Écrits et conférences d'intérêt général



(Dernière mise à jour le 23 juillet 2008)

 

 

 
 

 

QUELQUES REMARQUES

SUR LA CRÉATIVITÉ LITURGIQUE

 

Armand Veilleux

 

Le besoin de créativité en liturgie provient de ce que la liturgie se doit d'être l'expression de l'expérience spirituelle de chaque communauté chrétienne réunie pour le culte. Cette créativité, qui peut s'exprimer de bien des façons selon la nature de chaque assemblée ou de chaque communauté ecclésiale, doit d'abord être le fait de la communauté comme telle, mais le président de la célébration en a, d'une façon toute spéciale, la responsabilité. Elle s'étendra à tous les éléments de la célébration liturgique: textes, gestes, formes, contexte, etc., mais elle tendra, au-delà et à travers tous ces éléments, à la création d'une célébration, c'est-à-dire d'un ensemble cohérent et harmonieux d'éléments homogènes.

Après avoir expliqué ces quelques données de base, je considérerai plus spécialement la création de textes euchologiques (oraisons et prière eucharistique) pour la célébration de l'eucharistie.

 

Créativité de l'assemblée

Le mystère de l'Église - mystère de la vie divine redonnée à l'humanité par le Christ - est un mystère de communion et sa manifestation par excellence se retrouve dans la communauté locale des croyants qui expriment dans le culte leur communion de foi, d'espérance et d'amour. Là où des croyants se rassemblent pour manifester leur communion de vie divine, unis entre eux dans la fraction du pain, dans l'audition de la parole de Dieu, dans une prière vraiment chrétienne, là le Christ est présent, sous le signe même de la communion, là se trouve l'Église, là se trouve donc la prière de l'Église.

La liturgie -- prière de l'Eglise - est l'expression de l'expérience spirituelle d'une communauté locale, ou, plus précisément, l'expression du mystère du Christ tel que vécu par cette communauté. Il est donc normal que toute célébration liturgique soit, dans une large mesure, une création de la communauté locale. L'exercice de cette créativité variera beaucoup selon la nature des groupes ; et des limites à la spontanéité s'imposeront d'abord par la nécessité d'assurer un caractère vraiment chrétien et universel à la célébration, mais aussi par la capacité créatrice plus ou moins forte de chaque communauté.

Une grande paroisse de plusieurs mille personnes où toute la vie communautaire se limite à l'assistance des paroissiens à l'une des messes du samedi soir ou du dimanche peut difficilement s'avérer capable de créativité. Même si une paroisse de ce genre peut heureusement compter sur une équipe liturgique compétente, les « compositions » ou « créations » de cette équipe, si belles soient-elles, n'exprimeront jamais totalement l'expérience spirituelle commune de la communauté paroissiale, du moins aussi longtemps que cette expérience n'existera pas. Le problème liturgique demeure ici insoluble si le problème communautaire ne trouve pas au préalable de solution.

Mais il se rencontre d'autres paroisses ou d'autres grands groupes de fidèles où une expérience spirituelle commune se vit réellement et où existe une réelle identité comme groupe. En ce cas, même si la créativité liturgique ne saurait jaillir directement du groupe, il devient possible à une équipe de créer des formes et des textes liturgiques où peut se traduire et se couler l'expérience commune de tous. Pour que la communauté entière puisse s'identifier spontanément à cette expression de son expérience, il faudra que l'équipe soit très sensibilisée à ce qui se sent et se vit au sein de la communauté.

La créativité liturgique s'impose avec plus d'évidence dans les groupes plus restreints parvenus à une unité plus profonde et à la conscience de cette unité, à la suite d'un long cheminement spirituel [1] . La créativité d'un groupe de ce genre peut s'exprimer par la préparation longue et soignée d'une célébration qui aura pour objet de souligner un événement important de la vie du groupe ou de marquer une étape majeure de son cheminement. Elle pourra aussi se traduire à des moments privilégiés par une improvisation où la prière, prononcée peut-être par un seul, jaillit pourtant de la vie même du groupe. La même richesse de créativité pourra se retrouver dans des groupes qui, sans posséder une égale stabilité, en seront arrivés, même au cours d'une rencontre assez brève, à un profond degré d'échange.

