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25 décembre 2019 – Messe du Jour
Is 52,7-10 ; He 1,1-16 ; Jean 1, 1-18
H o m é l i e
Jésus de Nazareth est un migrant, fils de migrant.
L’un des titres qu’on lui donnait dans la littérature
chrétienne des premiers siècles est précisément celui d’Étranger. Il est
l’Étranger par excellence. Il est même étranger chez lui, car, comme le dit le
Prologue de l’Évangile de Jean, Il est venu chez les siens et les siens ne
l’ont pas reconnu.
Et, si l’on y porte quelque peu attention, on est surpris
du nombre de migrations mentionnées dans les premiers chapitres de l’Évangile
de Luc.
À peine enceinte de Jésus, Marie quitte sa Galilée et
traverse en toute hâte les montagnes de Judée pour aller visiter sa cousine
Élisabeth, enceinte de six mois, puis elle retourne en Galilée. Quelque mois
plus tard, déjà enceinte elle-même de plusieurs mois, elle doit traverser de
nouveau ces mêmes montagnes pour se rendre à Bethlehem en Judée, afin de
répondre aux caprices de l’Empereur romain qui voulait faire un recensement de
son royaume et qui voulait que tout le monde aille se faire inscrire dans la
ville de ses ancêtres.
À peine né Jésus doit fuit en Égypte avec ses parents
pour éviter de se faire tuer par le vieux roi paranoïaque, Hérode. Lorsque
Joseph revient en Judée avec sa famille, après la mort d’Hérode, il doit
s’enfuir en Galilée car Archélaos, le fils d’Hérode, est plus dangereux que son père. Chacune de ces migrations est donc causée par le
caprice ou la méchanceté d’un puissant qui écrase les faibles. Il en a été ainsi depuis des millénaires et
les migrations d’aujourd’hui sont elles aussi causées par les guerres que se
font les puissants sur le dos des faibles et des petits.
Déjà, dans l’Ancien Testament, la migration est au coeur
de l’histoire d’Israël. Cette histoire commence au moment où Abraham reçoit
l’ordre de quitter son pays, sa terre, les siens et d’aller dans une terre
nouvelle et inconnue. C’est lorsqu’il sera installé dans cette terre, qu’il
recevra la visite de Dieu sous la forme de trois « étrangers », de
trois migrants de passage, qu’il reçoit dans sa tente. Puis le Peuple choisi
connaîtra l'exil en Égypte et sera migrant durant quarante ans dans le désert
avant d’entrer dans la Terre Promise.
Il y a cependant une migration d’un autre genre, et beaucoup
plus importante. Cette migration est
l’objet de la solennité d’aujourd’hui. C’est celle dont parle saint Jean
lorsqu’il dit que le Verbe était en Dieu et que le Verbe était Dieu et qu’il
s’est fait chair. C’est aussi celle dont
parle saint Paul lorsqu’il nous dit que le Verbe habitait la plénitude de la
divinité, mais qu’il s’est dépouillé des attributs de sa divinité et qu’il
s’est fait obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix ; puis que le
Père l’a exalté.
Après sa mort Jésus est retourné vers son Père, mais a
promis à ses disciples de revenir. Et selon
son grand discours, qui nous est rapporté dans le très beau chapitre 25 de
Matthieu, le jugement qui sera porté alors sur chacun de nous sera :
« J’étais... un étranger et vous m’avez recueilli » ou bien
« J’étais... un étranger et vous ne m’avez pas recueilli »...
Noël, ce n’est pas simplement l’anniversaire de naissance
du petit Jésus. C’est la fête de
l’humanité de Dieu. C’est la fête du
Fils de Dieu qui s’est fait migrant pour venir jusqu’à nous. L’incarnation, ce
n’est pas simplement l’incarnation de Dieu dans un homme, c’est le fait que
toute l’humanité a été assumée par Dieu. Et Jésus, qui s’est identifié
particulièrement à tous les petits et les faibles, et qui a connu lui-même dans
sa chair les difficultés de la migration, vient à nous
à travers tous les migrants qui viennent à nous encore de nos jours.
Si le
chapitre 25 de Matthieu (« vous m’avez recueilli... vous ne m’avez pas recueilli... ») a de quoi nous faire trembler, écoutons les paroles de l’Évangéliste Jean, le
mystique au regard perçant, qui nous dit encore, dans le prologue de son
Évangile, que nous venons d'entendre : « Il est venu
chez les siens et les siens ne l’ont pas reçu... mais à ceux qui l’on reçu, il a donné de devenir enfants de Dieu. »
En
réalité, il n’y a pas de salut sans migration. Nous ne pouvons être sauvés sans sortir de nous-mêmes pour aller vers
l’autre, avec amour et miséricorde, pour lui permettre de venir chez-nous et de
faire chez-nous sa demeure. Car, finalement, ce n’est pas seulement le Fils de
Dieu qui se fait migrant, c’est aussi son Père : « Si quelqu’un
m’aime, dit Jésus, il observera mes commandements. Mon père l’aimera et nous
viendrons chez-lui et nous ferons chez-lui notre demeure. »
Oui, Dieu
se fera migrant pour venir chez-nous, mais à condition que, fidèles à son
commandement, nous nous ouvrions à tous ses enfants qui viennent à nous.
Armand Veilleux
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