Questions monastiques en général
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LA THEOLOGIE DE L'ABBATIAT CÉNOBITIQUE ET SES IMPLICATIONS LITURGIQUES
[1]
Introduction.
Au cours des
trois dernières années, la pratique de la concélébration quotidienne
s'est établie dans presque tous les monastères d'hommes. En beaucoup
d'endroits, une question s'est posée : la présidence de cette
concélébration quotidienne revenait-elle à l'abbé ou devait-elle
être laissée à l'hebdomadier ? Les quelques enquêtes faites à
ce sujet ont révélé qu'une très grande diversité s'est déjà instaurée
dans la pratique. Ici, l'abbé préside tous les jours la concélébration,
ou bien ne concélèbre pas s'il ne remplit pas la fonction de président.
Là, il se mêle tout simplement aux autres concélébrants, laissant
à l'hebdomadier le soin de présider. Ailleurs encore, par une
sorte de compromis, il partage avec l'hebdomadier la fonction
présidentielle. Mais ce qui est plus important, c'est que les
mêmes enquêtes révèlent clairement que ces divergences dans la
pratique dépendent de divergences plus profondes dans la façon
de concevoir la fonction abbatiale. Pour les uns,
l'abbé est dans son monastère ce que l'évêque est dans son diocèse.
Chef hiérarchique d'une église locale, il doit normalement en
présider la célébration eucharistique, et il ne convient pas qu'il
concélèbre sous la présidence d'un de ses subordonnés. Pour d'autres,
l'abbé est un frère entre d'autres, désigné par ceux-ci pour être
leur centre de communion et pour les guider dans leur recherche
de Dieu. Son autorité - à la différence de l'autorité épiscopale
- n'étant pas d'ordre sacramentel, elle n'a pas à être manifestée
dans la célébration sacramentelle eucharistique. Entre ces deux
extrêmes, il y a place pour beaucoup de positions intermédiaires
dont certaines tiennent du compromis. De toute façon, le problème
se trouve nettement posé. L'autorité de l'abbé peut-elle, oui
ou non, être assimilée dans une certaine mesure à celle de l'évêque
? Que l'abbé soit le « représentant du Christ », qu'il soit «
pasteur », et même qu'il soit, en un certain sens, « charismatique
», nul ne le contestera. Mais toute la question est de savoir
ce qu'on met sous ces mots. La théologie
de l'abbatiat est évidemment liée à celle de la communauté monastique. Autrement dit, l'idée que l'on se fait de l'abbé
est fonction de celle que l'on se fait du cénobitisme. Or, l'on
sait que l'accord est loin d'être fait entre les spécialistes
sur toutes les questions relatives à la théologie et à l'histoire
du cénobitisme. Tout n'est pourtant pas obscurité et hypothèse
en ce domaine. Il nous faudra donc faire le bilan des acquisitions
certaines de la science au cours des dernières années et juger,
à leur lumière, certaines théories qui tendent à se répandre de
nos jours, et qu'on retrouve sous-jacentes à certaines des pratiques
mentionnées ci-dessus. Même si la
problématique immédiate de notre étude est celle de la place de
l'abbé dans la concélébration, il est clair que le même problème
de la présidence se pose pour toute célébration liturgique de
la communauté monastique. L'homélie revient-elle de droit à l'abbé
? Est-ce l'abbé ou l'hebdomadier qui préside la célébration de
l'Office divin ? Que penser de la conservation ou de l'abandon
des pontificaux ? Autant de questions dont la réponse dépend de
la théologie de l'abbatiat et de la communauté monastique. La théologie
de l'Eglise doit se lire dans son histoire, faisait récemment
remarquer le P. Chenu
[1]
. Ainsi en est-il de cette forme de vie chrétienne
qu'est la vie monastique. C'est pourquoi dans la première partie
de notre article nous étudierons l'origine et l'évolution de l'abbatiat
cénobitique tant en Orient qu'en Occident, dégageant la théologie
de cette histoire, et en indiquant les implications liturgiques.
Dans la seconde partie, nous analyserons les diverses interprétations
théologiques de ces faits données jusqu'ici, pour enfin tirer
un certain nombre de conclusions personnelles.
I ORIGINE ET EVOLUTION
DE L'ABBATIAT CENOBITIQUE
Il y a une
façon simple et facile de décrire une évolution rectiligne du
monachisme, du stade anachorétique au stade cénobitique. Les premiers
ermites se seraient retirés au désert d'Egypte, après la paix
constantinienne, pour fuir l'Eglise « installée ». Puis, rapprochant
peu à peu leurs cellules autour de pères spirituels charismatiques,
ils auraient formé ainsi les premiers groupements semi-anachorétiques.
Pachôme aurait ensuite organisé ceux-ci en une forme embryonnaire
de cénobitisme que Basile aurait finalement perfectionnée
[2]
... Une telle reconstitution est malheureusement
trop simple pour correspondre aux faits. La réalité historique
est plus complexe. Elle est aussi un peu plus obscure. Il faut d'abord
noter que la thèse traditionnelle faisant de l'Egypte le berceau
de tout le monachisme chrétien
[3]
ne résiste plus à la critique même la moins
radicale. Il nous apparaît plutôt maintenant que, sous des formes
diverses, le monachisme a surgi, un peu partout à la fois, à peu
près simultanément, de la vitalité propre de chaque Eglise locale
[4]
. Bien avant l'existence du monachisme proprement
dit en Egypte, existait un peu partout, au sein des Eglises locales,
en Syrie, en Perse, en Cappadoce et peut-être aussi en Afrique,
une forme d'ascétisme ou prirent leur origine les mouvements monastiques
postérieurs. On a discuté du caractère monastique ou prémonastique
de cet ascétisme, mais c'est là, en grande partie, querelle de
mots
[5]
. On a souvent
déduit des conclusion importantes pour la théologie de l'abbatiat,
du postulat selon lequel le cénobitisme serait né du regroupement
de solitaires autour d'un même père spirituel charismatique
[6]
. Or, contrairement à l'idée si fortement ancrée
en beaucoup d'esprits, c'est l'anachorétisme qui, en plusieurs
régions, est sorti du cénobitisme, et non l'inverse. Essayons
donc de décrire rapidement cette origine du cénobitisme et son
évolution, en Orient d'abord, en Occident ensuite.
A. LE CÉNOBITISME EN ORIENT:
ORIGINE ET ÉVOLUTION
Si l'on essaie
de reconstituer l'évolution qui a conduit l'ascèse chrétienne
aux formes institutionnelles que nous lui découvrons au IV et
Ve siècles, il semble que l'on puisse percevoir deux mouvements,
qui ne furent pas sans se croiser et s'influencer mutuellement,
mais qui avaient été distincts à leur origine : l'un qui va de
l'encratisme judéochrétien aux premières communautés d'ascètes
(en ville ou au désert), l'autre qui va du didascalion urbain
à l'école du désert.
a) De l'encratisme
judéo-chrétien aux premières communautés d'ascètes.
C'est dans
les Eglises judéo-chrétiennes que se développa d'abord le fort
courant ascétique qui allait plus tard donner naissance au monachisme
proprement dit. A ces communautés judéo-chrétiennes était commun
un fort courant encratique. On y pratiquait à un haut degré la
pauvreté, le jeûne, et la continence absolue qui fut même, au
moins durant une certaine période, exigée pour la réception du
baptême. Arthur Vööbus a signalé l'existence de telles communautés
à Edesse et à Oshroène aux environs de l'an 100
[7]
. Dom Jean Gribomont
a récemment démontré le caractère tout à fait orthodoxe de ce
courant encratique antérieur aux hérésies qui prendraient plus
tard son nom
[8]
. Il a aussi fait remarquer que ce mouvement,
décrit par Vööbus, était loin d'être propre aux communautés chrétiennes
de langue araméenne. C'est dans un courant identique que se situe,
selon lui, l'ascétisme d'Eusthate de Sébaste et de Basile en Cappadoce
[9]
. Pour notre part, nous croyons avoir démontré
ailleurs
[10]
que c'est dans un même terroir judéo-chrétien
que s'enracine l'ascétisme pachômien en Egypte. D'ailleurs cela
ne surprendra pas si l'on songe à la large diffusion qu'eut en
Egypte la littérature apocryphe de saveur encratique
[11]
.
1. Les fils et les
filles du Pacte.
La notion biblique
d'Alliance (qeiâmâ) était au coeur de la spiritualité
judéo-chrétienne primitive de langue syriaque. Elle se développa
d'une façon spéciale et, au IVe siècle, les écrits
d'Aphraat et d'Ephrem ainsi que le Liber Graduum et les Actes des Martyrs témoignent de l'existence d'une
institution appelée l'Alliance ou le Pacte (qeiâmâ)
[12]
. Les « fils et filles du Pacte » constituent
des groupements ascétiques vivant au sein des communautés ecclésiales,
étroitement liés à l'ordre sacramentel et hiérarchique. C'est
de ces groupements que, par une évolution toute naturelle, naîtra
le cénobistisme, en
ces régions. Comme le dit très justement dom J. Gribomont : "
Cest ici que l'on doit chercher la contribution la plus positive
des chrétientés orientales à la préhistoire monastique, plus que
dans les excentricités des mangeurs d'herbe, des anachorètes sans
toit, décidés à vivre à la façon des animaux sauvages, des stylites,
et autres prodiges d'austérité
[13]
. " A. Vööbus,
il est vrai, a voulu montrer, que l'érémitisme avait été la forme
primitive du monachisme syrien, et que le cénobitisme, venu beaucoup
plus tard (après Éphrem) avait été mal reçu et même combattu par
les milieux érémitiques
[14]
. Mais Edmond Beck a fait remarquer que les
premières oeuvres de saint Ephrem, c'est-à-dire celles de sa période
nisibienne, ne témoignent pas de l'existence d'anachorètes
[15]
. Ceux-ci ne sont mentionnés que dans les ouvrages
écrits durant le séjour du saint a Edesse (364-373)
[16]
. Dom J. Gribomont croit, de son côté, que les
solitaires syriaques qui, à partir de la seconde moitié du IVe
siècle, se détachent de l'Eglise locale, ont subi l'attraction
de l'anachorétisme égyptien
[17]
. De toute façon,
même si l'on admettait avec A. Vööbus l'existence d'un érémitisme
antérieur au cénobitisme proprement dit, il demeurerait clair
et certain que le cénobitisme syrien n'est pas né en dépendance
historique de l'érémitisme, mais qu'il se situe directement dans
le prolongement de l'ascétisme primitif intra-ecclésial des fils
et filles du Pacte. Il apparaît
donc que la plus ancienne forme de cénobitisme est née de la simple
nécessité de communion entre les membres d'une Eglise locale pratiquant
le même degré avancé d'ascèse. La réalité de la communion est
tellement essentielle et constitutive de cette forme de cénobitisme
qu'elle suffit à elle seule, en l'absence de supérieur, à maintenir
la cohésion du groupe. Ces ascètes demeurent, en effet, comme
tout autre chrétien, sous la juridiction ordinaire et immédiate
de la hiérarchie locale, et le père Olaf Hendriks a montré leur
étroite coopération avec celle-ci
[18]
. Tout cela ne
se rapporte certes pas directement au problème de la place de
l'abbé dans la concélébration!... mais c'est d'une importance
capitale pour la théologie de la vie cénobitique et, conséquemment,
pour celle de l'abbatiat qui germera peu à peu au sein du cénobitisme.
2. L'ascétisme basilien. Le mouvement
de l’ascétisme vers le cénobitisme proprement dit fut, en Cappadoce,
assez semblable à celui que nous avons constaté en Syrie. Les
disciples d'Eusthate de Sébaste, dont, il est vrai, nous savons
peu de choses
[19]
, ressemblaient en plus d'un point aux fils
et filles du Pacte d'Éphrem et d'Aphraat. Pour Basile, en tout
cas, nous sommes mieux renseignés. Les études de dom jean Gribomont
sur l'histoire du texte des Ascétiques de saint Basile
[20]
lui ont permis de reconstituer l'évolution
de l'institution basilienne elle-même. Ici, comme en Syrie, le
cénobitisme se constitue par une communion fraternelle toujours
plus étroite entre ascètes, au sein même de l'Eglise locale. Cette
spiritualité, toute évangélique, est une mystique communautaire
fondée sur le renoncement à la volonté propre et le don intégral
de soi-même à la communauté des frères. La plus belle expression
littéraire de cette mystique est sans doute à chercher dans l'Hypotypose
de Grégoire de Nysse
[21]
. Il est important
de considérer avec attention la conception de l'obéissance et
de l'autorité au sein de ce cénobitisme, dont la communion fraternelle
constitue si explicitement l'essence. Voici ce qu'écrit à ce sujet
Dom J. Gribomont : « L'obéissance se définit comme une conformité
parfaite aux commandements de Dieu tels que l'Ecriture les révèle,
ce qui est requis de tous, et n'implique point de référence nécessaire
à un abbé ; elle trouve sa norme, le cas échant, dans les besoins
et les avis des autres, et se range à l'avis de ceux qui ont un
charisme particulier de discerner la volonté divine
[22]
. » Au fur et à
mesure des années, toutefois, la fraternité basilienne acquiert
une structure plus déterminée, plus organisée. Des exigences même
de la fraternité naît en son sein un supérieur. « Dans ces
textes (i. e. le Grand Ascéticon), écrit encore dom J. Gribomont, on voit se profiler
pourtant un groupe de responsables, qualifiés parfois d'un terme
à réminiscence biblique, mais non technique, le participe πроεστώς ;
dans le corps du Christ, l'Eglise identifiée à la communauté,
ce terme désigne le supérieur en acte, qui jouit du charisme de
« l'oeil " et discerne la volonté de Dieu. L'idée n'est aucunement
qu'une décision arbitraire de sa part soit garantie par Dieu et
devienne volonté divine; son rôle et son devoir strict est de
reconnaître ce que Dieu demande de chacun.
[23]
» Ces faits sont
significatifs. Le supérieur basilien est né de la vitalité même
de la fraternité. Il est un élément de la structure que se donne
celle-ci pour mieux accomplir dans la cohésion son idéal d'ascèse
chrétienne. Il ne remplace pas l'autorité hiérarchique sous la
juridiction de laquelle demeure la fraternité. En conséquence,
sur le plan liturgique et sacramentaire, il ne se distingue aucunement
des autres frères.
