30 avril 2017 --
3ème dimanche de Pâques « A »
Monastère de
Kibungo, Rwanda
H O M É L
I E
Tous les Évangiles des dimanches du
temps de Pâques sont tirés de l'Évangile de Jean, sauf celui d'aujourd'hui, qui
est de Luc. Ce dernier rapporte trois
apparitions de Jésus le jour de Pâques :
1) celle aux femmes, qui furent les premières à avoir le courage de
venir au tombeau de grand matin ; 2) celle aux deux disciples qui avaient
décidé de retourner à leur village et à leurs occupations ; 3) celle aux Douze
qui étaient encore paralysés par la peur dans l'endroit où ils s'étaient
enfermés.
La rencontre avec les deux disciples
d'Emmaüs a inspiré plusieurs artistes au long des siècles. Mais je crois que la plupart des peintures
connues représentent le Christ à table avec les deux disciples, dans la salle à
manger de l'hôtel, plutôt que sur la route.
Personnellement j'ai toujours été fasciné surtout par leur rencontre sur
la route.
En réalité, bien que ce que décrit
Luc a certainement un fondement historique, ce qui l'intéresse n'est pas de
décrire dans les détails un événement particulier. Il ne faut pas beaucoup de réflexion ni un
grand effort d'analyse pour se rendre compte que ce que Luc décrit dans ce
passage c'est la vie de la première communauté chrétienne qui poursuit ses
occupations ordinaires après la mort et la résurrection de Jésus, mais qui
continue de sentir sa présence: 1) à travers le
partage de la Parole et la catéchèse, 2) à travers la fraction du pain et 3) à
travers la profession de foi. Luc ne
raconte pas ici un miracle de puissance, mais plutôt un événement qui réjouit
l'esprit et réchauffe le coeur.
Essayons
pour un instant d'imaginer ce que ressentait la communauté chrétienne
(représentée ici par les deux disciples) après la mort de Jésus. La vie de Jésus avait été très déconcertante
pour eux. Il était apparu comme un jeune
prophète ayant tous les signes du Messie ; il avait parlé comme personne
d'autre, il était passé en faisant le bien et en opérant des miracles ; mais
tout cela avait duré bien peu de temps.
On l'avait mis à mort. Une phrase
du récit exprime bien leur déception :
"Nous pensions que c'était lui..."
Dans notre vie à chacun d'entre nous
il y a certainement eu des moments où nous avons fait l'expérience vive de la
présence du Christ. La certitude absolue
de cette présence nous a donné la force de nous engager, comme Chrétiens, comme
membres responsables de l'Église, comme moniales ou comme moines. Et puis il y a eu probablement d'autres
moments où rien ne semblait plus être clair ou certain. N'avons-nous pas eu envie de dire à ce
moment-là : "Nous pensions que
c'était lui...»? Nous pensions faire sa volonté, nous
pensions qu'il serait avec nous pour toujours.
Nous nous attendions à faire sans cesse l'expérience de sa
présence. Et maintenant, c'est le
troisième jour, le troisième mois, la troisième année... Et si quelqu'un nous demande pourquoi nous
sommes si tristes, nous aurons peut-être envie de répondre: "Tu es bien le seul ici à ne pas savoir
que tout va mal... dans l'Église, dans le monde, dans ma communauté, dans ma
vie"...
L'Évangile d'aujourd'hui nous
rappelle l'importance du souvenir, qui est l'attitude chrétienne fondamentale
("Faites ceci en mémoire de moi...").
Il nous rappelle que chaque fois que, dans un moment de doute et
d'épreuve, nous avons le courage de dire: "Je
pensais que c'était Lui"... chaque fois, Il est là, marchant à nos côtés
sur le chemin, réchauffant nos coeurs, ouvrant nos yeux à la compréhension des
Écritures -- pas seulement la Bible, mais aussi les Écritures de notre
existence --, et nous conduisant au partage du pain avec nos frères et nos
soeurs, nous amenant à Le reconnaître dans ce partage.
Nous sommes les disciples de Jésus...
Nous sommes tous en route vers Emmaüs.
Nous nous racontons les uns aux autres ce qui s'est passé... ou ne s'est
pas passé. Parce que nous avons le
courage de faire cela, en mémoire de lui, il est là sur le chemin, marchant à
nos côtés. Il est l'un d'entre nous ; il
est chacun de nous. Il est ce que chacun
de nous doit être pour l'autre... "Nos coeurs ne sont-ils pas brûlants au
dedans de nous ?"