8 février 2018 – jeudi de la 5ème semaine ordinaire
1R 11, 4-13 ; Mc 7, 24-30
Prieuré de Ste-Bathilde, Vanves
HOMÉLIE
Cet Évangile nous révèle beaucoup de
choses aussi bien sur la personne de Jésus que sur la prière. D’ailleurs, notre attitude face à la prière
révèle en général assez bien l’image que nous avons de Dieu et du Christ.
Si notre dieu est celui des
philosophes, un dieu immuable qui ne change jamais, il n’y a vraiment aucune
raison de le prier. Si notre Christ, est
un Christ qui, dès le moment de sa naissance, possède déjà la pleine vision
béatifique et ne peut pas croître dans la connaissance et la
conscience de sa mission, un Évangile comme celui d’aujourd’hui nous montre un
Christ déconcertant, qui utilise des paroles très dures à l’égard d’une pauvre
femme païenne.
Mais si nous acceptons ce que
l’Évangile nous dit de tant de manières, à savoir que le Christ tout au long de
sa vie, a grandi en âge, en grâce, en sagesse et aussi dans la perception de sa
mission – alors cet Évangile prend un sens qui est très beau. Il signifie que la rencontre de Jésus avec
une autre personne qui le confronte avec ses désirs l’aide à découvrir sa
propre mission. Cela veut dire que
nous-mêmes, pauvres êtres humains, nous pouvons amener Dieu, en quelque sorte
« à changer d’idée » !
Jusqu’à ce moment de sa vie Jésus
n’avait prêché qu’aux Juifs et la réception de son message a connu des
difficultés croissantes, comme nous l’avons vu ces derniers jours. Il a donc décidé
de quitter le territoire juif pour se rendre dans la région de Tyr. Lorsque la Syro-phénicienne lui demande de
guérir sa fille, il refuse car il n’a été envoyé qu’aux brebis perdues de la
maison d’Israël. Il utilise une image,
celle d’une famille où le pain est servi aux fils et non aux petits chiens qui
courent autour de la table. Dans cette
image il y a une ouverture que la femme saisit habilement. Elle met, pourrait-on dire, son pied dans
l’entrebâillement de la porte et répond avec astuce que les petits chiens
peuvent se nourrir des miettes qui tombent de la table et qu’ils appartiennent
donc d’une certaine manière à la famille.
Devant une telle foi Jésus comprend que cette femme, comme tous ceux qui
ont une foi semblable, appartiennent aussi à la maison de Dieu et qu’il est
donc envoyé à eux aussi. Et il guérit sa
fille.
Toutes les grandes figures
spirituelles de la Bible sont des personnes remplies de désirs, qui n’ont pas
peur d’exprimer ces désirs à Dieu, et même avec force. Leur prière est celle d’amoureux qui aiment
suffisamment pour désirer, sans tenter de manipuler l’être aimé, mais espérant
tout de même que les désirs de cette personne correspondent aux leurs. Il y a là une voie de croissance spirituelle,
car elle offre la possibilité d’une rencontre avec Dieu, même si cette
rencontre peut prendre la forme d’une confrontation.
Il en est comme d’un enfant qui, en
exprimant ses désirs, est confronté à la réalité du monde qui l’entoure et a
ainsi la possibilité de croître dans cette confrontation entre ses désirs et
ceux du reste du monde. Un enfant qui
n’exprime pas ses désirs peut être en apparence très sage, mais il ne grandit
pas.
La femme de l’Évangile d’aujourd’hui
a pris un grand risque en exprimant son désir : le risque de recevoir une
réponse négative. Dans cette
confrontation sa relation avec Jésus a été modifiée. Et ce qui est merveilleux c’est que, dans
toute relation profonde, les deux personnes sont changées. Dans cette relation aussi, Jésus a donné et a
reçu.
N’hésitons donc pas, nous aussi à
nous présenter devant Dieu avec nos désirs et nos besoins, certains que, dans
cette rencontre avec Dieu, nos désirs ne seront peut-être pas exaucés
exactement comme nous le voulons mais que notre relation avec Dieu sera
modifiée. Et c’est là l’objet ultime de
la prière.