Vie religieuse en général
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Célébrer la vie « Nous les vivants, bénissons
Dieu » Lorsque j’ai un entretien
à
préparer,
il
y
a
souvent
un
passage
biblique
qui
me
vient
à
l’esprit.
C’est
là,
tout
d’abord,
que
je
trouve
mon
inspiration.
Cette
fois-ci,
dès
que
je
me
suis
arrêté
à
réfléchir
un
peu
sur
le
thème
« célébrer la vie », deux paraboles
me
sont
d’abord
venues
à
l’esprit
–
l’une
de
l’Ancien
Testament
et
l’autre
du
Nouveau
Testament.
Celle
de
l’Ancien
Testament
est
le
livre
de
Job.
Cela
peut
vous
surprendre,
mais
je
vois
dans
ce
livre
une
authentique
célébration
de
la
vie. Job a une vie fort bien
remplie.
Il
possède
tout
ce
qui
rend
une
vie
agréable
et
signifiante.
Il
a
un
statut
social
enviable,
une
bonne
renommée
dans
le
peuple
d’Israël ;
il
a
une
femme
et
plusieurs
enfants
(sept
fils
et
trois
filles)
ainsi
que
de
nombreuses
possessions
–
des
milliers
de
moutons,
de
chameaux,
de
bœuf
et
d’ânesses,
sans
oublier
tous
les
serviteurs
et
servantes
pour
s’occuper
de
tout
cela.
Il
a
aussi
une
bonne
santé
et
des
amis.
Donc,
il
possède
non
seulement
tout
ce
qui
sert
ordinairement
à
rendre
quelqu’un
heureux,
mais
aussi
tout
ce
en
quoi
un
homme
trouve
normalement
son
identité
et
sa
sécurité. Puis – vous connaissez l’histoire -- il perd
tout
cela.
Il
perd
ses
possessions
matérielles,
ses
enfants,
l’amour
de
sa
femme,
sa
santé
et
même
la
compréhension
de
ses
amis. Job fait alors une découverte
extraordinaire.
C’est
que
même
après
avoir
tout
perdu,
il
lui
reste
l’essentiel.
Il
vit. Sa vie est maintenant
privée
de
tout
ce
qui
la
remplissait,
mais
elle
est
toujours
là. Le Job qui ne possède plus rien est le même
Job
qui
possédait
tout.
N’ayant
plus
rien
à
perdre,
il
se
découvre
une
extraordinaire
liberté.
Il
peut
se
tenir
debout
devant
Dieu
et
lui
parler
très
fortement.
Personne,
peut-être,
dans
la
Bible,
ne
parle
à
Dieu
avec
une
telle
force.
Cette
liberté,
qui
n’est
aucunement
de
l’arrogance
(mais
bien
de
la
parrhesia),
est
celle
des
personnes
qui
n’ont
rien
à
perdre. À la fin Job pourra retrouver tout ce qu’il
avait
perdu,
mais
cela
n’affectera
pas
qui
il
est. Il est un vivant. Il est libre. La vie est non seulement
un
don
de
Dieu,
mais
elle
est
participation
à
la
nature
divine,
car
Dieu
est
non
seulement
Le
Vivant ;
il
est
la
Vie.
Et
donc
toute
vie
a
une
dimension
divine,
qu’elle
soit
comblée
ou
démunie
qu’elle
semble
forte
ou
fragile,
qu’elle
semble
en
excellente
santé
ou
menacée
par
la
maladie,
qu’elle
soit
remplie
de
circonstances
agréables
ou
de
conditions
lourdes
et
difficiles.
Et
cela,
je
crois,
vaut
pour
la
vie
d’une
communauté
ou
d’une
Église,
comme
cela
vaut
pour
notre
vie
personnelle
à
chacun
de
nous. Célébrer la vie ce n’est
pas
festoyer
parce
que
tout
nous
sourit ;
c’est
s’émerveiller
chaque
jour
du
don
de
la
vie,
quelles
que
soient
les
circonstances
dans
lesquelles
nous
avons
à
la
vivre.
Job
ne
semble
pas
avoir
été
tenté
par
le
suicide.