3. Le cénobitisme
pachômien
[24]
. La fondation
de Pachôme est antérieure à celle de Basile. Si nous avons traité
d'abord de ce dernier, c'est qu'il se rattache plus étroitement,
à travers Eusthate, au courant spirituel rencontré en Syrie. Cet
accroc à la chronologie est d'ailleurs sans conséquence, puisque
Basile n'a pas subi l'influence de Pachôme et que le cheminement
de sa pensée est original
[25]
. Même si les
liens du monachisme pachômien avec les Eglises syriennes sont
moins directs, il reste toutefois, comme nous l'avons dit plus
haut, que c'est dans un contexte spirituel judéo-chrétien similaire
que se situe la fondation par Pachôme de sa Koinonia. De même
que, pour les ascètes de Syrie, le « Pacte » c'est tout simplement
l'accomplissement de l'alliance d'Abraham, l'engagement baptismal,
de même, chez Pachôme, la vie du moine découle de son baptême.
La vocation de la Koinonia est la mise en pratique intégrale des
promesses du baptême
[26]
.
Entre l'ascétisme
basilien et le cénobitisme pachômien, il y a sans doute certaines
différences. D'abord, l'un est citadin et l'autre s'est constitué
dans les bourgades coptes de la Haute-Egypte. Il y a aussi une
autre différence provenant du fait que Basile, en qualité de pasteur,
a organisé peu à peu des groupements déjà existants, alors que
Pachôme a constitué en « communauté » (Koinonia) un groupe de
rudes paysans. Et cependant l'inspiration fondamentale des deux
spiritualités est la même : la communion dans l'ascèse et
la recherche de Dieu. Il importe,
en effet, de bien voir l'originalité de la communauté pachômienne
par rapport aux communautés semi-anachorétiques de Basse-Egypte.
Ces groupements d'anachorètes autour d'un père spirituel existaient
même en Haute-Egypte au temps. de Pachôme. Celui-ci a même fait
partie d'un tel groupe, sous la direction de Palamon. Mais il
ne faut pas se laisser donner le change. La communauté pachômienne,
la Koinonia, est quelque chose de très différent de ces groupements,
et elle se rapproche beaucoup plus, dans son inspiration et sa
conception du cénobitisme, de la spiritualité basilienne. Pour ses biographes
comme pour ses disciples, Pachôme est en effet le « fondateur
de la Koinonia ». Son titre de gloire est d'être celui « par qui
a été fondée la vie cénobitique
[27]
", c'est-à-dire la Koinonia sainte par
laquelle Dieu « a fait connaître la vie apostolique aux hommes
qui désirent être à l'image des apôtres
[28]
». Les successeurs de Pachôme seront, à leur
tour, très soucieux de préserver l'unité de la Koinonia. Horsièse
aura le courage de se démettre de ses fonctions de supérieur général
de la Congrégation en faveur de Théodore, lorsqu'il se sentira
incapable de maintenir cette unité. Et Théodore, assumant cette
charge de supérieur général, en qualité de vicaire d'Horsièse,
suppliera les moines de ne pas oublier celui par qui « cette foule
(est) devenue un seul esprit et un seul corps
[29]
». Ce qui fait
la spécificité de la communauté pachômienne, c'est donc précisément
qu'elle n'est pas simplement le regroupement d'individus autour
d'un moine charismatique, mais une communauté
de frères
[30]
. Ceci est fort bien exprimé dans un des préceptes
de Pachôme : « Si quis accesserit ad ostium. monasterii, uolens
saeculo renuntiare et fratrum adgregari numero...fratribus copuletur
[31]
. » Cette Koinonia,
cette unanimité des cœurs, qui se veut à l'image de la communauté
primitive de Jérusalem
[32]
, n'est pas une simple « fraternité » de caractère
purement « spirituel ». Elle est quelque chose de concret. Elle
consiste à se mettre concrètement et physiquement au service les
uns des autres. Conformément à l'idée traditionnelle de l'autorité
aux premiers siècles de l'Eglise, Pachôme considère son rôle de
supérieur comme un service
[33]
, et il sera extrêmement intransigeant sur ce
point chaque fois que ses disciples voudront lui donner un traitement
de faveur
[34]
. C'est dans le service mutuel que Pachôme,
dès le commencement, avait vu l'essence du cénobitisme. C'est
pourquoi, si dans ses débuts avec ses premiers disciples il accomplissait
tous les services matériels lui-même, c'était parce qu'eux « n'étaient
pas encore arrivés au degré tel qu'ils se fissent les serviteurs les uns des autres
[35]
». C'est cette notion de service qui explique
la conception pachômienne de l'autorité et de l'obéissance aussi
bien que l'organisation concrète des « maisons » et des « monastères
». Donc, pas plus
que celui de Syrie ou de Cappadoce, le cénobitisme pachômien n'est
« une tentative pour organiser à l'échelle communautaire la paternité
spirituelle du désert » où « tout est suspendu à la grâce du père
». Tout comme celui de Cappadoce et de Syrie, bien que de façon
moins apparente, il est né de l'exemple donné par la communauté
primitive de Jérusalem et dans le prolongement de l'ascèse chrétienne
vécue au sein des communautés. Il est avant tout une fraternité.
Le rôle du supérieur, si vénéré, se situe au sein de cette fraternité et sur le plan
de la communion de vie, non sur celui d'une autorité hiérarchique.
On ne saurait en trouver de meilleure expression que ces paroles
prononcées par Pachôme sur son lit de mourant : « Voici que je
vais me rendre auprès du Seigneur qui nous a créés ; vu
qu'il nous a réunis ensemble pour que nous accomplissions
sa volonté, eh bien, vous autres, dites ensemble qui vous
désirez avoir comme votre père
[36]
. »
Nous trouvons
donc à travers tout l'Orient chrétien ancien une tradition cénobitique unanime, distincte de la tradition
érémitique, et où le cénobitisme a sa raison d'être en lui-même,
sans au-delà érémitique, à cause de la réalité même de la communion
fraternelle qu'il incarne et réalise. Dans cette perspective,
la fonction abbatiale apparaît comme une nécessité de la communion.
Essentiellement différente de celle du pasteur hiérarchique (l'évêque),
l'autorité de l'abbé se situe sur le plan de la recherche commune
de la volonté de Dieu. L'abbé a comme tâche d'aider la communauté
comme telle à découvrir la volonté de Dieu sur elle. Cette autorité,
de sa nature, n'exige aucune manifestation sacramentelle.
b) Du didascalion urbain a l'école du désert. A côté de cette
tradition cénobitique, se développa, au sein même de l'anachorétisme,
une nouvelle forme de groupements monastiques et une nouvelle
forme de paternité spirituelle. Ce mouvement nous intéresse moins
directement, pour le moment. Il importe toutefois d'en dire quelques
mots, ne fût-ce que pour mieux saisir l'originalité et le caractère
propre du cénobitisme proprement dit. Paul et Antoine
s'étaient avancés seuls dans le désert. Mais bientôt l'expérience
montra que quiconque voulait embrasser la difficile vie du désert
devait se mettre à l'école d'un moine expérimenté et porteur de
l'Esprit (pneumatophore). Cet « ancien », cet « abbas » transmettait
à ses disciples rassemblés autour de lui les principes monastiques,
et assurait leur formation à la vie ascétique
[37]
. Si, en certains milieux, on manifestait un
certain anti-intellectualisme, ailleurs cette formation pouvait
prendre un aspect intellectuel poussé, comme dans le cercle d'Ammonios,
lecteur assidu d'Origène, où fut formé Evagre à Scété
[38]
. La fonction
de ce père spirituel du désert autour duquel s'assemblent les
disciples doit probablement être mise en relation avec celle des
didascales connus dans l'Église ancienne
[39]
. Ces didascales sont souvent mentionnés dans
les épîtres de saint Paul, en relation avec les apôtres, les prophètes,
les évangélistes et les pasteurs
[40]
, aussi bien que dans les anciens écrivains
chrétiens
[41]
. Au début, ils sont considérés comme des charismatiques.
Plus tard, à la fin du IIe et au IIIe siècles, ils exercent dans
l'Église des fonctions régulières d'enseignants et préparent les
catéchumènes au baptême. Le plus célèbre
des didascalées de l'antiquité fut celui d'Alexandrie
[42]
. Pantène et Clément y enseignèrent sous leur
responsabilité personnelle, comme l'avait fait Justin à Rome.
Mais Origène, successeur de Clément, fut mis à la tête de l'école
par l'évêque Démétrius, qui le chargea de préparer les candidats
au baptême. Dans ce didascalée,
la formation n'était pas uniquement intellectuelle. Elle englobait
toute la vie. A Alexandrie, Origène menait vraisemblablement avec
ses collaborateurs et ses élèves une sorte de vie commune fondée
sur la lecture en commun de l'Ecriture sainte
[43]
. Voici comment l'un des meilleurs connaisseurs
d'Origène, H. Crouzel, décrit l'activité formatrice d'Origène
: « Alors Origène se mit à travailler ses élèves, " comme
un bon agriculteur une terre stérile et inféconde ", la débarrassant
des épines, émondant les arbres non cultivés, entant sur le tronc
sauvage le greffon pris à l'olivier domestique. Cette formation
est menée indistinctement sur le plan moral et sur le terrain
intellectuel : il s'agit de couper les passions, les fausses persuasions,
les préjugés, les opinions insuffisamment discutées, " tout
ce qu'il y a dans l'âme d'émoussé et de bâtard " et qui s'oppose
à la droite raison, à la réception des " paroles de la vérité
"
[44]
. » Les groupements
semi-anachorétiques du désert apparaissent donc comme une transposition
au désert du didascalée urbain. De part et d'autre, les liens
qui unissent le disciple à son maître possèdent les mêmes caractères.
Ce sont des liens temporaires.
On vient, pour se faire former, se mettre sous la direction d'un
maître. Après, on s'enfonce seul dans la solitude, quitte à devenir
bientôt soi-même formateur. Plusieurs sortirent même de ces écoles
du désert pour occuper des charges dans l'Eglise
[45]
, ou même pour rentrer dans le monde
[46]
. L'obéissance
prend aussi, en ces écoles, une couleur spéciale. Elle a avant
tout une fin ascétique. Le maître s'en sert pour faire plier et
même pour faire mourir la volonté propre du sujet. Si l'autorité
est absolue, ce n'est pas en fonction d'un charisme, ou de par
la volonté de Dieu. C'est tout simplement de par la volonté du
sujet qui, pour sa formation, s'en est remis entièrement, absolument,
à cet « ancien »
[47]
. Si celui-ci est appelé « père », cela n'implique
aucune assimilation à une autorité
hiérarchique. Ainsi étaient appelés le didascale et le catéchète
à Alexandrie. « Nous appelons " pères ", dit Clément
d'Alexandrie, ceux qui nous ont instruits en religion (τούς
κατηχήσαντες)
[48]
. » On voit donc
comment, en Orient, a évolué l'ascèse chrétienne, dans ses diverses
formes d'institutionnalisation. Dans cette évolution, on peut
distinguer deux mouvements qui ont pu certes s'influencer quelque
peu et même s'entrecroiser, mais qui furent indépendants dans
leur origine. Ils aboutirent à deux types différents de groupements
monastiques et. deux formes distinctes d'autorité religieuse. Le premier
de ces mouvements en est un de communion entre les ascètes d'une
même Eglise locale. Rapidement, ce mouvement aboutit à une forme
de cénobitisme proprement dit au sein duquel, à partir d'un certain
stade d'organisation, le rôle d'un supérieur comme centre d'unité
dans la recherche de Dieu se fit sentir comme un besoin. Cette
forme de cénobitisme est foncièrement la même chez les Fils du
pacte en Syrie et en Perse, chez Basile en Cappadoce et chez Pachôme
en Thébaïde. Au moment où
ce mouvement commençait à s'institutionnaliser, surgit un autre
mouvement qui allait, lui, non plus dans le sens d'une communion
mais dans celui d'une sécession. Les ascètes se retirèrent dans
la solitude des déserts. Mais bientôt ces apotactiques éprouvèrent
le besoin de se regrouper autour de formateurs charismatiques.
Ainsi se trouva constituée au désert une nouvelle forme de groupement
monastique, qui est une sorte de transposition du didascalion
urbain. Il était nécessaire
de mentionner l'existence de ces deux traditions, puisque c'est
leur fusion ou leur enchevêtrement qui explique l'évolution particulière
du cénobitisme et de la conception de l'abbatiat en Occident. Dans l'une
et l'autre de ces traditions, toutefois, l'attitude à l'égard
de la hiérarchie est la même. Il fut un temps de mode de voir
dans le monachisme primitif un mouvement de sécession et d'opposition
à l'Eglise hiérarchique « installée »
[49]
. Cette position était exagérée et inexacte.
Il y eut sans doute des accrochages en certains endroits ! C'est
un fait historique et c'était inévitable. Mais dans l'ensemble,
durant les IIIe et IVe siècles, les relations entre les moines
et la hiérarchie furent excellentes. Les moines reconnaissaient
les évêques comme leurs pères, comme faisaient tous les autres
chrétiens
[50]
. Si, pour désigner la fonction de leurs supérieurs
monastiques, ils emploient des images bibliques comme celle de
« pasteur » ou de « père », jamais ils ne laissent entendre que
cette fonction se situerait dans le même ordre de réalités que
celle des pasteurs hiérarchiquement institués pour gouverner l'Église.
B. ENCHEVÊTREMENT
DE DEUX TRADITIONS EN OCCIDENT
a) Période d'instabilité.
