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16 février 2020 -- 6ème dimanche
« A »
Si 15, 15-20 ; 1 Co 2, 6-10 ; Mt 5, 17-37
H O M É L I E
Après le Concile Vatican II, nous avons
eu dans l’Église une révision du Code de Droit Canon, puis tous les Instituts
religieux ont été invités à réviser leurs Constitutions. De même il n’est pas rare qu’un pays fasse
des amendements à sa Constitution. Et nous savons que le Pape François
travaille à la réforme structurelle de la Curie Romaine.
Eh bien ! Lorsque nous lisons
l’Évangile d’aujourd’hui, dans lequel Jésus dit à plusieurs reprises : « Vous avez
appris... ; moi, je vous dis... » il est possible que notre première
impression soit que Jésus est simplement en train de faire quelques amendements
à la Constitution d’Israël ou en train de réviser le Code de Droit Canon de
l’Ancien Testament.
Or, si nous étudions attentivement les
paroles de Jésus, nous nous rendons compte qu’il exige de ses auditeurs un
changement beaucoup plus radical. Il ne
s’agit pas d’un changement de la loi mais de la relation à la loi – un changement qui requiert une conversion du
cœur et non celle de la loi. Jésus
n’instaure pas un nouveau légalisme plus exigeant que celui des
Pharisiens ; Il remplace les exigences du légalisme par celles beaucoup
plus grandes de l’amour. Il n’établit
pas une justice nouvelle et plus rigoureuse ; Il enseigne les exigences de
l’amour, qui vont bien au-delà de ce que peut demander la stricte justice.
À notre époque, nous nous sommes rendu
compte que nous ne respections pas collectivement les droits de plusieurs
secteurs de la société et nous avons donc publié diverses chartes affirmant les
droits des femmes, par exemple, ou ceux des enfants, ou des handicapés,
etc. Toute cela est important et même
nécessaire. Mais aussi longtemps que nous respectons les nouveaux droits de la
même façon que nous respections les anciens codes, nous vivons encore sous
l’Ancien Testament, et nous risquons d’aboutir à beaucoup d’injustice.
La justice humaine consiste dans le
respect des divers droits, tels qu’ils ont été établis par les conventions
d’une société particulière. Ainsi, par
exemple, dans une culture où l’esclavage faisait partie de la structure de la
société, comme c’était le cas dans l’Empire Romain au temps du Christ et de
saint Paul, la justice consistait dans l’équilibre entre les droits du
propriétaire d’esclaves et ses obligations envers les esclaves qu’il possédait. Ceux-ci n’avaient aucun droit. Dans une
société capitaliste, la justice consiste à respecter l’équilibre établi entre
les droits des propriétaires du capital et ceux des ouvriers qui font
fructifier ce capital par leur travail. Dans une société socialiste, la justice consiste dans le respect de
l’équilibre établi dans cette société particulière entre les droits de l’état
et ceux des individus qui en sont les membres. Dans chaque cas, l’on aboutit facilement à des formes permanentes
d’oppression, même lorsqu’aucun des droits juridiques n’a été lésé.
Jésus n’essaye pas de préciser aucun de
ces droits. Il nous dit
plutôt : ne restez pas à ce
niveau. Si la justice vous demande de donner
votre manteau, donnez aussi votre chemise. Si la justice vous donne droit à exiger œil pour œil ou dent pour dent,
pardonnez simplement à celui qui vous a offensé ou qui vous a nui. Si le code de comportement moral vous
interdit un certain nombre de choses telles que, par exemple, de prendre la
femme de votre voisin, je vous demande de surveiller même les désirs de votre
cœur.
Ce nouvel enseignement de Jésus
concernant la loi est une source de grande insécurité – une insécurité très
salutaire. En effet, si être bon
consiste à ne pas commettre d’adultère, à ne pas tuer, à ne pas exiger plus qu’un
œil pour un œil et une dent pour une dent, à ne pas manquer la messe le
dimanche... je puis facilement me sentir sûr. Je puis
en effet vérifier périodiquement si je suis bon ou non. Et si j’ai péché, je sais exactement quand,
où et comment. Cela me donne un très grand sens de sécurité. C’est la sécurité des Pharisiens. Pourtant Jésus a dit : « Si votre justice ne surpasse pas celle des
scribes et des pharisiens, vous n’entrerez pas dans le Royaume des
cieux. »
Mais si être fidèle à l’appel de Jésus
consiste dans la pureté d’intention, dans l’amour de mon ennemi ; si cela
consiste à donner toujours plus qu’on me demande, à réparer la relation entre
moi et mes frères lorsqu’elle est brisée – alors je vis dans cette bienheureuse
et constante insécurité qui consiste dans la conscience d’être toujours appelé
à quelque chose de bien plus que ce que je suis actuellement et que je suis en
train de faire. Insécurité est alors
synonyme de pauvreté.
C’est avec cette pauvreté de cœur, dans
l’attitude d’enfants titubants encore en train d’apprendre à marcher, que nous
nous approcherons maintenant de l’autel, trouvant une sécurité très
authentique, non dans notre propre justice, que nous sommes conscients de ne
pas avoir, mais dans la justice de Dieu, sachant qu’il est riche en miséricorde
et en compassion.
Armand Veilleux
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