Si l'on ne respecte pas le caractère et le cheminement propre de chaque groupe, on court le risque que les créations d'une équipe liturgique ou d'un célébrant ne trouvent pas plus de résonnante auprès des participants que n'importe quel texte stéréotypé.

 

Créativité et rôle du président

On a beaucoup écrit, ces dernières années, sur l'importance du rôle du président dans la célébration liturgique [2] . Ce qu'on exige avant tout de lui, c'est un respect profond pour l'assemblée qu'il préside. Il doit résister à la tentation, même inconsciente, d'utiliser celle-ci comme un groupe de cobayes sur lesquels « essayer » ses propres créations. S'il n'est pas intégré vitalement au groupe, il saurait difficilement prétendre que ses créations liturgiques sont meilleures et mieux adaptées au groupe que celles mises au point pour l'Église universelle par des groupes imposants de liturgistes de valeur. Au contraire, plus sa liaison sera vitale et profonde, plus il pourra agir comme catalyseur de ses énergies créatrices.

Au stade de la préparation, le président peut diriger le groupe entier ou une équipe restreinte dans la composition de textes. Il aura souvent à assumer lui-même la charge de composer pour son groupe. Il se souviendra alors que son rôle n'est pas tant de fournir à la communauté de « belles prières » que de lui offrir des textes où elle retrouvera l'expression de sa propre expérience spirituelle. Il ne se lancera d'ailleurs pas facilement dans ce genre de composition s'il ne possède pas les dons littéraires et le sens poétique nécessaires.

Au stade même de la célébration, le rôle du président est le rôle d'un orant, plutôt que celui d'un meneur de jeu. L'intensité d'une expérience spirituelle pourra l'amener à improviser sur le champ des prières où l'authenticité et - pourquoi pas? - une saine émotion religieuse compenseront facilement les accrocs possibles à la grammaire ou l'irrégularité du débit. (Un long silence entre deux membres de phrases peut alors s'avérer davantage porteur de prière que le reste de l'oraison!). Le président aura cependant l'honnêteté de ne se permettre une telle improvisation que lorsqu'elle jaillit de l'intensité de la prière.

 

Créer, c'est unir

On pense trop facilement que créer, c'est toujours faire quelque chose de rien. Jean-Eudes David a appliqué à la créativité liturgique la définition de la création donnée par Teilhard de Chardin : « Créer, c'est unir » [3] . Choisir, adapter ou composer des textes, inventer ou redécouvrir des gestes : il s'agit là d'un processus qui doit aboutir à une célébration. Et l'essentiel dans une célébration c'est d'unir tous ces éléments dans un tout harmonieux et équilibré. Il serait inutile, par exemple, de composer de belles oraisons si elles n'avaient aucun lien avec les lectures et les chants. Mais, par-dessus tout, il faut assurer le lien de la célébration, d'une part, avec la réalité globale du mystère pascal du Christ, et d'autre part, avec l'expérience humaine concrète du groupe qui célèbre.

 

Les niveaux de créativité

Une première forme de créativité liturgique consiste simplement à faire un choix judicieux entre les nombreux textes qu'offrent le nouveau Missel ou les autres livres officiels de la liturgie. On trouve, par exemple, dans le Missel, 33 formulaires de messes fériales et 122 oraisons parmi lesquelles on est invité à faire son propre choix. L'étape suivante, imposée souvent par le sens pastoral ou même par le simple bon sens, consiste à apporter des adaptations aux textes utilisés, afin de les rendre plus transparents au vécu quotidien. Une phrase ajoutée ou supprimée dans une oraison, un motif d'action de grâces ajouté à une préface, suffisent souvent à donner beaucoup de vie et d'actualité à une célébration.

