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15 novembre 2015 – 33ème dimanche
"B "
Dn 12, 1-3; He 10,
11...18; Mc 13, 24-32
H O M É L I E
Au moment où l’évangéliste Marc composait
son Évangile et relatait les paroles de Jésus que nous venons d’entendre, le
monde était rempli de conflits, de guerres, d'oppressions. Les grandes puissances se faisaient la
guerre, souvent par peuples interposés, et les oppresseurs prétendaient agir en
vertu d'une mission divine. L'avenir de
peuples entiers était sacrifié aux ambitions orgueilleuses de pouvoirs enivrés
de leur suprématie. En réalité, ce n’était
guère différent de la situation actuelle. Qu'on pense aux attentats meurtriers
de vendredi soir à Paris, ou à ceux du Liban quelques jours auparavant, sans
oublier ceux que connait le Moyen Orient depuis de nombreuses années.
Il est important de remarquer que ce
récit de Marc que nous venons de lire comporte deux paragraphes très différents
et complémentaires ; et que, si nous les prenons dans leur ensemble, le message
qu’il nous adresse est un message d’espérance. Seule une lecture superficielle ou fondamentaliste pourrait y voir une
annonce de "la fin du monde".
Dans le langage imagé de la tradition
prophétique de l'Ancien Testament (Jérémie 8,2; Ézéchiel 8,16, par exemple), le soleil et la lune représentaient les divinités
païennes. Les étoiles et les puissances
célestes représentaient les chefs des nations qui se réclamaient des dieux pour
opprimer les peuples et se faisaient eux-mêmes considérer comme des dieux. Plusieurs textes des grands prophètes (Isaïe,
Jérémie, Ézéchiel) décrivaient la chute de ces empires sous l'image d'une
catastrophe cosmique. C'est le même
langage poétique et imagé qu'utilise Jésus.
La façon dont Marc rapportait plusieurs
années plus tard ces paroles de Jésus encourageait les premiers chrétiens à
continuer à lutter fidèlement dans le monde de malheur où ils se trouvaient. Toutes ces prétendues « puissances »
finiront par tomber. Seul le royaume
d'amour et de fraternité instauré par le Fils de l'homme durera
éternellement. On connait la belle ambiguïté
-- voulue -- de l’expression « Fils de l’homme », qui désigne d’abord
l’être humain dans son ensemble et puis, d’une façon particulière, le Fils de l’homme
par excellence, c’est-à-dire le Fils de Dieu fait homme. L'affirmation que le "fils de
l'homme" apparaîtra dans sa gloire est l'annonce de la victoire de l'humain (pleinement réalisé en Jésus de Nazareth) sur l'inhumanité. Ce « Fils
de l’homme » par excellence est déjà venu, mais on l'a tué. Il revient maintenant à travers tous ses
disciples qui, comme Lui et en son nom, portent son message aux quatre coins du
monde. Beaucoup de ses disciples ont eu
ou auront le même sort que Lui. Ils sont
ses témoins (ses "martyrs"). C’est là le message de ce texte.
Parce que son message est parvenu à
tous les confins de la terre, le Fils de l’Homme envoie ses messagers pour rassembler
les élus des quatre coins du monde. Lui seul
peut réaliser une "globalisation" qui ne soit pas l'hégémonie des
forts sur les faibles, car les faibles et les petits sont ses privilégiés.
Si la première partie de ce récit
évangélique parle de la chute des potentats et de la fin d'un monde d'oppression
(et non pas de la fin du monde), la deuxième partie, toute remplie de la
fraîcheur de la vie nouvelle, décrit le monde nouveau – celui qu'il a commencé à
créer et qu’il nous a donné la responsabilité d'achever ici-bas. Il nous décrit
ce monde nouveau sous la figure toute délicate d'un figuier dont les branches,
au printemps, deviennent tendres et dont les feuilles commencent à sortir.
La génération de Jésus était celle du
second exode. Comme celle du premier
exode, elle continuait d'attendre un Messie qui lui donnerait enfin la
suprématie sur tous les peuples païens. Jésus leur annonce "qu'avant que cette génération ne passe",
tous ces faux espoirs seront à jamais anéantis par la prise de Jérusalem et la
destruction du temple. La même chose
arrivera tôt au tard à tous les pouvoirs oppresseurs au cours des siècles, à
l'heure connue de Dieu seul.
Le message de cet Évangile est plein
d'espérance. Il comporte aussi une
mission. Notre mission de Chrétiens est de hâter ce plein avènement du Fils de
l'Homme, cette pleine humanisation de la société, en y vivant l'Évangile. Alors, faisant tomber toutes les séparations
que nous avons établies entre nous et qui engendrent « nos guerres »,
le « Fils de l’Homme » rassemblera les élus "des quatre coins du
monde, de l'extrémité de la terre à l'extrémité du ciel". Il serait alors tout à fait erroné de parler
de « la fin du monde », car, dans la mesure même où ce monde sera un monde
d'amour, il n'aura jamais de fin. Dieu
voudrait-il détruire ce qu'il a créé par amour ? – La seule crainte que nous
devons avoir est celle de ne pas aimer suffisamment.
Armand VEILLEUX
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