Écrits et conférences d'intérêt général



 

 

 
 

Le cheminement spirituel du chrétien dans le monde

 

Une lecture transversale des textes de Vatican II

 

(Conférence donnée au cours d'un Colloque organisé par la Région Pastorale de Tournai le 5 octobre 2013 sur le thème "Vatican II, une Église pour tous?")  

 

 

Si l’on cherchait dans les documents de Vatican II un traité de spiritualité, on risquerait d’être déçu. On n’y trouve surtout pas une conception de la « vie spirituelle » qui serait une sorte de relation intimiste avec Dieu, reléguée dans le secret de la vie privée et en marge des occupations humaines ordinaires ou même de l’activité pastorale.

 

Bien sûr, il serait facile, avec un bon instrument de recherche, de relever dans ces documents plusieurs passages où le mot « spirituel » est utilisé, ou encore des sections de plusieurs documents où les laïcs ou les religieux, les prêtres ou les évêques sont invités à nourrir leur relation à Dieu dans des moments de prière. Mais cela ne nous conduirait pas très loin.

 

Je vous invite plutôt à faire une lecture transversale des textes de Vatican II, afin de percevoir le souffle qui les anime. Nous y découvrirons alors une conception assez homogène de la vie du chrétien, quel que soit son état de vie, et quels que soient les services ou les ministères qu’il peut être appelé à rendre dans l’Église et dans le monde, comme une marche à la suite du Christ, sous le souffle de l’Esprit, dans le monde auquel il est envoyé pour rendre compte de sa foi et de son espérance.

 

Les théologiens, les professeurs d’université ou les pasteurs pourront présenter, analyser, décortiquer chacun des textes du Concile pour en exprimer toute la sève. Cela n’est certes pas dépourvu d’utilité.  Mais il faut surtout se souvenir que Vatican II a été un événement complexe qu’on ne peut comprendre qu’en le prenant dans sa totalité. (J’emprunte le mot « événement » au titre du livre de John W. O’Malley : « L’événement Vatican II »). Ce fut surtout, d’octobre 1962 à décembre 1965, un long cheminement de l’Église sous la conduite de l’Esprit Saint.

 

Ce cheminement spirituel de l’Église avait été longuement préparé dans les décennies qui avaient précédé le Concile et il s’est poursuivi jusqu’à nos jours avec ses heurt, ses soubresauts, ses freinages et ses moments de surprise.

 

Quelques grands mouvements spirituels qui avaient marqué l’Église universelle étaient partis de Belgique. Dès les premières années du 20ème siècle Dom Lambert Baudouin avait donné naissance au mouvement liturgique qui favorisait la participation active des fidèles à l’Eucharistie et mettait en valeur la centralité du Christ dans le culte et dans la spiritualité. Une vingtaine d’années plus tard le même Lambert Baudouin, avec Lord Acton et le Cardinal Mercier, jouait un rôle central dans le développement du mouvement œcuménique.  Joseph Léon Cardijn avait donné naissance en 1925 à la Jeunesse Ouvrière Catholique – un mouvement dont Yves Congar allait donner un brillante défense théologique en 1954 dans son beau livre « Jalons pour une théologie du laïcat ». De la JOC est issu, peu d’années avant le Concile, le mouvement des Prêtres ouvriers.

 

Avant cela, à la jonction du 19ème et du 20ème siècle, le Père Marie-Joseph Lagrange avait lancé, avec la fondation en 1890 de l’École biblique de Jérusalem qui promouvait l’usage de l’exégèse scientifique dans l’étude de la Bible un mouvement biblique. Un renouveau théologique s’était développé durant et après la Deuxième Guerre Mondiale. Ce renouveau, influencé d’abord par la pensée des théologiens orthodoxes, réfugiés en France après la Révolution russe et associés à l’Institut Saint-Serge de Paris, fut l’oeuvre de grands théologiens tels que Henri de Lubac, Yves Congar et Karl Rahner. Au coeur de ce renouveau théologique était la perception du mystère du salut, proclamé et célébré dans l’Église et incarné dans la vie de chaque chrétien sous l’action de l’Esprit Saint.

