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1er novembre 2014 – Fête de tous les
Saints
Apo 7,2-4.9-14 ; 1 Jn 3,1-3 ; Mt
5,1-12a
Homélie
Au moment où les Évangiles ont été
rédigés, c’est-à-dire lorsque les souvenirs de ceux qui avaient connu Jésus et
avaient été ses disciples, furent recueillis par les quatre Évangélistes que
nous connaissons – Matthieu, Marc, Luc et Jean – après avoir circulé d’abord
oralement puis en petits récits écrits détachés, les premiers chrétiens étaient
déjà en proie aux persécutions. On
comprend donc l’importance qu’est donnée dans ces Évangiles à la dernière
béatitude : « Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice... », ainsi que l’élaboration qui en est faite : « Heureux
serez-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute... réjouissez-vous,
soyez dans l’allégresse... ». Il s’agissait alors des tensions vécues entre les
autorités de la religion juive traditionnelle et le christianisme naissant qui
était perçu comme une nouvelle secte et une menace.
La situation était la même --
seulement plus difficile et dramatique -- au moment où le Voyant de Patmos
écrivait ce livre d’une si grande beauté poétique, tout fait de symboles qui
nous sont parfois difficiles à comprendre, qu’on appelle l’Apocalypse.
À ce moment-là les premiers Chrétiens étaient durement persécutés par les
empereurs romains qui voyaient dans ce petit groupe de Chrétiens un danger pour
la religion traditionnelle de l’Empire romain.
Et pourtant, dans chaque cas, ce qui
est prôné est non pas une réponse violente à la violence subie, mais une ouverture
du coeur et un appel à la communion universelle. Dans le passage évangélique qu’on appelle les
«Béatitudes», Jésus ne dit pas « Bienheureux, vous qui êtes mes disciples », ou
«Bienheureux, vous qui appartenez à tel groupe». Il proclame bienheureux tous ceux qui ont un
coeur de pauvre, qui ne sont pas repliés sur eux-mêmes et sur leurs prétendues
richesses, tous ceux qui sont doux et miséricordieux, qui savent pleurer sur la
souffrance des autres, qui ont soif de justice et qui sont des artisans de
paix, même s’ils sont persécutés pour adopter une telle attitude ouverte à
tous.
Ces
paroles de Jésus sont des paroles surprenantes. Elles n’ont pas grand-chose de
« religieux ». Il n’y est pas question de religion, même pas de
prière. Elles se réfèrent à la vie concrète – une vie où il y a des gens qui
souffrent et qui sont consolés, de gens soumis à leur sort et qui finalement
sont comblés, des gens affamés et assoiffés de justice, des personnes qui ont
le coeur pur et qui travaillent pour instaurer la paix en ce monde, mais aussi
de gens pauvres et des persécutés. Un
monde, somme toute, pas tellement différent du nôtre. Et, à ce monde, Jésus offre le bonheur. Un
bonheur qui est à la disposition de tous, si au lieu de courir après les idoles
de l’argent et du pouvoir, on opte pour le règne de Dieu. Dans ce passage,
Jésus offre une clé pour comprendre le sens d’une vie humaine tout ordinaire
faite de difficultés et de lutte comme de pureté du coeur et de beauté.
Le monde dans lequel nous vivons de nos
jours n’est pas tellement différent, au fond, de celui de l’époque où furent
écrits les Évangiles et le livre de l’Apocalypse ou encore les lettres de saint
Jean. C’est un monde où, malgré les développements sociaux et techniques
hérités des révolutions et des évolutions des derniers siècles, il y a toujours
un nombre effarant de personnes qui souffrent de la misère et de la faim, qui
sont persécutés et chassés de leurs maisons et de leurs pays, qui sont sans
travail et dépouillés de leur dignité. Comment donner du sens à ce monde ? Où trouver des clés d’interprétation ?
Récemment, sous l’impulsion du Pape
François une centaine de Mouvements Populaires furent convoqués à Rome par le
Conseil Pontifical Justice et Paix et l’Académie Pontificale des Sciences
Sociales. La liste de ces Mouvements Populaires réunis à Rome est
impressionnante. On y trouve les travailleurs ruraux sans terre du Brésil, les
vendeurs de rue du Kenya, les collecteurs de rebus de l’Afrique du Sud, les
sans-logis des Philippines, les recycleurs de déchets de bidonvilles de
plusieurs parties du monde. À toutes ces personnes, dans une allocution pleine
d’une chaleureuse humanité, François a donné la clé du sens de ce qu’ils
vivent. À peine sorti du Synode, où il avait entendu tant d’idées, le Pape
disait à ces gens du peuple : « Notre rencontre ne répond pas à une
idéologie. Vous ne travaillez pas avec
des idées. Vous travaillez avec la réalité... Vous avez les pieds dans la boue
et les mains dans la chair. Vous avez l’odeur du quartier, du peuple, de la
lutte. Nous voulons que votre voix soit écoutée... » Et pourtant il
n’appelle pas à la violence, mais à la solidarité. Avec passion, dit-il, mais
sans violence.
Tout au long de l’année liturgique
nous célébrons un grand nombre de saints et de saintes qui ont été canonisés à
diverses époques et présentés comme modèles de vie selon l’Évangile. Aujourd’hui ce ne sont pas ces saints
« privilégiés » que nous célébrons. C’est l’ensemble de ceux qui ont
plu à Dieu par la pureté de leur coeur, par leur faim et soif de la justice,
par leur solidarité, dans toutes les conditions de vie, y compris dans les
conditions de bidonvilles et de lutte pour la justice comme ceux reçus par le
Pape François et à qui il disait, en conclusion de son discours :
« Chers frères et soeurs,
continuez votre lutte. Vous nous faites du bien à nous tous. C’est comme une
bénédiction d’humanité ».
« Une bénédiction
d’humanité ». On ne pourrait pas
trouver une meilleure définition de ce qu’est la sainteté.
Armand Veilleux
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