25 décembre 2016 – Homélie pour la Messe de Minuit

Is 9, 1-6;  Tt 2, 11-14; Lc 2, 1-14

 

 

Noël, malgré tout…

 

 

          « C’est Noël, malgré tout… »  J’ai reçu, ces derniers jours, une carte de vœux qui commençait précisément par ces mots : « C’est Noël, malgré tout… » Dans un premier moment, cela m’a paru plutôt défaitiste. Mais à bien y réfléchir, cela m’est apparu comme un cri d’espérance.

 

          Il est vrai que l’humanité ne donne pas pour le moment un visage de paix et de fraternité. Inutile de faire la liste de tous les pays victimes soit d’agression soit de guerre civile. Ne mentionnons que la Syrie, Chacun a pu voir ces derniers temps dans les médias la destruction totale de la belle ville d’Alep – une destruction qu’on a eu le cynisme d’appeler une libération. Mais, on nous rassure, avec le même cynisme qu’on n’a pas à se préoccuper pour le fameux savon d’Alep. On a déjà commencé à le fabriquer dans la banlieue de Paris. Notre planète elle-même serait, selon l’un des plus renommés physicistes, plus en danger que jamais au cours de son existence de plusieurs milliards d’année. D’autre part, les résultats des divers référendums et des diverses élections ces derniers mois ont été des cris de colère. Et, malgré tout, c’est Noël.  Malgré tout, la mémoire de la Nativité de Jésus de Nazareth nous apporte – non pas de vains espoirs, mais la raison ultime d’espérer. Elle nous ouvre à l’espérance.

 

Notre première lecture était tirée du prophète Isaïe, qui annonçait l’espérance… malgré tout.  En effet, il écrivait à une époque encore plus tragique que la nôtre, dans un temps de guerre et d’oppression, durant le règne du roi Achaz. Au milieu de ces vicissitudes et de ces calamités, Isaïe annonce une période de paix :  “Toutes les chaussures des soldats qui piétinaient bruyamment le sol, tous leurs manteaux couverts de sang, les voilà brûlés:  le feu les a dévorés.”  Sur quoi pouvait bien se fonder son optimisme et son espérance ?  Sur la vision qu’il avait de la naissance d’un enfant :  « un enfant nous est né, un fils nous a été donné ».  Il dit bien : “un enfant nous est né” et “un fils nous a été donné ».  Ce qui signifie que l’enfant qu’il annonce sera l’un des nôtres, qu’il partagera notre humanité.  Si le Fils de Dieu est devenu fils de la femme, si Dieu est devenu l’un d’entre nous, pleinement homme, cela veut dire que notre humanité est beaucoup plus belle et digne que tout ce que nous voyons en nous et autour de nous.  Isaïe annonce un temps de paix et conclut : “Voilà ce que fait l’amour invincible du Seigneur de l’univers”.  Lui seul en effet peut vraiment établir la paix en nous et entre nous, malgré tout.

 

Et au moment de la naissance de Jésus, le peuple d’Israël vit sous l’occupation romaine. Marie et Joseph sont des étrangers dans leur propre pays – des sans-papiers.  Ils doivent faire un long voyage à travers les montagnes de Judée, alors que Marie est enceinte et prête à accoucher, pour aller chercher leurs papiers au lieu de naissance de leurs ancêtres. Impossible de trouver une place dans un auberge, Marie met au monde – non pas dans une grotte ou dans une étable, mais dehors, dans un champ, et dépose son fils dans une mangeoire, comme il y en a partout dans les champs pour y nourrir les animaux. (En effet, le texte de l’Évangile ne parle que d’une mangeoire, et rien d’autre). Et malgré tout, l’ange annoncera aux bergers qu’un Sauveur leur est né, et qu’ils le trouveront dans une mangeoire. Et le message de cet ange et de la troupe céleste innombrable qui l’accompagne est un message de paix : « Gloire à dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre aux hommes qu’il aime ».

 

La naissance de Jésus est une déclaration de paix faite par le ciel à la terre – malgré tout, et sans attendre que la terre ait cessé toute violence.  Cette naissance est le moment fort du dialogue entre Dieu et l’humanité.  Elle nous invite au dialogue – à vivre dans un dialogue constant avec Dieu d’abord, mais aussi avec tous ceux qui nous entourent, et même avec tous ceux qui semblent être nos ennemis ou nos opposants, aussi bien dans notre milieu familial, communautaire, social et politique, qu’au niveau mondial.  En ces jours où tant de soi-disant prophètes parlent de conflits de civilisation -- impliquant qu’une de ces civilisations doit éradiquer et détruire l’autre (ou les autres) pour survivre -- Jésus, sur sa paille, nous invite malgré tout -- au dialogue. 

 

Il est la Parole ultime que Dieu adresse à l’humanité.

 

Écoutons-la.

 

 

 

 

 

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