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1er novembre 2017 – Fête de tous les
Saints
Apo 7,2-4.9-14 ; 1 Jn 3,1-3 ; Mt 5,1-12a
Homélie
Au moment où les Évangiles ont été
rédigés, c’est-à-dire lorsque les souvenirs de ceux qui avaient connu Jésus et
avaient été ses disciples, furent recueillis par les quatre Évangélistes que
nous connaissons – Matthieu, Marc, Luc et Jean – après que ces écrits eurent
circulé d’abord oralement puis en petits récits écrits détachés, les premiers
chrétiens étaient déjà en proie aux persécutions. On comprend donc l’importance qu’est donnée
dans ces Évangiles à la dernière béatitude : « Heureux ceux qui sont persécutés
pour la justice... », ainsi que l’élaboration qui en est faite : « Heureux
serez-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute... réjouissez-vous,
soyez dans l’allégresse... ». Il s’agissait alors des tensions vécues entre les
autorités de la religion juive traditionnelle et le christianisme naissant qui
était perçu comme une nouvelle secte et une menace.
La situation était la même --
seulement plus difficile et dramatique -- au moment où Jean, le Voyant de
Patmos, écrivait ce livre d’une si grande beauté poétique, tout fait de
symboles qui nous sont parfois difficiles à comprendre, qu’on appelle
l’Apocalypse. À ce moment-là les premiers Chrétiens étaient durement persécutés
par les empereurs romains qui voyaient dans ce petit groupe de Chrétiens un
danger pour la religion traditionnelle de l’Empire romain.
Et pourtant, dans chaque cas, ce qui
est prôné est non pas une réponse violente à la violence subie, mais une ouverture
du coeur et un appel à la communion universelle. Dans le passage évangélique qu’on appelle les «Béatitudes», Jésus ne dit pas « Bienheureux, vous qui êtes
mes disciples », ou «Bienheureux, vous qui appartenez à tel groupe». Il proclame bienheureux tous ceux qui ont un
coeur de pauvre, qui ne sont pas repliés sur eux-mêmes et sur leurs prétendues
richesses, tous ceux qui sont doux et miséricordieux, qui savent pleurer sur la
souffrance des autres, qui ont soif de justice et qui sont des artisans de
paix, même s’ils sont persécutés pour adopter une telle attitude ouverte à
tous.
Ces
paroles de Jésus sont des paroles surprenantes. Elles n’ont pas grand-chose de
« religieux ». Dans ce texte, il n’y est pas question de religion,
même pas de prière. Ces béatitudes se réfèrent à la vie concrète – une vie où
il y a des gens qui souffrent et qui sont consolés, de gens soumis à leur sort
et qui finalement sont comblés, des gens affamés et assoiffés de justice, des
personnes qui ont le coeur pur et qui travaillent pour instaurer la paix en ce
monde, mais aussi de gens pauvres et des persécutés. Un monde, somme toute, pas tellement
différent du nôtre. Et, à ce monde,
Jésus offre le bonheur. Un bonheur qui est à la disposition de tous, si au lieu
de courir après les idoles de l’argent et du pouvoir, on opte pour le règne de
Dieu. Dans ce passage, Jésus offre une clé pour comprendre le sens d’une vie
humaine tout ordinaire faite de difficultés et de lutte comme de pureté du
coeur et de beauté.
Le monde dans lequel nous vivons de nos
jours n’est pas tellement différent, au fond, de celui de l’époque où furent
écrits les Évangiles et le livre de l’Apocalypse ou encore les lettres de saint
Jean. C’est un monde où, malgré les développements sociaux et techniques
hérités des révolutions et des évolutions des derniers siècles, il y a toujours
un nombre effarant de personnes qui souffrent de la
misère et de la faim, qui sont persécutés et chassés de leurs maisons et de
leurs pays, qui sont sans travail et dépouillés de leur dignité. Comment donner
du sens à ce monde ? Où trouver des
clés d’interprétation ?
Il y a quelques années, sous
l’impulsion du Pape François une centaine de Mouvements Populaires furent
convoqués à Rome par le Conseil Pontifical Justice et Paix et l’Académie
Pontificale des Sciences Sociales. La liste de ces Mouvements Populaires réunis
à Rome était impressionnante. On y trouvait les travailleurs ruraux sans terre
du Brésil, les vendeurs de rue du Kenya, les collecteurs de rebus de l’Afrique
du Sud, les sans-logis des Philippines, les recycleurs de déchets de
bidonvilles de plusieurs parties du monde. À toutes ces personnes, dans une
allocution pleine d’une chaleureuse humanité, François a donné la clé du sens
de ce qu’ils vivent. Il disait à ces gens du peuple : « Votre
rencontre ne répond pas à une idéologie. Vous ne travaillez pas avec des idées. Vous travaillez avec la
réalité... Vous avez les pieds dans la boue et les mains dans la chair. Vous
avez l’odeur du quartier, du peuple, de la lutte. Nous voulons que votre voix
soit écoutée... » Et pourtant il n’appelait pas à la violence, mais à la
solidarité. Avec passion, disait -il, mais sans
violence.
Tout au long de l’année liturgique
nous célébrons un grand nombre de saints et de saintes qui ont été canonisés à
diverses époques et présentés comme modèles de vie selon l’Évangile. Aujourd’hui ce ne sont pas ces saints
« privilégiés » que nous célébrons. C’est l’ensemble de ceux qui ont
plu à Dieu par la pureté de leur coeur, par leur faim et soif de la justice,
par leur solidarité, dans toutes les conditions de vie, y compris dans les
conditions de bidonvilles et de lutte pour la justice comme ceux reçus par le
Pape François et à qui il disait, en conclusion de son discours :
« Chers frères et soeurs,
continuez votre lutte. Vous nous faites du bien à nous tous. C’est comme une
bénédiction d’humanité ».
« Une bénédiction
d’humanité ». On ne pourrait pas
trouver une meilleure définition de ce qu’est la sainteté.
Armand
Veilleux
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