Le cénobitisme
occidental n'est pas né, comme celui d'Orient, de l'éclosion spontanée
de fraternités au sein des Eglises locales. Dans la plupart des
cas il est plutôt né d'autorité, c'est-à-dire sous l'action d'évêques
ou de réformateurs entreprenants. Sans exclure
l'existence d'un ascétisme plus primitif dont on ne sait d'ailleurs
à peu près rien, il semble bien qu'il faille considérer la Vie
d'Antoine écrite par Athanase comme la semence d'où surgit un
peu partout en Occident le monachisme. Ce que l'Occident reçut
de l'Orient fut donc d'abord la tradition des milieux anachorétiques,
et non la tradition proprement cénobitique. Ceci explique sans
doute en partie pourquoi les moines occidentaux, même vivant en
commun, conservèrent toujours une orientation plus érémitique
que cénobitique. C'est cette
même Vie d'Antoine qui enthousiasma les patriciennes romaines
amies de Jérôme et les poussa à vivre l'ascèse du désert dans
leurs palais de l'Aventin. Au même moment et sous la même influence,
se déclencha en Gaule un mouvement peu ordonné dont il est impossible
de faire l'histoire
[51]
. Des moines fort peu stables y vivaient, tantôt
en ermites (conformément à la tradition venue d'Orient), tantôt
en commun (conformément à leurs tendances), se mettant un jour
à l'école d'un ascète renommé, et partant le lendemain pour faire
un pèlerinage en Terre Sainte ou pour prêcher l'Evangile aux Barbares. Ce mouvement
n'était pas vu d'un bon oeil par les évêques, jusqu’au jour ou
certains de ces moines, devenus évêques eux-mêmes, décidèrent
d'y mettre de l'ordre. Ainsi fit, par exemple, Martin de Tours
à Marmoutiers
[52]
. Mais il s'agit alors presque toujours de communautés
de clercs réunis autour de leur évêque. Il faudra attendre Cassien
pour voir s'organiser vraiment le monachisme occidental. L'Afrique toutefois
mériterait un traitement à part. Des communautés urbaines de vierges
y existaient probablement avant Augustin, et peut-être même un
monachisme d'influence orientale
[53]
. Mais tout cela est obscur. Quant au monachisme
d'Augustin, il est assez voisin dans son inspiration fondamentale,
de. celui de Basile et de Pachôme. Le monastère y est conçu comme
une cellule ecclésiale fondée sur l'unanimité dans la charité
[54]
. Monachisme clérical sous la dépendance immédiate
de l'évêque, il ne pose aucun problème concernant la nature du
supériorat religieux.
b) Le cénobitisme
de Cassien.
Avec Cassien,
tout change... ou en tout cas beaucoup de choses changent, car
Cassien opère une fusion de la tradition cénobitique et de la
tradition anachorétique. La tâche de l'historien et du théologien
sera de discerner si cette fusion a abouti à une réelle synthèse
harmonieuse ou si elle a été la simple transposition matérielle
d'éléments d'une tradition dans l'autre. En Egypte,
où il passa presque toute sa vie monastique avant d'aboutir en
Gaule, Cassien avait vécu dans les centres semi-anachorétiques
de Basse-Egypte
[55]
. Sans doute avait-il visité d'autres lieux,
mais il ne s'était jamais aventuré jusqu'en Thébaïde, siège du
cénobitisme pachômien, Lorsqu'il arriva en Provence, il y découvrit
des formes de vie monastique fort différentes de celle qu'il avait
connue à Scété et avec laquelle il avait fini en quelque sorte
par identifier la vie monastique. Dès lors, il se découvrit une
vocation de réformateur, qui lui fut confirmée par l'évêque d'Apt,
Castor. Il n'a pour idéal rien moins que de réformer le monachisme
occidental - qu'il critique fort volontiers - par le retour aux
traditions du monachisme oriental
[56]
. C'est dans ce contexte que se situent les
Institutions et les
Conférences. Cassien
s'y préoccupe peu de faire de l'histoire ou même de donner une
description exacte du monachisme oriental. Il est avant tout préoccupé
de réformer et de construire le monachisme gaulois
[57]
. Dans son effort
pour réformer le monachisme, tout comme dans ses luttes doctrinales
contre Augustin, Pélage ou Nestorius, l'argument fondamental de
Cassien est celui de la Tradition
[58]
. Entendons-nous, cependant! La vraie Tradition,
pour Cassien, ce n'est pas celle qu'on trouve dans les auteurs
ecclésiastiques en vogue. C'est l' « antiquissimorum partrum sincera
fides, quae penes successores ipsorum mera nunc usque perdurat
[59]
. ». Cette tradition que l'Orient a reçue directement
des Apôtres, Cassien s'en .considère le représentant autorisé
en Occident, affichant un certain mépris à l'égard de ceux qui
« audita potius quam. experta describere temptauerunt
[60]
... ». Mais, ironie du sort, Cassien se trouvera
lui-même dans la situation de ces derniers, car lui qui avait
vécu en Egypte la vie semi-anachorétique, et qui demeurait anachorète
au fond du cœur, se trouvait obligé par la force des circonstances
et la demande de Castor, de statuer pour des cénobites. Il se
tira d'affaire tout simplement en décrivant les coutumes et la
spiritualité des milieux semi-anachorétiques de Basse-Egypte,
en leur donnant une « couleur » cénobitique, et en les attribuant
à tous les moines d'Egypte
et de la Thébaïde. Dom Julien
Leroy a récemment distingué en deux groupes les ouvrages de Cassien,
ceux qui contiennent un enseignement plus particulièrement cénobitique
et ceux où Cassien s'adresse surtout aux anachorètes
[61]
. Dans une étude plus récente, il a essayé de
circonscrire le cénobitisme chez Cassien, en décrivant successivement
: 1° le cénobitisme vu par les cénobites, dans les écrits de Cassien
; 2° le cénobitisme vu par les anachorètes; 3° le cénobitisme
dans la pensée de Cassien lui-même
[62]
. Ces études sont très suggestives et concourront
certainement à une meilleure connaissance de Cassien. Il ne faudrait
toutefois pas majorer les distinctions qui y sont faites. Que
Cassien s'adresse à des anachorètes ou à des cénobites, il leur
transmet toujours, au fond, la même conception de la vie monastique,
tout en la colorant plus ou moins selon les cas. Quant aux quelques
monastères de cénobites qu'il a rencontrés en Basse-Egypte, c'étaient
plutôt des « monastères » du genre des groupements de semi-anachorètes
que des coenobia proprement dits. Quelle est
donc la conception de Cassien sur le cénobitisme ? On trouve bien,
dans ses ouvrages, quelques textes tels que la Conférence XVI,
de Amicitia, où tous les éléments de la vie monastique sont considérés
sous l'aspect de la charité fraternelle. On se croirait presque
en terrain basilien ou pachômien ! Mais, outre que cette conférence
fait partie du groupe d'ouvrages destinés aux anachorètes, la
conception habituelle de Cassien est autre. Le coenobium
est avant tout une école de formation (on reconnaît l'idéal du
didascalée au désert!). Voici comment Dom A. de Vogüé résume la
pensée de Cassien : « Ce n'est pas pour elle-même que la société
chrétienne ou monastique élève ses enfants, comme si son seul
but était d'en faire les membres bien adaptés d'un corps social
harmonieux. L'action éducative du coenobium
ou de la communauté érémitique, tout comme celle de l'Eglise,
ne tend en définitive qu'à introduire les personnes humaines auprès
des Personnes divines... S'il est donc vrai que toute vie monastique
naît et grandit dans un cadre communautaire, il est non moins
certain que ce cadre se fait de plus en plus ténu à mesure que
le moine se parfait. Tel est du moins le schème normal de la pensée
de Cassien, celui qu'il développe le plus couramment
[63]
. Dom Julien
Leroy a donc parfaitement raison d'écrire que Cassien « présente...
une conception nouvelle de la vie cénobitique ». Nous pouvons
même discerner maintenant comment est née cette conception. En
réalité, elle ne résulte pas d'une fusion harmonieuse de la tradition
érémitique avec la tradition cénobitique. Elle est tout simplement
la transposition, dans un cadre de vie commune stable, des institutions
de l'école du désert.
En d'autres mots, elle repose sur la transformation en institution
permanente, d'une relation (celle du disciple au didascale) qui
avait toujours été, et qui est de sa nature, temporaire. La fraternité
n'y est plus voulue pour elle-même, pour sa valeur chrétienne
et ecclésiale, mais en tant que moyen de formation. Le supérieur
n'y est plus le centre de la fraternité, l'œil du corps, mais
il est le maître chargé de former les individus. Le rôle de
père spirituel qui, en Orient, même au sein du cénobitisme, était
le propre de tout homme rempli de l'Esprit-Saint, tend maintenant
à être réservé au supérieur. Une telle institutionnalisation du
rôle charismatique de père spirituel comportait de grands dangers
que signale lucidement Dom A. de Vogüé : « En ajoutant à la paternité
spirituelle une dimension communautaire, on risque de la dénaturer.
On court le danger d'une extériorisation des rapports du maître
à disciple, ceux-ci se transposant sur le plan social et se vidant
de leur substance personnelle
[64]
. » Mais une modification
encore plus fondamentale du concept d'abbé est aussi amorcée avec
Cassien. On a dit plus haut toute l'importance donnée par celui-ci
à la Tradition, ainsi que l'uniformité qu'il attribue à la tradition
monastique en Orient. En réaction contre la multiplicité des formes
monastiques en Provence, Cassien veut imposer une formule unique,
cette tradition apostolique. Pour lui, c'est en Egypte que s'est
le mieux conservée cette tradition monastique venue des Apôtres.
Or, ce qui, à son avis, unit étroitement entre eux les moines
de toute l'Egypte, c'est l'exceptionnelle uniformité de doctrine
et d'institutions qui règne parmi eux. Le fondement de pareille
unité est l'adhésion à une même règle de vie, d'origine apostolique.
Cette règle de vie, catholica regula, est en quelque sorte le pendant monastique du Credo
[65]
. Ce qui conduit à une assimilation du monachisme
à l'Église. Cette assimilation, dans son expression littéraire,
sera poussée très loin par Cassien : « Comme il a son dogme et
sa discipline, écrit Dom de Vogüé, le monachisme a aussi son magistère
et sa hiérarchie. Ce sont les " anciens " qui jouent
ce rôle, dans lequel ils sont les successeurs des premiers Pères,
tout comme les évêques ont succédé aux apôtres. Nul n'est autorisé
à diriger les autres, voire à se gouverner soi-même, s'il n'a
d'abord accepté de se soumettre à ce magistère vivant, seul dépositaire
de l'authentique tradition
[66]
. » Cette assimilation
de la hiérarchie monastique à la hiérarchie de l'Église demeurait
certes chez Cassien une figure très souple. Cette figure allait
toutefois être bientôt reprise par un théoricien qui en pousserait
les conséquences logiques jusqu'à l'extrême, et créerait la figure
de l'abbé-évêque. Ce théoricien, c'est le Maître, dont la Règle
sera la source principale de la Regula Benedicti.
c) La Regula Magistri
: l'abbé assimilé à l'évêque.
La conception
du rôle de l'abbé dans sa communauté, selon la Regula Magistri,
a été étudiée en détail par Dom A. de Vogüé. Nous nous en remettons, pour le
moment, aux résultats de ses études
[67]
. Nous avons
vu comment Cassien compare - très librement d'ailleurs - la hiérarchie
monastique à la hiérarchie ecclésiastique. On sait aussi que la
littérature monastique ancienne avait employé tout aussi librement
diverses figures de l'Ancien et du Nouveau Testaments, pour rappeler
au supérieur ses devoirs
[68]
. On appliquait - sans rigueur - à celui-ci
les noms de doctor, major, abbas, pastor,
etc. Poussant à ses limites logiques
[69]
l'application de ces figures, le Maître en
arriva à cette conception extrême de l'abbatiat, ainsi synthétisée
par Dom de Vogüé : « Le Maître affirme que l'abbé est, comme l'évêque,
un " docteur " , institué par le Christ, un successeur
et héritier de l'apôtre, jouissant de l'autorité conférée aux
apôtres et à leurs successeurs par les textes les plus solennels
du Nouveau Testament.
[70]
» On s'imagine
facilement quelle notion de la communauté s'accorde avec une telle
conception de l'abbé : « Qu'est-ce donc qu'un monastère aux yeux
du Maître ? Essentiellement une école. Ce qui la définit, c'est
le rapport du disciple au maître, de l'inférieur au supérieur.
Ce rapport est conçu d'une façon toute biblique : le prophète,
le maître de sagesse, l'apôtre, autant de modèles pour l'abbé.
Il est conçu aussi d'une façon toute ecclésiastique, l'abbé étant
l'équivalent de l'évêque et du prêtre
[71]
. » Sur quoi repose
cette conception du Maître? Sur une certaine interprétation qu'il
donne du texte de saint Paul qui affirme que le Christ a institué
dans son Eglise des apôtres, des prophètes et des docteurs. Le
Maître, renversant l'ordre des deux premières catégories, considère
que ces trois offices se sont succédés dans le temps : les apôtres
ont succédé aux prophètes et les docteurs, ont succédé aux apôtres.
Ces " docteurs " sont de deux sortes : les évêques et
les abbés, chacun dans son domaine propre. Le Maître distingue
en effet deux sortes de « maisons du Seigneur », les églises et
les monastères. L'évêque préside à la première, l'abbé à la seconde
[72]
. Mais d'où viendrait
à l'abbé cette fonction de « docteur », qui en ferait à proprement
parler un successeur légitime des apôtres ? Dans son premier ouvrage,
Dom A. de Vogüé considérait que cette fonction lui venait de son
charisme propre de Père spirituel. L'élection et la bénédiction
abbatiale ne feraient que reconnaître l'existence de ce charisme.
Par la suite, Dom A. de Vogüé a renoncé à cette explication et
considère maintenant que cette fonction de docteur est donnée
à l'abbé par l'évêque lors de la bénédiction abbatiale
[73]
Notre intention
n'est pas d'entrer dans la discussion de cette interprétation.
Nous ferons seulement deux remarques. D'abord, l'argumentation
sur laquelle repose la nouvelle interprétation de Dom de Vogüé
ne nous convainc pas entièrement. Ni dans ses trois grands textes
sur l'autorité abbatiale, ni dans ses déclarations initiales sur
le pouvoir de l'abbé le Maître ne fait quelque allusion à la bénédiction
abbatiale. Le lien implicite que Dom A. de Vogüé croit devoir
y voir demeure une hypothèse. Notre deuxième remarque est peut-être
plus importante. L'interprétation du rôle de l'abbé dans la communauté,
selon la Regula Magistri, telle que la donnait Dom A. de Vogüé
dans son premier ouvrage, reposait en grande partie sur la thèse
que l'abbé était un homme charismatique ayant reçu directement
de Dieu la fonction de Père spirituel. L'abandon de ce point de
vue par Dom de Vogüé aurait dû normalement le conduite à reviser
plus profondément les opinions émises dans son premier ouvrage. Nous dirons
plus loin ce que nous pensons des efforts de l'auteur pour démontrer
que la conception de la Regula Magistri n'était que l'explicitation
d'une doctrine en germe dans toute la tradition ancienne. Remarquons
seulement pour l'instant qu'avec cette conception l'idée d'abbé-pontife
- avec toutes les incidences liturgiques d'une telle idée - était
née. Il appartiendra au théologien de préciser s'il s'agit là
d'une évolution doctrinale légitime et fructueuse ou d'une confusion
théologique.
d) Les correctifs
de la Regula Benedicti à la Regula Magistri.
