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8 janvier 2017 – Épiphanie du Seigneur
Is 60,1-6 ; Ép 3,2-3a.5-6 ; Mt
2,1-12
Homélie
L’Évangile de Matthieu est d’une
extrême sobriété au sujet de la naissance de Jésus. Dans son premier chapitre,
il trace tout d’abord l’arbre généalogique de Joseph et donc aussi de Marie,
puisqu’ils appartenaient évidemment à la même tribu et à la même famille
élargie. Puis vient le récit de l’apparition de l’ange Gabriel à Joseph lui
disant de ne pas hésiter à prendre Marie pour épouse. Ensuite, dès le chapitre
suivant, le deuxième, Jésus est « découvert » par les Mages venus
d’Orient, qui lui offrent des présents royaux avant de retourner chez eux. De ces personnages, l’Évangile ne dit rien
d’autre ; aussi, la piété populaire n’a cessé au cours des siècles de
broder et d’ajouter des détails à leur sujet.
Essayons
de voir ce qui est l’essentiel de ce récit de l’Évangéliste Matthieu. Au coeur
du récit il y a l’enfant, avec Marie sa mère. Les deux sont inséparables, par
le sang aussi bien que par la mission. Joseph n’est même pas mentionné ;
son rôle tout humble et sa propre mission ont été décrits au chapitre
précédent. Il a la garde et la charge de l’enfant et de la mère, rien de
plus. Cet enfant, qui est le Messie que
des générations attendaient, il n’est pas reconnu par les chefs des prêtres et
les scribes du peuple qui l’attendait. Le roi Hérode, qui exerce le pouvoir
civil de l’oppresseur, veut tuer cet enfant qui risque de lui faire ombrage si
les élucubrations des mages avaient un fondement. Cet enfant, les mages, sans
noms et venus de pays lointains, l’adorent puis repartent chez eux. Ils ne sont
pourtant pas naïfs, car ils sont capables de percevoir la ruse d’Hérode et
évitent de tomber dans son piège.
Les
Mages demeurent un modèle pour les chercheurs d’aujourd’hui, comme pour ceux de
tous les temps. Des chercheurs qui ne
s’amusent pas à essayer d’inventer des signes et des symboles, mais qui savent
reconnaître la valeur symbolique des choses ordinaires. Des chercheurs assez fous pour abandonner la
sécurité et le confort de leurs pays et de leurs palais, pour suivre une étoile
sans doute pas tellement différente de toutes les autres.
Ils
ne cherchent pas un signe ; ils cherchent quelqu’un. Quand le signe est visible ils le
suivent. Lorsque le signe disparaît, ils
s’informent d’une autre manière. Et lorsqu’ils arrivent au but, le signe n’a
plus d’importance. À aucun moment ils
n’adorent l’étoile. Lorsqu’ils la voient
ils éprouvent une grande joie. Lorsqu’elle s’arrête au-dessus d’une maison ils y entrent. Et que
trouvent-ils ? Une réalité aussi humble
et ordinaire que possible : un enfant et sa mère. Et que font-ils ? Ils s’agenouillent et
adorent. Le récit de Matthieu semble
prendre ainsi plaisir à souligner le contraste entre le caractère tout à fait
extraordinaire du signe qui les a conduits à leur but et le caractère tout
ordinaire de la réalité qu’ils découvrent et adorent.
L’aspiration
à la rencontre de Dieu a été placée par le Créateur au coeur de tout être
humain. Les religions peuvent servir
d’étoiles, rien de plus. Elles n’ont certes pas toutes la même valeur ; mais
aucune ne peut être objet de culte et d’adoration. Seul peut être adoré le Dieu qui s’est fait
petit enfant pour devenir l’un de nous et nous assumer tous. Vers lui convergent à travers les âges des
peuples venant de tous les horizons, conduits par des milliards d’étoiles
différentes.
C’est
cet aspect du mystère de l’Incarnation que nous célébrons aujourd’hui.
La dernière phrase de ce récit est mystérieuse et comporte sans
doute de nombreuses significations qu’on n’aura jamais fini de découvrir.
« Avertis en songe de ne pas retourner chez Hérode, ils regagnèrent leur
pays par un autre chemin ». Le
songe, dans la Bible, n’est jamais un simple rêve. C’est une expérience spirituelle à travers
laquelle quelqu’un découvre la volonté de Dieu sur lui en entrant profondément
en lui-même. De même que ce n’est pas en
lisant les écrits juifs mais en contemplant le ciel étoilé que les Mages avaient
appris la naissance du Sauveur ; de même c’est à travers une expérience
d’intériorité qu’ils perçoivent la fausseté d’Hérode et poursuivront désormais
leur route sans se préoccuper de l’Israël ancien, retournant dans leurs propres pays, leurs
propres cultures et leurs propres expériences spirituelles, porteurs de la
découverte personnelle qu’ils ont faite du Salut apporté par Dieu à toutes les
nations.
Ces Mages n’étaient pas des membres
d’une secte religieuse lancés dans une recherche spirituelle. C’étaient simplement des humains, intéressés
aux mystères de la nature, intéressés surtout à la nature humaine ; qui, dans
leurs observations des astres, avaient cru percevoir la naissance d’un nouveau
roi dans un tout petit peuple, le peuple juif. Ils ne cherchent pas le Messie,
dont ils ne savent sans doute rien. Ils
cherchent tout simplement un roi nouveau-né. Lorsqu’ils le trouvent, ils lui présentent leurs hommages et
repartent. Ce fut sans doute leur unique
contact avec Jésus. Ils ne sont pas
devenus ses disciples. C’étaient des hommes
droits, honnêtes et sincères. Le salut est
pour de telles personnes.
Pour entrer en dialogue avec nous Dieu
n’a pas attendu que nous soyons à la hauteur de la situation. Il nous a envoyé son Fils, son Verbe, sa
Parole, alors que nous étions pécheurs. De même il nous demande d’aller vers toute personne de notre entourage,
qu’elle vienne à nous ou non, qu’elle nous soit sympathique ou non, qu’elle ait
les mêmes idées ou non. Il nous demande
aussi de respecter tout être humain – tout simplement parce qu’il est humain –
qu’il ait une appartenance religieuse différente de la nôtre, ou même qu’il
n’en ait pas du tout, et quels que puissent être les crimes qu’il peut avoir
commis ou dont il a pu être accusé.
Avant d’être croyants ou athées ;
orthodoxes, catholiques ou protestants ; chrétiens ou musulmans, sunnites ou
shiites ; chinois, japonais ou occidentaux ; les hommes et les femmes sont tout
d’abord des « humains » créés à l’image de Dieu et également dignes du plus
profond respect. C’est ce que Dieu a
voulu nous enseigner en se faisant l’un de nous.
Armand
Veilleux
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