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8 juin 2014 - Pentecôte
Actes 2,1-11; 1 Cor 12,3...13; Jean 20,19-23
H O M É L I E
Lorsque Jésus se manifeste à ses
disciples le soir de Pâques, il leur annonce la Paix. Et pourtant, cette région
où Jésus et ses disciples ont vécu est déchirée depuis très longtemps par la
guerre. Plus d’un demi-siècle de
négociations menées par des diplomates chevronnés n’ont en aucune façon
rapproché les parties en conflit, malgré de soi-disant accords de paix signés ponctuels.
Lorsque le pape François s’est rendu
en pèlerin sur cette terre sacrée, il y a quelques semaines, il n’a pas joué au
diplomate. Il n’a pas offert les services de la diplomatie vaticane ni ceux d’une
quelconque diplomatie parallèle. Il a tout simplement invité le président d’Israël,
Shimon Peres et le président de l’autorité nationale palestinienne, Mahmoud
Abbas à venir prier avec lui pour invoquer de Dieu le don de la paix. Et ils
ont accepté l’invitation. Le patriarche de l’Église orthodoxe de
Constantinople, Bartholomée 1er, prendra aussi part à ce moment de
prière. Et le pape François a aussi invité non seulement tous les Catholiques
mais tous les hommes et toutes les femmes de bonne volonté, de par le monde à
faire de même.
Au cours de cette Eucharistie nous
demanderons donc au Seigneur d’apporter la paix non seulement aux peuples de
Palestine et d’Israël, mais aussi à tous les autres peuples actuellement
déchirés par les guerres et à tous les pays affectés par diverses formes de
tension sociale ou par la pauvreté.
Le bref récit
de l’Évangile de Jean que nous venons de lire nous présente deux scènes entre
lesquelles il y a un contraste évident. Dans la première, nous voyons les Disciples enfermés dans une maison, le
soir, tiraillés par la peur. Et puis, soudain, la seconde scène : Jésus
qui leur annonce la paix, qui leur montre ses plaies comme signe authentique de
sa réelle présence. Les disciples sont
alors remplis de joie et Jésus leur communique l’Esprit qui les rend apte à la
Mission. La crainte, l’obscurité, le
repli sur soi se transforment alors avec la présence de Jésus en paix, joie et
envoi missionnaire.
Jésus accomplit ainsi la promesse qu’il avait faite. Il avait promis à ses Disciples qu’il ne les laisserait pas seuls, et qu’il reviendrait. Il leur avait également dit que l’Esprit-Saint les aiderait à comprendre tout ce qu’il leur avait dit. C’est ce qu’il fait. Il est revenu et il leur communique l’Esprit-Saint qui fait toutes choses nouvelles. Jésus souffle sur ses Disciples, comme Dieu avait créé le premier homme en lui insufflant sa propre vie. Ils sont désormais des personnes nouvelles de la création restaurée par le don que Jésus a fait de sa vie. Ce récit est vraiment celui d’une nouvelle création. C’est « le premier jour de la semaine ». Ce récit est
symbolique : Les « Disciples » dont il y est question sont tous
ceux qui ont mis leur foi en Jésus. Aucun nom n’est mentionné, ni aucun nombre. Il n’y a pas de limite. Ce ne sont pas simplement les douze, ni les
soixante-douze, ni les quelque centaines de disciples dont parle les Actes des
Apôtres. Ce sont tous ceux qui, à ce moment-là comme à travers les âges, ont
cru en Jésus. Et nous sommes du nombre.
La violence, les guerres, l’injustice, la corruption dans tant de secteurs de la société nous remplissent de crainte et nous poussent à nous replier sur nous-mêmes et fermer les portes sur nous pour ne pas être affectés par tout ce qui se passe au dehors du petit univers que nous nous sommes construit et que nous voulons préserver. Il nous semble que les problèmes qui affectent la société nous dépassent totalement, et nous nous réfugions dans notre propre vie intérieure, nous fermons les portes de notre cœur et oublions le grand projet de Jésus sur nous et sur l’humanité. C’est alors qu’il fait irruption en nous et dans nos vies et nous fait comprendre que non seulement il ne nous a pas abandonnés mais qu’il n’a pas abandonné ce monde qui nous entoure. Il est toujours présent non seulement en nous, mais dans la vie de notre communauté, de l’Église et de la société. Il agit à travers la vie de milliers de personnes, de groupes, de communautés, d’associations qui se sont engagés pour lutter contre toutes les formes de péchés et toutes les conséquences du péché. Et il continue de réaliser à travers eux la promesse qu’il a faite : tout ce que vous aurez délié, libéré sur la terre sera délié aussi dans le ciel. Durant son
pèlerinage au Moyen Orient, le pape François a posé de nombreux gestes porteurs
d’une énorme capacité de délier les personnes et les peuples des chaînes qu’ils
se sont forgés. Devant le mur de la honte qui sépare Israël des territoires
palestiniens, il n’a prononcé aucune condamnation : il a simplement posé
la main sur le mur dans un moment de prière. Cette main qu’il sait poser si
souvent, avec beaucoup de tendresse, sur les personnes qui souffrent, il l’a,
de même, posée dans un moment de prière silencieuse sur le mur des Lamentations,
à Jérusalem. De la même main il a planté un olivier dans le Jardin de
Gethsémani et il a touché l’eau du Jourdain. Il a aussi rallumé la flamme du souvenir à Yad Vashem, le Mémorial de
l’Holocauste.
L'Esprit, lorsqu'il pénètre en nous, nous permet non seulement de comprendre mais aussi de nous faire comprendre. Les Apôtres étaient de simples pêcheurs galiléens, sans instruction. Lorsqu'ils sont remplis de l'Esprit, le jour de la Pentecôte, ils continuent de parler leur patois de Galilée; mais les Juifs venus à Jérusalem de tous les coins de la diaspora juive les entendent chacun dans sa langue locale. L'Esprit de Dieu n'annule pas les différences qui nous constituent chacun dans notre être et notre beauté propre, mais permet plutôt à chacun de transcender ses différences et de rejoindre l'autre à travers et au-delà ces différences. Les Apôtres demeurent galiléens et parlent en Galiléen. Les Parthes, Mèdes, Élamites... les Phrygiens, les Égyptiens, les Libyens, les Romains, demeurent tous ce qu'ils sont, avec chacun leur langue propre, et c'est dans cette langue propre qu'ils entendent et comprennent le message des Apôtres. En ce jour de la Pentecôte, efforçons-nous de percevoir les signes de la présence et de l’action de l’Esprit en nous-mêmes, dans nos vies, dans nos communautés et nos familles. Prions pour que notre société soit déliée de ses chaînes et s’ouvre à la salutation que Jésus prononce chaque fois qu’il se manifeste : « La paix soit avec vous ». Les hommes sont incapables d’établir la paix. Leurs armes ne font que causer mort et blessures. Jésus peut nous donner la paix car les blessures qu’il porte et qu’il montre sont non pas des blessures qu’il a causées, mais bien celles qu’il a accepté de subir par amour.
Armand VEILLEUX
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Homélies pour la Pentecôte
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