Cette conception
du Maître, c'est celle qu'a reçue l'auteur de la Regula Benedicti.
Le Benedictus vir du Mont Cassin, en effet, n'a pas composé
sa Règle de toutes pièces, mais a plutôt adapté un document préexistant
qui est la Regula Magistri dont nous venons de parler
[74]
. C'est d'ailleurs cette adaptation qui révèle
au mieux son génie, son expérience et sa discrétion. Dans la ligne
de pensée héritée de Cassien et du Maître, Benoît continue de
considérer la communauté monastique comme une école où les moines
font figure de disciples, et l'abbé celle de maître. Mais alors
que le Maître, dans sa très longue règle, ne traitait que des
relations verticales, celles du disciple au maître, l'auteur de
la Regula Benedicti y introduit la considération des relations
horizontales entre les moines
[75]
. Plus important
encore est le fait que Benoît ramène à une mesure plus modérée
les figures bibliques que le Maître avait explicitées d'une façon
si intempérante. Voici un exemple. A la fin de sa description
des diverses sortes de moines, substantiellement empruntée à Cassien
(Conf. 18, 4-8), le Maître ajoutait un long développement
doctrinal sur l'abbé « docteur », où il prétendait établir sur
l'Ecriture la nécessité de se soumettre à un « docteur » institué
par le Christ et parlant en son nom. Benoît qui résume le Maître,
a tout simplement supprimé ce développement doctrinal
[76]
. Ces corrections
de Benoît et son orientation un peu plus « communautaire » sont
certainement dues en grande partie à la connaissance partielle
qu'il avait de la tradition cénobitique orientale. Il reste toutefois
dans la ligne de pensée instaurée en Occident par Cassien, tout
en évitant les exagérations dans lesquelles était tombé le Maître.
Ce serait la plus grande infidélité à sa pensée que d'essayer
de retrouver à tout prix, implicites dans sa Règle, les conceptions
absolues du Maître, qu'il a délibérément mises de côté, et encore
plus d'essayer de les rétablir dans le monachisme bénédictin. Des deux grandes
orientations de la tradition orientale, une seule a passé en Occident
: la tradition semi-anachorétique de Basse-Egypte, adaptée en
Occident à une vie commune plus étroite. La véritable tradition
cénobitique, celle qu'on retrouve fondamentalement la même chez
les Fils du Pacte de Syrie, chez les ascètes de Basile et chez
les moines de Pachôme, n'a pas franchi les frontières de l'Occident,
sinon par des influences tardives et superficielles. Tout au plus
servit-elle à Benoît pour apporter quelques correctifs aux exagérations
de la position du Maître. Le cénobitisme occidental, nourri d'une
spiritualité anachorétique, sera loin d'avoir au même degré que
celui d'Orient l'idéal de fraternité et de communion. Le coenobium
n'y sera plus conçu comme une forme de vie qui puise sa valeur
dans la réalité même de communion qu'elle incarne, mais y deviendra
une « école de formation ». Le supérieur n'est plus le frère ayant
à remplir le service de maintenir le groupe dans la communion
et d'être l'oeil du corps, celui en qui se concentre l'effort
communautaire de la recherche de la volonté divine. Il est plutôt
le maître ayant des disciples à former, et les dirigeant au nom
de Dieu, à la manière des autorités hiérarchiques de l'Eglise. De là à assimiler
le supérieur à l'évêque, il n'y avait qu'un pas. Ce pas, esquissé
par Cassien, fut allègrement accompli par le Maître Benoît évita
cette exagération, mais ces théories du Maître demeuraient latentes
dans l'orientation occidentale du monachisme, dont il était tributaire.
Les thèses du Maître ne trouveraient pas de nouveau théoricien...
du moins pas avant le XXe siècle, mais réapparaîtraient vite dans
la pratique, et avant tout dans la pratique liturgique. L'abbé, assimilé
plus ou moins à l'évêque, allait en prendre les insignes et les
fonctions liturgiques. La bénédiction abbatiale deviendrait graduellement
un décalque de la consécration épiscopale moins la formule consécratoire.
Au bout du processus, l'abbé serait, pour employer une expression
à la Bouyer, « une espèce d'évêque, avec le Saint-Esprit en moins,
mais tous les paraphernalia de la fonction
[77]
». Cette tradition
occidentale est parvenue jusqu'à nous foncièrement la même, avec
une alternance de périodes de décadence et de réforme. Aujourd'hui,
pour la première fois depuis le VIe siècle, s'impose aux moines
d'Occident le devoir et le besoin imminent de repenser en profondeur
tous les éléments de cette tradition et d'en évaluer l'équilibre
afin d'arriver à une nouvelle synthèse. Ce travail doit être accompli
à la lumière de toute la tradition de l'Église et surtout à celle
de l'Evangile.
II
THEOLOGIE
DE L'ABBATIAT CENOBITIQUE
Le développement
historique que nous venons d'esquisser à grands traits comporte
sa théologie, qu'il faut essayer de dégager d'une façon plus explicite.
Quelques efforts ont été faits en ce sens dans diverses études
que nous allons maintenant présenter en les analysant et les évaluant.
Nous présenterons également une autre étude se rapportant à la
théologie de l'autorité religieuse en général et qui est d'une
importance extrême. Enfin nous terminerons en indiquant quelques
éléments de solution qui nous semblent se dégager de notre enquête.
A. LE CENOBITISME
SELON DOM ADALBERT DE VOGÜÉ
Personne ne
mettra en doute que l'abbé doive être le Père spirituel de ses
moines plus qu'un simple administrateur matériel. Tous conviendront
aussi qu'il est le chef d'une communauté chrétienne sur laquelle
il exerce autorité. Mais la conception que l'on se fera du cénobitisme
et de l'abbatiat variera énormément selon l'ordre qu'on établira
entre ces divers éléments et surtout selon le sens que l'on donnera
aux relations unissant l'abbé à ses moines. Pour Dom. A.
de Vogüé, il n'y a pas d'hésitation : l'abbé existe en quelque
sorte avant la communauté. « Avant tout l'abbé est un moine accompli,
capable d'enseigner la vie parfaite et d'exercer une vraie paternité
spirituelle; mais parce que cette paternité s'étend à une communauté,
il prend figure de chef d'Eglise et s'assimile à l'évêque"
[78]
.... » Cette notion
du rôle de l'abbé repose elle-même sur une conception fort particulière
du cénobitisme : « La société cénobitique est d'abord le résultat
d'une somme de rapports individuels entre les moines et leur abbé
[79]
. » « Le cénobitisme est donc essentiellement
constitué par la relation toute spirituelle de chacun de ses membres
à un homme qui représente le Christ. De cette relation première
résulte celle qui unit entre eux tous ces disciples d'un même
maître. La société cénobitique est donc premièrement entre le
moine et son abbé, c'est-à-dire entre le moine et le Dieu qu'il
cherche. Elle est dans le prolongement de l'expérience érémitique.
Elle reste foncièrement une vie avec Dieu seul
[80]
. » Cette conception
du cénobitisme est celle qu'on retrouve dans toutes les études
de Dom A. de Vogüé. C'est elle qui conditionne, entre autre, sa
conception de l'Office divin comme une simple propédeutique à
la prière solitaire ou même un succédané de la prière continuelle.
Une telle vision du cénobitisme ne manque pas de grandeur. Le
problème est de savoir si elle se fonde, comme le croit l'auteur,
dans la tradition monastique ancienne. Force nous est donc d'analyser
un peu l'argumentation de Dom A. de Vogüé. Nous étudierons en
particulier son ouvrage fondamental : La communauté et l'abbé
dans la Règle de saint Benoît. L'importance de cet ouvrage
lui vient non seulement de la nature du sujet traité, mais aussi
de l'influence très grande qu'il semble avoir eue sur l'idée que
beaucoup de moines et d'abbés se font aujourd'hui de la fonction
abbatiale et du sens de la communauté monastique. Du point de
vue méthodologique, l'auteur, continuant dans la voie inaugurée
par Dom B. Steidle
[81]
, n'entend pas insister sur l'originalité de
saint Benoit, mais plutôt le replacer dans son contexte historique,
l'étudiant sur l'arrière-fond de la tradition qu'il a recueillie
et dont il est à la fois le tributaire et le canal. Une importance
spéciale est donnée à la Regula Magistri (= RM) : « La
RM et l'ensemble de la littérature cénobitique ancienne seront
la toile de fond devant laquelle nous placerons sans cesse le
texte commenté
[82]
. » Evidemment, l'antériorité de la Regula
Magistri sur la Regula Benedicti est admise comme hypothèse
de travail ; et cette hypothèse s'avère très fructueuse. La méthode,
on ne peut le nier, était des meilleures. Mais elle était aussi
très exigeante. Elle supposait une connaissance approfondie des
divers courants cénobitiques de l'Eglise ancienne, et une attention
constante à ne pas ramener cette complexité à un schéma simpliste.
C'est l'écueil que Dom A. de Vogüé, nous semble-t-il, n'a pu éviter
totalement. Il passe sous silence l'ascétisme primitif au sein
de l'Église, en Syrie et en Cappadoce, si important pour l'histoire
de l'ascétisme en général et du cénobitisme en particulier.
Se basant sur une description exacte dans l'ensemble, mais très
schématique, du cénobitisme pachômien, mais sans en étudier la
genèse et l'évolution, il énonce dès le début de son ouvrage la
thèse suivante : « Pachôme semble bien être à l'origine d'une
" tradition " égyptienne très ferme que l'on reconnaît
aisément chez les Cénobites décrits par Jérôme (Ep. 22, 35), dans
les Institutions de Cassien, et jusque chez le Maître et saint
Benoit... L'idéal du monachisme n'a pas évolué vers un cénobitisme
plus complet, et il reste comme par le passé dominé par l'aspiration
érémitique. C'est la misère des hommes et le souci d'assurer un
minimum d'honnêteté qui ont conduit à développer la vie commune
[83]
. » C'est là la
thèse favorite de Dom de Vogüé; elle revient tout au long de son
ouvrage sous des formes différentes. Elle constitue, à notre avis,
un postulat indémontré. D'abord la
ligne continue tracée par Dom A. de Vogüé de Pachôme à Benoît,
en passant par Cassien, ne laisse pas que de poser de nombreux
problèmes à l'historien. Le lien de Cassien à Benoît est certain,
mais celui de Pachôme à Cassien est inexistant. C'est un fait
établi que Cassien n'a pas connu le monachisme pachômien. Dans
ses Institutions, il ne parle généralement que des Egyptiens,
c'est-à-dire, selon le langage de l'époque, des habitants du Delta
et de la Basse-Egypte. Les rares fois qu'il mentionne les Tabennésiotes
ou Pachômiens (qui habitent la Thébaïde), c'est lorsqu'il utilise
des documents qui le renseignent à leur sujet
[84]
. Ces documents sont tantôt la chronique palladienne
sur les Tabennésiotes, qui n'a rien à voir avec le monachisme,
pachômien
[85]
, tantôt la traduction latine faite par Jérôme
des préceptes de Pachôme. Or, ces préceptes, appelés abusivement
« Règle de Pachôme », ne sont qu'un regroupement de préceptes
divers, d'époques successives, concernant surtout l'organisation
matérielle des monastères. Pour pachômiens que soient ces derniers
textes, ils sont inaptes à donner une idée exacte de la spiritualité
pachômienne. Mais si Cassien
n'a pas eu de contact personnel avec le monachisme de Pachôme,
ce dernier n'aurait-il pas influencé le milieu monastique connu
par Cassien, et créé ainsi cette tradition égyptienne dont parle
Dom A. de Vogüé ? Il n'en est rien. Les contacts entre les moines
pachômiens et les semi-anachorètes de Basse-Egypte furent à peu
près inexistants. La littérature de Basse-Egypte, en particulier
les Apophthegrnes, pourtant si accueillants à toutes les tendances,
n'a rien assimilé de la production littéraire pachômienne, qui
est demeurée un tout homogène
[86]
. Cette ignorance mutuelle s'explique sans doute
par l'attitude réservée de Pachôme à l'égard de l'érémitisme,
et surtout par la prise de position ferme des moines pachômiens
pour le parti du patriarche dans la grande querelle origéniste
de la fin du IVe siècle. Dans la partie
précédente de notre étude, nous avons montré l'originalité du
cénobitisme pachômien et tout ce qui le distingue de celui représenté
par Cassien. Si Dom de Vogüé a cru pouvoir assimiler ces deux
traditions si différentes, c'est qu'il a fait trop facilement
confiance aux prétentions de Cassien à représenter la tradition
orientale, et vu Pachôme à travers la lunette de Cassien. On a cru longtemps
que Basile avait corrigé Pachôme. Dom Gribomont a cependant démontré,
il y a déjà quelques années, qu'une dépendance de Basile à l'égard
de Pachôme est peu probable, et qu'en tout cas elle ne peut être
prouvée. Dom de Vogüé s'en autorise pour considérer le monachisme
basilien comme une sorte d'exception, en marge de la tradition
ancienne...