Sa
vie
avait
finalement
autant
de
sens
lorsqu’il
était
malade,
isolé
de
tous,
sur
son
tas
de
fumier,
que
lorsqu’il
était
au
sommet
de
sa
richesse,
de
sa
gloire
et
au
cœur
de
l’harmonie
de
ses
relations
sociales,
matrimoniales
et
familiales. Ce cheminement spirituel
de
Job
correspond
assez
bien
aux
grandes
étapes
de
la
croissance
humaine
dont
nous
parlent
les
psychologues
de
nos
jours. Pour Karl Jung, par exemple, la maturité humaine
se
caractérise
pas
le
passage
de
l’étape
de
l’identification
à
celle
de
l’identité. La période d’identification
est
celle
où
on
s’identifie
à
quelque
chose
–
ou
quelqu’un
--
à
l’extérieur
de
soi.
Ainsi
l’enfant
s’identifie
à
sa
mère
ou
à
son
père
(avec
l’inversion
au
moment
de
la
manifestation
du
complexe
d’Œdipe).
L’adolescent
s’identifie
facilement
à
un
héro
–
soit
du
monde
du
sport
ou
du
cinéma ;
ou
à
une
personne
qu’il
admire
et
qu’il
aime
(grands-parents,
éducateur,
oncle
ou
tante,
etc.)
Le
jeune
homme
et
la
jeune
femme
trouvent
leur
identité
sociale
dans
ce
qu’ils
font
ou
qu’ils
ont
et
surtout
ce
qu’ils
réussissent
(spécialement
réussites
matérielles
pour
le
jeune
homme ;
plutôt
conquêtes
affectives
pour
la
jeune
femme). Celui ou celle qui arrive à la maturité (ce
qui
ne
vient
pas
nécessairement
avec
le
nombre
des
années),
découvre
graduellement
qui
il/elle
est
vraiment :
la
personne
qui
a
toutes
ces
choses,
mais
qui
pourrait
bien
ne
pas
les
avoir ;
la
personne
qui
réussit
tout
mais
qui
pourrait
bien
connaître
des
échecs ;
la
personne
comblée
de
relations
gratifiantes
mais
qui
pourrait
bien
connaître
la
solitude
et
l’isolement.
Pourtant
toujours
la
même
personne.
Cette
étape
se
caractérise
par
l’acquisition
de
la
liberté.
Une
liberté
intérieure,
toujours
en
croissance
mais
jamais
totalement
achevée
ici-bas,
qui
se
traduit
par
une
paix
extérieure.
Un
vieillard
qui
a
réussi
cette
transition
est
une
personne
pacifiée. On pourrait trouver en
cela
le
fondement
d’une
approche
de
la
formation
religieuse
ou
monastique. La formation ne consiste pas à amener quelqu’un
à
adopter
les
bons
comportements
mais
consiste
à
lui
apprendre
à
vivre – vivre en plénitude et avec une
grande
liberté
intérieure.
Je suppose que nous avons
tous
connu
des
novices
pleins
de
bonne
volonté
et
en
un
certain
sens
admirables
par
leurs
vertus
–
ou
en
tout
cas
par
leur
observance
des
règles,
mais
qui
sont
restés
à
l’étape
de
l’identification. Ils ont choisi de s’identifier à un modèle de
vie
religieuse
ou
monastique,
de
s’identifier
à
un
idéal,
ou
peut-être
de
copier
une
personne
qu’ils
ont
prise
comme
un
héro
à
imiter. Ils se sont rendus esclaves et n’ont pas atteint
la
liberté
intérieure
qui
leur
permettrait
de
faire
toutes
ces
choses
librement ;
et
ils
sont
plutôt
mal
équipés
alors
pour
faire
face
aux
difficultés
de
la
vie.
Il
est
important
de
les
aider
à
découvrir
qui
ils
sont
vraiment
devant
Dieu,
indépendamment
de
l’image
qu’eux-mêmes
ou
les
autres
ont
d’eux. La réussite du passage
de
l’identification
à
l’identité,
de
l’adolescence
à
la
maturité,
se
manifeste
en
général
dans
la
façon
dont
quelqu’un
réagit
lorsqu’il
reçoit
ses
premières
responsabilités
au
sein
de
la
communauté,
et
encore
plus
dans
la
façon
dont
quelqu’un
accepte
d’en
être
dépouillé,
soit
pour
des
raisons
indépendantes
de
lui-même,
soit
pas
suite
d’un
échec,
soit
simplement
à
cause
de
l’âge. Certaines personnes ne sont plus les mêmes dès
qu’elles
ont
la
moindre
responsabilité.
