2 Novembre 2016 – Commémoration de tous les Fidèles défunts

Sg 2, 1... 3,9 ; Rm 6, 3-9 ; Jean 11, 17-27

 

Résurrection de Lazare

 

          La célébration liturgique d’aujourd’hui a une certaine coloration monastique, puisqu’elle a été instituée en 998 par saint Odilon, le cinquième abbé de Cluny et se répandit durant les siècles suivants dans toute l’Église. La célébration d’hier avait été d’abord la fête de tous les « martyrs » de l’Église, puis était devenue graduellement celle de tous les « saints ». Il peut être intéressant de porter attention au nom officiel de la solennité d’aujourd’hui dans le calendrier liturgique. C’est la « Mémoire (en latin, commemoratio) de tous le fidèles défunts ». On peut toujours prier, bien sûr, pour tous les hommes et toutes les femmes qui sont morts soit au cours de la dernière année, soit au cours de tous les temps.  Mais la liturgie d’aujourd’hui nous demande de prier pour tous les « fidèles » défunts, c’est-à-dire tous ceux qui sont décédés ayant foi au Christ.

 

          Ce « détail » -- et c’est plus qu’un détail, est particulièrement important de nos jours, quand le Concile Vatican II nous a habitués à voir l’Église comme le « peuple des croyants » et quand le pape François, dans la ligne de Vatican II, nous parle constamment de ce qu’il appelle le « peuple fidèle », c’est-à-dire le peuple de tous ceux qui ont mis leur foi dans le Christ Jésus, et dont la foi, répète-t-il, est « infaillible ».

 

          C’est précisément de cette foi au Christ que nous parle le passage d’Évangile que nous venons d’entendre, et qui est tiré de l’Évangile de Jean. On peut facilement distinguer deux niveaux rédactionnels dans ce passage.  La narration primitive était un récit de la résurrection de Lazare, le plus grand des miracles accomplis par Jésus.  Quand l’évangéliste Jean décida d'insérer ce récit au moment crucial de la vie de Jésus, c'est-à-dire à la fin de son ministère et au début de sa passion, il le transforma.  Ce qui est maintenant au centre du récit, ce n'est plus le miracle lui-même, mais plutôt le dialogue de Jésus avec Marthe et le solennel acte de foi de Marthe.

 

Au cœur de ce dialogue se trouve la parole révélatrice de Jésus : « Je suis la résurrection et la vie », et aussi la réponse de Marthe (v.27) : « Oui, Seigneur, je crois que tu es le Christ, le Fils de Dieu qui doit venir dans le monde ».

 

Ce texte nous aide aussi à comprendre la grande richesse et toute la diversité de l'expérience spirituelle de l'Église primitive.  Chacune des communautés chrétiennes locales avait son mode propre de vivre et de re-vivre son expérience du Christ.  Dans les Églises de la tradition de Matthieu, la mémoire du ministère de Jésus est centrée sur la relation de Jésus avec le groupe de ses disciples, spécialement les douze apôtres.  Mais cette mémoire, dans l'Évangile de Jean, est centrée sur la relation de Jésus avec un certain nombre d'amis, spécialement Marthe, Marie et Lazare.  Ils sont ses vrais disciples, et il est leur maître.  Marthe est la première mentionnée.  C'est elle qui, après avoir reçu la révélation et avoir exprimé sa foi dans la parole de Jésus, va chercher Marie, exactement comme André et Philippe étaient allés chercher Pierre et Nathanaël.  En tant que "disciple" très aimée de Jésus, c'est elle qui exprime, au nom de tous, la foi messianique de la communauté.  Marthe confesse sa foi messianique, non pas en réponse à un miracle, mais en réponse à la révélation de Jésus et à son interpellation : «Crois-tu cela ?"  La confession de foi de Marthe dans l'Évangile de Jean est parallèle à celle de Pierre (6, 66-71), mais c'est une confession christologique dans un sens plus plénier.  Jésus est le révélateur venu du ciel.  Comme telle, la confession de Marthe a le sens plénier de celle de Pierre à Césarée de Philippe dans les Évangiles synoptiques.  Ainsi, Marthe représente la foi apostolique plénière de la communauté de Jean, comme Pierre représente la foi apostolique plénière de la communauté de Matthieu.

 

L’affirmation de Jésus à Marthe, est en soi tout à fait invraisemblable : « tout homme qui vit et croit en moi ne mourra jamais ». C’est cette affirmation qui donne un sens à notre célébration d’aujourd’hui.  Nous prions pour tous les « fidèles » défunts, donc ceux qui ont eu ici-bas la « foi » au Christ.  Nous savons que, même s’ils ont quitté le monde que nous connaissons, ils sont toujours vivants.  Nous savons aussi qu’ils peuvent être encore privés mystérieusement de la pleine jouissance de la présence de Dieu.  Aussi nous demandons à Jésus qu’il les délie – qu’il dise à leur sujet comme au sujet de Lazare : "Déliez-le et laissez-le aller".

 

Demandons pour nous aussi cette grâce d’être déliés de tout ce qui nous empêche de vivre en plénitude, de tout ce qui nous empêche de croire avec la même intensité que Marthe et de voir la présence de Dieu dans les personnes et les événements.

 

Armand Veilleux

 

 

 

 

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