 

          Angelo Giuseppe Roncalli, qui devint Pape sous le nom de Jean XXIII, en 1958, n’avait pas fait de grandes études théologiques universitaires. Il n’était pas un théologien dans le sens académique du terme.  C’était un homme de terrain, un contemplatif dans l’action.  Il avait connu les deux Guerres Mondiales. Délégué apostolique en Bulgarie et en Turquie avant d’être Nonce en France, il avait perçu l’Esprit Saint travaillant dans le monde d’aujourd’hui y compris dans le monde laïc et dans les traditions religieuses non chrétiennes.  Il était un fils de son temps. 

 

          Dans son annonce du Concile à Saint-Paul-hors-les-Murs le 25 janvier 1959 et dans son discours d’ouverture du concile le 11 octobre 1962, il invitait toute l’Église à se laisser saisir par le mouvement de l’Esprit Saint qu’il sentait déjà souffler sur l’Église et sur le monde, et il voulait lancer l’Église dans un cheminement spirituel, vers le monde, à la suite de son maître et sous l’influence de l’Esprit Saint.

 

          Ce cheminement spirituel l’Église allait le faire d’abord en Concile durant quatre sessions, de 1962 à 1965, après trois ans d’intense préparation. Et maintenant, depuis un demi-siècle elle poursuit ce cheminement spirituel, avec les tensions que nous savons.

 

          Le premier grand document voté par les Pères conciliaires fut la Constitution sur la Liturgie, Sacrosanctum Concilium, élaborée durant la première session et votée à la fin de la deuxième, le 4 décembre 1963.  On y trouve, dès le premier paragraphe du premier chapitre (nº 5) la citation de la Première Lettre de Paul à Timothée : « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la Vérité » (1 Tim. 2, 4). C’est sur cet appel de tous au salut que se fonde le droit et le devoir de tous de participer activement à la célébration de la liturgie, dans laquelle se manifeste et se réalise ce dessein salvifique de Dieu par l’action de l’Esprit Saint

 

          Cet appel de tous les humains au salut sera comme un leitmotiv que nous retrouverons sous plusieurs formes dans tous les grands textes de Vatican II, jusqu’au document très important sur la liberté religieuse, voté à la fin de la dernière session, le 7 décembre 1965.

 

          La Constitution sur la liturgie, qui porte le nom de « Constitution conciliaire », comprend évidemment un certain nombre de principes théologiques, mais son but n’était pas de faire une théologie de la liturgie encore moins un traité de spiritualité. Son but était de tracer les grandes lignes d’un renouveau de la liturgie que le Concile jugeait nécessaire.

 

          C’est dans la Constitution dogmatique Lumen Gentium, sur l’Église, votée l’année suivante, à la fin de la troisième session, qu’on trouvera les principes non seulement d’une théologie de l’Église, mais aussi de la liturgie, du laïcat, de la vie religieuse et des ministères ecclésiastiques.

 

          Dès le début de cette Constitution, comme c’était le cas pour celle sur la liturgie, est affirmé le dessein salvifique universel de Dieu. Cela est affirmé en trois beaux paragraphes, l’un parlant du Père qui a nourri ce dessein de toute éternité, un autre parlant du Fils, en qui il s’est réalisé en plénitude dans l’Incarnation, et le troisième parlant de l’action sanctificatrice de l’Esprit Saint dans l’Église, qui est le Sacrement du Christ, lequel est le sacrement primordial de ce dessein salvifique du Père. 

 

          Vient ensuite la très belle section sur le Peuple de Dieu.  De cette notion de peuple de Dieu est déduite celle du sacerdoce universel des fidèles, antérieur à tout sacerdoce ministériel, et de l’exercice de ce sacerdoce universel à travers les sacrements. Un chapitre entier de cette belle Constitution dogmatique parle de l’appel universel à la sainteté dans l’Église (nº 39-42). On notera en particulier le nº 40, citant la recommandation du Christ « Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait », qui en déduit que tout membre de l’Église ayant reçu le don de l’Esprit Saint qui le meut à aimer et lui donne la capacité d’aimer, est appelé à la perfection de la charité.  L’appel à la perfection de la charité n’est donc pas le privilège d’une catégorie de personnes dans l’Église.  C’est un appel universel.

 

          Même s’il est question de vie spirituelle dans tous les documents conciliaires, il y en a un seul où l’on parle d’une façon explicite et quelque peu élaborée du cheminement spirituel et de la croissance dans la vie spirituelle.  Ce n’est ni dans le document sur l’office pastoral des évêques ni dans celui sur le ministère sacerdotal, ni dans celui appelant à un renouveau de la vie religieuse.  C’est dans le Décret conciliaire sur l’apostolat des laïcs.