Ils
ont
remplacé
une
identification
par
une
autre. D’autres restent eux-mêmes ou elles-mêmes tout
en
assumant
de
grandes
responsabilités
ou
après
en
avoir
été
déchargés.
Dans
le
dernier
cas
c’est
Joséphine,
qui
reste
Joséphine
lorsqu’elle
est
élue
prieure
et
qui
est
toujours
la
même
Joséphine
lorsqu’elle
doit
démissionner
ou
arrive
à
la
fin
de
son
mandat.
Dans
l’autre
cas
c’est
par
exemple
LE
prieur
ou
LE
père-maître,
qui
s’appelle
par
hasard
Pierre,
ou
Jacques
ou
Philippe,
et
qui
n’est
plus
rien
lorsqu’il
perd
sa
fonction
et
qui
fait
alors
une
dépression
nerveuse. On ne peut vivre que si
on
est
libre ;
et
on
ne
peut
vivre
en
plénitude
que
si
l’on
est
pleinement
libre.
Et
pourtant
Jésus
nous
a
bien
dit
qu’Il
est
venu
pour
que
nous
ayons
la
vie
et
que
nous
l’ayons
en
plénitude. * * * Passons maintenant à une
parabole
du
Nouveau
Testament.
Et
celle
qui
a
retenu
tout
de
suite
mon
attention
est
celle
de
« l’enfant
prodigue »,
que
je
préfère
appeler
la
parabole
du
« père
prodigue ».
Car
c’est
vraiment
le
père
qui
est
prodigue
--
en
amour
et
en
compréhension.
Et
il
vaudra
la
peine
de
l’étudier
encore
un
peu
plus
en
détail
que
celle
du
livre
de
Job,
car
elle
nous
offre
plusieurs
attitudes
à
l’égard
de
la
vie. Il s’agit d’une famille
où
la
vie
semble
jusque
là
sans
histoire.
C’est
une
famille
aisée,
puisqu’il
y
a
des
une
fortune
à
partager,
des
champs,
des
troupeaux
et
des
serviteurs.
Il
y
a
évidemment
aussi
une
mère,
même
si
elle
n’est
pas
nommée et
sans
doute
aussi
des
sœurs
et
peut-être
d’autres
frères. Mais ce qui compte pour le narrateur c’est décrire
l’attitude
différente
de
trois
personnes :
le
père
et
chacun
des
deux
fils.
Et
cette
attitude
de
chacun
est,
en
fin
de
compte,
une
attitude
face
à
la
vie. L’un des fils en a assez
de
cette
vie
familiale,
même
si
elle
était
sans
doute
aisée,
harmonieuse
et
agréable.
Il
veut
faire
sa vie à lui. La vie qu’il partage avec
son
père,
son
frère,
leurs
serviteurs
ne
lui
dit
plus
rien,
ou
en
tout
cas
ne
lui
suffit
plus.
En
demandant
sa
part
d’héritage,
il
tue
en
quelque
sorte
son
père,
car
il
le
considère
comme
déjà
mort.
Il
veut
jouir
de
la
vie.
De
nos
jours,
on
dirait
qu’il
veut
se
« réaliser ». Il veut être quelqu’un. Il veut exister par lui-même, et pour lui-même,
et
non
plus
comme
un
élément
d’un
tout
plus
grand
que
lui. N’entendons-nous pas des réclamations identiques
parfois
au
sein
de
nos
communautés
:
« Je
veux
me
réaliser ;
je
veux
être
moi-même ;
je
veux
utiliser
mes
talents ;
j’ai
le
droit
de
faire
ma
vie ; etc. etc. » La même chose se produit aussi
aussi
au
sein
de
couples
ou
de
familles,
et
est
la
source
de
plus
d’un
divorce.
Que fait le père ?
Il
n’oppose
aucune
objection.
Il
a
sans
doute
fait
ses
propres
erreurs
quand
il
était
jeune ;
il
reconnait
à
son
fils
le
droit
de
faire
les
siennes.
Ce
qui
est
important
pour
lui
est
que
son
fils
vive ;
les
conditions
dans
lesquelles
il
réalisera
sa
vie
ne
sont
certes
pas
sans
importance
mais
elles
restent
secondaires. Le fils prodigue se plonge dans les plaisirs
de
la
vie –
qui
sont
de
vrais
plaisirs,
mais
qui
ne
sont
pas
la
vie.
