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16 juillet 2017 – 15ème dimanche
« A »
Is
55,10-11; Rm 8,18-23; Mt 13,1-23
H O M É L I E
L’agriculture ou le jardinage peuvent
être une bonne école de patience, de confiance et d’abandon. Une fois qu’on a travaillé le sol, qu’on y a
déposé les semences et qu’on l’a arrosé, on n’a plus qu’à attendre avec
patience. Durant un premier temps il n’y
a aucun moyen de savoir de façon certaine si la semence croîtra ou non. Ensuite on ne peut savoir dans quelle mesure
elle croîtra. On peut agir de diverses manières
sur les conditions qui favorisent la croissance, mais non ne peut intervenir
aucunement dans le processus même de croissance. Gardant tout ceci présent à l’esprit,
revenons maintenant à la lecture de l’Évangile d’aujourd’hui.
Les prophètes d’Israël ainsi que Jésus
parlaient à un peuple composé pour la plus grande partie de fermiers et de
pêcheurs. C’est pourquoi, lorsqu’ils
voulaient parler du Royaume de Dieu, ils utilisaient des images et des
paraboles liées à la vie et à la croissance.
Dans la première lecture
d’aujourd’hui, le prophète Isaïe compare la Parole de Dieu à la pluie qui
abreuve la terre et la féconde et ne retourne pas à Dieu sans avoir accompli la
mission pour laquelle elle a été envoyée, c’est-à-dire faire germer la semence et
procurer le pain au semeur. Et dans
l’Évangile Jésus compare cette Parole à une semence.
Une chose remarquable dans l’Évangile
d’aujourd’hui est qu’on n’a pas seulement une parabole, mais à la fois la parabole et son interprétation. Cela est très inhabituel, puisque l’usage
classique de la parabole comportait une technique selon laquelle le rabbin ou
le maître amenait chaque auditeur à tirer ses propres conclusions de la
parabole. C’est pourquoi les exégètes et
les commentateurs sont assez unanimes à penser que la seconde parte de notre
Évangile d’aujourd’hui – c’est-à-dire l’interprétation – n’est pas de Jésus
lui-même mais représente l’interprétation de l’Église primitive.
Dans le texte de Matthieu, cette
parabole suit immédiatement le récit où les membres de la famille de Jésus
voulaient se saisir de lui et le ramener à la maison, parce qu’ils pensaient
qu’il avait perdu la tête. Cette
parabole est en réalité un réflexion de Jésus sur son
ministère. Sa Parole – la Parole de Dieu
– est reçue de diverses façons. Chez
certaines personnes, elle trouve un coeur de pierre et ne croît pas du
tout ; chez d’autres, elle croit avec difficulté, mais elle croît tout de même. Et quand elle aura atteint sa pleine
croissance, ce sera la Fin. En somme, il
s’agit d’un message d’espérance.
Lorsque cette parabole était racontée
dans l’Église primitive, on y ajouta une interprétation qui fut ensuite
attribuée à Jésus. Et, de façon
surprenante, il y a eu un glissement d’accent de la semence vers le sol. Toute l’attention – et la préoccupation – de
Jésus se portait sur la semence même, c’est-à-dire sur le Règne de
Dieu. Pour les premiers chrétiens, la
préoccupation devient graduellement celle d’être une terre aussi bonne
que possible pour recevoir cette semence.
Une telle préoccupation était
évidemment légitime et trouvait un certain fondement dans la parabole
elle-même, telle qu’elle avait été racontée par Jésus. Mais ce glissement montre quand même assez
bien notre tendance humaine à être plus préoccupés de nous-mêmes et de la façon
dont nous recevons la Parole de Dieu que de la Parole elle-même. Jésus se préoccupait de la Parole ! Et son message est précisément que même malgré
notre endurcissement et notre manque de coopération, la semence du Royaume
croîtra jusqu’à sa pleine mesure.
La raison de ce glissement dans
l’objet de notre préoccupation est probablement notre peur innée de la
souffrance. Et pourtant Paul, dans sa
Lettre aux Romains, nous rappelle que toute la souffrance dont nous pouvons
faire l’expérience n’est qu’un élément du processus de croissance vers la
plénitude du Royaume de Dieu en nous. Il
s’agit de douleurs normales de l’enfantement.
C’est curieux comme nous trouvons
facilement toutes sortes de bonnes raisons et de prétextes pour nous protéger
de la douloureuse réalité de la croissance et nous réfugier dans l’activité
plus sécurisante qui consiste à préparer le sol. Nous nous sentons plus en sécurité lorsque
nous sommes préoccupés de labourer le sol, d’arracher les
mauvais herbes, de retourner la terre de diverses façons. Nous « faisons » quelque chose et
nous attendons une récompense pour ce que nous faisons. Tout cela est bon et nécessaire. Mais l’Évangile et Paul nous rappellent une
autre dimension : le besoin
d’attendre avec patience pendant que la semence prend le temps de croître ; le besoin de faire
l’expérience de la mort de la semence sans être sûrs qu’elle prendra vraiment
racine, sans savoir jusqu’à quel point elle croîtra. Nous ne contrôlons pas la croissance. Et cela est pénible. Sont pénible aussi bien le processus de
croissance que le fait de ne pas pouvoir le contrôler.
Tout en demeurant conscients du besoin
de pratiques ascétiques, de la nécessité de sarcler le jardin de notre coeur et
d’y arroser les plantes, n’oublions pas de revenir à ce qui, pour Jésus, était
le plus important : la Parole de
Dieu, la semence déposée par le Père dans l’humanité ; et attendons avec confiance sa
croissance en chacun de nous et dans toute l’humanité. Acceptons aussi de passer à travers les
souffrances qui font partie d’une telle naissance et d’une telle croissance.
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