était importante. Elle étaient d'accord que la clôture n'est qu'une
observance entre d'autres et ne devrait pas normalement nécessiter
un traitement spécial. Mais
elles croyaient que puisque l'on voulait rapatrier à l'intérieur
de l'Ordre une responsabilité que le Code confie explicitement
à l'évêque, il était sage de souligner le fait que la pratique
de la clôture serait revue à la Visite Régulière et que le Père
Immédiat exercerait à cette égard un "vigilance" (comme
sur toute autre observance monastique).
Le mot "vigilance" fut l'objet de beaucoup de
discussion. Mon sentiment est qu'il s'agissait d'un problème
avant tout sémantique, les mot ayant pour les unes une connotation
beaucoup plus forte que pour les autres (même à l'intérieur de
chaque groupe linguistique). Sur cette question de
la sollicitude du Père Immédiat concernant la clôture, comme sur
bien d'autres questions, il était clair que la relation concrète
de l'abbesse avec son Père Immédiat actuel (ou un Père Immédiat
antérieur) avait une grande influence sur la position adoptée
par chacune. L'Unité de l'Ordre: La question la plus
difficile fut celle de l'unité de l'Ordre. Elle était difficile pour la simple raison qu'on
était en présence de diverses conceptions concernant la nature
de cette unité. Je ne crois
pas pouvoir exprimer clairement les diverses positons, mais je
vais essayer. En tout premier lieu,
il est évident que tout le monde désire maintenir et développer
la "communion" des coeurs et des esprits qui existe
entre les moines et les moniales, entre les monastères masculins
et féminins, et aussi entre les deux "branches".
Deuxièmement, la plupart
(mais pas tous) considèrent qu'il est important et nécessaire
d'exprimer cette communion dans une certaine forme de structure
juridique. Ils pensent que puisque nous sommes deux branches
ayant chacune son Chapitre Général et ses Constitutions, nous
serons complètement séparés (ou au moins considérés comme tel
par le Saint Siège) à moins qu'une unité organique entre les deux
branches ne soit inscrite dans nos Constitutions respectives.
Evidemment, il y a quelques
personnes qui pensent qu'une communion authentique et active,
exprimée à travers diverses formes de coopération et d'influence
mutuelle, pourrait exister et être maintenue même si nous étions
deux Ordres juridiquement distincts, développant chacun sa personnalité
propre. J'ai moi-même exprimé quelques fois ce point
de vue par le passé. Mais
l'idée n'a jamais été populaire, et il est clair que la grande
majorité des moniales (et probablement aussi des moines) ne désirent
pas prendre cette orientation. J'ai donc rejoint les rangs de ceux qui essayent
de trouver une structure juridique satisfaisante pour un Ordre
unique composé de deux branches autonomes.
C'est ici qu'apparaît
la première différence majeure d'opinions. Certains croient qu'il est impossible d'avoir
un seul Ordre à moins d'avoir une seule autorité suprême commune. Le raisonnement est que si nous avons deux Chapitres
Généraux autonomes, chacun recevant indépendamment son autorité
directement du Saint Siège, à travers l'approbation des Constitutions
respectives, nous sommes en fait déjà deux Ordres. Même le fait d'avoir le même Abbé Général ne
résout pas la question, puisque notre Abbé Général n'est pas une
autorité au-dessus du Chapitre.
Une solution juridique doit donc être trouvée.
La première solution qui vient tout de suite à l'esprit
est d'voir un seul Chapitre Général, composé de tous les abbés
et toutes les abbesses, comme autorité suprême de l'Ordre. Cela soulève toutefois toutes sortes de problèmes
que nous ne sommes pas prêts (ou que l'Eglise n'est pas prête)
à résoudre. Toute la question
de la "juridiction" ne rend pas le problème plus facile
à résoudre. D'autres pensent que
cette approche est trop légaliste et qu'elle tend vers une forme
subtile (ou pas si subtile) de centralisation.
