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9 avril 2017 – Dimanche
des Rameaux et de la Passion
Récit de la Passion
selon Matthieu
H o m é l i e
Il
y a un temps pour écouter et un temps pour parler. Jésus nous donne l’exemple de l’une et de
l’autre attitude. Déjà, dans la première
lecture, le prophète Isaïe, préfigurant le Messie, disait : La Parole me
réveille chaque matin... pour que j’écoute comme celui qui se laisse instruire.
Le
récit de la Passion selon Matthieu est précédé d’une introduction, composée de
trois brefs dialogues. Tout d’abord
celui de Judas avec les chefs des prêtres, à qui il dit : « Que
voulez-vous me donner, si je vous le livre ? ». Et puis le dialogue des disciples avec
Jésus : « Où veux-tu que nous préparions la Pâques », et enfin
le dialogue que Jésus demande à ses disciples d’avoir avec un de ses amis :
« C’est chez toi que je veux célébrer la Pâques avec mes disciples ».
Cet ami a accepté de leur prêter la chambre haute pour la célébration de la
Cène et les chefs des prêtres ont très bien compris le message de Judas.
Dans
chacun des moments qui vont suivre : la Cène, l’agonie à Gethsémani,
l’interrogatoire chez le grand prêtre puis celui chez Pilate, ainsi que sur le
Calvaire, il y aura une alternance frappante de silences et de paroles fortes.
Aucune parole inutile dans ces moments de grande intensité ! --- Il y a
des questions auxquelles Jésus ne daigne pas répondre. Il préfère renvoyer ses interlocuteurs à leur
propre vérité. Ainsi, lorsque, au début du repas, il affirme qu’un des douze le
trahira et que Judas demande hypocritement : « Est-ce
moi ? » il répond simplement « C’est toi qui le dit. » Au Grand Prêtre qui lui demande, mais seulement
afin d’avoir un motif de le condamner : « Es-tu le Messie, le Fils de
Dieu ? » il répond de même : « C’est toi qui le dis » ; et à Pilate qui lui demande s’il
est le roi des Juifs, il donne encore la même réponse énigmatique :
« C’est toi qui le dis !... »
Au
jardin de Gethsemani il se confie à ses trois disciples privilégiés et à son Père,
en des phrases d’une brièveté et d’un poids inégalables. À ses disciples il se confie :
« Mon âme est triste à en mourir. Demeurez ici et veillez avec moi. » ; et, à son Père :
« S’il est possible que cette coupe s’éloigne de moi. Mais que ta volonté
soit faite ».
Et,
au Calvaire, dans ce récit de Matthieu, il n’y a qu’une seule parole de
Jésus : « Mon père, mon père, pourquoi m’as-tu abandonné ? »
suivie d’un grand cri.
Et ce cri n’a cessé de résonner depuis plus de
deux mille ans.
Aujourd’hui,
nous entendons ce cri dans la clameur de tous ceux qui souffrent, de toutes les
victimes des guerres, d’injustices, d’oppression. Nous l’entendons aussi dans
toutes les autres formes de douleur et de souffrances, y compris les
nôtres. Nous l’entendons. -- Mais l’écoutons-nous ?
Est-ce la Parole qui nous réveille chaque matin pour nous apprendre à
« réconforter à notre tour ceux qui n’en peuvent plus ? ».
Si
nous examinons nos coeurs et nos vies, nous réaliserons que nous sommes un peu,
selon les circonstances, chacun des personnages qu’on trouve dans ce récit. Peut-être nous sommes-nous parfois ce pauvre
type qui propose à d’autres un marché un peu sulfureux, pour se rendre compte
trop tard que cela a eu des effets plus graves qu’on avait pensé. D’autres fois, nous sommes ces docteurs de la
loi et ce grand prêtre, solidement établis dans nos certitudes – des certitudes que nous
devons défendre, quelles que soient les conséquences pour les autres. D’autres fois nous sommes ce pauvre Pierre,
plein de bonne volonté, pas méchant du tout, mais faible, qui trahit -- par
crainte. D’autres fois nous sommes le centurion qui fait son sale métier et qui
finit par dire : « vraiment celui-ci était le Fils de
Dieu ». D’autres fois, sans doute,
nous sommes aussi Jésus. -- Mais combien de fois ?
Armand VEILLEUX
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