Mais il arrive aussi, dans une communauté liturgique qui poursuit un cheminement en profondeur, que la composition d'éléments liturgiques nouveaux s'impose. Il faut alors veiller à conserver à la prière de ce groupe un caractère vraiment chrétien et une dimension universelle.  Le danger existe de tendre vers l'expression d'un vague sentimentalisme religieux, ou vers des préoccupations humanitaires ou politiques qui ne débouchent pas sur l'Evangile. L'inspiration biblique de la prière sera en général garante de son authenticité chrétienne. Si les textes euchologiques de ce groupe sont composés par le célébrant lui-même, celui-ci devra veiller à exprimer l'expérience spirituelle du groupe plutôt que la sienne propre, et ne pas céder à la tentation de créer sans cesse pour le plaisir d'être le-père-qui-fait-de-belles-petites­-messes.

Enfin, un dernier aspect de la créativité - toujours indispensable, celui-là --- consiste à donner vie à tous les éléments utilisés au cours de la célébration. Les plus beaux textes, qu'ils proviennent du Missel Romain ou qu'ils aient été composés pour la circonstance, resteront lettre morte si ceux qui les prononcent ne leur donnent pas vie en y faisant passer une réelle prière du coeur. Cette remarque vaut aussi bien pour les gestes et les autres formes liturgiques que pour les textes.

 

Les textes euchologiques

Le passage de la liturgie à la langue vivante a connu comme première étape la traduction des textes liturgiques officiels. Cette traduction, telle qu'elle a été conçue et réalisée dans bien des cas, s'avère déjà une forme de création [4] . Cependant, l'utilisation des textes liturgiques traduits en langue vivante nous a amenés à prendre conscience du fait que beaucoup de ces textes témoignent d'une vision de Dieu, de l'homme et du salut que nous ne pouvons pas entièrement faire nôtre, ou d'une conscience ecclésiale qui n'est plus exactement la nôtre non plus [5] . Même si les oraisons du Missel de Paul Vl représentent un net progrès [6] , beaucoup d'entre elles auront probablement à être modifiées ou remplacées dans une étape ultérieure de la réforme liturgique. Bien des liturgistes et des pasteurs s'attachent à la tâche difficile de préparer des textes euchologiques nouveaux pouvant remplacer les textes traduits [7] . Ce n'est pas de ce genre de création, conçue pour l'Église universelle, que nous nous occuperons ici. Nous nous arrêterons plutôt à la créativité qui doit s'exercer au sein de toute communauté désireuse de célébrer d'une façon vivante l'eucharistie, et qui concerne spécialement les oraisons et la prière eucharistique.

Dans la perspective des réflexions générales exprimées plus haut, on doit reconnaître d'abord que si cette créativité peut s'exprimer parfois dans la composition de textes euchologiques nouveaux, elle pourra tout aussi bien consister à adapter des textes existants ou simplement à choisir judicieusement parmi les textes qu'offrent le répertoire officiel ou les nombreux recueils existant sur le marché. Cette créativité cherchera avant tout à respecter l'harmonie à maintenir entre les divers éléments de la célébration, ainsi que le caractère propre aussi bien de chaque prière que de la communauté elle-même.