Il
reste
à
la
superficie
de
celle-ci.
Graduellement
il
gaspille
tout
son
avoir
et
se
dépouille
de
tout
ce
qui,
pour
un
certain
temps
a
rendu
sa
vie
agréable.
Au
fond,
il
connaît
le
même
dépouillement
que
Job,
même
si,
en
son
cas,
il
en
est
lui-même
la
cause. Alors, « rentrant en lui-même » (Luc
15,17),
Il
fait
en
quelque
sorte
la
même
découverte
que
Job. Cette expression « rentrant en lui-même »
est
très
belle
(tout
l’opposé
de
« être
hors
de
soi »
--
cf.
Les
Dialogues
de
saint
Grégoire :
habitavit secum). À travers
sa
triste
expérience
il
est
arrivé
à
l’identité
et
à
la
maturité. « Lui-même…… » Il y a donc quelqu’un
qui
vivait,
auprès
de
son
père,
qui
l’a
quitté,
qui
a
reçu
son
héritage
et
l’a
gaspillé,
qui
a
joui
des
plaisirs
de
la
vie
jusqu’à
ne
plus
avoir
de
quoi
se
les
procurer.
Ce
quelqu’un
est
capable
de
conversion
et
de
retour
à
son
Père.
Ayant
tout
perdu,
il
n’a
plus
rien
à
perdre.
(cf.
Job) Il est libre.
Il
est
assez
libre
pour
retourner
à
son
père
sans
craindre
d’être
déshérité,
puisqu’il
a
déjà
gaspillé
son
héritage. Il ne craint pas d’être rejeté comme fils, puisqu’il
ne
se
considère
plus
digne
d’être
fils. Il va tout simplement demander de vivre comme
serviteur.
Ainsi
il
aura
le
minimum
de
nourriture
qui
lui
permettra
de
poursuivre
sa
vie. Lorsque le père l’apparaît
revenir,
il
court
vers
lui
et
l’embrasse.
Pourquoi ?
Parce
que
son
fils
est
vivant.
Il
ne
voit
pas
le
fils
ingrat ;
il
ne
voit
pas
le
fugitif ;
il
ne
voit
pas
le
débauché. Il voit celui qui vit de sa propre vie, la vie
que
lui,
le
père,
lui
a
transmise.
« Vite,
apportez
la
plus
belle
robe,
et
habillez-le ; mettez-lui un anneau au doigt, des sandales
aux
pieds.
Amenez
le
veau
gras,
tuez-le,
mangeons
et
festoyons,
car
mon
fils
que
voici
était
mort
et
il
est
revenu
à
la
vie.
Le
père
peut
célébrer
la
vie
chez
son
fils,
parce
qu’il
est
libre. Tous ne sont pas capables de célébrer la vie,
surtout
la
vie
chez
les
autres. Il y a, en effet, l’autre
fils.
C’est
le
personnage
le
plus
pathétique
de
la
parabole.
Il
est
un
peu
comme
le
bon
chrétien,
le
bon
religieux,
toujours
fidèle
à
toutes
ses
obligations,
mais
qui
n’a
rien
compris
du
sens
de
la
vie,
et
surtout
n’a
rien
compris
à
l’amour
et
donc
n’a
rien
compris
non
plus
à
la
miséricorde. Il est incapable de célébrer ; car, en
fait,
il
n’a
rien
à
célébrer. Lorsqu’il revient des
champs,
il
entend
la
musique
et
les
danses
et
il
demande quel
est
le
sens
de
toute
cette
célébration.
Et
lorsqu’on
lui
explique
ce
qui
se
passe,
il
est
furieux.
Il
rappelle
alors
à
son
père
ses
longues
années
de
service
et
d’obéissance,
sans
jamais
avoir
fait
l’objet
d’une
telle
fête. Ce pauvre homme, avec toute sa vertu et sa fidélité,
n’a
pas
fait
le
cheminement
vers
la
maturité
qu’a
fait
son
fils
cadet
à
travers
ses
esclandres.
C’est
encore
un
adolescent
ou
un
jeune
homme
qui
s’identifie
à
ce
qu’il
fait.
