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30 novembre 2014 – 1er dimanche de l'Avent "B"
Is 63, 16...64,7; 1 Co 1, 3-9; Mc 13, 33-37
H O M É L I E
Au cours de l’année liturgique qui
débute aujourd’hui, avec ce premier dimanche de l’Avent, c’est l’Évangéliste Marc
qui va nous accompagner et nous guider. Au chapitre 11 de cet Évangile, Jésus
fait son entrée solennelle à Jérusalem, peu de temps avant sa Passion. Il va
directement au Temple où se passeront beaucoup de choses. La première chose qu’il fait, c’est de
chasser du Temple les vendeurs de tout ce qui était nécessaire pour les
sacrifices de l’Ancienne Alliance, montrant ainsi qu’une page est tournée.
Après discussions avec les Pharisiens et les Scribes et de nombreux
enseignements, il sort du Temple. Cette sortie est pleine de symbolisme. C’est
alors que ses disciples lui font remarquer la beauté de ce Temple :
« Maître, regarde ! Quelles pierres ! Quelles
constructions ! » Alors Jésus leur dit que tout cela sera détruit.
Avec ses disciples il se rend alors au Mont des Oliviers, en face du Temple. Et
c’est là, qu’après bien d’autres enseignements, il leur fait les
recommandations que nous venons d’entendre dans le bref texte que je viens de
lire.
« Prenez garde, leur dit-il,
restez éveillés ». Il leur raconte alors la parabole de l’homme parti en
voyage laissant à chacun de ses serviteurs une tâche et demandant au portier de
veiller. S’il faut veiller, c’est qu’il fait nuit. Et cette invitation à
« veiller », il l’adresse à tous et à chacun de nous. Il l’adresse à
la Société et à l’Église d’aujourd’hui comme à celles d’hier et de tous les
temps.
Comme c’est toujours le cas dans le
lectionnaire liturgique, la première lecture a été choisie pour éclairer le
texte de l’Évangile et en donner une sorte de commentaire. Le poème du prophète
Isaïe que nous avons lu a été écrit à l’époque qui suivit l’exil à Babylone. Il
est possible alors au peuple de se réunir – ceux qui sont restés en Israël et
ceux qui ont été exilés. Ces derniers
ont la liberté de revenir, mais toujours sous la tutelle des Perses. Le Peuple se sent abandonné de Dieu, qui ne
correspond plus à l’image qu’ils s’étaient faite de
Lui. Isaïe s’adresse à Dieu en lui donnant le titre de Père. Il le
supplie : « Ah ! Si tu déchirais les cieux, si tu descendais ! ».
Les cieux qu’il invite à déchirer, ce ne sont pas les cieux où Dieu habite.
C’est la membrane de sécurité que les humains se sont construits entre Dieu et
eux et qui les maintient dans une bulle, séparés de Dieu. Cette bulle doit éclater.
C’est dans cette bulle qu’il fait toujours nuit.
Comment appliquer à notre situation
d’aujourd’hui ce message de Jésus ? Comment l’appliquer à l’Église et à la Société d’aujourd’hui ? Nous
nous étions fait, collectivement et individuellement, beaucoup d’images de Dieu
et beaucoup d’institutions qui nous convainquaient de sa présence et parfois
nous la faisaient sentir. Beaucoup de ces images et de ces institutions sont
disparues de notre environnement social, ecclésial et même familial. Beaucoup
de comportement religieux n’existent plus. Dans notre bulle il fait nuit. Mais
la soif de Dieu, qui est une dimension essentielle de notre nature humaine, est
toujours là, qu’elle nous tenaille ou non. Alors, nous pouvons faire nôtre le
cri adressé à Dieu par le prophète et poète Isaïe : « Ah si tu
déchirais les cieux et si tu descendais ».
La parabole que raconte Jésus à ses
disciples s’applique aussi à nous. Nous faisons l’expérience de Dieu comme d’un
absent. Il est parti et il fait nuit. Tant de choses peuvent nous endormir. La
recommandation est non seulement de rester éveillés et de faire toutes les
tâches qu’il nous a laissées, à commencer par celle de construire un monde
meilleur où tous puissent vraiment vivre, mais c’est aussi la recommandation de
« veiller », d’être vigilants, afin de ne pas manquer la grâce et la
joie de sa présence lorsqu’il reviendra. Et c’est de nuit, dans notre nuit qu’il reviendra ; non pas dans un
paradis ensoleillé créé par nos rêves.
Et, paradoxalement, l’aujourd’hui de
Dieu c’est cette nuit où nous vivons sans cesse et où nous devons être toujours
éveillés et dans l’attente.
Il suffit de parcourir ne fût-ce que
la première page des journaux pour voir que notre monde s’enfonce dans une
nouvelle nuit : Tant de violences folles ! Tant de destructions de
vies humaines et de réalisations humaines ! Tant de course au pouvoir et à
l’argent, au mépris des petits et des pauvres. Les cieux qu’il faut demander à Dieu de déchirer c’est la membrane de
cette bulle de malheur ! C’est aussi la membrane d’isolement et d’égoïsme
dans laquelle nous pouvons avoir essayé de protéger nos cœurs et nos vies
individuelles. – « Ah ! Si tu déchirais les cieux, si tu
descendais ».
Le Temps de l’Avent que nous débutons
aujourd’hui est une invitation à laisser jaillir en chacun de nos cœurs, dans
nos familles, dans notre Société, dans l’Église, la soif de Dieu. Un
soif qui ne doit pas être une béate attente, mais un engagement dans
l’accomplissement de toutes les tâches que nous a laissées le Dieu qui semble
nous avoir quittés mais qui revient sans cesse à nous si nous voulons bien le
recevoir. Nous ne savons ni le jour ni l’heure ; et il est bien qu’il en
soit ainsi.
Armand
Veilleux
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