 

          Ce décret commence lui aussi (nº 2) par l’affirmation que tous les humains sont appelés au salut et donc à la perfection de la charité.  Il y est affirmé que le droit et le devoir de tous les laïcs de participer à l’apostolat de l’Église leur vient de leur union au Christ, auquel ils ont été incorporé par le baptême, et de la réception de l’Esprit Saint par qui ils ont été confirmés.

 

          Le long nº4 est, dans tous les documents de Vatican II, ce qui ressemble le plus à un petit traité de spiritualité. Le titre en est « De la spiritualité des laïcs dans l’ordre de l’apostolat » ; et, précisément, on y trouve une spiritualité ancrée dans la vie de tous les jours. Est d’abord affirmé le principe que « la fécondité de l’apostolat des laïcs dépend de leur union vitale avec le Christ, selon cette parole du Seigneur « Celui qui demeure en moi et moi en lui, celui-là porte beaucoup de fruits.  Car sans moi vous ne pouvez rien faire » (Jn 15,5). La participation active à la liturgie est indiquée comme nourriture spirituelle destinée à alimenter cette vie d’union avec le Christ dans l’Église. Les laïcs sont ensuite invités à employer cette nourriture spirituelle de telle sorte qu’il y ait une pleine harmonie entre leur union avec le Christ et l’accomplissement de toutes leurs obligations dans le monde et dans les conditions ordinaires de l’existence. En effet, « ni le soin de leur famille, ni les affaires temporelles ne doivent être étrangers à leur spiritualité, selon ce mot de l’Apôtre : « Tout ce que vous faites, en paroles ou en oeuvres, faites-le au nom du Seigneur Jésus-Christ. » (Col. 3,17).

 

          Il s’agit vraiment ici d’une solide spiritualité dans laquelle la lumière de la foi et la médiation de la Parole de Dieu permet de reconnaître Dieu dans les événements, dans tous les hommes, proches ou étrangers, et aussi de juger sainement du vrai sens et de la valeur des réalités temporelles.

 

          Difficile de trouver une spiritualité plus incarnée.  Et pourtant elle est exigeante.  C’est à tous et à chacun que s’adressent les béatitudes, l’appel au dépouillement et la parole du Maître : « Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il se renie lui-même, qu’il se charge de sa croix et qu’il me suive » (Mt 16, 24).  Et tous sont invités à se prêter un appui mutuel dans l’amitié.

 

          Enfin, il est bien précisé que cette spiritualité, quoique la même pour tous, revêtira des caractéristiques particulières selon les conditions de vie de chacun : vie conjugale et familiale, célibat et veuvage, état de maladie, activité professionnelle et sociale. Enfin cette spiritualité exige « qu’ils estiment beaucoup la compétence professionnelle, le sens familial et civique, et les vertus qui regardent la vie sociale telles que la probité, l’esprit de justice, la sincérité, la délicatesse, la force d’âme : sans elles, est-il dit, il n’a a pas de vraie vie chrétienne.

 

          Cette forte spiritualité, décrite comme celle des laïcs peut, en réalité s’appliquer à tous. Il est d’ailleurs intéressant de voir que ce texte invite les clercs à aider les laïcs dans l’accomplissement de leur mission apostolique... et non l’inverse (cf. nº 25). Et c’est même dans ce contexte que tous sont appelés à collaborer avec les non-chrétiens.

 

          Le Décret Ad Gentes, sur l’activité missionnaire de l’Église, part lui aussi du principe que tout être humain est appelé au salut et dit que le cheminement de l’Église sur la terre est, de par sa nature, missionnaire, puisque l’Église est envoyée par le Christ, qui lui a insufflé son Esprit. Elle est envoyée à aller vers les Nations – vers les périphéries dirait notre pape François.

 

          Cela nous amène à un autre document très important du Concile, probablement le plus important après la Constitution sur l’Église, c’est-à-dire Gaudium et Spes, la Constitution pastorale sur l’Église dans le monde contemporain.