Ils disent qu'il y a d'autres façons d'établir une unité
organique entre les deux branches que d'avoir une autorité suprême
commune. Les diverses formes d'interrelation qui existent
déjà à d'autres niveaux sont suffisantes selon eux. En plus de la collaboration
existant sous diverses formes au niveau des Conférences Régionales,
on peut mentionner l'Abbé Général et le Père Immédiat. L'idée d'avoir une Abbesse
Générale à la tête de la branche féminine de l'Ordre semble très
peu populaire parmi les abbesses et probablement parmi la majorité
des moniales. Je dois avouer que je n'en comprends pas trop
les raisons, même lorsqu'on essaye de me les expliquer. ‑‑ C'est sans doute là l'un des
domaines où les hommes ne peuvent comprendre ce qui est évident
pour les femmes. Très humiliant,
n'est-ce pas! ‑‑ Je me demande cependant si les jeunes
femmes qui entrent dans nos monastères cisterciens continueront
encore longtemps, au moins en certains pays, de trouver normal
que le Chapitre Général où les abbesses traitent des problèmes
pastoraux et juridiques de leurs communautés féminines soit toujours
présidé par un homme. La façon traditionnelle
pour les monastères de moniales d'être incorporés à l'Ordre a
été à travers la relation particulière avec un monastère de moines
dont l'abbé devient le Père Immédiat des moniales.
Sauf l'exception de quelques fédérations, comme celles
du Tart et de Las Huelgas, qui ont peut-être beaucoup à nous enseigner,
n'ont pas eu dans le passé le type de filiation qui est si essentiel
à la branche masculine. Quant un monastère de moniales devient autonome
la relation juridique avec le monastère fondateur est totalement
terminées, bien que des liens de communion peuvent subsister. Certains pensent que
cela est dû à une situation culturelle dans laquelle les moniales
n'avaient aucun rôle dans l'administration de l'Ordre. Elles étaient entièrement soumises à la juridiction
d'un Chapitre Général composé exclusivement d'hommes. Maintenant qu'une telle situation de total dépendance
est considérée inacceptable et que iles moniales ont leur propre
Chapitre Général autonome, certains pensent qu'une évolution normale
serait d'avoir à l'intérieur de la branche féminine de l'Ordre
le même système de filiation (entre maison fondatrice et fondation)
que dans la branche masculine. Ceux qui sont de cet aves concèdent généralement
qu'une période de transition serait nécessaire et que le premier
pas dans cette direction serait une situation où les responsabilités
actuellement assumées par le Père Immédiat seraient divisées entre
lui et l'abbesse de la maison fondatrice.
A cela plusieurs répondront
qu'il y a quelque chose de faux à vouloir que les moniales copient
tout ce que les moines ont ou font, et que l'on ne doit pas s'orienter
vers des structures parallèles identiques.
Nous avons dans la banche féminine, disent-ils, une tradition
différente concernant la filiation, et elle a bien fonctionné
jusqu'à maintenant. Pourquoi ne pas la garder? Ceci semble être
pour le moment la position de la majorité des abbesses, si l'on
en juge par les votes du Chapitre.
Les votes concernant
les diverses responsabilités du Père Immédiat semblèrent à beaucoup
manquer de logique. La
raison en fut probablement non pas que les abbesses manquèrent
de logique dans les votes successif, mais qu'elles se trouvèrent
en présence d'un grand nombre de questions un peu emmêlées qui
n'étaient pas encore formulées assez clairement et qui devront
être étudiées plus en profondeur d'ici le prochain Chapitre Général. Personnellement je fus
surpris d'entendre certaines abbesses dire, en certaines Commissions,
qu'elles pensaient que le Père Immédiat des moines avait plus
de pouvoir sur ses maisons‑filles que le Père Immédiat des
moniales. Cela n'est certainement pas exact. En même temps, je fus encore plus surpris de
voir les abbesses donner au Père Immédiat plutôt qu'à l'Abbé Général
la responsabilité très importante d'accepter la démission d'une
abbesses (alors que son élection doit être confirmée par l'Abbé
Général). Collégialité La collégialité n'est
réellement qu'un des aspects de la question de l'unité de l'Ordre. J'en traite ici séparément parce que ce fut
un objet de dispute au Chapitre.