[87]
. Or, si l'on étudie le monachisme pachômien
à travers ses sources authentiques, nous découvrons chez lui une
conception du cénobitisme fort rapprochée de celle de Basile,
comme nous l'avons expliqué plus haut, malgré de notables différences
dans l'organisation extérieure de la vie commune. Ceci est d'autant
plus remarquable s'il n'y a pas eu d'influence de Pachôme sur
Basile. Il faut donc
se rendre à l'évidence. On ne trouve pas une tradition monastique
égyptienne, en marge de laquelle se situeraient les fraternités
basiliennes. On trouve, en Orient, une grande tradition cénobitique
qui, malgré des divergences non négligeables, se manifeste fondamentalement
la même chez les Fils du Pacte en Syrie, chez Eusthate et Basile
en Cappadoce, et chez Pachôme en Thébaïde. A côté de cette tradition
cénobitique, une autre tradition monastique presque aussi ancienne
apparaît dans les déserts d'Egypte, de Syrie et de Palestine :
tradition anachorétique, évoluant vers un regroupement de solitaires
autour d'un même Père spirituel. C'est cette tradition semi-anachorétique
qu'a recueillie Cassien et qui, à travers le Maître, se continue
chez Benoît. Benoît a toutefois
corrigé quelque peu cette tradition et y a réintroduit timidement
quelques éléments de véritable cénobitisme. Où les a-t-il puisés
? Sans doute chez Basile - notre père saint Basile, comme il l'appelle.
C'est ce que Dom G. Butler avait cru pouvoir affirmer
[88]
. Dom de Vogüé rejette d'un trait de plume cette
position, puisqu'il situe Basile en marge de la ligne droite qu'il
a cru pouvoir tracer de Pachôme à Benoit à travers Cassien et
le Maître
[89]
! La thèse de
Dom de Vogüé voulant que le cénobitisme soit né d'un effort d'organiser
à l'échelle communautaire le rapport de père à fils au désert
ne nous semble donc pas pouvoir résister à la Critique historique.
Mais que vaut en soi cette conception de l'abbé comme d'un père
charismatique existant avant la communauté et autour duquel viennent
se grouper des disciples ? C'est certes une position légitime.
Personnellement, nous ne la trouvons pas très réaliste, cependant.
L'histoire du monachisme - aussi bien passée que présente - semble
bien démontrer que les abbés ne sont pas généralement des hommes
« charismatiques » au sens où l'entend notre auteur. En tout cas,
concrètement, de nos jours, ceux qui entrent au monastère ne viennent
pas se mettre sous la houlette de tel ou tel supérieur, mais s'unir
à une communauté de frères dont le mode de vie correspond à leur
propre idéal ou à leur propre vocation. Et lorsque le temps vient
d'élire un nouveau supérieur, ils élisent celui qui par ses qualités
naturelles et surnaturelles est le plus apte à conduire la communauté
vers le Seigneur, dans la paix et l'unité. Si nous nous
sommes arrêtés si longuement à analyser cette thèse, ce n'est
pas par esprit de polémique. C'est parce que c'est sur cette thèse
historique que l'auteur fonde sa conception de l'abbé comme d'un
égal de l'évêque, ce qu'il expose par exemple à la fin de sa note
sur l'abbé-pontife : « Un tel charisme range l'abbé dans la catégorie
des " docteurs ", qui régissent le peuple de Dieu après
les prophètes et les apôtres. Il le place aux côtés de l'évêque
dans cette catégorie, tandis que ses collaborateurs, doyens et
cellérier, s'y rangent également à côté des prêtres, diacres et
clercs. Son enseignement sera traditionnel comme celui du chef
d'église, car il est lié à une règle qui concrétise les exigences
de l'évangile et condense l'expérience des disciples parfaits
du Christ, de ceux qui ont embrassé la vie apostolique. En bref,
s'il n'est nullement évêque, il est en tout semblable à l'évêque
[90]
. » Une telle conception
justifierait certes - et même exigerait que l'abbé préside normalement
les célébrations liturgiques de sa communauté. Historiquement,
cette conception a existé chez le Maître, mais elle ne peut prétendre
y être l'explicitation de la tradition antérieure. Elle est plutôt
le fruit d'une réflexion logique à partir de figures bibliques
employées par Cassien. Chez Benoît, elle nous semble être restreinte
à ce qu'elle était chez Cassien, une simple comparaison sans portée
théologique, et non une assimilation. Du point de vue théologique,
cette conception est difficilement recevable, comme le démontrera
l'étude du Père Tillard, analysée plus loin.
B. LA THÈSE DE B. HEGGLIN
ET LA CRITIQUE DE H. BACHT
Un autre auteur
a tenté de systématiser des positions semblables à celles de Dom
de Vogüé sur l'origine du cénobitisme et de la fonction abbatiale.
Il s'agit de
Dom Benno Hegglin dans son étude : Der benediktinische Abt
in rechsgeschichtlicher Entwicklung und geltendem Kirchenrecht
[91]
. Il s'agit d'une thèse de droit ecclésiastique consacrée à la place de l'abbé
dans le droit actuel de l'Église. Une première section de l'ouvrage
étudie cependant l'origine de l'abbatiat ou du pouvoir abbatial. L'auteur remarque
d'abord avec justesse que, dans le monachisme anachorétique, le
nom d'abbé était décerné aux moines charismatiques, c'est-à-dire
à ceux qui, d'une façon visible, avaient manifesté qu'ils étaient
remplis de l'Esprit. C'est pourquoi ils pouvaient exercer la paternité
spirituelle en conduisant à la vie spirituelle les disciples,
par leurs paroles et leurs exemples. Lors du passage
au cénobitisme, le sens et le contenu du mot abbas auraient sans
doute changé quelque peu, mais l'élément charismatique serait
demeuré. Ce serait parce qu'ils sont charismatiques que les supérieurs
sont appelés abbés. La seule différence entre l'autorité cénobitique
et l'autorité anachorétique serait dans le fait que cette dernière
n'est que d'ordre doctrinal, alors que la première s'étend à tous
les éléments de la vie. Cette conception repose évidemment sur
le postulat de l'antériorité de l'anachorétisme sur le cénobitisme
et de la dépendance de ce dernier par rapport au premier. Heinrich Bacht
a émis de sérieuses réserves à propos de cette thèse
[92]
. Il signale l'équivoque que fait Hegglin en
assimilant la fonction pneumatique du père spirituel du désert
à une direction purement spirituelle. Mais surtout il insiste
sur le fait que le charisme n'est pas " institutionnalisable
». Enfin, il fait remarquer que lorsqu'on constate, comme le fait
Hegglin, que Pachôme a institué dans ses Règles certains préceptes
en vue de « protéger » les moines contre les abus d'autorité des
supérieurs, et qu'il a même institué un collège de juges pour
régler les conflits entre supérieurs et subordonnés, il ne suffit
pas de dire que cela est « très intéressant »... Il y a là, en
effet, la mise en pratique d'une notion d'obéissance fort différente
de celle du « désert ».
C. AUTORITÉ RELIGIEUSE
ET AUTORITÉ HIÉRARCHIQUE
Pour déterminer
la valeur théologique de certaines conceptions passées ou présentes
de la fonction abbatiale, il est nécessaire de tenir compte également
de la réflexion théologique contemporaine. Or, nous devons au
Père J. M. R. Tillard, o.p., une étude très importante sur l'autorité
religieuse"
[93]
. Par une argumentation
théologique serrée, il établit qu'il faut distinguer, dans l'Eglise,
deux formes bien caractérisées d'autorité : l'autorité hiérarchique
et l'autorité religieuse. Au cours des siècles, ces deux formes
d'autorité se sont influencées l'une l'autre et se sont finalement
confondues, les relations des prêtres diocésains à l'égard de
leur évêque étant pratiquement assimilées à celles des religieux
à l'égard de leurs supérieurs, et l'autorité religieuse assumant
les formes juridiques de l'autorité hiérarchique. Quoi qu'il en
soit de l'évaluation théologique d'une telle évolution, ainsi
que de son caractère réversible ou irréversible, il reste que,
théologiquement, nous sommes en présence de deux formes bien différentes
d'autorité, qui se distinguent en fonction de la finalité propre
des deux types de société au sein desquelles elles s'exercent.
Car l'autorité n'a pas valeur d'absolu, elle est essentiellement
relative à une société ou, mieux, à une communauté. L'autorité
hiérarchique est un ministère au service de l'édification du Corps
du Christ, avant tout par la distribution des dons divins par
excellence, la Parole et les sacrements. « Qu'il soit évêque,
prêtre ou diacre, le ministre est le " sacrement humain "
à travers lequel Dieu lui-même agit hic et nunc en son
Peuple. Si, surtout dans la célébration communautaire du mémorial
du Seigneur, il a également une charge de " médiateur "
pour faire monter vers le Père la Prière, l'offrande, l'action
de grâce du Peuple tout entier, il se situe d'abord et essentiellement
dans le mouvement descendant qui va de Dieu aux hommes dans le
Christ. Même l'activité selon laquelle il " organise "
l'Église pour qu'elle soit capable de répondre à sa vocation dans
le monde se trouve saisie dans ce dynamisme de l'agapè
du Père
[94]
. » Cette autorité
hiérarchique est donc sacramentelle, et par son origine et par
la nature de son activité. Elle est une autorité à travers laquelle
Dieu lui-même conduit et vivifie son Peuple. « Elle s'enracine
dans une initiative divine, scellée par un sacrement, donc toujours
accompagnée d'un charisme proportionné, Dans le dessein divin,
c'est par elle que doit demeurer présente dans l'Eglise, jusqu'à
la Parousie, l'autorité du Seigneur Jésus
[95]
. » L'autorité
religieuse se situe à un tout autre plan. Et tout d'abord cela
ressort de la nature de la communauté religieuse - « La
communauté religieuse est une cellule de l'Église, et comme telle
il lui est radicalement impossible de se soustraire à l'autorité
hiérarchique. Car elle vit de la Parole et des sacrements. Elle
ne se donne donc pas un chef pour remplacer ou diminuer l'autorité
de ceux que le Seigneur lui-même a mis à la tête du troupeau.
D'ailleurs, elle n'est pas une société essentiellement hiérarchique,
essentiellement structurée par la relation pasteur-troupeau. Elle
est au contraire essentiellement une fraternité. A l'intérieur
du Peuple de Dieu, donc fabriquée elle aussi par le service des
chefs de celui-ci, mais en se situant d'emblée au plan de la communion
fraternelle qui définit l'Église en son être de mystère, elle
se veut en effet réponse à la poussée de l'Esprit dans le coeur
des baptisés. Comme une seconde instance du dynamisme de la grâce...
La communauté religieuse est la fraternité d'un petit groupe
de baptisés s'étant réunis pour trouver en commun, dans une forme
de vie dessinée par une certaine règle, cette éclosion de leur
être de grâce
[96]
. » Il y a là un
point de première importance à noter pour, la théologie de l'autorité
religieuse. La communauté religieuse est une communauté de croyants
vivant leur vie chrétienne sous la conduite de la hiérarchie.
Si, au sein de cette communauté une autre autorité surgit, ce
devra être une autorité différente de celle-ci et d'un autre ordre.
Cette autorité sera un service de la communion fraternelle, finalisé
et spécifié par cette communion, et n'ayant pour raison d'être
que celle-ci. C'est pourquoi, alors que l'autorité hiérarchique
se situe dans le mouvement descendant de la grâce du Père, l'autorité
religieuse se situe sur le plan horizontal de la communion fraternelle,
en vue du mouvement ascendant de la réponse à la grâce. La différence
essentielle entre les deux autorités suppose une différence d'origine.
L'autorité hiérarchique est sacramentelle. C'est-à-dire qu'elle
s'appuie sur un pouvoir et un charisme sacramentel que l'évêque
reçoit à sa consécration épiscopale. Il y a là une intervention
personnelle et directe du Père, signifiée sacramentellement par
l'Eglise dans un rite sacré, et qui distingue sacramentellement
l'élu des autres baptisés. Distinction qui devra normalement toujours
apparaître dans la célébration liturgique. Dans la communauté
religieuse, au contraire, rien ne distingue sacramentellement
le supérieur comme tel du reste de ses frères. Son autorité n'a
pas, en effet, une origine sacramentelle ; elle éclot sur l'égalité
foncière de tous les baptisés, tous frères dans le Christ. Cette
autorité, comme toute autorité sur terre, vient certes de Dieu,
mais elle est conférée au supérieur par l'intermédiaire de la
communauté. Celle-ci, par un vote libre, demande à un de ses membres
d'être son centre d'unité et son guide dans sa recherche et son
accomplissement de la volonté de Dieu. A ce choix de la communauté,
aucun sacrement ne vient s'ajouter. l'Église ne demande d'ordinaire
comme garantie de la sagesse du choix que l'approbation par une
autorité supérieure, qui n'est pas nécessairement une autorité
hiérarchique sacramentelle. Il est symptomatique
que ces conclusions du Père Tillard sur la nature de l'autorité
religieuse rejoignent exactement, par une autre voie, celles auxquelles
nous étions arrivés, indépendamment, par une étude du cénobitisme
oriental ancien.
D. QUELQUES EQUIVOQUES A DISSIPER
Avant de tirer
de cette étude historique et théologique des conclusions relatives
à la place de l'abbé dans la concélébration eucharistique, il
importe de s'entendre sur quelques termes et de dissiper quelques
équivoques possibles.
a)
Charisme et charisme.
La langue française
s'est enrichie à notre époque d'un beau néologisme qu'un usage
intempérant a malheureusement galvaudé. C'est le mot charisme.
Dans le Nouveau Testament, ce mot a souvent un sens très large
et peut désigner tous les dons de Dieu, à commencer par celui
de la vie divine dans le Christ (Rm 5, 15 ss). En ce sens, tout
chrétien est charismatique. D'autres charismes plus " spécialisés
» sont liés à l'accomplissement d'un rôle dans le peuple de Dieu.
Les plus importants de ces charismes sont ceux qui sont transmis
sacramentellement par l'imposition des mains (1 Tm 4, 14 ; 2 Tm
1, 6). Ils accompagnent nécessairement toute fonction hiérarchique.
La fonction de l'abbé n'appartient pas à cette catégorie de charismes
d'origine strictement sacramentelle. Outre ces charismes
de gouvernement, qui donnent aux dépositaires le droit de prescrire
et d'enseigner (1 Tm 4, 11) et que nul ne doit mépriser (1 Tm
4, 12), ont toujours existé dans l'Église d'autres charismes relatifs
non plus aux fonctions de ministère (apôtres, prophètes, docteurs,
évangélistes, pasteurs), mais concernant les diverses activités
de la communauté (service, enseignement, exhortation, discernement
des esprits.... etc.). C'est autour de quelques grands moines
possédant les charismes de cette deuxième catégorie que se groupèrent
les anachorètes au désert, pour se faire instruire et former.
