3 février 2018 – samedi
de la 4ème sem. ordinaire
1R 3, 4-13; Marc 6,
30-34
Prieuré de sainte Bathilde,
Vanves
H O M É L I E
Dans l'Évangile lu il y a deux jours Jésus avait
envoyé ses disciples deux par deux. Il
leur avait donné autorité sur les esprits impurs, c'est-à-dire le pouvoir de
guérison. Il ne leur avait pas donné
l'ordre d'enseigner. Rappelons-nous que
c'était au tout début de la vie publique de Jésus et qu'il avait à peine
commencé à former ses disciples. Ceux-ci
cependant firent beaucoup plus que Jésus leur avait demandé de faire. Non seulement ils enseignèrent mais ils guérirent
en faisant des onctions d'huile et en imposant les mains. Ces symboles renvoyant à la royauté davidique
engendrèrent évidemment dans le peuple l'espoir d'une restauration nationale,
avec la venue d'un messie roi.
Il n'est donc pas surprenant que
lorsque les disciples reviennent et rapportent tout ce qu'ils ont fait et enseigné, cela ne suscite aucune
réaction de joie et aucune félicitation de la part de Jésus. Ils ont usurpé un rôle qui ne leur appartenait
pas. Il faut se souvenir en effet que,
dans tout l'Évangile de Marc l'activité d'enseigner
est rigoureusement réservée à Jésus qui, d'ailleurs, ne l'exerce qu'à l'égard
des Juifs.
Puisqu'ils ont réveillé chez le
peuple l'espoir d'un messie nationaliste qui les libèrera de l'oppresseur, il
n'est pas surprenant que la foule les suive.
C'est eux que la foule cherche et non pas Jésus. Jésus doit donc les dégager de ce faux succès
et de ce début ambiguë et les ramener au désert pour reprendre -- ou plutôt
pour commencer -- leur formation.
"Venez à l'écart dans un endroit désert et reposez-vous un peu",
leur dit-il. Le verbe "Venez"
est une allusion à leur première vocation (Venez,
suivez-moi) et l'appel au repos est une allusion à Isaïe 14,3 (voir
spécialement le texte grec des Septante) où le mot "repos" désigne la
libération de l'esclavage de Babylone.
Les disciples ont encore besoin d'être libérés de leur vision dépassée
du Messie attendu.
Lorsque, sur l'autre rive, Jésus
retrouve la même foule qui court après les disciples et leur enseignement, il
est saisi de pitié car il les voit comme des brebis sans pasteurs. Et alors il se met à les enseigner, ce que lui seul peut faire.
Peut-être devrions-nous lire à la
lumière de ce texte d'Évangile la situation actuelle de l'Église dans les
parties du monde où elle était autrefois en force et en puissance et où elle
est de nouveau réduite à un "reste".
Peut-être les Chrétiens -- y compris leurs pasteurs -- se sont-ils trop
annoncés eux-mêmes? C'est peut-être
Jésus qui appelle toute son Église au désert, pour la former ou la ré-former lui-même.
Entre-temps, Jésus demeure plein de
miséricorde et de tendresse pour les foules sans pasteurs, et Il les enseigne lui-même de mille et une façon,
parlant au coeur de chaque personne de bonne volonté. Mettons-nous tous à
l'écoute de son enseignement, écoutant
ce qu'il dit au coeur en chacun de nos coeurs.
Armand VEILLEUX