26 janvier 2014 – Solennité des Saints Fondateurs de Cîteaux
Si 44, 1.10-15; Heb 11, 1-2. 8-13a; Marc 10, 24b-30

Homélie    

          Le texte du Livre de Ben Sirac le Sage, que nous avons entendu comme première lecture de cette célébration eucharistique nous invitait à faire mémoire de ces personnages glorieux que sont nos ancêtres. C’est pourquoi les communautés monastiques qui, comme la nôtre de Scourmont, appartiennent à l’Ordre cistercien fêtent aujourd’hui la solennité des trois Fondateurs de Cîteaux – et donc de l’Ordre cistercien – les saints Robert, Albéric et Étienne, qui vécurent à la fin du 11ème siècle et fondèrent Cîteaux en l’an 1098.      

          Le refrain du Tropaire que nous avons chanté comme chant d’entrée de cette célébration, disait : « Heureux ceux qui croient à l’amour ;  le Seigneur est leur partage ».  Ce texte est tout à fait bien choisi, puisque nos Pères, les Fondateurs du premier Cîteaux, ont considéré leur vie communautaire comme une « schola caritatis », une école où l’on apprend à aimer.  La fondation de Cîteaux, à la fin du 11ème siècle, se situe dans un moment de transformation culturelle et dans un grand mouvement de renouveau ecclésial caractérisé entre autre par une attention particulière à l’humanité du Christ et par la fascination du modèle d’amour fraternel donné par la communauté primitive des Chrétiens de Jérusalem.

          L’Ordre de Cîteaux eut dans les siècles qui suivirent immédiatement sa fondation une expansion rapide et assez phénoménale.  On attribue généralement cette expansion au charisme de saint Bernard, qui est souvent considéré comme notre Fondateur, alors qu’il appartient en réalité à la seconde génération de Cîteaux. Or la carrière extraordinaire que connaîtra Bernard, entré tout jeune à Cîteaux avec un groupe compagnons, est un tribut à la qualité de la formation que toutes ces jeunes recrues ont reçue à Cîteaux, lorsqu’ils y sont entrés. Le jeune chevalier Bernard, inquiet et un peu fantasque, ne serait jamais devenu saint Bernard s’il n’avait eu de tels maîtres, c’est-à-dire ceux que nous fêtons aujourd’hui.

Quand Robert quitta le monastère de Molesme, avec ses frères, pour fonder Cîteaux, il n'était pas un jeune homme dans la vingtaine -- ce qui sera l'âge de Bernard quand il arrivera à Cîteaux avec ses compagnons.  Robert était, au moment de la fondation de Cîteaux, un homme de 70 ans.  Il avait derrière lui plus ou moins un demi-siècle de vie monastique et avait participé à plusieurs expériences monastiques. Albéric et Étienne, ses deux principaux compagnons n’étaient guère plus jeunes. Chacun des trois avait eu une vie très pleine et avait quitté beaucoup de choses et surtout beaucoup de sécurité pour se lancer dans l’aventure de la fondation de Cîteaux. C’est ce qui explique le choix de l’Évangile que nous venons d’entendre.

 

          Les premiers versets de ce texte d’Évangile sont la conclusion du récit concernant le jeune homme riche que Jésus avait appelé à le suivre après avoir renoncé à tous ses biens, et qui s’était éloigné tout triste, car, dit l’Évangéliste, il avait de grands biens.  C’est alors que Jésus fait cette réflexion sur la difficulté pour un riche d’entrer dans le royaume des cieux, terminant par cette phrase qui donne tout son sens au récit : « Pour les hommes, cela est impossible, mais pas pour Dieu ; car tout est possible à Dieu ».

 

          Ce qu’ont quitté Robert, Albéric et Étienne ainsi que leurs compagnons, lorsqu’ils ont quitté Molesmes – après avoir quitté bien d’autres choses et même leur pays, pour certains – ce n’était pas d’abord des biens matériels, même si Molesmes jouissait d’une certaine aisance ; c’était surtout la sécurité spirituelle, psychologique et sociale d’une institution reconnue et estimée de tous, pour se lancer dans une aventure qui semblait être sans issue. Ils ne pouvaient le faire sans une foi, c’est-à-dire une confiance totale en Dieu.

 

          Ainsi en est-il de nous. Il est probable que la plupart d’entre nous, lorsque nous avons répondu à l’appel du Christ à le suivre dans la vie monastique, n’avons pas eu à renoncer à de grandes richesses matérielles.  Mais nous avons tous renoncé à la sécurité de la famille que nous avons quittée et de celle que nous avons renoncée à créer, et à tous les autres liens sociaux associés à ceux-là. Ce renoncement aurait été une pure folie s’il n’avait été dicté par la foi.

 

          Nous vivons présentement à une époque où, aussi bien la société civile que l’Église dans son ensemble ainsi que la plupart des communautés qui la composent, y compris des communautés de notre Ordre, connaissent des formes parfois aigües d’insécurité. La seule chose qui permet de vivre sereinement dans toutes ces situations est l’attitude de foi, qui fut celle d’Abraham, de Sara, de nos Fondateurs et de plusieurs générations de moines et de moniales qui, depuis plus de neuf siècles vivent ce charisme de la vie cistercienne.

 

Cette foi s’enracine dans la parole de Jésus : « Tout est possible à Dieu »

 

 

Armand VEILLEUX

 

 

 

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