Dans ce document il est non seulement affirmé, une fois de plus, que tout homme est appelé à la sainteté et à la perfection de la charité, mais le fondement de cet appel est explicité.  C’est que l’être humain a été créé à l’image de Dieu, donc capable de connaître et d’aimer son créateur et donc capable d’établir avec lui une relation d’amour dans la pleine connaissance. L’homme étant créé à l’image de Dieu, il est doté de liberté. Le cheminement spirituel du disciple du Christ l’amène à cheminer avec ses frères humains en respectant leur liberté, leur conscience et leur propre cheminement.

 

          Et cela nous amène à un autre document voté le 7 décembre 1965, à la fin du Concile, et dont la rédaction avait été très difficile, la Déclaration « Dignitatis humanae » sur la liberté religieuse.  On y trouve une défense de la liberté de la conscience, non seulement pour les Chrétiens, mais pour tous les humains, quelle que soit leur religion. Le Concile a vraiment mis un accent particulier sur la conscience personnelle.  « La conscience, lisions-nous déjà dans Gaudium et spes, est le ‘centre le plus secret de l’homme, le sanctuaire où il est seul avec Dieu et où Sa voix se fait entendre’. »  C’est par la conscience que Dieu nous guide.  Le Concile adopte ici la théologie classique de saint Thomas selon laquelle la vie morale – le cheminement spirituel -- est guidée par la conscience et qu’il faut obéir à sa conscience, même si elle est fausse.  Nous serons jugés par la fidélité à notre conscience ». 

 

          Dans cette déclaration conciliaire sur la liberté religieuse, le concile reconnait donc que l’être humain dans son cheminement spirituel doit suivre sa conscience et que c’est un droit que la société doit respecter.  La théologie de la conscience permet aussi à l’Église de respecter les adeptes des grandes religions qui, suivant leur conscience, pratiquent la compassion, aiment leur prochain et s’ouvrent à la sphère spirituelle.

 

          On trouve en ce texte une spiritualité de dialogue qui sera reprise par l’Encyclique Ecclesiam suam de Paul VI, après le Concile, où il affirmera que l’Église est une communauté en dialogue -- dialogue avec le monde et dialogue entre ses membres.

 

          Le cheminement spirituel du chrétien selon Vatican II, est donc vraiment ce que l’expression dit : un « cheminement ». Et il ne s’agit pas simplement d’un cheminement intérieur, c’est-à-dire l’évolution d’états intérieurs.  Il s’agit d’un mode d’être en Église et dans le monde. 

 

          Il s’agit donc de tout autre chose que certaines attitudes auxquelles des philosophes contemporains ont donné le qualificatif de « spirituel ».  On doit certes avoir du respect pour un André Compte-Sponville et sa spiritualité athée et pour son expérience du « sentiment océanique », ou encore pour Luc Ferry et son expérience du « dévoilement des valeurs ». Mais la spiritualité chrétienne, que l’un et l’autre récuse, est un mouvement à la fois vertical et horizontal.  Elle naît de l’amour de Dieu qui a été répandu en nos cœurs par l’Esprit Saint et elle s’épanouit dans l’amour du monde et en particulier du pauvre, tel que décrit dans le chapitre 25 de Matthieu.

 

          Le cheminement du chrétien est dit « cheminement spirituel » non parce que c’est quelque chose qui se passe dans l’esprit de l’homme, mais parce que ce cheminement prend sa source dans l’irruption de l’Esprit de Dieu aux charnières de l’histoire de l’humanité, là où Dieu agit. 

 

          Le Concile nous a signalé que par son engagement social et politique authentique le croyant ne fait rien d’autre que de rester immergé dans la réalité temporelle concrète pour la vivre selon les exigences évangéliques. Tous les croyants sont invités à la ligne verticale de la sainteté qui est la plénitude de la foi qui agit dans la charité, ainsi qu’à la ligne horizontale de l’amour du prochain et aussi dans la promotion de la société ou d’un mode de vie plus humain. 

