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11 janvier 2015 -- Fête du Baptême du
Seigneur
Is 55,1-11; 1 Jn 5,1-9; Mc 1,7-11
Homélie
Nous célébrons aujourd'hui la fête du
Baptême du Seigneur, avec laquelle nous concluons le Temps de Noël, et nous
commencerons demain ce que nous appelons le "Temps ordinaire". Durant tous les dimanches de ce Temps
ordinaire, nous lirons, cette année, l'Évangile selon Marc qui s'ouvre par la
prédication de Jean-Baptiste (un texte que nous avons lu le second dimanche de
l'Avent) et par le récit du baptême de Jésus que nous lisons aujourd'hui.
Ce récit est d'une extrême
simplicité. Tous les éléments non
essentiels sont laissés de côté. Seul est important le fait que Jésus vient de
Nazareth en Galilée et est baptisé par Jean. Marc ne s'attarde pas sur le pourquoi et le comment. Jésus est identifié, par la mention du
village d'où il vient, comme un homme bien déterminé, historique. Et sur cet homme historique ont été prononcés
par le Père ces mots jamais entendus auparavant : "Tu es mon fils
bien-aimé !" De plus, cette
scène de révélation est présentée en utilisant un symbole qui revient plus d’une
fois dans l'Ancien Testament : l'ouverture des cieux. En sortant des eaux où il a été plongé par
Jean, Jésus vit les cieux s'entrouvrir -- littéralement, "se
déchirer" -- ce qui est clairement une référence au texte d'Isaïe 63,19
que nous avons entendu dans la liturgie de l'Avent: "Ah si tu déchirais les cieux et si tu
descendais!" La descente de
l'Esprit sur Jésus est une réponse à cette prière. Toute cette atmosphère
d’amour et de tendresse contraste avec le caractère abrupte du style de vie et
de la prédication de Jean le Baptiste ("Engeance de vipères, qui vous a
suggéré d’échapper à la Colère prochaine?” disait-il
aux Pharisiens et aux Sadducéens). .
À partir du moment où Jésus, le Fils
de Dieu, est descendu dans l’eau du Jourdain avec tous les pécheurs qui
venaient faire pénitence, et qu’il assumait ainsi toute notre condition
humaine, les cieux – qui représentent la demeure de Dieu – sont ouverts et
resteront ouverts. Désormais une
communication ininterrompue entre le ciel et la terre est possible. Une relation d’amour entre le Père et tous
ceux qui ont reçu l’Esprit de son Fils bien-aimé peut se réaliser. Non seulement la prière continuelle mais
l’union contemplative devient non seulement une réelle possibilité, mais une
vocation pour chacun de nous.
Au début de la création (Gen 1,2) le Souffle de Dieu planait sur les eaux et en les
agitant en faisait jaillir la vie. C’est
le même Souffle de Dieu qui est descendu sur Jésus dans les eaux du Jourdain,
tout comme il était descendu sur Marie pour en faire la Mère de Dieu. Ce même Souffle, ce même Esprit est descendu
sur chacun de nous le jour de notre baptême. Il nous a alors donné la mission d’apporter la paix, la bonté, la compassion,
l’amour dans un monde toujours si rempli de violence et de revanche, d’attaques
et de contre-attaques. (Les événements des derniers jours à Paris en sont un
exemple !).
La prière – que ce soit une prière
d’adoration, de demande ou de remerciement – est une activité qui déchire le
voile séparant le monde créé de son créateur, qui ouvre une brèche dans le mur
qui sépare le temps de l’éternité. Nous
vivons dans le temps où il y a un hier, un aujourd’hui et un demain. Dieu vit dans un éternel présent. Par la prière qui nous met en communion avec
Dieu, nous pénétrons dans cet éternel présent de Dieu. Cela est possible parce que lui-même a fait
le chemin inverse. Le Fils de Dieu s’est
fait l’un des nôtres. Il est venu dans
le temps et dans l’espace. Et lorsqu’il
s’est mis à prier, le voile entre le temps et l’éternité, entre l’espace des
hommes et l’omniprésence de Dieu, s’est déchiré et la voix du Père qui, de
toute éternité, engendre son Fils, a pu dire, dans le temps de notre histoire :
« aujourd’hui », oui,
« aujourd’hui, je t’ai engendré ».
Cette voix du Père accompagne la
descente visible de l’Esprit-Saint sur Jésus. Lorsque nous nous mettons en prière, c’est-à-dire lorsque nous nous
ouvrons au don de la prière, le ciel s’ouvre et l’Esprit du Père et de Jésus
descend sur nous pour prier en nous, nous rendant capable de dire : « Abba,
Père », et, alors, chaque fois, la voix du Père nous dit à nous aussi, « tu es
mon Fils, aujourd’hui je t’ai engendré ». Nous devenons fils adoptifs dans le Fils bien-aimé, le premier-né d’une
multitude de frères et de soeurs. C’est
le baptême dans l’Esprit et le feu qu’annonçait Jean le Baptiste. Baptême de feu car il brûle en nous tout ce
qui est étranger à cette communion ou y fait obstacle.
Nous pouvons alors comprendre
l’enseignement des grands théologiens de l’époque patristique et du Moyen Âge
qui voyaient dans la liturgie d’ici-bas une participation à la liturgie
céleste. Tous les bienheureux qui sont
passés de la vie présente à la vie éternelle louent sans cesse Dieu dans son
éternel aujourd’hui. Nos liturgies et
nos offices d’ici-bas, malgré souvent leur pauvreté et même malgré nos
distractions provoquent cette déchirure qui fait s’entrouvrir le ciel et nous
permet pour un instant d’entrer dans ce même aujourd’hui de Dieu où tout est
présent. Alors notre liturgie d’ici-bas devient tout à fait contemporaine de la
liturgie céleste.
Armand
VEILLEUX
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