Questions monastiques en général
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Ce que j’ai reçu de
l’AIM
Armand
Veilleux, ocso
L’AIM me colle à la peau. Depuis
qu’elle existe. Les grands tournants de son existence ont rythmé les étapes de
ma vie monastique.
Boaké
Ma lecture du réfectoire préférée
durant mes premières années à l’abbaye de Mistassini, au Québec, à partir de
1955, était la Chronique de nos abbayes. J’étais alors tout spécialement fasciné par
le récit des fondations en « pays de mission » que plusieurs monastères
de notre Ordre avaient entreprises en réponse à l’appel de Pie XII de porter la
vie contemplative dans toutes les Nouvelles Églises. Lorsque j’arrivai à Rome
comme étudiant, en 1962, tout juste en temps pour assister, sur la Place
Saint-Pierre, à l’ouverture de Vatican II, je trouvai, parmi les 85 autres
étudiants vivant à notre maison généralice, quelques représentants de ces
récentes fondations, entre autres Mununu Kasiala, qui allait devenir un peu plus tard évêque de Kikwit. La réunion de Bouaké, en
mai 1964 eut un impact important sur moi, à travers ce que j’en appris de Dom
Emmanuel Coutant, abbé de Bellefontaine et Père Immédiat de la récente
fondation de l’Étoile-Notre-Dame à Parakou, au Bénin.
Bangkok
N’ayant pas eu la grâce d’être à
Bangkok, en 1968, le principal souvenir que j’en ai est celui de la mort de
Thomas Merton, que j’avais rencontré l’année précédente à l’abbaye de
Gethsemani. La douleur de ce décès qui suivait de près les assassinats de
Martin Luther King et de Robert Kennedy m’affecta profondément. Devenu abbé de
Mistassini l’année suivante, j’invitai Dom Jean Leclercq à venir donner une
session dans ma communauté. C’est au
cours de cette visite que Dom Leclercq décida de proposer que je sois invité à
la réunion de Bangalore en 1973. Déjà l’année précédente, lors d’un passage du
Père Mayeul de Dreuille à Mistassini, un secrétariat de l’AIM pour le Canada y avat
été créé, dont j’avais accepté la coordination, mais qui ne fut jamais très
actif.
Le début de 1973 avait été marqué par
mon premier contact avec le monachisme d’Amérique Latine. Ayant participé à la Rencontre Interaméricaine des Religieux à Bogota, en tant que
représentant de la Conférence des Supérieurs Majeurs du Canada, j’en profitai
pour visiter les fondations trappistes au Chili et en Argentine. Plus tard, au
cours de la même année, je découvrirais l’Inde à l’occasion de la rencontre de
l’AIM à Bangalore.
Bangalore
était ma première rencontre aussi bien avec le monachisme chrétien en Asie
qu’avec les grandes traditions spirituelles d’Orient. J’y nouai des amitiés qui
durèrent plusieurs années, en particulier avec Raimundo Panikkar. Ce fut aussi
ma première rencontre avec Dom Rembert Weaklandl, que je retrouvai quelques
années plus tard en Australie durant l’année centenaire de Polding. Un moine
Mexicain rencontré à Bangalore passa par la suite quelques temps à Mistassini
avec quelques compagnons pour y préparer une fondation autochtone en son pays.
Après
cette rencontre de Bangalore je visitai divers sites monastiques du sud de
l’Inde, en particulier Kurisumala au Kerala et Shantivanam au Tamil Nadu. À Shantivanam, où je me retrouvai en même
temps que Dom Rembert Weakland, je participai à une conversation de celui-ci
avec Bede Griffiths qui fut probablement le moment où Père Bede décida de
réintégrer la Confédération Bénédictine afin d’assurer la continuité de
Shantivanam après sa mort. C’est ainsi qu’il devint Camaldule quelques années
plus tard.
N.A.B.E.W.D – D.I.M.
Au cours de l’année 1975, je fus l’une
des personnes du monde monastique à qui le Père Tholens écrivit pour demander
des suggestions sur les suites à donner à la lettre du Cardinal Pignedoli du 12
juin 1974, invitant l’Ordre bénédictin à assumer un rôle de leadership dans le
dialogue interreligieux. Les démarches du Père Tholens conduisirent à la rencontre
de Petersham en juin1977 suivi quelques mois plus tard á celle de Lopem. À Petersham il fut décidé de créer un organe
permanent de dialogue appelé le North
American Board for East West Dialog, et je fus chargé d’en organiser la
première réunion, qui eut lieu à Rickenback en janvier 2008, tout juste avant
mon départ pour deux ans en Afrique. Le père Martin Burne osb en devint le
président.
Tout en restant membre actif du
N.A.B.E.W.D., je passai les deux années suivantes au Ghana, en Afrique, après
un bref séjour à Cuba pour y analyser les possibilités d’une fondation. À Kumasi, au Ghana, je me consacrai à la
formation d’un premier groupe de novices d’une fondation monastique autochtone.