De grands abbés cénobites purent jouir de tels charismes et les
exercer - tout comme plusieurs de leurs moines -, mais ce ne fut
pas cela qui spécifia leur fonction. Dans un ouvrage
récent, Jean Colson distingue deux genres de fonctions dans l'Eglise
: les premières, spécifiques ou de salut, comme
tout ce qui touche à la doctrine, à l'enseignement, au baptême
et au culte, et dont les ministres apparaissent dès l'origine
institués par le Christ lui-même ; les autres, regardant le gouvernement
communautaire, et qui se présentent à l'image de celles que connaissaient
les principaux milieux du judaïsme communautaire, et qui suscitent,
elles, leurs préposés
[97]
. Ce n'est qu'après quelques siècles qu'on distingua
clairement dans l'Eglise les charismes constituant ministres hiérarchiques
et ceux appartenant aux détenteurs des fonctions de la deuxième
catégorie. On comprend donc facilement que, dans la littérature
monastique des IVe et Ve siècles, cette distinction n'apparaisse
pas encore dans toute sa clarté et que l'on continue à y appliquer
à certains offices de la deuxième catégorie des titres ou des
qualificatifs qui conviennent plutôt aux premiers. L'équivoque
et l'erreur doctrinale commencent lorsque, dans la Regula Magistri
par exemple, on pousse à la limite l'application de certaines
de ces expressions (doctor, pastor ... ). Il serait
certainement erroné de vouloir revenir, de nos jours, à une imprécision
terminologique et doctrinale depuis longtemps dépassée.
b)
Sens de la « présidence ».
Pas d'Eucharistie
légitime qui ne soit faite en communion avec l'évêque. De plus,
il est normal, quoique non absolument nécessaire dans tous les
cas, qu'une célébration liturgique soit présidée par l'évêque
ou son représentant. Ce qui fait qu'une célébration revête un
caractère hiérarchique, ce n'est pas le simple fait que quelqu'un
y préside et que les participants y remplissent diverses fonctions.
Ainsi, lorsqu'un groupe de laïcs, moines ou non, célèbrent l'Office
divin, l'un d'eux - normalement le plus ancien - présidera. Il
n'y a en ce fait aucune manifestation du caractère hiérarchique
de l'Église et de la liturgie. La célébration revêtira ce caractère
hiérarchique lorsqu'elle sera présidée par un ministre sacré ayant
l'ordre sacré (reçu sacramentellement) correspondant à la fonction
qu'il exerce. Il préside alors non pas par désignation de l'assemblée,
mais Parce qu'il possède, en vertu de son ordination, un caractère
sacré qui lui permet de présider au nom du Christ. La présence
spéciale du Christ en lui se fonde sur son caractère sacramentel. On a fait remarquer
que la communauté monastique est un corps « hiérarchisé » qui
doit se manifester comme tel dans la liturgie. On a ajouté que,
puisque l'abbé préside au réfectoire et au chapitre, on ne voit
pas pourquoi il ne présiderait pas à l'église. Une lourde équivoque
se glisse sous ces propos. Lorsque les frères se réunissent pour
un exercice commun (chapitre, repas, etc.), les simples exigences
d'une vie commune harmonieuse requièrent que quelqu'un préside.
Ce sera tout normalement le plus ancien, et donc le supérieur
s'il est présent. Il n'y a en cela rien d'assimilable à la structure
hiérarchique de l'Église qui, elle, repose sur des différences
d'ordre sacramentel, sur des modes différents de participation
au sacerdoce du Christ. Il reste que
la communauté monastique est une cellule de l'Église. Sa célébration
de l'Eucharistie n'est légitime et valide que si elle est présidée
par l'évêque ou par un ministre dûment ordonné et en communion
avec son évêque. Là, et là uniquement, réside la manifestation
du caractère hiérarchique de la communauté monastique, dans sa
célébration eucharistique. Si un évêque
participe à une célébration liturgique, le caractère hiérarchique
de l'Église et de la liturgie demande que ce soit lui qui préside,
car il appartient à un ordre sacré supérieur. Mais s'il n'y a
que des prêtres à célébrer, rien du point de vue liturgique
et sacramentel n'indique que l'un plus que l'autre préside,
quelle que soit par ailleurs leur dignité respective ou leur fonction
dans la vie de la communauté. Nous avons bien dit que du point
de vue sacramentel et liturgique rien n'indique la
préférence de l'un sur l'autre. Il reste évidemment qu'il y a
une certaine convenance à ce que, plusieurs prêtres étant réunis,
le plus ancien ou celui qui a la direction de la vie spirituelle
du groupe préside. Cette convenance relève du respect et n'appartient
aucunement à l'ordre sacramentel. C'est pourquoi elle n'a rien
d'absolu, et doit donc céder devant d'autres exigences ou en raison
de certains inconvénients. Ainsi, il y a une convenance d'ordre
sacramentel et donc supérieure à ce que le président soit choisi
parmi ceux qui sont aptes à remplir leur fonction de façon à édifier
les participants. C'est pourquoi, si l'abbé, pour raison de santé
ou d'âge, ou simplement par défaut de voix, ne peut remplir convenablement
et noblement la fonction de président, il convient... qu'il
ne préside pas. Dans une communauté
où l'on concélèbre quotidiennement, il peut y avoir en pratique
de sérieux inconvénients, surtout d'ordre psychologique, à ce
que la même personne - fût-ce le supérieur - préside chaque jour
la concélébration. Devant cet inconvénient, doit certainement
céder la convenance qu'il y a à ce que le supérieur préside. Et,
dans ce cas, il n'y a pour celui-ci rien d'humiliant, ou de dégradant
à ce qu'il se range parmi les autres concélébrants.
c)
Et la juridiction?…
Nous arrivons
maintenant à l'une des questions les plus délicates en cette affaire.
On nous dira peut-être : d'accord ! nous acceptons votre histoire
et votre théologie ! mais il reste que, concrètement, les abbés
d'aujourd'hui sont prêtres et qu' ils ont juridiction sur
tous les membres de leur communauté, y compris les autres prêtres.
Comme tels, ne participent-ils pas à la fonction pastorale de
l'évêque ?... C'est certes là un argument de poids, qu'il importe
de bien étudier. Tout le problème
est de savoir quelle est la nature de cette juridiction. A-t-elle
quelque chose de sacramentel, ou ne crée-t-elle simplement qu'un
lien juridique ? Expliquons-nous. Avant Vatican
II, certains théologiens ou canonistes divisaient en deux catégories
les pouvoirs de l'évêque : le pouvoir de sanctifier par l'administration
des sacrements, conféré par le sacrement de l'Ordre et la consécration
épiscopale, d'une part, et, d'autre part, le pouvoir d'enseigner
provenant d'une juridiction reçue en dehors de la consécration
épiscopale. Dans cette perspective, la juridiction de l'abbé et
son pouvoir d'enseigner pouvaient fort bien être assimilés à ceux
de l'évêque. Mais une telle conception ne peut plus être retenue
comme valable après Vatican II La Constitution Lumen Gentium (no 21, § 2) distingue nettement entre la
charge ou fonction (munus)
épiscopale et les pouvoirs qui lui sont intrinsèques, d'une part,
et, d'autre part, l'exercice de cette fonction, qui exige
une détermination juridique ou canonique provenant de l'autorité
hiérarchique
[98]
. La fonction épiscopale d'enseigner
et de gouverner ne provient donc pas d'un acte spécial du Souverain
Pontife ; elle est conférée par la consécration épiscopale. En conséquence,
on peut dire, avec le Père J. Lécuyer, que " la juridiction
n'est pas un pouvoir proprement dit, mais un acte par lequel l'autorité
légitime détermine le domaine d'exercice de pouvoirs préexistants
[99]
". Il s'ensuit donc que : « La juridiction
peut être donnée à quelqu'un sans qu'aucune qualité nouvelle stable,
ontologique, lui soit conférée. Il en est ainsi dans les sociétés
naturelles ; il en est même ainsi manifestement dans l'Église
chaque fois que la juridiction est donnée à un laïc : au moment
de son investiture, celui qui est désigné comme chef demeure ce
qu'il était... ; il ne s'y ajoute rien que la conscience de sa
nouvelle responsabilité, et aussi, évidemment, les grâces actuelles
que Dieu dispense à tout homme pour l'exercice de ses devoirs
d'Etat... Il en va ainsi partout où n'intervient pas un sacrement"
[100]
. » L'abbé actuel
est un moine qui, en plus de sa fonction propre qui est d'être
le centre de communion d'une fraternité et le guide de celle-ci
dans sa recherche du Seigneur, reçoit du droit ecclésiastique
actuel la fonction d'exercer sur les membres de sa fraternité
les pouvoirs d'enseignement et de gouvernement du Peuple de Dieu,
qu'il a en commun avec tous ses prêtres. Ses pouvoirs demeurent
ceux du sacerdoce de second ordre, essentiellement différents
de ceux de l'évêque, successeur des Apôtres. A ce point
de vue aussi, il y a une certaine convenance à ce que, tout étant
égal par ailleurs, le supérieur préside à la concélébration des
prêtres sur qui il a juridiction. Il s'agit d'une simple convenance,
et non pas d'une exigence comme c'est le cas pour l'évêque. Et
cette convenance peut être contrebalancée par certains inconvénients
ou par une convenance opposée, d'ordre sacramentel.
CONCLUSION.
Une enquête
positive dans la tradition et une réflexion théologique fondée
sur les notions d'Eglise et de communauté nous ont conduit à des
conclusions singulièrement convergentes. Une communauté
monastique cénobitique est constituée de chrétiens qui se sont
réunis pour vivre dans la communion fraternelle les réalités fondamentales
de la vie chrétienne. En tant que chrétiens, ils demeurent toujours
sous l'autorité et la sollicitude pastorale de la hiérarchie ecclésiastique.
Si, en leur sein, ils se choisissent un supérieur, ce ne sera
certes pas pour supplanter la hiérarchie ecclésiastique mise par
le Christ à la tête de l'Église. Ce sera pour coordonner leurs
efforts en vue de la recherche et de l'accomplissement de la volonté
de Dieu. Il y a là deux autorités distinctes, l'une d'ordre sacramentel
et d'institution divine, l'autre se situant au niveau de la fraternité. L'Orient a
connu une tradition cénobitique assez constante malgré les diverses
formes qu'elle revêtit, où cet équilibre théologique était parfaitement
conservé. Cette tradition n'a malheureusement pas passé en Occident.
Le cénobitisme occidental est né de la transposition, dans un
cadre de vie commune, des coutumes et de la spiritualité des milieux
semi-anachorétiques d'Egypte. En conséquence, la fonction dévolue
à l'abbé en Occident apparaît comme le fruit de la transformation
en institution permanente d'un lien temporaire de sa nature, celui
de maître à disciple. Et à ce lien s'est greffé le rôle de père
spirituel. Au sein de
cette tradition occidentale, sur l'origine de laquelle pesaient
bien quelques équivoques, une tendance s'est manifestée à assimiler
la fonction de l'abbé dans son monastère à celle de l'évêque dans
son diocèse. Cette tendance qui fut poussée à l'extrême limite
dans la Regula Magistri
ne peut se réclamer de la tradition monastique ancienne et ne
saurait guère se défendre du point de vue théologique. La Regula
Benedicti l'a d'ailleurs ramenée à des proportions plus acceptables. De nos jours,
l'abbé est pratiquement toujours prêtre et, de plus, il a juridiction.
Celle-ci ne lui ajoute toutefois rien dans l'ordre sacramentel
; il demeure prêtre de « second ordre ». Contrairement à ce qui
en est pour l'évêque, il n'y a aucune exigence à ce que, dans une concélébration
des membres de sa communauté, il soit le président, sa supériorité
n'étant pas d'ordre sacramentel. Par ailleurs,
du fait qu'il est le père de sa communauté, et aussi du fait qu'il
a juridiction sur les membres de celleci, y compris les prêtres,
il peut y avoir une certaine
convenance à ce que, tout étant égal par ailleurs, il préside
la concélébration eucharistique. Cette convenance doit toutefois
céder le pas devant d'autres convenances d'ordre supérieur, ou
devant certains inconvénients. Et pratiquement, dans des communautés
où l'on concélèbre quotidiennement, il y aura toujours un inconvénient
- au moins d'ordre psychologique - à ce que ce soit toujours la
même personne qui préside. En pratique,
il semble qu'il y aurait quelque convenance à ce que l'abbé préside
la concélébration lors des grandes fêtes ou des moments les plus
significatifs de la vie de la communauté. A part cela, il serait
préférable qu'il laisse présider, à tour de rôle, tous les prêtres
de la communauté capables de le faire dignement. Il n'y a, par
ailleurs, pas la moindre inconvenance
à ce que l'abbé se range parmi les autres concélébrants lorsqu'il
ne préside pas. Puisqu'il est, comme tous les autres, un sacerdos secundi ordinis, il n'y a en cela aucune « dégradation »,
aucune humiliation (et donc aussi rien qui soit particulièrement
digne de mention). On pourrait même dire que s'il ne concélèbre
pas, c'est alors qu'il ne respecte plus son rang. Dans toute
célébration liturgique le rôle du président est unique, puisque
celui-ci représente le Christ d'une façon toute spéciale. C'est
pourquoi nous sommes plutôt réticents devant la coutume d'avoir
en quelque sorte deux présidents, l'abbé se réservant le rôle
de président mais « déléguant » certaines de ses fonctions à l'hebdomadier.
Bien qu'une théologie mieux élaborée de la concélébration puisse
encore apporter des précisions sur le sens exact de la fonction
de président, il nous semble que celui-ci doit demeurer unique.
Et n'y aurait-il pas dans cette solution un reste de cette tendance
médiévale à assimiler l'abbé à l'évêque ? Sans compter que si
cela se fait dans le but de « faire plaisir » ou de « mettre en
relief le simple religieux », comme le suggèrent certaines réponses
au questionnaire, on détourne de leur finalité les fonctions liturgiques.
Au terme de
la lecture de ces notes, le lecteur se dira peut-être que l'auteur
a soulevé plus de problèmes qu'il n'en a résolus. C'est bien aussi l'avis de ce
dernier. Il aura atteint son but si cette étude suscite un nouvel
effort de réflexion sur ces questions qui touchent aux réalités
les plus fondamentales de la vie cénobitique.