Et bien qu'il semblât parfois que ce fût une discussion
entre hommes, la question était importante dans l'esprit d'un
grand groupe d'abbesses. L'un des défis du Chapitre
d'Holyoke avait été de trouver une structure juridique systématique
des diverses structures de l'Ordre, anciennes et nouvelles, qui
soit satisfaisante. Les
abbés avaient vu dans la Charte de Charité que dès que Cîteaux
eût fait quelques fondations, les abbés des divers monastères
avaient assumé une responsabilité collective sur l'ensemble de
l'Ordre et avaient exercé celle-ci chaque année au Chapitre Général.
En plusieurs cas ils l'avaient exercé aussi d'autres façons,
par exemple en délégant leur autorité à un groupe de "définiteurs"
pour résoudre les problèmes que le Chapitre n'avait pas eu le
temps de résoudre. Il sembla à certains
que le concept juridique
de collégialité pourrait être utilisé pour exprimer cette réalité. Dans cette ligne de pensée, on considère que
l'autorité suprême de l'Ordre réside dans le Collège de tous les
supérieurs de l'Ordre. Cette
autorité suprême et la sollicitude pastorale collégiale sont exercées
lorsque les abbés se réunissent pour le Chapitre Général.
C'est aussi la même sollicitude collégiale, et en certains
cas la même autorité, qui sont exercées, sous le contrôle du Chapitre
Général, dans les formes traditionnelles telles que le système
de filiation, la visite régulière, ou encore dans des formes plus
récentes comme les Conférences Régionales (qui reçoivent du Chapitre
Général au moins la fonction très importante de préparer le Chapitre
Général suivant), la Commission Centrale et la Commission de Préparation,
etc. Avant Holyoke, et à
Holyoke même, la crainte avait été exprimée qu'il s'agisse là
d'un Cheval de Troie, d'une façon subtile de donner aux présidents
de régions et aux Conférences Régionales des pouvoirs spéciaux,
etc. Mais il fallut peu de dialogue à Holyoke pour
convaincre tout le monde que personne dans l'Ordre n'avait de
tels plans; et l'on arriva, tôt dans le Chapitre, à une formulation
(Cst. 72) qui ne laissait aucune place à cette crainte,
puisqu'elle exprimait très clairement que tout exercice de cette
responsabilité collégiale en dehors du Chapitre Général était
nécessairement soumise aux directives et au contrôle du Chapitre
Général. Ce texte fut voté avec une très grande majorité
tôt au cours du Chapitre; et le concept de collégialité fut souvent
utilisé par la suite dans l'élaboration de plusieurs autres numéros
des Constitutions. Quelqu'un expliqua à
Holyoke que si la Collégialité était un Cheval de Troie, celui-ci
était rempli de moniales! C'est‑à-dire que ce concept juridique
pourrait être utilisé pour donner une expression juridique à une
situation sans parallèle dans l'Eglise. J'ai
mentionné plus haut que beaucoup dans l'Ordre pensent que nous
ne pouvons pas demeurer un seul Ordre (ou, si l'on préfère, que
le Saint Siège nous forcera bientôt à devenir pratiquement deux
Ordres séparés) à moins que, d'une façon ou d'une autre, nous
ayons une seule autorité suprême commune.
