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4 janvier 2015 – Épiphanie du Seigneur
Is 60,1-6 ; Ép 3,2-3a.5-6 ; Mt
2,1-12
Homélie
L’Évangile de Matthieu est d’une
extrême sobriété au sujet de la naissance de Jésus. Dans son premier chapitre,
il trace tout d’abord l’arbre généalogique de Joseph et donc aussi de Marie,
puisqu’ils appartenaient évidemment à la même tribu et à la même famille
élargie. Puis vient le récit de l’apparition de l’ange Gabriel à Joseph lui
disant de ne pas hésiter à prendre Marie pour épouse. Ensuite, dès le chapitre
suivant, le deuxième, Jésus est « découvert » par les Mages venus
d’Orient, qui lui offrent des présents royaux avant de retourner chez eux. De ces personnages, l’Évangile ne dit rien
d’autre ; aussi, la piété populaire n’a cessé au cours des siècles de
broder et d’ajouter des détails à leur sujet.
Essayons de voir ce qui est
l’essentiel de ce récit de l’Évangéliste Matthieu. Au coeur du récit il y a
l’enfant, avec Marie sa mère. Les deux sont inséparables, par le sang aussi bien que par la mission. Joseph n’est même pas
mentionné ; son rôle tout humble et sa propre mission ont été décrits au
chapitre précédent. Il a la garde et la charge de l’enfant et de la mère, rien
de plus. Cet enfant, qui est le Messie
que des générations attendaient, il n’est pas reconnu par les chefs des prêtres
et les scribes du peuple qui l’attendait. Le roi Hérode, qui exerce le pouvoir
civil de l’oppresseur, veut tuer cet enfant qui risque de lui faire ombrage si
les élucubrations des mages avaient un fondement. Cet enfant, les mages, sans
noms et venus de pays lointains, l’adorent puis repartent chez eux. Ils ne sont
pourtant pas naïfs, car ils sont capables de percevoir la ruse d’Hérode et
évitent de tomber dans son piège.
Les Mages demeurent un modèle pour les
chercheurs d’aujourd’hui, comme pour ceux de tous les temps. Des chercheurs qui ne s’amusent pas à essayer
d’inventer des signes et des symboles, mais qui savent reconnaître la valeur
symbolique des choses ordinaires. Des
chercheurs assez fous pour abandonner la sécurité et le confort de leurs pays
et de leurs palais, pour suivre une étoile sans doute pas tellement différente
de toutes les autres.
Ils ne cherchent pas un signe ; ils
cherchent quelqu’un. Quand le signe est
visible ils le suivent. Lorsque le signe
disparaît, ils s’informent d’une autre manière. Et lorsqu’ils arrivent au but,
le signe n’a plus d’importance. À aucun
moment ils n’adorent l’étoile. Lorsqu’ils la voient ils éprouvent une grande joie. Lorsqu’elle s’arrête au-dessus d’une maison
ils y entrent. Et que trouvent-ils ? Une
réalité aussi humble et ordinaire que possible : un enfant et sa mère. Et que font-ils ?
Ils s’agenouillent et adorent. Le récit
de Matthieu semble prendre ainsi plaisir à souligner le contraste entre le
caractère tout à fait extraordinaire du signe qui les a conduits à leur but et
le caractère tout ordinaire de la réalité qu’ils découvrent et adorent.
L’aspiration à la rencontre de Dieu a
été placée par le Créateur au coeur de tout être humain. Les religions peuvent servir d’étoiles, rien
de plus. Elles n’ont certes pas toutes la même valeur ; mais aucune ne peut
être objet de culte et d’adoration. Seul
peut être adoré le Dieu qui s’est fait petit enfant pour devenir l’un de nous
et nous assumer tous. Vers lui convergent
à travers les âges des peuples venant de tous les horizons, conduits par des
milliards d’étoiles différentes.
C’est cet aspect du mystère de
l’Incarnation que nous célébrons aujourd’hui.
La
dernière phrase de ce récit est mystérieuse et comporte sans doute de
nombreuses significations qu’on n’aura jamais fini de découvrir. « Avertis
en songe de ne pas retourner chez Hérode, ils regagnèrent leur pays par un
autre chemin ». Le songe, dans la
Bible, n’est jamais un simple rêve. C’est une expérience spirituelle à travers laquelle quelqu’un découvre
la volonté de Dieu sur lui en entrant profondément en lui-même. De même que ce n’est pas en lisant les écrits
juifs mais en contemplant le ciel étoilé que les Mages avaient appris la
naissance du Sauveur ; de même c’est à travers une expérience
d’intériorité qu’ils perçoivent la fausseté d’Hérode et poursuivront désormais
leur route sans se préoccuper de l’Israël ancien, retournant dans leurs propres pays, leurs
propres cultures et leurs propres expériences spirituelles, porteurs de la
découverte personnelle qu’ils ont faite du Salut apporté par Dieu à toutes les
nations.
Ces
Mages n’étaient pas des membres d’une secte religieuse lancés dans une
recherche spirituelle. C’étaient
simplement des humains, intéressés aux mystères de la nature, intéressés
surtout à la nature humaine ; qui, dans leurs observations des astres, avaient
cru percevoir la naissance d’un nouveau roi dans un tout petit peuple, le
peuple juif. Ils ne cherchent pas le Messie, dont ils ne savent sans doute
rien. Ils cherchent tout simplement un
roi nouveau-né. Lorsqu’ils le trouvent,
ils lui présentent leurs hommages et repartent. Ce fut sans doute leur unique contact avec Jésus. Ils ne sont pas devenus ses disciples. C’étaient des hommes droits, honnêtes et
sincères. Le salut est pour de telles
personnes.
Pour
entrer en dialogue avec nous Dieu n’a pas attendu que nous soyons à la hauteur
de la situation. Il nous a envoyé son
Fils, son Verbe, sa Parole, alors que nous étions pécheurs. De même il nous demande d’aller vers toute
personne de notre entourage, qu’elle vienne à nous ou non, qu’elle nous soit
sympathique ou non, qu’elle ait les même idées ou non. Il nous demande aussi de respecter tout être
humain – tout simplement parce qu’il est humain – qu’il ait une appartenance
religieuse différente de la nôtre, ou même qu’il n’en ait pas du tout, et quels
que puissent être les crimes qu’il peut avoir commis ou dont il a pu être
accusé.
Avant
d’être croyants ou athées ; orthodoxes, catholiques ou protestants ; chrétiens
ou musulmans, sunnites ou shiites ; chinois, japonais ou occidentaux ; les
hommes et les femmes sont tout d’abord des « humains » créés à l’image de Dieu
et également dignes du plus profond respect. C’est ce que Dieu a voulu nous enseigner en se faisant l’un de nous.
Armand Veilleux
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