Pour plusieurs des acteurs du Concile, celui-ci fut un
moment de transformation personnelle profonde. On doit y voir un fruit du
Concile.
La conversion d’un
Cardinal
Parmi
les fruits de Vatican II, il y a ceux qu’il a produits dans la vie des
personnes qui en furent les acteurs. Un bel exemple est la transformation qu’il
produisit chez le Cardinal Paul-Émile Léger, archevêque de Montréal, au Canada.
Deux ans après la fin du Concile, Léger renonçait à sa fonction d’archevêque de
Montréal, à l’âge de 64 ans, pour aller travailler auprès de lépreux et
d’enfants handicapés au Cameroun,
mettant en pratique l’option préférentielle pour les pauvres développée durant
Vatican II sous l’influence de témoins de l’Évangile tels que Hélder Câmara.
Quelques moments clés de Vatican II
Le
Cardinal Léger joua un rôle important au Concile, durant des moments clés. Dès
l’ouverture de la première session, le 13 octobre 1962, après l’intervention
restée fameuse du cardinal Achille Liénart de Lille, Léger, qui avait été membre
de la commission centrale préparatoire, fut élu à la commission doctrinale, en
compagnie d’André Charue, évêque de Namur et devint l’un des leaders de la
majorité avec Suenens, Frings et Bea. Lors de la crise profonde que vécut le
Concile autour du projet de texte sur les sources de la Révélation, la très
grande majorité des Pères ayant voté pour ne pas en continuer l’étude, après
l’intervention importante d’Émile-Joseph de Smedt de Bruges, le 19 novembre,
c’est Léger qui, dans une rencontre privée avec Jean XXIII convainquit celui-ci
de retirer le texte et de nommer une commission mixte pour le réécrire.
Quelques
jours plus tard, au début de décembre, Jean XXIII, suivant les recommandations
du Cardinal Montini, proclamait la création d'une commission de coordination
ayant pour but de relier les autres commissions entre elles ; elle était
composée de cinq cardinaux : Léon-Joseph Suenens, Paul-Émile Léger, Giacomo
Lercaro, Julius Döpfner et Giovanni Battista Montini. Ces événements de
l’automne 1962 allaient marquer profondément la marche de tout le Concile. Les
interventions de Léger furent également importantes pour l’approbation de Gaudium et Spes, alors que Karol Wojtila
et les autres évêques polonais essayaient de pousser un contre-schéma.
Léger, né
d’une famille humble, avait travaillé comme mécanicien et boucher avant de
poursuivre ses études. Il était devenu Sulpicien après avoir été refusé par les
Jésuites qui le trouvaient trop émotif. Après de brillantes études à l’Institut
Catholique de Paris, il avait enseigné au Séminaire Sulpice de Paris et avait
été missionnaire au Japon, puis recteur du séminaire canadien de Rome avant de
devenir archevêque de Montréal en 1950, puis cardinal à l’âge de 49 ans. Dans
les années qui précédèrent le Concile il s’était fortement impliqué dans
l’œcuménisme et s’était laissé interpeller par les bouleversements sociaux,
voyant dans la sécularisation de la société une évolution historique
nécessaire.
On peut
comprendre tout le parcours spirituel fait par le Cardinal Léger, lorsqu’on le
voit servir les malades dans une léproserie d’Afrique, si l’on sait à quel
point il était conscient de sa dignité de prince de l’Église quelques années
auparavant. Ainsi, lorsqu’il était revenu
au Québec après être allé recevoir à Rome sa calotte cardinalice il s’était
écrié devant la foule qui l’accueillait, avec la grandiloquence qu’on lui
connaissait : « Montréal, ma ville ! Comme tu t’es faite belle pour
accueillir ton prince ! » Ce même « prince de l’Église »,
après avoir travaillé en Afrique quelques années et avoir dû en revenir pour raison de santé, servit comme curé de
paroisse pour un certain temps, puis comme vicaire, avant de devenir aumônier
d’une communauté religieuse.
Vatican
II fut un moment de profonde conversion pour l’Église romaine tout
entière. Il ne faut pas oublier les
exigences de conversion personnelle qu’il suscita dans la vie personnelle de
plusieurs de ceux qui en furent les principaux acteurs.
Armand
VEILLEUX
abbé de
Scourmont
L’Appel juin 1012, nº 348