7 juin 2015 – Fête du Corps et du Sang du Christ "B"

Exode 24, 3-8;  Hébreux 9, 11-15;  Marc 14, 12...26

 

 

H O M É L I E

 

          Le Pape François s’est rendu hier à Sarajevo, la capitale de la Bosnie-Herzégovine, où beaucoup de sang a été versé durant le conflit de 1992 à 1995. Il a voulu faire de son voyage une « prière pour le paix » en ce moment où il y a tant de sang versé de par le monde. Il a répété encore une fois sa conviction que nous vivons présentement ce qu’il appelle « une espèce de troisième guerre mondiale livrée par morceaux ». Et François ne pense pas simplement aux victimes de Daech ou de Boko Haran, mais aussi aux naufragés de la Méditerranée, et aux réfugiés de Lampeduza, ainsi qu’à tous les pauvres laissés pour compte par nos systèmes économiques et financiers.

 

          Le bâton pastoral qu’utilise habituellement le pape François, et qui est celui de Paul VI, en forme de croix et portant l’effigie du Christ, avait été endommagé durant le transport si bien que le pape a célébré hier avec un bâton pastoral rafistolé – de façon très visible -- avec du scotch. Cela me semble tout un symbole !  Ça me rappelle d’abord le fameux crucifix de la cathédrale de Nagasaki à demi fondu durant l’explosion nucléaire du 6 août 1945.

 

          Ce bâton pastoral rafistolé me rappelle aussi la parole du Christ à François d’Assise dans la chapelle de San Damiano : « François, viens réparer mon église ». On a plus d’une fois, ces dernières années, mis cette parole du Christ à François d’Assise en relation avec les efforts du pape François pour réformer la curie romaine. En réalité, ce qui préoccupe François ce n’est pas d’abord la curie romaine, c’est l’ensemble du peuple de Dieu, c’est-à-dire l’ensemble des hommes et des femmes, et en particulier ceux et celles qui souffrent de la pauvreté mais aussi de toutes les autres formes d’oppression. Ils sont le corps et le sang du Christ.

 

          C’est dans ce souci qu’a eu lieu à San Salvador, il y a un peu plus d’un mois la béatification de Monseigneur Oscar Romero, évêque martyr, assassiné pour sa défense des pauvres et des opprimés. On prévoit déjà sa canonisation dans environ un an ; et il semble qu’elle aura lieu non pas à Rome, comme c’est normalement le cas pour une canonisation, mais à San Salvador même, où le pape se rendra afin de permettre à tous les pauvres du pays, qui ne pourraient pas se payer un voyage à Rome, d’y participer.

 

          Tout cela n’est pas sans lien avec la solennité d’aujourd’hui, puisqu’il s’agit toujours de sang versé. Et le titre officiel de la solennité d’aujourd’hui est la Fête du Corps et du Sang du Christ, même si on l’appelle couramment la Fête du Saint Sacrement.

 

          La première lecture, tirée du Livre de l’Exode, et qui nous parle du sang du sacrifice dont une partie est versée sur l’autel et dont l’autre partie sert à asperger le peuple, semble évidemment étrange à nos sensibilités modernes.  Et pourtant, que de sang ne répandons-nous pas de nos jours ! Ce qui est au coeur de ce récit du Livre de l’Exode, ce n’est d’ailleurs pas le sang mais plutôt la parole : parole de Dieu adressée à Moïse et transmise par Moïse au peuple, qui s’engage à garder et observer cette parole. Dans la pensée biblique, le sang est perçu comme le siège de la vie reçue de Dieu.  Il est donc sacré. Par l’aspersion du sang, une alliance est ainsi conclue entre le peuple et Dieu.

 

          Je relisais hier une homélie prononcée par Monseigneur Oscar Romero pour la Fête du Saint Sacrement, dans l’année qui précéda son martyre.  Il y disait : « C’est une opportunité de célébrer cet hommage au Corps et au Sang du Fils de l’Homme alors que la vie humaine est si outragée et qu’il y a tant d’outrages au corps et au sang parmi nous. Je voudrais unir à cet hommage de notre foi à la présence du Corps et du Sang du Christ versé parmi nous, tant de sang dans l’amoncellement de cadavres massacrés ici dans notre patrie, ... dans le monde entier. Sans doute que le Christ le recueille chaque fois que se réalise ce mystère : « Ceci est mon corps, ceci est le sang de l’Alliance des hommes avec Dieu qui a été versé pour le Salut du monde. » Lorsque Monseigneur Romero fut assassiné, moins d’un an plus tard, alors qu’il célébrait l’Eucharistie, son propre sang fut mélangé au vin préparé dans le calice au moment de l’offrande.

 

          En présentant le calice à ses disciples, Jésus ne dit pas simplement « Voici mon sang », comme s’il opérait un geste de magie. Il dit « Voici mon sang versé pour la multitude ». C’est ce geste suprême d’amour, de la vie donnée, du sang versé, que nous célébrons aujourd’hui.  Et cette célébration n’a de sens que dans la mesure où nous sommes prêts nous aussi à nous donner tout entiers pour nos frères et nos soeurs.

 

Armand Veilleux

 

 

Homélies pour la même solennité, les années précédentes

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