Il
n’est
pas
encore
lui-même ;
il
ne
vit
pas
pleinement. Il est donc incapable de célébrer. Or, le père est compréhensif
avec
lui
aussi
et
s’efforce
de
le
faire
comprendre
et,
éventuellement,
de
l’amener
lui
aussi
à
la
liberté.
« Mon
fils,
lui
dit-il
--
et
il
est
beau
de
voir
comment
le
père
l’appelle
« mon
fils »
--
tout
ce
qui
est
à
moi
est
à
toi.
Les
choses
non
importantes
de
la
vie,
les
possessions
matérielles,
nous
les
avons
en
commun.
Pour
le
moment
il
y
a
quelque
chose
de
plus
important.
Ton
frère
est
vivant. Ce qu’il est important de célébrer
ce
n’est
pas
le
fait
qu’on
a
été
fidèle durant
tant
d’années
--
un
peu
comme
on
célèbre
des
noces
d’argent
ou
des
noces
d’or
de
profession !
Ce
qu’il
est
important
de
célébrer,
c’est
la
VIE.
**************** Le récit du jeune homme riche
(Mt
19,
16-30 ;
Mc
10,
17-31 ;
Lc
18,
18-30) Après avoir considéré deux paraboles, une de l’AT et
l’autre
du
NT,
on
pourrait
maintenant
considérer
un
passage
de
l’Évangile
où
Jésus
donne
son
enseignement
sur
la
vie
à
quelqu’un
qui
lui
demandait
précisément
quoi
faire
pour
avoir
la
vie
éternelle.
Il
s’agit
évidemment
de
la
rencontre
de
Jésus
avec
le
jeune
homme
riche
(Matthieu
est
cependant
le
seul
à
dire
qu’il
était
jeune). La question que pose cet
homme
est
très
nette
et
importante :
« Que
dois-je
faire
pour
avoir
en
partage
la
vie
éternelle ? »
Cet
homme
veut
vivre,
mais
pas
de
n’importe
quelle
vie.
Il
veut
la
vie
éternelle. Il sait que pour l’avoir il doit la recevoir
et
la
recevoir
en
partage
ou
en
héritage.
(Cf.
l’enfant
prodigue
qui
voulait
tout
de
suite
sa
part
d’héritage).
Mais
il
sait
qu’il
ne
l’aura
pas
à
n’importe
quelle
condition.
Il
sait
qu’il
doit
faire quelque chose. « Que dois-je
faire »,
dit-il. Et Jésus de lui répondre en lui citant les commandements
les
plus
fondamentaux
de
la
Loi.
Le jeune homme répond,
sans
doute
en
toute
vérité :
« Maître,
j’ai
fait
tout
cela
depuis
ma
jeunesse ».
Il
n’est
probablement
pas
faux
de
penser
que,
dans
son
fort
intérieur,
il
en
concluait :
« Donc,
j’aurai
en
partage
la
vie
éternelle ». Ne trouvez-vous pas qu’il ressemble beaucoup
au
fils
aîné
de
la
parabole
de
l’Enfant
prodigue ?
Il
a
toujours
observé
toutes
les
règles,
mais
il
n’a
pas
atteint
la
liberté.
Il
est
esclave
de
son
observance.
Lui
aussi
il
est
pathétique.
Jésus
le
regarde
et
l’aime.
(Cf.
Zachée
ou
la
femme
adultère). Le regard de Jésus est
toujours
un
regard
d’amour,
qui
appelle
à
la
conversion
et
à
la
croissance.
Jamais
une
condamnation.
Toujours
un
appel.
Jésus
veut
le
libérer,
le
rendre
libre.
Il
lui
dit :
« Une
chose
te
manque ».
Qu’est-ce
qui
lui
manque ?
Précisément
cette
liberté
qui
lui
permette
d’être
vraiment
lui-même.
Cette
liberté
qu’on
ne
peut
atteindre
d’une
façon
ou
de
l’autre,
que
par
un
dépouillement
total.
(Dans
le
cas
de
Job,
ce
dépouillement
lui
fut
imposé
de
façon
brutale ;
dans
le
cas
de
l’enfant
prodigue,
il
se
l’est
imposé
à
lui-même
par
sa
vie
dissolue ;
ce
jeune
homme
est
appelé
à
le
faire
volontairement. » Il ne faut surtout pas
voir
dans
ce
texte,
comme
on
l’a
fait
trop
souvent
dans
le
passé,
l’affirmation
de
deux
degrés
dans
l’appel
de
Jésus,
comme
si
les
uns
étaient
invités
simplement
au
salut
(basic)
et
les
autres
–
évidemment,
nous
les
religieux
–
seraient
appelés
à
la
perfection.