Eh bien, nous pouvons dire que l'Ordre Cistercien est un
parce que la sollicitude pastorale et l'autorité suprême sur l'ensemble
de l'Ordre réside dans le Collège de tous les supérieurs, abbés
et abbesses. Si ce principe est admis,
il est possible de trouver diverses façons pratiques d'exercer
cette autorité collective, soit dans un Chapitre Général mixte
ou dans des Chapitres parallèles. (Une
façon de concevoir les choses serait d'avoir un Chapitre Général
mixte pour l'approbation des Constitutions des deux branches,
et de nouveau de temps à autre, par exemple tous les douze ans,
le Chapitre Général mixte délégant entre temps ses pouvoirs au
Chapitre Général des abbés pour les affaires concernant les moines
et au Chapitre Général des abbesses pour les affaires concernant
les moniales). La Constitutions 72 de Holyoke avait été rédigée
avec soin de façon à permettre une telle évolution, sans pour
autant ne rien affirmer qui fût inacceptable à ceux qui ne s'intéressaient
guère au principe de collégialité.
Elle fut donc voté facilement.
Après le Chapitre d'Holyoke
les diverses régions travaillèrent dans des directions différentes
et avec des préoccupations diverses. Certaines
régions qui considéraient comme important le concept de collégialité
travaillèrent sur la base de ce qui avait été voté à Holyoke et
s'efforcèrent d'élaborer dans cette ligne une législation pour
les moniales. D'autres régions, bien que satisfaites de la
Cst. 72 de Holyoke, oublièrent
tout simplement l'idée de collégialité. (Il
m'apparaît intéressant de constater par exemple qu'une concordance
en langue française de tous les mots importants du texte de Holyoke
ne comporte pas les mots collège, collégial, collégialement, alors
qu'une concordance similaire en langue anglaise comporte sept
références sous le mot "collegiality"). Tout ceci explique que
lorsque la question de la collégialité fit surface au Chapitre
des abbesses, un groupe d'abbesses considéraient comme acquis
ce à quoi un autre groupe n'avait même pas pensé.
Le dialogue en fut nécessairement difficile.
Le fait que des différences d'opinions entre les abbés
présents se manifestèrent lorsqu'une information sur le texte
d'Holyoke fut donnée ne rendit pas la question moins complexe
et a pu donner à certaines abbesses l'impression qu'il ne s'agissait
que d'une discussion entre hommes. En fait de nombreuses abbesses de diverses régions
étaient extrêmement intéressées à la question. Finalement les abbesses
votèrent pour conserver la Cst. 72 telle que dans le texte de Holyoke et rédigèrent
une nouvelle Cst. 73 qui
va un peu plus loin, approuvant la possibilité pour les abbesses
et les abbés d'exercer la responsabilité collégiale sur l'ensemble
de l'Ordre soit dans un Chapitre mixte (ou moins, en tout cas,
pour l'élection de l'Abbé Général) ou dans des Chapitres parallèles.
Il y eut beaucoup de
dialogue difficile sur cette question, et ce dialogue conduisit
à un consensus important. Mais
chacun resta avec la conviction que plusieurs questions ne sont
pas encore clairement formulées et que nous aurons beaucoup de
travail à faire avant la Réunion au Sommet de 1987. L'avenir Il sera évidemment nécessaire
de traiter encore des Constitutions au prochain Chapitre Général,
c'est‑à-dire à la Réunion au Sommet de 1987. Mail je crois qu'il serait regrettable d'y consacrer
une grande partie du Chapitre.
Ceci peut être facilement évité si nous faisons le travail
nécessaire auparavant et si la Commission Centrale et la Commission
de Préparation, lors de leur prochaine réunion, établissent un
système efficace de préparation de ce Chapitre.
La majeure partie du Chapitre pourrait encore être consacrée
à une question importante comme la formation. J'espère pouvoir donner,
dans deux documents de travail, quelques suggestions concrètes
dans cette ligne, concernant la préparation de la Réunion au Sommet
de 1987 et la façon dont la formation pourrait être traitée dans
une telle réunion. Conyers, juillet 1985 Armand VEILLEUX |
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