15/16 avril 2017 : Veillée pascale

Matthieu 28,1-10

 

Homélie

 

          Nous avons commencé la longue série de lectures de cette nuit avec les premiers versets de la Genèse.  « Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre... Il y eut un soir, il y eut un matin :  ce fut le premier jour. »  Dans l’Évangile que nous venons d’entendre, Matthieu fait nettement allusion à ce récit lorsqu’il raconte la venue des deux femmes – Marie Madeleine et l’autre Marie – au lieu du sépulcre, « le premier jour de la semaine ».  Ce que Matthieu veut souligner, c’est qu’avec la Résurrection de Jésus, nous assistons à une nouvelle création, un nouveau monde, un recommencement de l’histoire.  Tout comme la terre était « informe et vide » le premier jour de la première création ; de même en cette nouvelle création, la vie jaillit d’un tombeau vide. 

 

          Depuis le début du monde, la mort engloutissait inexorablement les hommes.  En roulant la pierre qui fermait l’entrée du tombeau, l’ange de Dieu fait disparaître la séparation entre les vivants et les morts.  Jésus ne peut rester prisonnier de la mort et, dans sa résurrection, il amène tous ses frères et ses soeurs, les humains.

 

          Durant les trois années du ministère public de Jésus, des hommes et des femmes l’avaient suivi dans ses pérégrinations.  Les hommes avaient certainement joué le rôle principal, mais quelques femmes, en particulier Marthe et Marie de Béthanie comptaient parmi ses amies privilégiées.  Au moment de la Passion et de la mort de Jésus, alors que tout semble s’écrouler, les Apôtres perdent pieds et s’enfuient, sauf Jean, le bien-aimé.  Dans ces moments tragiques, les femmes, avec une perception intuitive et plus juste des événements,  arrivent plus vite à la compréhension de ce qui se passe.  Même la femme de Pilate a le pressentiment que son époux ne doit pas se mêler des affaires de « ce juste » que les chefs du peuple veulent éliminer. Elles sont au Calvaire, ces femmes venues de la lointaine Galilée.  Elles sont aussi au tombeau, quelques heures plus tard et on retrouve certaines d’elles au même tombeau le matin de la résurrection.  Il n’est jamais dit qu’elles cherchaient « un mort ».  Non, elles cherchaient « le crucifié », i.e. celui qui avait été crucifié...  C’est comme si elles avaient déjà l’intuition de ce que va leur dire l’ange : « Il n’est pas ici, car il est ressuscité... Venez voir l’endroit où il reposait ». 

 

          Ces femmes reçoivent une mission, celle d’aller annoncer la résurrection aux disciples.  Elles quittent donc le tombeau, à la fois « tremblantes et toutes joyeuses » ; et c’est alors qu’elles rencontrent Jésus qui leur fait la salutation traditionnelle « Kairete » (Cai,rete), « réjouissez-vous », qui est beaucoup plus riche que la traduction un peu insipide de notre lectionnaire « je vous salue ».  Ce « Kairete », ce « réjouissez-vous » réfère certainement, dans la pensée de Matthieu, à la recommandation de Jésus au début de l’Evangile, de se réjouir dans les temps de persécution : « Réjouissez-vous (Cai,rete) et soyez dans l’allégresse (avgallia/sqe), car votre récompense est grande dans les cieux. »  La récompense en question est précisément la vie qui triomphe de la mort – un triomphe maintenant visible en Jésus.

 

          Après la dernière Cène, en se rendant au mont des Oliviers, Jésus avait dit aux disciples : « Cette nuit même, vous allez tous tomber à cause de moi... Mais, une fois ressuscité, je vous précéderai en Galilée. »  C’est cette même annonce et cette même invitation que Jésus charge les femmes de transmettre à nouveau aux disciples: « Allez annoncer à mes frères qu’ils doivent se rendre en Galilée :  c’est là qu’ils me verront. »  Les Apôtres et les Disciples avaient vécu trois ans avec Jésus.  Trois ans dans la vie d’un adulte c’est vite passé.  Maintenant ils sont conviés à retourner à leur Galilée, à leur lieu d’origine, à leurs familles, leurs filets et leurs barques.  Et c’est précisément là, dans leur vie de tous les jours, sur le bord du Lac ou au cours d’une nuit de pêche infructueuse, que Jésus les rencontrera, où plutôt là qu’ils le verront.

 

          Au cours du carême, puis durant ces Jours Saints, et tout particulièrement durant cette Nuit de Pâques, nous nous sommes créés des lieux et des temps pour rencontrer Jésus, et j’ose espérer que nous l’avons tous rencontré d’une façon intimement personnelle, dans la prière contemplative.  Maintenant il nous renvoie tous à notre Galilée.  Notre Galilée, c’est, pour nous les moines, nos occupations habituelles au sein de la communauté et au service de nos frères et de ceux et celles qui nous entourent – occupations qui peuvent être parfois très accaparantes.  Pour vous, retraitants et amis qui êtes venus passer quelques jours ou simplement cette nuit avec nous, votre Galilée c’est votre vie familiale, votre milieu de travail, vos engagements sociaux ou pastoraux.  C’est à chacun de vous – à chacun de nous – que Jésus pense, lorsqu’il dit aux deux Marie : « allez dire à mes frères de ses rendre en Galilée : c’est là qu’ils me verront ».

 

 

Armand Veilleux

 

 

 

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