Avent 1967. Mistassini; Canada..
Armand VEILLEUX
[1] in Supplément de la Vie Spìrituelle, nº 86, sept. 1968, 351-393; idem in Liturgie (o.c.s.o.) nº 7, juillet 1968, p. 13-60. English translation in Monastic Studies, nº 6, 1968, 3-45.
[1]
M.-D. CHENU, La théologie de l'Eglise dans son histoire. A partir d'un beau livre,
dans La Vie Spirituelle,
février, 1967, pp. 203-217 ; voir à la p. 204.
[2]
Une telle systématisation était autrefois
courante. Voir par exemple W. BOUSSET, Das
Mönchtum der asketischen Wüste,
dans Zeitschrift für Kirchengeschichte
42 (1923), pp. 1-41 ou, un peu plus récemment, W. HENGSTENBERG,
Bemerkungen zur Entwicklungsgeschichte des
ägyptischen Mönchtums, dans Bulletin
de l'Institut archéologique bulgare 9 (1935), pp. 355-362.
[3]
Comme exemple de cette position traditionnelle,
voir J. VERGOTE, l'Egypte,
berceau du monachisme chrétien, dans Chronique
d'Égypte 34 (1942), pp. 329-345.
[4]
Cf. J. GRIBOMONT, L'influence du monachisme
oriental sur Sulpice Sévère, dans Saint Martin et son temps
(Studia Anselmiana 46), Rome 1961, p. 136; ibid., Le monachisme
au sein de l'Eglise en Syrie et en Cappadoce, dans Studia
Monastica 7 (1965), p. 7.
[5]
Sur cette problématique, voir A. ADAM, Grundbegriffe des Mönchtums in sprachlicher
Sicht dans Zeitschrift
für Kirchengeschichte 65 (1953-1954), pp. 209-239; E. BECK,
Asketentum and Mönchtum bei Ephräm, dans
Il monachesimo orientale
(Orientalia Christiana Analecta 153), Rome,
1958, pp.341-362 ; ibid.,
Ein Beitrag zur Terminologie des ältesten syrischen
Mönchtums dans B. STEIDLE, Antonius
Magnas Eremita (Studia
Anselmiana 38), Rome, 1956, pp. 254-267; G. KRETSCHMAR,
Ein Beitrag zur Frage nach dent Ursprung frühchristlicher Askese,
dans Zeitschrift für Theologie
und Kirche 61 (1964), pp. 27-67.
[6]
Nous pensons surtout à la thèse de Dom Adalbert
de Vogüé, sur laquelle nous reviendrons plus loin.
[7]
Dans la suite nous renverrons plus d'une fois
à l'ouvrage fondamental de A. VÖÖBUS, History
of Asceticism in the Syrian Orient.
A contribution to the History of Culture in the Near East, t. I. The Origin of asceticism. Early
monasticism in Persia,
t. II Early monasticism in Mesopotamia and Syria
(Corpus Scriptorum Christianorum Orientalium 184 et 197
; Subsidia 14 et 17), Louvain, 1958 et 1960.
[8]
J. GRIBOMONT, Le monachisme au sein de l'Eglise en Syrie et en Cappadoce, dans Studia Monastica 7 (1965), pp. 7-24; surtout
pp. 12-16.
[9]
Ibid.,
pp. 18-24. Voir aussi les intéressantes notes de M. Aubineau
dans GRÉGOIRE DE NYSSE, Traité de la Virginité, Introduction,
texte critique, traduction, commentaire et index de Michel Aubineau
; coll. « Sources chrétiennes », n° 119, Ed. du Cerf, Paris,
1966, pp. 534-541.
[10]
Cf. A. VEILLEUX, La liturgie dans le cénobitisme pachômien au IVe siècle,
thèse polycopiée, Rome, 1967, pp. 214-217. (Cet ouvrage sera
bientôt publié dans la série Studia
Anselmiana.)
[11]
L'Evangile selon les Egyptiens, écrit à tendances
encratiques assez poussées, est cité plus d'une fois, par exemple,
dans les Stromates
de Clément d'Alexandrie : Stromates
III, 6, 45 ; III, 13, 92. Ces fragments ont été réunis par E. PREUSCHEN dans Die Reste der ausserkannonischen Evangelien
und urchistlichen Ueberlieferungen, Giessen 19052,
pp. 2-3. Voir
aussi M. RONCAGLIA, Histoire
de l'Eglise copte, t. I
Les Origines du christianisme en Egypte : du Judéo-christianisme au
christianisme hellénistique
(Ier et IIe siècles), Dar Al-Kalima, 1966, pp. 65-109. On
sait que G. Quispel a émis l'hypothèse que la source encratique
de l'Evangile selon Thomas s'identifierait avec l'Evangile des
Égyptiens. De toute façon, selon le même auteur, c'est à Alexandrie
qu'il faut chercher le fond judéo-chrétien et l'arrière-fond
d'un judaïsme hellénistique que présuppose la source encratique
de « Thomas ». Cf. G. QUISPEL, L'Evangile
selon Thomas et les origines de
l'ascèse chrétienne, dans Aspects
du judéo-christianisme. (Colloque
de Strasbourg, 23-25 avril 1964), Paris, 1965, pp. 48-49.
[12]
Cf. A. Vööbus, ouvrage cité à la note 7, t.
I, pp. 97-103 et t. II, pp. 331-342. Ibid., The Institution of the Benai Qeiama and Benat Qeiama in the ancient Syrian Church, dans Church History 30 (1961), pp. 19-27. Voir
aussi, sur cette question, les ouvrages cités par Dom J. Gribomont,
dans l'article cité ci-dessus (note 8), ou encore P. NAGEL,
Zum Problem der Bundessähne bei Afrahat, dans Forschungen und
Forschritte 36 (1963), pp. 152-154, ou plus récemment, ibid.,
Die Motivierung des Askese in der alten Kirche and der Ursprung
des Mönchtums (Texte und Untersuchungen 95), Berlin, 1966, pp.
41-44. Ce dernier
auteur suggère une nouvelle interprétation du mot q²iâmâ; il
faudrait traduire non par fils du pacte, mais par fils de la
résurrection.
[13]
Article cité ci-dessus (note 8), p. 17.
[14]
Cf. A. VÖÖBUS, Sur le développement de la phase cénobitique et les réactions dans l'ancien
monachisme syriaque, dans Recherches
de science religieuse 47 (1959), pp. 401-407. Vööbus a tenté
de retracer la physionomie de cet ascétisme primitif, à partir
des oeuvres d'Éphrem; cf. Le reflet du monachisme primitif dans les écrits
d'Éphrem le Syrien, dans Orient
Syrien 4 (1959), pp. 290-306.
[15]
E. BECK, Asketentum
und Mönchtum bei Éphrem, dans Il
monachesimo orientale (Orientalia
Christiana Analecta 153), Rome, 1958, pp. 341-362 (traduction
française . Ascétisme ot monachisme chez S. Éphrem,
dans Orient Syrien
3 (1958), pp. 275-298).
[16]
Cela apparaît clairement dans la différence
que l'on constate entre les vingt-quatre premiers chants des
Carmina Nisibena d'Ephrem (racontant la
période nisibienne) et les chants suivants (se rapportant à
la période d'Edesse). E. Beck en a donné une édition critique:
Des Heiligen Ephraem des Syrers Carmina Nisibena (erster Teil), (Corpus Scriptorum Christianorum Orientalium 268-269), Louvain, 1961.
[17]
Article cité ci-dessus (note 8), p. 17.
[18]
O. HENDRIKS, L'activité apostolique des premiers moines syriens, dans Proche
Orient chrétien 8 (1958), pp. 3-25.
[19]
Voir toutefois les deux excellentes études
de J. GRIBOMONT : Le monachisme au IV' siècle en Asie Mineure
: de Gangres au messalianisme, dans Studia Patristica II (Texte
und Untersuchungen 64), Berlin, 1957, pp. 400-415, et Eustathe
le philosophe et les voyages du jeune Basile de Césarée, dans
Revue d'Histoire Ecclésiastique 54 (1959), pp. 115-124.
[20]
J. GRIBOMONT, Histoire do texte des Ascétiques
de saint Basile (Bibliothèque du Muséon 32), Louvain, 1953.
[21]
Edition W. JAEGER et al., Gregorii Nysseni opera,
t. VIII-1, Opera ascetica, Leyde, 1952. Voir J. DANIÉLOU,
Saint Grégoire de Nysse dans l'histoire du monachisme, dans
Théologie de la Vie monastique (Théologie 49), Ligugé, 1961,
pp. 131-141.
[22]
Article cité ci-dessus (note 8), p. 21. Cf.
aussi J. GRIBOMONT, Obéissance et Évangile selon saint Basile
le Grand, dans Supplément de La Vie Spirituelle, n° 21, 15 mai
1952, pp. 192-215.
[23]
J. GRIBOMONT, Saint Basile, dans Théologie de
La Vie monastique, (Théologie 49), Ligugé, 1961, p. 109.
[24]
Nous ne pouvons que résumer ici très brièvement ce que nous avons longuement
développé dans l'ouvrage cité ci-dessus (note 10) ; voir surtout
les pages 181-188.
[25]
Dom Jean Gribomont a bien démontré ce point. Outre ses études sur Basile déjà
citées, voir : Les Règles Morales de saint Basile et le Nouveau
Testament, dans Studia Patristica, Il (Texte und Untersuchungen
64), Berlin, 1957, pp. 416-426.
[26]
C'est ce qui explique l'absence chez Pachôme de la conception - si répandue
par la suite - de la vie monastique ou de la profession monastique
comme un « second baptême ».
[27]
Epistola Theodori de Pascha dans A. BOON,
Pachomiana latina (Bibliothèque de la Revue d'Histoire ecclésiastique
7), Louvain, 1932, p. 105, 15 ci. Liber Orsiesii 12, ibid.,
p. 116, 18 : « Qui primus instituit coenobia... » Sur l'idéal
de la Koinonia comme note propre et distinctive du cénobitisme
pachômien, voir H. BACHT , Antonius and Pachomius. Von der Anachorese
zum Cönobitentum, dans B. STEIDLE, Antonius Magnus Eremita (Studia
Anselmiana 38), Rome, 1956, pp. 66-107, ibid., Pakhôme et ses
disciples, dans Théologie de la Vie monastique (Théologie 49),
Ligugé, 1961, pp, 39-71 ; P. TAMBURRINO, Koinonia. Die Beziehung « Monasterium » " Kirche " im frühen pachomianischen
Mönchtum, dans Erbe and Auftrag 43 (1967), -Pp- 5-21.
[28]
2e Catéchèse de Théodore, dans L.-T. LEFORT,
Oeuvres de saint Pachôme et de ses disciples (Corpus Scriptorum
Christianorum Orientalium 160), Louvain, 1956, pp. 38, 15 ss.
[29]
Vie bohaïrique de saint Pachôme, § 194, dans L.-T. LEFORT, Les Vies coptes
de saint Pachôme et de sas premiers successeurs (Bibliothèque
du Muséon 16), Louvain, 1943, p. 212 (S3b, ibid.,
pp. 337 ss).
[30]
C'est, à notre connaissance, un moine protestant
qui a le mieux exprimé la nature spécifique du cénobitisme pachômien,
en le distinguant des groupements d'anachorètes : P.-Y. EmERY,
L'engagement cénobitique, forme particulière et concrète de
disponibilité, dans Verbum Caro 10 (1956), p. 146.
[31]
Praecepta, n' 49, dans A. BOON, Pachomiana latina...,
pp. 25-26.
[32]
Ceci n'est pas propre à Pachôme. « Les textes
d'Actes IV, 32, et II, 42-47, écrit le P. Congar, dominent et
inspirent toutes les institutions ou réformes de la vie religieuse
» ; (cf. Quod omnes tangit, ab omnibus tractari et approbari
debet, dans Revue historique de droit français et étranger 36
(1958), pp. 228-229. Cf. aussi M.-H. VICAIRE, L'imitation des
apôtres. Moines, chanoines, mendiants (IVe -XIIIe siècles),
(Tradition et spiritualité 2), Paris, 1963. Sur l'unanimité
: Act. 11, 46) des disciples du Christ, voir H. ZIMMERMANN,
Die Sammelberichte der Apostelgeschichte, dans Biblische Zeitschrift
5 (1961), pp. 71-82 ; L. S. THORNTON, The Common Life in the
Body of Christ, Londres, 1963.
[33]
Sur la conception pachômienne du supériorat comme service, quelques textes
ont été recueillis et savoureusement commentés par le P. 1.
Hausherr, dans Théologie de la volonté de Dieu et obéissance
chrétienne (Revue d'ascétique et de mystique 42, 1966), pp.
149-152.
[34]
S10,
P. 26, 20-24 (Am 553) ; cf. SBo 47; Gl 51. Voir aussi Am 398 ; SBo 61 ; Gl 64. De même
Horsièse, dans son Testament, défendra sévèrement aux supérieurs
de s'attribuer des privilèges : Liber Orsiesii 22, pp. 123-124.
[35]
Gl 24. Ce paragraphe est cependant propre à la vie grecque.
[36]
S7, p. 49, 1-5 (S3, p. 76, 13-16).
[37]
C'est presque uniquement cette fonction du «
père charismatique » au désert qui a été étudiée dans les ouvrages
suivants sur l'abbé et l'abbatiat : L. DÜRR, Heilige Vaterschaft
im antiken Orient. Ein
Beitrag zur Geschicbte der Idee des « Abbas », dans Heilige
Ueberlieferung, Festgabe 1. Herwegen, Münster i. W., 1938, pp. 1-20 ; J. DUPONT, Le
nom d'abbé chez les solitaires d'Égypte, dans La Vie Spirituelle
77, août-sept. 1947, pp. 216-230 ; I. HAUSHERR, Direction spirituelle
en Orient autrefois, Rome, 1955 ; B. STEIDLE, « Homo Dei Antonius
». Zum Bild des « Mannes Gottes » im alten Mönchtum, dans Antonius
Magnus Eremita (Studia Anselmiana 38), Rome, 1956, pp. 148-200
; F. VON LILIENFELD, Anthropos Pneumaticos. Pater Pneumatophoros
: Neues Testament und Apophthegmata Patrum, dans Studia Patristica
V (Texte und Untersuchungen 80), Berlin, 1962, pp. 382-392 ;
H. VAN CRANENBURGH, De plaats van de « abbas » als geestelijke
vader in het oude monachisme, dans Tijdschrift voor geestelijk
leven 20 (1964), pp. 460-480.
