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13
avril 2017 – Jeudi Saint
Ex
12, 1...14; 1 Co 11, 23-26; Jn 13, 1-15
H o m é l i e
Le
Livre de l’Ancien Testament appelé le Deutéronome se termine par le récit de la mort de Moïse, tout juste avant l’entrée du
peuple d’Israël dans la terre promise, où Moïse lui-même, d’ailleurs, n’entrera
pas. Avant de mourir, Moïse récite un
long cantique d’action de grâce et prononce une longue bénédiction sur les
douze tribus d’Israël. Avant cela il
rédige tout le texte de la Loi qui sera déposé auprès de l’Arche d’Alliance du
Seigneur, laquelle accompagnera le peuple dans la terre promise. Et le récit du Deutéronome dit que Moïse
rédigea ces articles de la Loi « jusqu’au
bout », ou « jusqu’à la fin ».
Étant
donné que le récit du dernier repas pris par Jésus avec ses disciples s’inspire
visiblement sur plusieurs points de ce récit des derniers moments de Moïse, on
peut certainement mettre en parallèle ce texte où il est dit que Moïse rédigea
les articles de la Loi « jusqu’au bout », avec la première
phrase du texte de saint Jean que nous venons d’entendre : « sachant que
l’heure était venue pour lui de passer de ce monde à son Père, Jésus, ayant
aimé les siens... les aima jusqu’au bout. » Cet amour donc sera la nouvelle Écriture, la
nouvelle Loi, que Jésus substituera à l’ancienne.
On
sait comment saint Jean, qui est un grand mystique, aime souligner les aspects apparemment
opposés mais complémentaires des mêmes réalités. Pour lui, le monde est à la fois le
monde que Dieu aime et auquel il a envoyé son Fils et le monde qui a rejeté son
Fils. Il dit à ses disciples qu’ils
doivent être dans le monde et au service du monde, mais pas du monde. L’Évangile de Jean commence par l’affirmation
que le Verbe s’est fait chair, qu’il est venu chez les siens et que les
siens ne l’ont pas reçu. Ce même Évangile
se termine par l’affirmation que Jésus, au moment de passer de ce monde à son
Père, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au
bout. Les siens qu’il aime
jusqu’au bout sont précisément ceux qui ne l’ont pas reçu, tout autant que ceux
qui l’ont reçu. Cela est symbolisé par
le fait que, parmi les disciples privilégiés avec qui il célèbre ce repas
d’adieu, il y a non seulement les onze qui lui sont – ou en tout cas voudraient
lui être – fidèles, mais aussi celui qui le trahira. C’est à eux tous que Jésus lave les pieds et
eux tous qu’il reçoit à sa table.
Nous
avons déjà là la révélation de l’aspect le plus profondément nouveau, le plus
dérangeant de l’amour chrétien. C’est un
amour qui s’étend – qui doit s’étendre – même aux ennemis ; sinon il n’est
pas chrétien et n’est pas vrai.
Dans
nos célébrations liturgiques, tout comme dans notre vie, nous tendons à donner
une grande importance aux gestes symboliques, essayant même parfois de
découvrir ou d’inventer de nouveaux symboles lorsque ceux qui sont
traditionnels ne parlent plus. Or, Jésus
dans l’Évangile ne fait jamais de gestes symboliques. Il fait plutôt constamment des gestes réels et concrets ayant une immense force
symbolique. La mort de Jésus n’a pas été
un sacrifice rituel ; il a été tout simplement assassiné. La dernière Cène n’a pas été un geste
rituel. Ce fut un réel repas
d’adieu. Le lavement des pieds n’a pas
été pour Jésus un symbole. Se laver ou
se faire laver les pieds par un serviteur avant de s’approcher de la table d’un
banquet était, dans la Palestine du temps de Jésus, un geste concret nécessaire
lorsqu’on venait de marcher dans la poussière ou dans la boue.
Pour
Jésus, il n’y a pas de classes, ou de catégories, dans la communauté de ses
disciples. Il y a simplement une variété
de services. D’ailleurs il n’est pas dit dans quel ordre Jésus lave les pieds de
ses disciples. Pierre ne semble d’ailleurs pas être le premier à qui il les
lave, puisque le texte dit : « Lorsqu’il arrive à Pierre... » Quand lui, Jésus, qui remplit le service de
Maître, se défait de son manteau, se ceint d’un tablier et se penche devant les
pieds de ses disciples pour les laver ; et lorsqu’il leur dit « vous
aussi, faites de même, il leur apprend que quiconque remplit un service à
l’égard de ses frères, doit être disposé à se mettre les mains et même le nez
dans la poussière et la boue de la vie quotidienne dans laquelle nous marchons
tous. La supériorité n’est pas dans le
titre ou la fonction, mais dans la qualité du service. Dans cet Évangile, Jésus nous appelle à nous
mettre au service de tous nos frères et sœurs, c’est-à-dire de tous les
humains.
Armand Veilleux
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