 

         

 

          En relisant aujourd’hui tous ces grands textes de Vatican II, ce qui nous frappe c’est leur optimisme.  Nous le devons à Jean XXIII, mais pas uniquement.  Nous l’oublions peut-être trop; les années soixante du 20ème siècle, durant lesquelles se tint le Concile, furent un peu partout dans le monde des années de grand optimisme culturel. La deuxième guerre mondiale était déjà loin. La reconstruction matérielle de l’Europe allait bon train. On était, bien sûr en période de guerre froide (la crise des missiles russes à Cuba, qui faillit provoquer un conflit nucléaire se produisait durant la première session du Concile), mais un capitalisme qui semblait bien dirigé, selon les théories de Keynes, apportait la prospérité. Les anciennes colonies trouvaient l’une après l’autre leur indépendance et les apôtres de la défense des droits civiques des afro-américains se faisaient enfin entendre aux États-Unis.  « I have a dream » avait dit Martin Luther King le 28 août 1963.

 

          Force est de constater que, cinquante ans plus tard, nous ne sommes plus dans une telle vague d’optimisme, mais bien dans une vague de pessimisme. Raison de plus pour les disciples du Christ de poursuivre, au coeur du monde d’aujourd’hui un cheminement spirituel qui soit générateur d’Espérance.

 

          La première exigence de l’Évangélisation selon Vatican II est l’insertion de l’Évangile dans la culture locale -- d’où l’importance de la culture, dont Gaudium et Spes donne d’ailleurs une excellente définition. Ce qu’on appelle « Nouvelle Évangélisation » est un autre nom pour décrire ce qu’on appelait il n’y a pas si longtemps « inculturation » ; c’est-à-dire confrontation entre la culture dans son état actuel et le message de l’Évangile.

 

          La rencontre de l’Église avec le monde, telle que voulue par le Concile, obéit à trois critères de fond : a) Le progrès du monde est un signe de la grandeur de Dieu.  b) L’autonomie des réalités temporelles doit être respectée. c) L’Église est « sacrement » du salut pour le monde.  Elle doit contribuer à l’avènement du Royaume de Dieu sans prétendre pour cela dominer le monde.

 

          Lumen Gentium 8 dit bien que le Christ a été envoyé par le Père pour évangéliser les pauvres et relever les opprimés.  Cette option préférentielle pour les pauvres et les exigences de la pauvreté évangélique eurent peu d’impact dans le Concile sauf au cours des dernières semaines. 

 

          La veille de la clôture officielle du Concile Vatican II, un texte fut diffusé parmi les Pères conciliaires et présenté à la presse par don Helder Camara.  Ce texte fut connu sous le nom de « Pacte des catacombes », car il devait son origine à la rencontre d’une quarantaine d’évêques, en majorité latino-américains qui s’étaient réunis dans les catacombes de Domitilla, à Rome, le 16 novembre 1965.  C’est Mgr Charles-Marie Himmer, évêque de Tournai, qui avait invité ce groupe de confrères à y concélébrer une messe pour implorer la grâce de la fidélité à l’Évangile et aux pauvres.

 

          Dans ce texte, les participants, et tous ceux qui l’assumèrent par la suite, s’engageaient à un style de vie personnelle dépouillé et à la solidarité avec les pauvres.

 

          À l’époque où se terminait Vatican II Jorge Mario Bergoglio était étudiant en théologie à Buenos Aires.  Il ne deviendra évêque auxiliaire de Buenos Aires qu’en 1992, puis archevêque en 1998. Et pourtant tout ce qu’on sait de son style de vie comme archevêque nous montre qu’il vivait fidèlement selon ce Pacte des catacombes.  Les débuts du pontificat du pape François, avec son désir exprimé dès les premiers jours d’une Église pauvre pour les pauvres en sont évidemment aussi marqués.

 

          Cette préoccupation pour les pauvres, qui est une dimension essentielle du cheminement spirituel du Chrétien, fut soulignée par Paul VI dans Populorum progressio en 1967 deux ans après le Concile.  Sous l’inspiration de quelques grands évêques latino-américains, elle fut au coeur des grandes réunions des Conférences épiscopales de Medellin en 1968 et de Puebla en 1979 où est né le grand courant spirituel de l’option préférentielle pour les pauvres, dont le général des Jésuites de l’époque, Pedro Arrupe se fit un apôtre à travers le monde, ce dont il eut beaucoup à souffrir. 

 

          L’humour de la Providence veut que ce soit aujourd’hui un pape jésuite venant de cette Amérique Latine qui fit tant ce domaine, qui nous rappelle que le Christ veut une église pauvre pour les pauvres.

 

          Nous sommes là au coeur de la spiritualité chrétienne, qui est celle de Vatican II.

 

 

Armand VEILLEUX