J’eus l’occasion, durant ces deux années, de visiter plusieurs fondations
monastiques d’Afrique de l’Ouest. Ce premier contact avec l’Afrique me marqua
profondément et une partie de mon coeur y est resté.
Au cours de l’été 1978, durant ma
première année africaine, j’animai à Jérusalem une session d’un mois du Hope Seminar réunissant 10 Juifs, dix
Chrétiens et dix Musulmans pour échanger sur le thème « The Oneness of
God ». Ce fut mon premier contact à la fois avec le monde juif et le monde
arabe. Cela m’amena plus tard à insister
pour que le dialogue interreligieux qui s’était concentré au point de départ
sur les contacts avec les grandes religions d’Asie s’ouvre aussi à l’Islam. Lorsque
je revins en Amérique, à la fin de 1979, je fus élu de nouveau président du
NABEWD, position que je conservai quelques années. Mon rôle fut souvent de servir de tampon entre
le Conseil de l’AIM à Paris et les tendances autonomistes du NABEWD.
Kandy
En août 1980 l’AIM
tint à Kandy, au Sri Lanka, sa troisième grande réunion monastique
pan-asiatique, après celles de Bangkok et de Bangalore. Dom De Floris me demanda d’être le modérateur
des séances, ce qui m’amena à travailler beaucoup avec lui et ses
collaborateurs et collaboratrices durant toute la rencontre, en particulier
soeur Pia Valeri.
Le thème principal de la rencontre
était « Détachement, pauvreté et partage ». Entendre ce qu’avaient à
dire sur ce thème 75 moines et moniales représentant 28 communautés d’une
douzaine de pays de la région, depuis le Sri Lana et l’Inde jusqu’au Japon et
les Philippines fut une expérience très enrichissante. Dom Bede Griffiths fut
très impressionnant dans ses remarques sur le sous-thème « Pauvreté et
prière ». À la fin, les participants, moines et moniales d’Asie, votèrent
un « Message » à tous leurs frères et soeurs du monde monastique.
Cette réunion fut pour moi l’occasion
de créer plusieurs nouvelles amitiés, en particulier avec le nouveau primat de
l’Ordre bénédictin, Dom Victor Dammertz et le Père Simone Tonini, alors abbé
général des Silvestrins, que je retrouvai à Rome plusieurs années plus tard.
Sessions de formation
Parallèlement
à mon activité interreligieuse commença durant ces années une collaboration
plus étroite avec l’AIM. À la demande de Dom de Floris, je fis une longue
tournée des monastères bénédictins et cisterciens d’Afrique durant quatre mois
en 1981 et une tournée semblable des monastères d’Asie l’année suivante. Une nouvelle tournée en Asie était programmée
lorsque je fus appelé comme abbé à Holy Spirit en Géorgie, USA, en 1983.
Durant
mon abbatiat aux USA mes contacts avec les monastères des zones desservies par
l’AIM furent surtout avec l’Amérique Latine, où je fis la fondation de Los
Andes au Venezuela, après avoir assumé la paternité de la fondation de
Vitorchiano à Humocaro, dans le même pays.
Conseil de gestion
Durant la même période, je fus appelé en
1987 à faire partie du groupe fondateur de l’AIM-USA dont je demeurai un membre
jusqu’à mon départ pour Rome en 1990. À
ce moment-là Dom Bernard Johnson me remplaça dans le Conseil de l’AIM-USA et je
le remplaçai comme représentant de l’OCSO dans le Conseil de l’AIM
international.
C’est
à ce titre que je fus amené à participer, au début de 1997, avec Dom Nortker
Wolf, Père Martin Neyt et soeur Aquinata Böckmann à une réunion décidée par le
Conseil de Gestion de novembre 1996 ayant pour but de repenser les buts et les
structures de l’AIM.
J’ai vécu le passage de l’Aide à l’Implantation monastique vers l’Aide Inter Monastères puis vers l’Alliance Inter Monastères. Je dois dire que je n’ai jamais eu de problème
avec le mot « implantation », contrairement à beaucoup d’autres. Il s’agit d’un mot qui perçoit la vie
monastique comme quelque chose d’organique qui se transplante d’un pays à
l’autre, d’une culture à l’autre et qui doit prendre racine là où il est
transplanté et devenir graduellement autonome. Il était cependant normal qu’une
nouvelle étape souligne des rapports allant dans les deux sens, avant d’arriver
à l’assomption de responsabilités mutuelles dans une véritable alliance, avec
toutes les connotations bibliques de ce mot.
Tout comme Vatican II est dans mes
veines pour y rester, de même l’AIM a collé à ma peau. J’en ai beaucoup reçu au
cours des cinquante dernières années, et je lui en resterai toujours
reconnaissant. Armand
VEILLEUX
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