Le
texte
de
Marc,
certainement
le
plus
original,
n’a
pas
l’expression
« si
tu
veux
être
parfait ».
Il
a
simplement
« une
chose
te
manque »
--
tout
court. Matthieu et Luc ont : « si tu veux
être
parfait » ;
mais
cette
expression
est
appelée
par
les
règles
du
parallélisme
hébraïque,
où
la
même
idée
est
reprise
deux
ou
trois
fois
sous
des
formes
différentes.
« Entrer
dans
la
vie »
et
« être
parfait »
sont
absolument
synonymes,
puisque
Jésus
a
bien
dit
ailleurs :
« Si
vous
n’êtes
pas
parfaits
comme
votre
Père
céleste
est
parfait,
vous
n’entrerez
pas
dans
la
vie ». Donc, en Matthieu et Luc, au jeune homme qui
voulait
savoir
quoi
faire
pour
« avoir
en
partage
la
vie
éternelle »
ou
« entrer
dans
la
vie »,
Jésus
répond
d’abord
en
rappelant
l’ensemble
de
la
Loi.
Après
la
réponse
du
jeune
homme,
disant
qu’il
a
été
fidèle
à
tout
cela,
Jésus
reprend
sa
réponse
sous
une
forme
différente,
en
la
lui
appliquant
directement. Il dit « Si tu veux être parfait »,
c’est-à-dire
si
tu
veux
« avoir
en
partage
la
vie »,
dans
ton
cas,
tu
dois
te
dépouiller
de
tout
ce
que
tu
as
et
me
suivre,
pour
arriver
à
la
liberté
nécessaire,
pour
arriver
à
ta
véritable
identité
dépouillée
de
tout
ce
qui
l’habille
et
la
cache
pour
le
moment. Jésus appelle. Il ne force pas. Précisément parce qu’il appelle à devenir libre.
Or
il
en
coûte
d’être
libre.
On
ne
l’accepte
pas
facilement.
Et
ce
jeune
homme,
loin
de
« célébrer
la
vie »,
s’en
va
tout
triste. Mystère de la liberté humaine. Il a tout compris,
mais
il
n’arrive
pas
à
dire
oui. Si nous jetons un coup
d’œil
sur
nos
vies
et
si
nous
regardons
un
peu
au
fond
de
nos
cœurs,
nous
verrons
probablement
que
les
moments
où
nous
avons
ressenti
une
grande
joie
intérieure,
où
nous
avons
eu
envie
de
« célébrer »,
sont
les
moments
où
nous
avons
accepté
des
dépouillements
qui
nous
rendaient
libres
et
léges ;
et
les
moments
où
nous
avons
connu
la
tristesse
sont
probablement
ceux
où
nous
n’avons
pas
su
dire
un
« oui »
qui
nous
aurait
rendus
libres. **** Je voudrais maintenant
m’arrêter
à
un
mot
dans
la
question
du
jeune
homme
riche. « Que dois-je faire pour avoir en partage la vie éternelle ? » C’est le mot faire que je trouve important. De nos jours, on entend
assez
souvent
dire
qu’il
est
plus
important
d’être que de faire. Je considère cette façon de parler comme de
la
pure
foutaise
ou,
pour
le
dire
d’une
façon
plus
polie,
un
sophisme.
Pour
nous,
créatures,
notre
mode
d’être
est
le
faire. Jésus nous dit que Lui il est la vérité, mais il nous invite, nous,
à
faire la vérité. Nous sommes encore beaucoup
trop
dépendants
d’une
vision
platonicienne
de
la
vie
contemplative,
comme
si
nous
étions
contemplatifs
lorsque
nous
ne
faisons
rien
et
comme
si
le
travail
était
un
mal
nécessaire
que
nous
devrions
quitter
dès
que
possible
pour
retourner
à
notre
contemplation. Les Pères du monachisme considéraient
la
« vie
active »
et
la
« vie
contemplative »
non
pas
comme
deux
états
de
vie,
mais
comme
deux
aspects
de
la
vie
humaine
et
de
la
vie
spirituelle.
