26 janvier 2019 –
Solennité des Saints Fondateurs de Cîteaux
Si 44, 1.10-15; Heb
11, 1-2. 8-13a; Marc 10, 24b-30
Abbaye
d’Échourgnac, France
Homélie
Les communautés qui appartiennent à l’Ordre cistercien fêtent
aujourd’hui la solennité des trois Fondateurs de Cîteaux – et donc de l’Ordre
cistercien.
Le texte du Livre de Ben Sirac le
Sage, que nous avons entendu comme première lecture de cette célébration
eucharistique nous invitait à faire mémoire de ces personnages glorieux que
sont nos ancêtres. Robert, Albéric, Étienne et leurs compagnons, qui furent les
fondateurs de Cîteaux, sont nos ancêtres dans la vie monastique. C’est à travers eux qu’a été transmise aux
générations suivantes et qu’est parvenue jusqu’à nous la vision particulière de
la vie monastique qui a trouvé son expression dans le Cîteaux primitif.
On attribue généralement l’expansion
rapide et assez phénoménale de Cîteaux durant les premières décennies de son
existence au charisme de saint Bernard et au grand nombre de vocations. Il y a
évidemment beaucoup de vrai dans cette affirmation ; mais on peut aussi
considérer que la réussite de toutes les premières fondations de Cîteaux et
celle de Clairvaux en particulier, est un tribut à la qualité de formation que
toutes ces jeunes recrues ont reçue à Cîteaux, lorsqu’ils y sont entrés. Le
jeune chevalier Bernard, inquiet et un peu fantasque, ne serait jamais devenu
saint Bernard s’il n’avait eu de tels maîtres.
Lorsque Bernard et ses jeunes
compagnons sont entrés à Cîteaux, ils n’ont certainement pas trouvé un
programme de formation bien structuré avec une série de cours et une liste de
professeurs. On ne leur a pas donné une
liste de livres à lire et des examens à préparer ou des mémoires à rédiger. Ils ont trouvé une communauté. Cette communauté
était petite, même très petite selon les standards de l’époque. La plupart des moines étaient âgés ;
Robert avait plus de 70 ans ; Étienne et Albéric pas beaucoup moins. Ils
n’ont pas trouvé un programme de formation, mais quelques moines formés par la Parole de Dieu et une
longue expérience de la vie monastique, et capables de transmettre les valeurs
qui les faisaient vivre.
Le dialogue de Jésus avec
ses disciples, que nous venons d’entendre dans la lecture de l’Évangile, suit
celui qu'il venait d'avoir avec le jeune homme riche qui lui avait demandé ce
qu'il fallait faire pour avoir la vie éternelle. Jésus avait rappelé à ce jeune homme les
principaux commandements de la Loi et ce dernier avait répondu qu'il les avait
pratiqués depuis sa jeunesse. Jésus l'avait alors regardé avec tendresse:
"Jésus le regarda et s'éprit à l'aimer", dit Marc. Il l'avait alors appelé au détachement
radical de ses richesses et le jeune homme était parti tout triste. Le regard de Jésus – qui s'était d'abord posé
sur le jeune homme riche – se pose alors sur tous ceux qui l'entourent et il
fait cette remarque:
"Comme il sera difficile à ceux qui ont des richesses d'entrer dans
le royaume de Dieu!". C'est alors
qu'aux disciples déconcertés Jésus répète, cette fois d'une façon plus absolue :
"Comme il est difficile d'entrer dans le royaume de Dieu", et il
utilise cette image fort suggestive du chameau devant passer par le trou d'une
aiguille.
Jésus pose alors son regard
sur ses disciples [c'est la troisième fois que son "regard" est
mentionné depuis le début du récit] et il leur révèle le message central de ce récit: "Pour les
hommes, c'est impossible, mais non pour Dieu : car tout est possible à
Dieu". Il est très important de
remarquer que c'est précisément dans ce contexte que chacun des trois Évangiles
synoptiques place la promesse du centuple, faite par Jésus à ceux qui ont tout
quitté pour le suivre. Le message est
que tout est grâce; tout est œuvre de Dieu. Une vie de détachement et de pauvreté
radicale, si généreuse et authentique soit-elle, ne peut mériter la vie
éternelle. Tout est grâce. Si nous avons répondu à l'appel de Dieu et
sommes venus au monastère, et si nous sommes fidèles à nos engagements
monastiques, il n'y a qu'une explication; c’est que
"tout est possible à Dieu".
Et chaque fois que nous
connaissons des moments difficiles, aussi bien dans notre cheminement
communautaire que dans notre vocation personnelle, rappelons-nous cette
vérité : « tout est possible à Dieu ».
Armand Veilleux