18 février 2015 -- Mercredi des Cendres

 

H O M É L I E

 

          Le message de Jean-Baptiste était un appel à la conversion ; et lorsque Jésus, après s`être laissé baptiser par Jean commence son propre ministère, ses premiers mots sont : « Convertissez-vous ! ».  Cet appel à la conversion nous accompagnera durant tout le Carême ; c'est pourquoi il est important de bien comprendre, dès le point de départ en quoi consiste cette conversion à laquelle nous sommes conviés.  Prenons les trois lectures de la messe d'aujourd'hui dans l'ordre dans lequel nous les avons écoutées, et tout d'abord celle du prophète Joël.  C'est l'un des « petits prophètes », que nous n'entendons pas très souvent dans la liturgie.  Et pourtant il parle avec une richesse d'images et une délicatesse de sentiments très remarquables. 

 

          Faire des actes extérieurs de pénitence et même de contrition est relativement facile.  Même un changement extérieur de comportement ou d'habitude peut se faire assez facilement, avec un peu de volonté... ou d'entêtement.  Or, ce qui compte, c'est la conversion du cœur lui-même.  Joël le dit d'une façon très imagée : « déchirez vos cœurs et non vos vêtements ».

 

          Le mouvement de conversion étant un mouvement du cœur, il s'agit donc d'un cheminement, d'un retour vers un Père plein d’amour : « revenez au Seigneur votre Dieu, car il est tendre et miséricordieux, lent à la colère et plein d'amour ».  Nous avons déjà ici la révélation de l'amour miséricordieux du Père, que Jésus lui-même reprendra dans la parabole de l'enfant prodigue.  Pour Joël comme pour Jésus, le retour du pécheur est une occasion de joie et de fête.

 

          Paul, d'une façon moins poétique et plus austère, selon son habitude, nous invite lui aussi à nous « laisser réconcilier avec Dieu », nous assurant que c'est maintenant, à chaque instant, le moment favorable.

 

          L'Évangile, enfin, est tiré du Sermon sur la Montagne, ce long texte dans lequel Matthieu a réuni en une sorte de prédication suivie, une grande partie des premiers enseignements de Jésus.  Ce qui intéresse Jésus dans cet enseignement, c'est moins ce que nous sommes appelés à faire que l'esprit dans lequel nous devons le faire.  Peu importe que l'on mette de grosses sommes d'argent dans le tronc du Temple, ou l'obole de la veuve ; ce qui compte c'est le détachement du cœur impliqué dans une telle démarche.  Mieux vaut prier en secret dans sa chambre que de prier ostensiblement dans les lieux publics.  De même le jeûne qui plaît à Dieu est celui pratiqué en secret et non celui publié sur la place publique.  Deux phrases reviennent dans chaque cas comme des refrains : celui qui fait l'aumône ou prie en public ou jeûne publiquement pour se faire remarquer « a déjà reçu sa récompense » ; mais celui qui fait l'aumône, prie et jeûne dans le secret, Dieu « le lui revaudra ».

 

          Ce serait une erreur, cependant que d'en conclure qu'il faut travailler pour une récompense future.  Travailler en vue d'une récompense -- immédiate ou éloignée -- n'est plus un geste d'amour, car l'amour est gratuit.  Faire quoi que ce soit dans cette perspective est une opération commerciale -- on produit quelque chose et on attend quelque chose en retour.  Évidemment celui qui voulait être apprécié par les autres et qui a réussi à l'être a reçu sa récompense.  Pour le Chrétien le but du jeûne n'est pas d'être apprécié, pas même par Dieu, mais de manifester à celui-ci son amour, afin de monter vers Pâques la joie dans le cœur.

 

Armand VEILLEUX

 

 

 

 

 

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