[38]
Cf. J. GRIBOMONT, article Evagre le Politique, dans Dictionnaire de spiritualité,
IV/2 (1961), col. 1732 ; F. REFOULÉ, La mystique d'Evagre et
l'origénisme, dans Supplément de La Vie Spirituelle, n° 66,
sept. 1965, pp. 453-463.
[39]
Cf. G. BARDY, article Didascale, dans Catholicisme, 111 (1952), col. 749.
[40]
Cf. 1 Tm 2, 7 ; 2 Tm 1, 11 ; Eph 4, 1l ; 1 Co 12, 28.
[41]
Voir les références données par G. Bardy dans l'article cité à la note 39.
[42]
Sur l'école d'Alexandrie, voir G. BARDY, article Alexandrie, dans catholicisme,
1 (1948), col. 311.
[43]
Cf. H. CROUZEL, Origène, précurseur du monachisme, dans Théologie de la Vie
monastique (Théologie 49), Ligugé, 1961, pp. 18-20.
[44]
Ibid., p. 21. La même chose se passait ailleurs qu'à Alexandrie. Par exemple,
jean Chrysostome et Théodore de Mopsueste firent partie d'un
groupe semblable de disciples réunis autour de Théodore de Tarse
; cf. J. DANlÉLOU, La direction spirituelle dans la tradition
ancienne de l'Eglise, dans Christus, n° 25, 7 (1960), pp. 7-8.
[45]
Cf. 1. AUF DER MAUR, Mönchtum und GIaubensverkündigung in den Schriften des
hl. Johannes Chrysostomus
(Paradosis 14), Fribourg, 1959, surtout pp. 105-141.
[46]
Cf. A.-J. FESTUGIÈRE, Antioche païenne et chrétienne, Paris, 1959, pp. 183-192.
[47]
H. Bacht a fait quelques réflexions pertinentes sur la différence entre cette obéissance de l'ermite et celle du cénobite,
dans son article : L'importance de l'idéal monastique de saint
Pachôme pour l'histoire du monachisme chrétien, dans Revue d'ascétique
et de mystique 26 (1950), p. 321.
[48]
Stromates, I, 1, 1 ; trad. Mondésert-Caster, coll. « Sources chrétiennes »,
n° 30, p. 44. Sur ce vocabulaire et sur la fonction du catéchète
ou didascale, voir A. TURCK Catéchein et catéchésis chez les
premiers Pères, dans Revue des Sciences philosophiques et théologiques
47 (1962), pp. 361-372, surtout P. 369.
[49]
Pour une bibliographie sur le sujet, voir H. BACHT, Mönchtum und Kirche. Eine Studie zur Spiritualität des Pachomius,
dans J. DANIÉLOU et H. VORGRIMLER, Sentire Ecclesiam, Das Bewusstsein
von der Kirche als gestaltende Kraft der Frömmigkeit, Fribourg
en Br., 1961, pp. 113-114.
[50]
Voir quelques excellentes indications à ce sujet dans L. UEDING, Die Kanones
von Chalkedon in ihrer Bedeutung für Mönchtum und Klerus, dans
A. GRILLMEIER et H. BACHT, Das Konzil von Chalkedon. Geschichte
und Gegenwart, 11, Würzburg, 1953, surtout la section 1 : Hierarchie
und Mönchtum bis zum Konzil von Chalkedon, pp. 570-600.
[51]
Cf. L. UEDING, Geschichte der Klostergrundungen der früher Merovin-gerzeit,
Berlin, 1935, ou, quoique plus sommaire, G. LUFF, A survey Of
primitive Monasticism in Central Gaul, 350-700, dans Downside
Review (1952), pp. 180-203.
[52]
D'excellentes études ont été réunies dans : Saint Martin et son temps (Studia
Anselmiana 46), Rome, 1961.
[53]
Cf. G. FOLLIET, Des moines euchites à Carthage en 400-401, dans Studia Patristica,
Il (Texte und Untersuchungen 64), Berlin, 1957, pp. 386-399.
[54]
Cf. A. ZUMKELLER, Das Mönchtum des heiligen Augustinus (Cassiciacum 11), Würzburg
1950; T. VAN BAVEL, De spiritualiteit van de Regel van Augustinus,
dans Tijdschrift voor geestelijk leven 22 (1966), pp. 347-367.
[55]
Inst., Préf., 4 ; éd. Guy, pp. 24-26. Pour une notice biographique sur Cassien,
on voudra bien se reporter à M. CAPPUYNS, article « Cassien
(jean) » du Dictionnaire d'histoire et de géographie ecclésiastique,
Xl (1949), col. 1319-1348 ; 0. CHADWICK, John Cassian, a Study
in Primitive Monasticism, Cambridge, 1950 ; J.-C. GUY, Jean
Cassien, Via et doctrine spirituelle (Recherche et synthèse
9), Paris, 1961, pp. 11-62. On trouvera une bibliographie très
étendue sur Cassien (jusqu'en 1961), dans H. 0. WEBER, Die Stellung des Johannes Cassianus zur ausserpachomianischen
Mönchstradition. Eine Quellenuntersuchung, Münster i. W., 1961.
[56]
Cf. E. PICHERY, Conférences, t. I, coll. « Sources chrétiennes » n° 42 Paris,
1955, p. 21 : « Cassien se regardait comme le représentant autorisé
de la tradition et aussi de la pensée de tout l'Orient chrétien.
»
[57]
Voici ce que dit un des meilleurs connaisseurs de Cassien, O.CHADWICK,
John Cassian..., p. 49 : “ Cassian was not reporting faithfully
the Egyptian or Syrian scene, but was chosing and sifting and
interpreting the traditions of the cast to create a body of
institutes suitable - to Gaul. “ Voir également J.-C. GUY, Jean
Cassien, historien du. monachisme égyptien ? dans Studia Patristica,
VIII (Texte und Untersuchungen 93), Berlin, 1966, pp. 363-372.
D'ailleurs, lorsque
Cassien écrivit son premier ouvrage, les Institutions, il avait
quitté l'Egypte depuis près de vingt ans, et avouait lui-même
ne pas se fier à sa mémoire (Inst., Préf., 4 ; éd. Guy, pp.
24-26).
[58]
Sur tout cet aspect de l'œuvre de Cassien, voir l'excellent article de M.
CAPPUYNS cité ci-dessus (note 55).
[59]
Inst., XII, 19; éd. Guy, p. 478.
[60]
Inst., Préf., 7 ; éd. Guy, p. 28.
[61]
J. LEROY, Les préfaces des écrits monastiques de jean Cassien, dans Revue
d'ascétique et de mystique 42 (1966), pp. 157-180.
[62]
J. LEROY, Le cénobitisme chez Cassien, dans Revue d'ascétique et de mystique
43 (1967), pp. 121-158.
[63]
A. DE VOGÜÉ, Monachisme et Eglise dans la pensée de Cassien, dans Théologie
de la Vie monastique (Théologie 49), Ligugé, 1961, pp. 238-239.
[64]
A. DE VOGÜÉ, La communauté et l’abbé dans la Règle de saint Benoît, Desclée
de Brouwer, 1960, p. 159.
[65]
A. DE VOGÜÉ, Monachisme et Église (art. cité à la note 63), p. 236.
[66]
Ibid.
[67]
A. DE VOGÜÉ, La communauté et l'abbé...
; surtout les pp. 129-144 et la conclusion : pp. 528-538
[68]
A. DE VOGÜÉ, Le monastère, Église du Christ, dans B. STEIDLE, Commentationes
in Regulam S. Benedicti (Studia Anselmiana 42),
Rome, 1957, pp. 25-46.
[69] Le Maître a un véritable instinct de logique, qu'il sait pousser jusqu'à l'absolu. Cf. A. DE VOGÜÉ, La communauté et l'abbé..., p. 512.
[71]
Ibid., p. 134
[72]
Cf. A. DE VOGÜÉ, dans son introduction à La
Règle du Maître, t. I, coll. « Sources chrétiennes », n°
105, Paris, 1964, pp. 109-111. Voir aussi sa note L'origine
du pouvoir des abbés selon la Règle du Maître, dans
Supplément de La Vie Spirituelle, n° 70, sept. 1964,
pp. 321-324.
[73]
Ibid., La Règle
du Maître, t. I, pp. 113-115. Le P. Pio TAMBURRINO, d'accord
avec Dom de Vogüé pour l'essentiel, a apporté un certain nombre
de nuances et de précisions dans La Regula Magistri e l'origine
del potere abbaziale, dans Collectanea Cisterciensa
28 (1966), pp. l60-l73.
[74]
La dépendance de la Regula Benedicti
à l'égard de la Regula Magistri s'impose de plus en plus
aux historiens, même si elle ne peut être apodictiquement prouvée.
[75]
Ceci a été excellement démontré par Dom de Vogüé,
dans La communauté et l'abbé..., pp. 438-503.
[76]
Ibid., pp. 76-77
[77]
L. BOUYER, Retour aux sources et archéologisme,
dans Le message des moines à notre temps Paris,
1958, p. 171.
[78]
A. DE VOGÜÉ, La communauté et l'abbé.., p. 176.
[79]
Ibid., p. 288.
[80] Ibid., p. 143.
[81]
B. STEIDLE, Die Regel St. Benedikts,
Beuron, 19,52. Voir aussi ses nombreux articles dans Erbe
und Auftrag (autrefois Benediktinische Monatschrift).
[82]
A DE VOGÜÉ, La communauté et l'abbé...,
p. 27.
[83]
Ibid.,. pp. 25-26.
[84]
1 84. Beaucoup de confusions sont nées du fait
qu'on n'a pas suffisamment remarqué que Cassien distingue nettement
les Tabennésiotes (qui habitent la Thébaïde) des Egyptiens (par
exemple : Apud Aegyptos enim uel maxime Tabennesiotas...
: Inst., IV, 17 ; éd. Guy, p. 144). Cette distinction
entre Egyptiens et « Thébaïdiens » ne doit pas surprendre ;
elle correspond au système politique de l'Egypte d'alors. Au
moment de l'annexion de l'Egypte à l'empire romain par Auguste,
elle fut divisée en trois « épistragies » : le Delta ou l'Egypte
proprement dite, l'Etanomide et la Thébaïde (cf. J. G. MILNE,
A History of Egypt under Roman Rule, Londres, 1924, pp.
124). Lors de la réorganisation effectuée par Dioclétien, après
celle de Septime Sévère, le pays demeura divisé en trois provinces
distinctes correspondant aux trois épistragies d'Auguste (cf.
M. GELZER, Studien zur byzantinischen Verwaltung Aegyptens,
Leipzig, 1909, p.5). Quant à Alexandrie, ville artificielle,
de langue et de culture grecque, elle était en quelque sorte
« hors d'Egypte ».
[85]
85. R. Draguer a déjà démontré, il y a plusieurs
années que, dans ses chapitres sur les Tabennésiotes, Pallade
ne fait qu'utiliser un document préexistant ou un moine copte
attribue aux Pachômiens les coutumes des anachorètes de Basse-Egypte
(cf. R. DRAGUET, Le Chapitre de HL sur les Tabennésiotes
dérive-t-il d'une source copte? dans Le Muséon 57
(1944), pp. 53-145 et 58 (1945), pp. 15-95. Il est donc étonnant
que Dom A. de Vogüé continue de croire que la Règle de l'Ange
contenue dans le ch. 32 provient des « Pachômiens de la deuxième
génération » (cf. A. DE VOGÜE, Le sens de l'Office divin
d'après la Règle de S. Benoît, I, dans Revue d'ascétique
et de mystique 42 (1966), p. 393, note 16). C'est sans doute
qu'il considère que Pallade, en ces chapitres, dépend des Vies
tardives de Pachôme en langue grecque. (Cf. A. DE VOGÜE, Monachisme
et Eglise dans la pensée de Cassien, dans Théologie de
la Vie monastique (Théologie 49), 1961, p. 217.)
Mais dès 1930, F. Halkin, l'éditeur des Vies grecques de saint
Pachôme, avait démontré que ces Vies grecques tardives qui ont
intégré la Règle de l'Ange dépendent de l'Histoire Lausiaque,
et non l'inverse (cf. F. HALKIN, L'Histoire Lausiaque et
les vies grecques de S. Pachôme, dans Analecta Bollandiana
48 (1930), pp. 257-301). D'ailleurs ces Vies grecques tardives
sont des adaptations faites hors d'Egypte.
[86]
Les quelques récits communs aux recueils d'apophthegmes
et aux Vies tardives de Pachôme ont plus probablement été empruntés
aux premiers par les secondes.
[87]
A. DE VOGÜE, La communauté et l'abbé...,
p. 534, note 1 et p. 326.
[88]
Cf. C. BUTLER, Benedictine Monachism, Oxford, 1919.
[89]
A. DE
VOGÜÉ, La communauté et l'abbé..., p. 25.
[91]
Cf. Kirchengeschichtliche Quellen
und Studien 5, St-Ottilien, 1961.
[92]
H. BACHT, Der abt als Stellvertreter Christi.
Die Stellung des Abtes im christlichen Altertum im
Lichte neuerer Forschung, dans Scholastik 39 (1964), pp.
402-407.
[93]
J. M. R. TILLARD, Autorité et vie religieuse,
dans Nouvelle Revue théologique 88 (1966), pp. 786-806.
[94]
Ibid., p. 789.
[95]
Ibid., P. 790.
[96]
. ibid.
[97]
J. COLSON, Ministres de Jésus-Christ ou le
Sacerdoce de l'Evangile. Etudes sur la condition sacerdotale
des ministres chrétiens dans l'Eglise primitive (Théologie
historique 4), Beauchesne, 1966.
[98]
J. LÉCUYER, L'épiscopat comme sacrement, dans G. BARAÚNA et coll., L'Eglise de Vatican II, t. III (Unam Sanctam
51 c), pp. 754 ss.
[100]
J. LÉCUYER, La triple charge de l'évêque,
ibid., p. 907. |
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