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1 janvier 2015
Solennité de
Marie, Mère de Dieu
Nb 6,22-27; Ga 4,4-7; Lc 2,16-21
H o m é l i e
Au début de son Magnificat Marie
exulte de joie parce que Dieu « a porté son regard sur son humble
servante ». Cette expression est assez proche de la formule de la
bénédiction du peuple par le grand prêtre Aaron rapportée dans la première
lecture de la Messe : « Que le Seigneur fasse briller sur toi son
visage ».
Vieille
d’au moins deux mille quatre cents ans, cette formule est toujours aussi
belle. Elle nous est rapportée par le
Livre des Nombres, qui la situe au milieu d’une série d’instructions données
par Moïse aux prêtres, de la part de Dieu. Il leur indique ainsi comment bénir le peuple, qui se trouve encore au
pied du Sinaï.
Ce
que la bénédiction d’Aaron demande est très beau : « Que le Seigneur fasse
briller sur toi son visage ». Le
souhait est que la personne sur qui est prononcée cette bénédiction soit enveloppée, éclairée, transformée par la lumière qui
jaillit de la face de Dieu.
Dans
l’Évangile que nous venons de lire, lorsque les bergers arrivent à Bethléem,
ils découvrent « Marie et Joseph, avec le nouveau-né couché dans une
mangeoire ». Marie est mentionnée la première, dans sa dignité de
Mère. C’est pourquoi on fête aujourd’hui
la solennité de Marie, Mère de Dieu. Au
cours des siècles les Chrétiens ont attribué beaucoup de titres à Marie, avec
des degrés assez différents de sobriété et de profondeur. Le titre de Mère de Dieu, qu’on lui
donne depuis le Concile d’Éphèse, est l’un des plus anciens. Cependant, dans l’Évangile, elle est tout
simplement la « Mère de Jésus » et même, dans l’Évangile d’aujourd’hui,
la mère d’un petit enfant encore sans nom, à qui on donnera huit jours plus
tard le nom de Jésus.
Marie
nous apparaît dans cet évangile comme le modèle des contemplatifs : celle qui
garde et médite dans son coeur tout ce qu’elle entend au sujet de son fils,
même sans comprendre. Ainsi, elle garde
vivante et médite dans son coeur la visite des bergers et ce qu’ils ont
rapporté au sujet de Jésus. Un peu plus
tard, lorsqu’elle présentera Jésus au Temple, aussi bien elle que Joseph seront
surpris de ce qu’on dira alors de l’enfant (Lc 2, 30-32). Et lorsqu’elle le retrouvera au Temple,
lorsqu’il aura douze ans, elle ne comprendra pas ce qu’il lui dira, mais
gardera tout en son coeur (Lc 2, 50-51).
Que Marie, Mère de Jésus, nous
obtienne de son fils la grâce de méditer en nos cœurs tout ce que nous ne
comprenons pas de Lui, et puisse-t-elle donner à notre monde la grâce d’une
paix durable, fondée sur la justice et le respect.
* * * * *
Comme
chaque année, nous avons en ce 1er janvier une triple
célébration. Liturgiquement, nous
célébrons Marie, sous son titre de « Mère de Dieu », tout juste après
avoir célébré la naissance de son Fils. Selon le calendrier civil, c’est le début d’une nouvelle année. Et ce
premier jour de l’année est aussi marqué depuis le temps de Paul VI comme la
journée mondiale de la paix. Évidemment, tout en nous réjouissant et en
échangeant des voeux, nous ne pouvons pas oublier les peuples qui, même en
cette journée de la paix demeurent affligés par la guerre.
Les
quelques versets de la Lettre aux Galates que nous avions comme deuxième
lecture expriment avec une clarté et une force assez exceptionnelles tous les
aspects du mystère liturgique d’aujourd’hui.
« Lorsque les temps furent accomplis, Dieu a envoyé son Fils ». Nous avons
là un élément absolument essentiel de la foi chrétienne. Que Jésus de Nazareth ait été une personne
extraordinaire -- un prophète qui a profondément marqué l’histoire -- un très
grand nombre de personnes de toutes les religions le reconnaissent. Le propre de la foi chrétienne est de
reconnaître et d’affirmer que lorsqu’il apparaît, les temps sont accomplis ;
l’aspiration de tous les humains de tous les temps est réalisée ; nous sommes à
la fin des temps. Une nouvelle étape
commence qui consistera en la graduelle réalisation dans la pâte humaine de ce
qui a été pleinement manifesté dans le Christ.
Si
toute la première étape, depuis l’époque de la création, était marquée par
l’attente, cette deuxième étape est marquée par la « mission », l’envoi. D’abord Dieu envoie son propre fils, lequel
nous enverra tous, ensuite, porter son message.
La
première manifestation du fait qu’il est devenu l’un des nôtres, est qu’il est
né. Alors qu’il est éternel, il a connu
un commencement, dans le sein d’une femme. Il est né dans un peuple concret qui avait sa propre tradition
religieuse et sa Loi. Il est donc né
sujet de la Loi, non pour s’en constituer esclave mais pour en libérer tous les
humains, les transformer d’esclaves qu’ils s’étaient faits eux-mêmes de cette
Loi en fils. Depuis lors, le Souffle de
Dieu qui plana sur l’univers au matin de la création est entré en nous comme il
est entré en Marie et crie « Père », « Abba » -- un cri qui est le nôtre en
même temps qu’il est celui de l’Esprit du Père et du Fils.
Marie,
est au coeur de ce mystère, comme ce mystère se vit en son coeur. Le mystère de Marie que nous célébrons
aujourd’hui est celui d’une solitude d’une profondeur inouïe. Alors que Dieu se faisait Homme pour sauver
toute l’humanité, elle a été absolument, tragiquement seule à l’accueillir, au
nom de tous en prononçant son « Oui ». À
partir du moment où Jésus est né, c’est lui qui est au coeur de l’histoire et
de l’attention. Dans la visite des
bergers, dont nous venons de lire la description, ces derniers trouvent bien
Marie et Joseph, qui partage un peu la solitude de Marie, mais c’est l’enfant
que les bergers viennent voir, et c’est de l’enfant qu’ils vont parler à tout
le monde, lorsqu’ils repartent, laissant Marie à sa solitude. Marie reste
cachée, avec sa solitude et un secret incommunicable. Elle vit des événements qui la dépassent
infiniment ; et il n’y a personne avec qui elle puisse en parler ; pas même
Joseph. Elle ne peut que retenir et
méditer ces événements dans son coeur.
Marie,
Mère de Dieu, est la mère de toutes nos solitudes. Elle a engendré son Fils et nous a engendrés
dans la sienne. Puisse-t-elle faire des nôtres des matrices d’où jaillisse sans
cesse la vie.
Armand Veilleux
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