Aspects
complémentaires :
l’un
ne
peut
exister
sans
l’autre. Il y a une parole de Jésus dans
l’Évangile
que
j’aime
beaucoup
et
qui
m’a
toujours
inspiré :
« Mon
Père
travaille
toujours
et
je
fais
de
même ». Le travail doit être une rencontre
de
Dieu.
Quelle
que
soit
sa
nature.
Il
est
une
participation
à
l’activité
créatrice
de
Dieu.
Si je ne suis pas un contemplatif
dans
mon
travail,
je
ne
le
serai
pas
plus
ni
durant
l’office
divin,
ni
lorsque
je
me
tiendrai
à
genoux
devant
le
S.
Sacrement
ou
en
position
de
lotus
sur
un
petit
tapis
dans
ma
cellule
devant
une
bougie
et
un
bâton
d’encens. Mais attention : il ne
s’agit
pas
de
« prier
durant
le
travail »,
ni
de
« penser »
à
Dieu
durant
le
travail ;
mais
d’être
totalement
présent
à
la
Présence
qui
m’habite.
Et
le
meilleur
moyen
est
d’être
totalement
présent
à
ce
que
je
fais.
De
le
faire
sérieusement,
professionnellement
et
de
façon
responsable. Opus Dei : Benoît considère
l’Office
comme
un
travail :
c’est
une
action liturgique. Bien sûr, il doit y avoir
dans
nos
vies
un
équilibre
(qui
n’est
d’ailleurs
pas
le
même
pour
tous,
ni
le
même
pour
chacun
d’entre
nous
aux
diverses
saisons
de
nos
vies).
Il
doit
y
avoir
un
temps
pour
travailler
et
un
temps
pour
le
repos,
un
temps
pour
lire
et
méditer
et
un
temps
pour
étudier
et
réfléchir. Chaque moment doit être une rencontre de Dieu.
Et
je
rencontrerai
Dieu
dans
la
mesure
où
je
serai
présent,
totalement
présent
et
intensément
présent
à
ce
que
je
fais.
Si
je
lis
la
parole
de
Dieu,
j’y
rencontrerai
Dieu
en
y
étant
totalement
présent
plutôt
qu’en
laissant
mon
imagination
se
promener
dans
les
sphères
célestes
de
façon
dilettante,
en
laissant
la
parole
m’interpeller
dans
ma
vie
concrète
actuelle.
Si
je
fais
un
travail,
qu’il
soit
intellectuel,
agricole
ou
très
technique,
j’y
rencontrerai
Dieu
non
en
« pensant
à
Dieu »,
quitte
à
bâcler
mon
travail,
mais
en
étant
tout
entier
attentif
à
ce
que
je
fais,
en
me
préoccupant
de
le
faire
de
la
façon
la
plus
précise
et
la
plus
professionnelle
possible. Pour moi, c’est ça « célébrer
la
vie ».
Je
dois
vous
dire,
en
terminant
–
je
n’ai
pas
osé
le
faire
en
commençant,
que
j’ai
un
petit
problème
avec
l’expression
« célébrer
la
vie »…
Au
moins
dans
le
sens
ordinaire
actuel,
célébrer
veut
dire
faire
quelque
chose
hors
de
l’ordinaire,
organiser
une
fête
pour
commémorer
un
événement
ou
un
anniversaire.
Or,
on
ne
prend
pas
ses
distances
par
rapport
à
la
vie,
au
risque
de
mourir. On ne peut célébrer la vie qu’en la vivant intensément
dans
chacun
de
ses
moments,
à
travers
chacune
de
nos
activités
humaines
du
corps,
du
cœur
et
de
l’esprit,
les
plus
ordinaires
et
les
plus
nobles. Dans ce sens, oui, on
peut
célébrer
la
vie,
tout
comme
on
célèbre
la
louange
divine
et
l’eucharistie
chaque
jour
car
chacune
de
ces
célébrations
sans
nous
faire
sortir
du
temps,
nous
connectent
avec
l’unique
moment
présent
de
l’éternité
où
notre
être
personnel
jaillit
de
l’être
de
Dieu,
où
nous
sommes
engendrés
à
la
vie
et
où
nous
sommes
un
avec
Dieu
communiant
à
sa
vie
divine
en
participant
à
son
activité
créatrice
par
chaque
mouvement
de
notre
être
créé. Scourmont 29 mai 2006 |
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