 

Les oraisons

Les trois oraisons de la messe ont chacune un rôle bien spécifique. Celle qui termine le rite d'ouverture (et qu'on appelait autrefois collecte) a pour but « d'exprimer le caractère de la célébration », de situer celle-ci. Célèbre-t-on un mystère de l'année liturgique ou la mémoire d'un saint, c'est cette oraison qui les rappelle en quelques mots bien ramassés, les reliant au mystère pascal dans sa totalité. Quand la célébration est liée à un événement spécial de la vie du groupe, ou qu'elle fait partie intégrante d'un certain cheminement spirituel (par exemple, une journée de rencontre et de partage), l'oraison est le moment indiqué pour exprimer ce lien. Si « créer c'est unir », il est naturel que cette première oraison. soit un des lieux où la créativité doive le plus s'exercer, car il lui revient non seulement de réunir (colligere) la prière de l'assemblée, mais de réunir aussi l'assemblée en prière, et d'exprimer le lien de la célébration avec tout ce que vit la communauté célébrante et avec le mystère pascal du Christ,

L'oraison qui conclut le rite de présentation des offrandes sert de charnière entre ce rite et la grande prière eucharistique. Elle se réfère directement au mystère eucharistique et l'on y fait rarement mention soit du mystère du jour soit du saint dont on célèbre la mémoire. Il en va de même de la prière après la communion, par laquelle on demande que le mystère célébré porte ses fruits. Il faut veiller à ne pas changer la nature et la simplicité de ces deux prières. Rien n'empêche, cependant, d'exprimer dans la prière après l'offrande ce que la communauté a à offrir spécialement au Seigneur ce jour-là : sa joie ou sa tristesse, ses biens ou sa pauvreté, etc. De même, au moment de la prière après la communion, on peut énumérer quelques-uns des fruits de la célébration dont le groupe sent plus vivement le besoin, et dont il a peut-être découvert la nécessité au cours de la célébration même. (au cours de l'homélie partagée, par exemple).

Tout cet effort de créativité devrait être marqué par le souci constant : a) de vivre une prière qui jaillisse de l'expérience chrétienne concrète de la communauté, et non d'un vague sentiment religieux ou de vérités abstraites ; b) de s'adresser au Dieu vivant d'une façon personnelle et propre au groupe, et non au Dieu abstrait d'une théologie dépassée, pas plus qu'à un Dieu à mesure d'homme ou à quelque romantique « superstar » ; c) d'exprimer les besoins authentiques de la communauté, perçus et évalués à la lumière de l'évangile ; d) de déboucher sur une perspective vraiment universelle et surnaturelle, et ne pas se limiter à des préoccupations sectaires et terre à terre.

De nombreux recueils de prières destinés à l'homme d'aujourd'hui ont été publiés ces dernières années [8] . Ils sont évidemment de qualité inégale, mais on y trouve de très belles prières caractérisées souvent par une grande simplicité de langage, une attitude humble et pauvre. En utilisant ces prières, on se souviendra qu'elles n'ont pas été composées le plus souvent pour un usage universel, mais pour l'usage d'une communauté déterminée. Des transpositions s'imposent presque toujours.

 

Prière eucharistique

Au soir de son dernier repas, Jésus a prononcé sur le pain et sur la coupe de vin la beraka, la formule de bénédiction juive, utilisant ainsi une forme littéraire dans laquelle le peuple juif coulait depuis des siècles le meilleur de sa prière. Puis il a dit à ses disciples

" Chaque fois que vous ferez cela, faites-le en mémoire de moi ». Ainsi chaque fois que nous célébrons l'eucharistie, rendons-nous grâces au Père pour toutes les merveilles qu'il a accomplies pour nous, non seulement sous l'ancienne Alliance, mais surtout par son Fils et en son Fils, en qui il a établi avec nous une alliance nouvelle et éternelle.

Au temps des premières générations chrétiennes, le président de l'assemblée improvisait la prière eucharistique. La Tradition Apostolique donne une formule, à titre de modèle, sans l'imposer. Très tôt cependant s'imposèrent un certain nombre d'anaphores très proches les unes des autres quant au contenu fondamental, malgré les différences marquées d'une famille liturgique à l'autre, surtout pour l'ordre interne des éléments.

