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20 novembre 2016 – Dimanche du Christ Roi
« C »
2 S 5,1-3 ; Col 1,12-20 ; Lc 23,35-43
H O M É L I E
Jésus fait un
bien drôle de roi, là-haut sur sa croix. En réalité, n’est-il pas étonnant que nous lui donnions un titre qu’il a
toujours refusé. Il avait fui lorsque la
foule avait voulu le couronner roi ; et à Pilate qui insistait :
« Alors, tu es bien le roi des Juifs ? » il avait simplement
répondu : « C’est toi qui le dit ». Et, au bon larron de l’Évangile que nous
venons de lire, qui lui demande : « Souviens-toi de moi quand tu
viendras dans ton royaume », il ne parle pas de royaume dans sa réponse
mais dit plutôt : « aujourd’hui même tu seras avec moi dans « le
paradis ».
Dans cet
Évangile, Luc établit un contraste extrêmement frappant entre la compréhension
de Jésus qu’a ce pauvre larron et l’incompréhension totale qu’ont de lui tous
les autres. Le pauvre peuple, si
facilement manipulé – comme nous le constatons toujours dans les moments de
crise – a d’abord suivi Jésus et avait même voulu le faire roi, puis, manipulé
par les docteurs de la loi et les chefs du peuple, il avait réclamé sa
mort. Et maintenant ce pauvre peuple –
qui ne sait plus – « reste là à regarder ». Mais alors, tous les autres se déchaînent et,
finalement, disent tous la même chose. Les chefs ricanent et disent : « Il en a sauvé d’autres, qu’il
se sauve lui-même ». Les soldats se moquent de lui et disent :
« Si tu es le roi des Juifs sauve-toi toi-même ». Le premier larron dit de même « N’es-tu
pas le Messie ? Sauve-toi toi-même ».
« Sauve-toi
toi-même » répètent-ils tous. Comme
si Jésus était venu pour se sauver lui-même et non pour sauver tous ceux qui
étaient perdus. On l’invite à montrer sa
puissance en descendant de la croix. Mais il est justement monté sur la croix pour manifester sa faiblesse –
notre faiblesse, qu’il avait assumée. Ils sont tous trop conscients de leur pouvoir et de leur valeur
personnelle pour se rendre compte qu’ils ont besoin d’être sauvés. Ils ne peuvent imaginer rien d’autre qu’un
roi plein de pouvoir et de puissance, alors que la fonction première du roi que
Dieu avait donné au Peuple à l’époque de Samuel était de défendre les pauvres,
les petits, la veuve et l’orphelin, à faire justice aux faibles et aux
opprimés. Jésus n’a rien à leur répondre. Avec eux il n’a certainement rien à perdre,
mais rien à gagner non plus. Il a
simplement prié son père de leur pardonner, car ils ne savent ce qu’ils font.
Le deuxième
larron est l’un de ces pauvres qui se savent pauvres. Se sachant en besoin de salut, il sait
reconnaître un sauveur. Lui non plus n’a
rien à perdre ; mais il a tout à gagner. Il parle à Jésus avec la familiarité touchante de ceux qui ne
connaissent pas de masques et devant qui personne ne peut en porter. Il ne s’embarrasse pas de
« Seigneur » ou de « Maître », de « Monseigneur »
ou de « Révérend ». Il appelle
Jésus tout simplement par son « petit nom » comme le font tout
naturellement des compagnons de prison ou de champs d’exécution. « Jésus, dit-il, souviens-toi de moi
quand tu viendras inaugurer ton royaume. »
« Souviens-toi
de moi... » C’est le souvenir qui relie au Christ les croyants de tous les temps, c’est-à-dire ceux qui se
souviennent de lui et de la recommandation qu’il leur a faite :
« Faites ceci en souvenir de moi ». Mais c’est aussi, et avant tout, le souvenir que Lui, Jésus, a de tous
les siens, qui les relie à Lui : « Souviens-toi de moi »
dit ce larron qui n’avait sans doute pas entendu la recommandation de Jésus à
la dernière cène, mais qui savait peut-être ce que Jésus avait dit de la femme
qui lui avait arrosé les pieds de parfum, les avait arrosés de ses larmes et
essuyés de ses cheveux : « Partout où cet évangile sera annoncé, avait-il dit, on rapportera
ces faits en mémoire d’elle. »
C’est ce souvenir
que Jésus a de nous qui établit un pont entre l’éternité et notre vie d’ici
bas. Le royaume éternel de Dieu
est alors instauré dans le moment présent : « Aujourd’hui, avec moi,
tu seras dans le Paradis. »
C’est à cet
« aujourd’hui » que nous relie notre célébration eucharistique. Nous faisons mémoire de lui, parce que nous
savons qu’il se souvient de nous.
Notre vie de
prière continuelle consiste à vivre sans cesse en présence de Dieu, à conserver
présent en nos coeurs le souvenir de Jésus. Mais cela n’est possible que parce que Jésus se souvient lui-même de
nous. Avec le brigand de l’Évangile qui,
« fidèle à son métier de voleur » selon un charmante expression de s.
Jean Chrysostome, « vole
par sa confession le royaume des cieux », nous aussi, bande de brigands
que nous sommes, disons-lui : « Souviens-toi de nous quand tu
viendras dans ton royaume ».
Armand VEILLEUX
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