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1 janvier 2020
Solennité de
Marie, Mère de Dieu
Nb 6,22-27; Ga 4,4-7; Lc 2,16-21
H o m é l i e
Dans
l’Évangile que nous venons de lire, lorsque les bergers arrivent à Bethléem,
ils découvrent « Marie et Joseph, avec le nouveau-né couché dans la
mangeoire ». Marie est mentionnée la première, dans sa dignité de
Mère. C’est pourquoi on fête aujourd’hui
la solennité de Marie, Mère de Dieu. Au cours des siècles les Chrétiens ont
attribué beaucoup de titres à Marie, avec des degrés assez différents de
sobriété et de profondeur. Le titre de Mère
de Dieu, qu’on lui donne depuis le Concile d’Éphèse, au quatrième siècle, est
l’un des plus anciens. Cependant, dans
l’Évangile, elle est tout simplement appelée la « Mère de Jésus » et
même, dans l’Évangile d’aujourd’hui, la mère d’un petit enfant qui n’a pas encore
de nom, puisque c’est seulement huit jours plus tard qu’on lui donnera le nom
de Jésus.
Les quatre Évangiles nous racontent la vie de Jésus à
partir du début de sa vie publique. Cependant
Luc et Jean ont tous les deux ajouté un Prologue à leur Évangile. Ces deux
Prologues sont très différents l’un de l’autre, mais ils ont aussi beaucoup en
commun. Le Prologue de Jean (que nous avons lu le jour de Noël) commence d’une
façon très solennelle par les mots : « Au commencement était le
Verbe (ou la Parole), et le Verbe était Dieu... etc. ». Or, la « Parole » est aussi au
coeur des deux premiers chapitres de l’Évangile de Luc, qui constituent son
Prologue, et tout spécialement au coeur du passage que nous venons
d’entendre. La différence est que Jean
utilise le mot grec logos, emprunté à la philosophie grecque, alors que
Luc utilise un autre mot grec plus usuel. Il utilise le mot rèma,
un mot qui signifie toujours « parole » en grec, même si plusieurs
traductions modernes (y compris celle de notre lectionnaire) le traduisent
souvent par « événement », parce que le mot « parole » dans
les langues sémitiques est parfois utilisé pour désigner une parole accomplie, donc un événement. (En fait, lorsqu’on traduit par «évènement», il s’agit alors d’une interprétation, sans doute légitime, mais pas d’une traduction…).
Mais revenons à la nuit de Noël. Il y a, dans la montagne, des bergers qui
paissaient leurs troupeaux. Un ange leur
apparaît et il leur parle. Il leur annonce une grande joie : il
leur est né un Sauveur dans la ville de David. C’est « leur »
sauveur. L’ange dit bien :
« un sauveur vous est né ». Un signe leur est donné : ils trouveront un nouveau-né, emmailloté et
couché dans une mangeoire. Dès que cette parole est prononcée, une armée d’ange apparaît qui chantent les louanges de Dieu.
Comment les bergers réagissent-ils à cette parole ? Ils parlent entre eux (toujours la
parole...). Ils disent : « Allons jusqu’à Bethlehem pour voir ce qui
est arrivé» -- traduit littéralement : « allons voir cette parole ». Luc est
seul à identifier « Bethlehem » avec la « cité de David ». Il faut probablement voir un lien symbolique
entre le nom de « Bethlehem » qui signifie la « maison du
pain » et la mangeoire dans laquelle Marie a déposé Jésus, pour
nous l’offrir symboliquement en nourriture.
Les bergers viennent donc à Bethlehem et y découvrent Marie
et Joseph avec le nouveau-né couché dans une mangeoire. Il s’agit d’un
nouveau-né qui n’a pas encore de nom. Ils
prennent alors la parole et racontent ce que l’ange leur avait dit.
Tout comme eux-mêmes avaient été saisis d’une grande crainte à l’arrivée de
l’ange dans la nuit de Noël, de même les personnes à qui ils rapportent ces paroles sont saisies d’un grand étonnement. Et tout comme la multitude des
anges était venue dans la montagne chanter les louanges de Dieu, les bergers
repartent en louant Dieu pour tout ce qu’ils avaient entendu et vu.
L’attitude de Marie à l’égard de la Parole est différente. Lorsque l’ange lui avait annoncé qu’elle mettrait au monde le
Fils de Dieu, elle avait répondu : « Qu’il me soit fait selon ta parole. » Cette parole s’était faite chair en elle. Maintenant qu’elle a déposé dans une mangeoire
cette parole incarnée, et qu’elle entend toutes ces paroles au sujet de son fils, que fait-elle ? Elle ne dit rien. Elle reste
silencieuse, et, nous dit Luc, elle retient toutes ces paroles dans son coeur
et les médite.
Parmi les membres de l’Église,
c’est-à-dire parmi tous ceux qui ont reconnu Jésus comme leur Sauveur, la
vocation la plus commune est celle qui imite l’attitude des bergers qui, dès
qu’ils ont découvert la parole, sortent sur les places pour louer et glorifier
Dieu. Il y a aussi la vocation – qu’on appelle
« contemplative » – de ceux qui sont appelés à imiter Marie, en
retenant et méditant sans cesse dans leur coeur la Parole qu’ils ont reçue.
Mais nous avons tous une vocation
commune qui est celle d’être fils et filles de Dieu. Le Fils premier-né s’est fait l’un de nous
pour que nous devenions tous des enfants de Dieu. Saint Paul nous en parle dans
sa Lettre aux Galates, où il nous dit que Dieu nous a envoyé son Fils,
qui est devenu l’un de nous, né d’une femme – Marie – pour que nous devenions
fils dans le Fils bien-aimé. Et de même que les anges avaient donné un signe
aux bergers, Paul nous donne un signe de cette merveilleuse réalité. Le signe est encore une Parole. C’est la
Parole de l’Esprit de Jésus en nous. Cet
Esprit de Jésus en nous crie sans cesse vers son Père, dans un cri qui est à la
fois le sien et le nôtre : « Père » (Abba).
Et huit jours après la naissance de
Jésus, de nouveau une parole se fait entendre : cette parole c’est le nom
qui est prononcé sur lui, le nom qui lui est donné, et qui lui avait été
destiné avant sa conception dans le sein de Marie.
Cher frères et soeurs, confiants dans
la Parole de Dieu le Père qui nous a appelés à être ses enfants ;
confiants aussi dans le nom propre qu’il nous a donné à chacun et chacune
d’entre nous ; attentifs à la voix de l’Esprit en nous qui dit
« Abba », -- faisons comme Marie qui ruminait toutes ces paroles dans
son coeur, et faisons aussi comme les bergers, glorifiant et louant les
merveilles de Dieu dans nos vies comme dans la vie de son Peuple.
Armand VEILLEUX
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