2 avril 2015 – Jeudi Saint

Ex 12, 1...14;  1 Co 11, 23-26; Jn 13, 1-15

 

 

H o m é l i e

 

          « Comprenez-vous ce que je viens de faire pour vous ? » C’est la question que pose Jésus à ses disciples après leur avoir lavé les pieds. C’est la question qui nous est posée à nous aussi après la lecture de la description que nous a laissée de cet événement l’apôtre Jean. Dans tout ce récit, il est question de trois réalités inséparables : l’amour, le service, la liberté.

 

          La première phrase du récit parle d’amour : « Avant la fête de la Pâque, sachant que l'heure était venue pour lui de passer de ce monde à son Père, Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu'au bout ». En réalité cette phrase introduit, dans l’Évangile de Jean, non seulement le récit du lavement des pieds mais tout le récit de la Passion, « jusqu’au bout », jusqu’à la mort sur la croix.

 

          Ce geste de Jésus – comme d’ailleurs tous ses gestes, tout au long de sa vie – n’était pas un symbole. Jésus ne fait pas de gestes symboliques.  Il fait des gestes bien concrets, pratiques, qui sont toujours lourds de signification symbolique. Il n’a pas versé quelques gouttes d’eau tiède sur les pieds de ses disciples.  Il leur a bel et bien lavé les pieds, comme le faisaient les serviteurs à leurs maîtres – un geste bien nécessaire dans un pays où l’on marchait en sandales dans la poussière.

 

          Pour ce faire, il s’est dépouillé de son vêtement et il s’est noué un linge à la ceinture. Lui, qui est le maître, il se constitue effectivement serviteur. À la fin il reprend son vêtement et redevient le maître qui enseigne. À ses disciples qui, peu de temps auparavant, se chamaillaient entre eux pour savoir qui serait le plus grand dans le Royaume, Jésus apprend que tous, quelles que soient les fonctions qu’ils peuvent être appelés à remplir, sont égaux.

 

          À ceux qu’il avait déclarés ses « amis », et à qui il avait demandé de s’aimer les uns les autres comme il les avait aimés, il enseigne que la première et la plus essentielle expression de l’amour mutuel consiste dans le service mutuel. Dans la déposition du vêtement et sa reprise, saint Jean voit sans doute un lien avec la parole de Jésus : « Ma vie, personne ne la prend. J’ai pouvoir de la remettre et pouvoir de la reprendre ». On peut y voir aussi une expression du mystère de l’Incarnation : le Fils de Dieu qui s’est dépouillé de la gloire de la divinité en s’incarnant, pour se faire le serviteur de tous et qui la reprend au moment de sa résurrection.

 

          On voit là le troisième élément de la trilogie que je mentionnais au début : amour, service et liberté. L’amour n’est vrai que s’il est libre et le service n’est un geste d’amour que s’il est fait gratuitement, en toute liberté.

 

          Il y a un plaisir à donner, même à se donner. Les privilégiés de ce monde le font facilement, parce que c’est agréable et gratifiant, si bien que quelqu’un a pu écrire qu’une des caractéristiques de nos sociétés affluentes est « le don de soi sans souci de l’autre » (attitude immortalisée par Jacques Brel dans Les dames patronnesses). Le « service » de l’autre, tel que vécu par Jésus est tout autre. Il n’est mu que par l’amour de l’autre ; et cet amour est assez libre pour choisir de s’étendre même à celui qui a déjà décidé de trahir. Jésus lave les pieds de Judas aussi bien que ceux de Pierre. Jean semble d’ailleurs prendre plaisir à les rattacher l’un à l’autre en appelant Juda de son nom complet « Judas, fils de Simon l’Iscariote » et en appelant Pierre de son nom complet de « Simon-Pierre ».

 

          C’est à cet amour gratuit et universel que Dieu appelle ses disciples lorsqu’il leur dit : « C'est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j'ai fait pour vous ». Il nous le dit à nous aussi.

 

          En célébrant ensemble cette Eucharistie, nous nous engageons à vivre cet amour, exprimé dans un service ouvert à toutes les périphéries.

 

Armand VEILLEUX

 

 

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