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octobre 2016 – 29ème dimanche « C »
Ex 17, 8-13 ; 2 Tm 3, 14-4, 2 ; Lc
18, 1-8
H O M É L I E
Nous avons deux
personnages importants dans cette parabole : d’une part un juge qui ne
craint pas Dieu et n’a d’égards pour personne ; d’autre part une veuve qui
est faible, mais qui est convaincue de ses droits et est décidée de les faire
valoir. À la fin, le juge donne à la
veuve ce qu’elle demande, tout simplement pour qu’elle cesse de venir
l’importuner.
Nous n’avons
pas à chercher longuement pour trouver le sens de cette parabole, puisque Luc
nous dit de quoi il s’agit : « Jésus dit une parabole pour montrer à
ses disciples qu’il faut toujours prier sans se décourager. »
Nous avons dans
la première lecture un autre exemple de prière constante et patiente, celui de
Moïse. En plus de cette constance, Moïse
et la veuve de l’Évangile ont autre chose en commun. Ils sont tous les deux du côté des faibles et
des opprimés. La veuve, parce qu’elle en
fait partie, Moïse parce qu’il appartient à un peuple d’opprimés. Et Dieu écoute toujours la prière de ces
petits.
Il est possible
que, dans cette scène évangélique Jésus ait fait allusion à une situation
concrète connue de ses auditeurs ; mais nous ne le savons pas, et tout ce
que nous savons de cette veuve est ce que Jésus nous en dit dans cette
parabole. De Moïse, nous savons
plus. Il était un Hébreu, élevé dans la
maison du Pharaon d’Égypte. Il aurait pu
devenir une personne importante dans le gouvernement de l’Égypte. Mais un jour il retourna voir les siens et il
vit comment ils étaient traités. Dans un
acte spontané d’indignation il défendit l’un de ses frères, et cet acte
provoqua un enchaînement de faits qui transformèrent toute sa vie. Il dut fuir au désert pour échapper à la
colère du Pharaon. Et là, dans le
désert, il rencontra Dieu. Là, dans la
solitude du désert, la chose la plus ordinaire devint une question brûlante, le
buisson le plus ordinaire devint un signe de la présence de Dieu. Moïse re+ut la mission de conduire à la
liberté un peuple qui continuait à aspirer à la sécurité de sa captivité. Il demeura fidèle à son peuple ; et
lorsque Dieu, déçu par ce peuple, voulut l’exterminer et donner une nouvelle
nation à Moïse, celui-ci dit : « Non. Si tu te débarrasses d’eux, débarrasse-toi aussi de moi ! »
Cette
solidarité radicale de Moïse avec son peuple explique la lecture d’aujourd’hui,
où nous avons cette belle image de Moïse priant sur la montagne les mains
élevées, alors que le peuple combattait dans la plaine. La victoire dépendait de la persévérance de
Moïse dans la prière.
Cette histoire
a été traditionnellement utilisée et manipulée pour en faire le fondement de la
distinction entre deux formes de vocations dans l’Église : la vie active
et la vie contemplative. Il y a
évidemment une part de vérité dans cette interprétation. Mais il serait dangereux de forcer cette
distinction, car, d’une part, ceux qui sont engagés dans la transformation du
monde pourraient penser qu’ils sont dispensés de l’obligation de prier, puisqu’il y a les moniales et les moines qui
le font pour eux ; et, d’autre
part, les moines et les moniales pourraient essayer de justifier un manque de
préoccupation pour les besoins de leurs frères et soeurs dans le monde en se
considérant comme des personnes importantes ayant comme unique devoir celui de
prier pour les autres.
Une telle interprétation oublie une
réalité importante : celle que le Christ est venu. Il est descendu dans la bataille avec toute
l’humanité et il est même mort dans cette bataille. Mais il est ressuscité et est désormais
toujours présent à la droite du Père intercédant pour nous. C’est Lui le nouveau Moïse, pas nous. Quant à nous, les soi-disant « actifs »,
comme les soi-disant « contemplatifs », nous sommes tous engagés dans
la même lutte contre les forces du mal, jusqu’à ce que la pleine victoire du
Christ soit réalisée en nous et par nous. La première leçon à tirer de l’histoire de Moïse est un appel à la
solidarité avec les faibles et les opprimés.
Il n’y a qu’une bataille, dans laquelle
nous nous retrouvons tous. L’égoïsme et
la haine qui conduisent à l’oppression de classes sociales par d’autres classes
sociales, à l’oppression et la domination de nations par d’autres nations, est
le même égoïsme et la même haine que nous portons tous comme une continuelle
tentation et une constante blessure de nos coeurs. Il y a des personnes appelées à guérir ces
plaies de l’humanité en consacrant toute leur vie à travailler activement à la
suppression des injustices sociales ; d’autres sont appelées à le faire
avant tout en luttant dans leur propre coeur contre le même pouvoir du mal,
permettant au royaume des cieux de se réaliser en l’humanité à travers la
conversion de leur coeur.
Nous sommes tous engagés dans la même
lutte eschatologique. N’oublions jamais
notre solidarité avec ceux qui, dans des vocations différentes et des modes de
vie variés, travaillent à la réalisation de la victoire déjà conquise par le
Christ, dans l’existence concrète de l’humanité. Nous sommes tous unis parce que notre
victoire commune vient du nouveau Moïse, qui se tient, les mains levées, à la
droite du Père. Il nous invite à nous
joindre à sa prière.
Armand VEILLEUX
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