Questions monastiques en général



(Dernière mise à jour le 2 juillet 2008)

 

 

 
 

 

Une vie de communion

 

            Comme toute forme de vie humaine et chrétienne la vie du moine est constituée de nombreux éléments.  Si l’on voulait trouver un terme qui souligne bien l’unité entre ces divers éléments, le mot communion serait sans doute le meilleur choix.

 

            Le moine s’efforce de vivre en communion avec Dieu, avec un groupe de frères qui forment avec lui une communauté, avec son Église locale et l’Église universelle, avec les hommes et les femmes de son entourage comme avec l’ensemble de la société, tout aussi bien qu’avec tout le cosmos.

 

            La communion avec Dieu est évidemment ce qui est au cœur de sa vie et ce qui donne leur sens à toutes les autres formes de communion.  Il la vit dans une prière qu’il s’efforce de rendre aussi continue que possible.  En effet, il sait que l’unique précepte du Nouveau Testament sur les temps de prière est qu’il faut prier sans cesse.  Cela ne veut évidemment pas dire qu’il faille réciter constamment des prières mais qu’il faille plutôt vivre dans une conscience aussi continue que possible de la présence de Dieu en soi.  Ce qu’on appelle contemplation est précisément cette présence à la Présence.  Cette contemplation doit animer et sous-tendre toutes les activités de la journée, aussi bien le travail – manuel ou intellectuel – que la célébration commune de la louange de Dieu ; tant les moments de prière silencieuse que ceux de rencontre avec ses frères ou son activité apostolique s’il est appelé à l’exercer. Cette dimension « contemplative » ne lui est évidemment pas propre.  Elle doit être présente en toute vie humaine ; mais le moine s’efforce d’en faire le centre de sa vie et d’organiser toutes ses autres préoccupations et activités autour de ce centre de gravité.

 

            Sauf dans les cas plutôt rares de vocation totalement érémitique, le moine vit en communauté avec des frères qui forment avec lui une ecclesiola, une petite Église locale.  Comme, pour d’autres, leur famille ou leur paroisse ou encore leur diocèse, la vie en communauté est pour le moine sa façon la plus immédiate de vivre le mystère de l’Église. Les frères se prennent en charge mutuellement et s’engagent à s’entraider dans la recherche de Dieu et son service.  Cette communauté locale ne peut toutefois être fermée sur elle-même et elle s’efforce de s’ouvrir à l’Église locale et à l’Église universelle comme à l’ensemble du Peuple de Dieu.  Les moines le font souvent en offrant aux laïcs comme aux prêtres et religieux ou religieuses la possibilité de partager leur solitude et leur prière dans leurs hôtelleries monastiques. Percevant l’importance du dialogue entre les religions et entre les diverses confessions chrétiennes comme entre les cultures, ils ouvrent facilement leurs hôtelleries aux hommes et femmes de toute croyance et de toute appartenance religieuse ou politique. Ceci semble d’autant plus important de nos jours que de nouvelles formes de xénophobie se répandent et que certains se font les protagonistes d’une nouvelle lutte entre les civilisations, les cultures et les religions.

 

            L’obligation de gagner leur vie que les moines partagent avec tous les hommes fait qu’ils sont en général engagés dans divers travaux matériels ou autres y compris dans la gestion de petites entreprises qui leur permettent de gagner leur vie et aussi d’avoir de quoi partager avec les plus démunis et tous ceux autour d’eux qui sont dans le besoin.  Dans ces entreprises matérielles ils communient évidemment à tous les défis et toutes les difficultés que connaissent leurs contemporains. Un défi particulier pour eux en ce domaine est de ne pas se laisser emporter par le mouvement de globalisation imposant partout une économie libérale génératrice de disparités, mais d’être créatifs dans la recherche d’économies alternatives.

 

            La solitude les rendant conscients de la lutte continuelle entre les forces du bien et du mal qu’ils connaissent en leurs propres cœurs, les moines sont sensibles à toutes les misères que connaît l’humanité, en particulier celles provenant des guerres et de toutes les formes d’oppression sociale et économique.  Ils considèrent comme une exigence de la communion de faire leur petite part dans la solution de ces tensions.

 

            Tous les problèmes écologiques que connaît la planète terre de nos jours sont le résultat du manque d’harmonie existant entre les hommes, entre ceux-ci et la nature comme entre eux et Dieu, depuis le premier péché.  Par le respect de la nature et de l’environnement, y compris par le retour à une agriculture biologique et l’entretien des forêts, le moine s’efforce de faire sa part dans le rétablissement de l’harmonie initiale.

 

            À tous ces niveaux, le moine rencontre les mêmes défis que tous ses frères et sœurs en humanité : vivre la communion alors que tant de choses en lui-même comme hors de lui poussent à l’égoïsme et au repliement sur soi.  Comme tous, il ne peut trouver la force nécessaire pour poursuivre son chemin et sa croissance

que dans l’amour du Christ, auquel il doit donner chaque jour un peu plus de place dans son cœur et dans sa vie.

 

Armand Veilleux

Abbé de Scourmont