Quant au Canon romain, il a subi au cours des siècles bien des transformations qui font que sa structure actuelle, assez compliquée, laisse difficilement percevoir l'équilibre théologique et l'harmonie entre les éléments qui le composent. A côté du Canon romain, conservé à peu près intact dans le nouveau Missel, trois autres prières eucharistiques ont été officiellement approuvées, de longueur et de style différents. On choisira tantôt la deuxième à cause de sa simplicité et de sa brièveté, tantôt la quatrième à cause de son caractère plus élaboré et plus solennel. On ne ferait pas preuve de création, bien au contraire, en ne retenant que la seule longueur de ces prières eucharistiques comme critère de choix! Le président devrait utiliser la prière qui convient le mieux à l'assemblée, dans sa situation concrète, et ne pas effectuer son choix en fonction de son seul goût personnel, même s'il est le seul à proclamer l'eucharistie.

Il n'est pas impossible que d'autres prières eucharistiques soient approuvées officiellement au cours des années à venir. Un très grand nombre de compositions privées circulent déjà, et ce n'est un secret pour personne qu'elles sont utilisées ici ou là. Les critères pour juger de la valeur concrète de ces essais nous semblent les suivants : a. l'équilibre théologique du contenu ; b. la richesse de ce contenu, et surtout sa référence au mystère pascal du Christ ; c. lorsqu'ils font allusion à des problèmes concrets ou à des circonstances précises, la façon dont ils les situent dans le mystère du salut ; d. la façon dont ils respectent le sens profond et le mouvement de la prière eucharistique : action de grâce au Père, par l'Esprit pour l'œuvre de Salut accompli en son Fils, Jésus, pour nous les hommes.

Selon l'interprétation assez générale de l'Instruction pour la messe de petits groupes, c'est dans la Préface - qui est une partie intégrante de la prière eucharistique, que doivent s'intégrer les motifs particuliers d'action de grâces propres à tel groupe.

 

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Nous ne savons pas prier, dit s. Paul, mais l'Esprit Saint intercède en nous par des gémissements ineffables. Là est la source de toute vraie créativité. Il ne servirait à rien de se casser la tête à essayer de créer frénétiquement de nouveaux textes liturgiques. Chez celui qui est attentif à la prière de l'Esprit en lui et qui la laisse jaillir librement, la prière s'exprimera spontanément en formes toujours nouvelles. L'important est d'assurer au fond des coeurs une vraie prière. La vraie prière invente toujours son mode d'expression.

 

 

 



[1] Le Saint Siège a reconnu officiellement ce principe dans l'Instruction de la Congrégation du culte sacré du 15 mai 1969: AAS 61 (1969) 806-811. Pour une étude d'ensemble et une bonne bibliographie sur les groupes spontanés, voir Herman SCHMIDT,  « Le phénomène des groupes spontanés », dans; Concilium, n. 72 (1972) 113-126.

[2] Voir, par exemple, Guy LAPOINTE, « Le rôle du président dans la liturgie de la Parole », dans Liturgie et Vie chrétienne, n. 72 (1970) 129-139.

[3] Jean-Eudes DAVID « La création d'éléments pour les célébrations », dans Paroisse et Liturgie, 52 (1970) 501-510.

[4] . Instruction du 25 janvier 1969. Texte clans La Maison-Dieu, n, 98 (1969) 143-155.

[5] Voir André GIGNAC, « Prière liturgique et langue vivante;>, dans Liturgie et vie chrétienne, n. 75 (1971) 22-30.

[6] Pierre JOUNEL, «Le missel de Paul VI ", clans La Maison-Dieu, n. 103 (1970) 36-40.

[7] Voir Salvatore MARSILI, « Des textes liturgiques pour l'homme moderne », dans Concilium, n. 42 (1969) 47-62.

[8] Bonne bibliographie sur les créations liturgiques entre 1960 et 1970 dans Herman SCHMIDT, Bidden onderweg van 1960 tot 1970, documentaire studie met bibliographie en citaten-selectie, Harlem 1971.