2 Novembre 2014 – Commémoration de tous les Fidèles défunts

Sg 2, 1... 3,9 ; Rm 8, 18-23 ; Jean 11, 17-27

 

Résurrection de Lazare

 

          Pour comprendre ce bref récit de la résurrection de Lazare, il faut le situer dans son contexte plus large. En particulier il faut savoir que les Évangiles n’ont pas été écrits par quatre auteurs assis à leur bureau. Ces récits sont nés dans les communautés locales primitives et nous révèlent à la fois la grande richesse et toute la diversité de l’expérience spirituelle de l’Église primitive.

 

Chacune de ces communautés chrétiennes locales avait son mode propre de vivre et de revivre son expérience du Christ.  Dans les Églises de la tradition de Matthieu, la mémoire du ministère de Jésus est centrée sur la relation de Jésus avec le groupe de ses disciples, spécialement les douze apôtres.  Mais cette mémoire, dans l'Évangile de Jean, est centrée sur la relation de Jésus avec un certain nombre d'amis, spécialement Marthe, Marie et Lazare.  Ils sont ses vrais disciples, et il est leur maître.  Marthe est la première mentionnée.  C'est elle qui, après avoir reçu la révélation et après avoir exprimé sa foi dans la parole de Jésus, va chercher Marie, exactement comme André et Philippe étaient allés chercher Pierre et Nathanaël. 

 

La relation d’amitié est particulièrement soulignée dans le récit de la mort et de la résurrection de Lazare. Quand Lazare est malade, ses deux soeurs envoient dire à Jésus : « Celui que tu aimes est malade ». Il serait difficile d’être plus délicat et, en même temps, de rappeler clairement à Jésus les exigences de l’amitié. L’Évangéliste Jean éprouve d’ailleurs le besoin de dire : « Jésus aimait beaucoup Marie, Marthe et leur frère Lazare ». Et donc Jésus décide d’aller chez ses amis en Judée, même si les autres disciples essaient de l’en empêcher, car les Pharisiens, les Prêtres et les Scribes ont déjà décidé de le faire mourir. La partie du récit que nous venons de lire commence au moment où Jésus arrive à Béthanie, alors que le deuil est déjà commencé.

 

Dans ce récit, Marthe, en tant que "disciple" très aimée de Jésus, exprime, au nom de tous, la foi messianique de la communauté.  Elle confesse sa foi messianique, non pas en réponse à un miracle, mais en réponse à la révélation de Jésus « Moi, je suis la résurrection et la vie » et à son interpellation : « Crois-tu cela ? »  La confession de foi de Marthe dans l'Évangile de Jean est parallèle à celle de Pierre (6, 66-71), mais c'est une confession christologique dans un sens encore plus plénier.  Jésus est le révélateur venu du ciel.  Comme telle, la confession de Marthe a le sens plénier de celle de Pierre à Césarée de Philippe dans les Évangiles synoptiques.  Ainsi, Marthe représente la foi apostolique plénière de la communauté de Jean, comme Pierre représente la foi apostolique plénière de la communauté de Matthieu.

 

Si nous voulons appliquer ce texte à notre propre situation, nous devons être à la fois Marthe qui confesse le Christ et Lazare qui est ressuscité.  Au sujet de cette résurrection de Lazare, nous devons porter attention au fait que l’évangéliste Jean n'essaie pas de nous donner quelque information sur l'expérience de Lazare, soit lorsqu'il était mort, soit après son retour à la vie... (contrairement à ce qu’essaient de faire tous ces livres sur les expériences de quasi-mort). L'unique chose qui importe est que Lazare soit revenu à la vie.

 

          La famille humaine est une ; mais elle est composée, dans le temps présent, de deux grandes communautés, une de chaque côté de la rivière de l’éternité.  Ceux qui ont abordé sur l’autre rive sans l’abandon total au Père qu’avait manifesté Jésus, et sans son espérance sans faille, ont besoin de notre support.  Ils ont besoin du support de notre prière ; et c’est le but de cette célébration.  Ils ont aussi besoin du support de la qualité de notre vie.  Il n’est pas nécessaire en effet de croire en la réincarnation pour être convaincus que nos morts continuent de vivre en nous ; et que c’est maintenant en nous et par nous, leurs frères et soeurs en humanité, qu’ils peuvent atteindre à la pureté qui permettra à leurs yeux de chair aussi bien qu’aux yeux de leur coeur d’être totalement pénétrés de la lumière divine.

 

L’affirmation de Jésus à Marthe, en soi tout à fait invraisemblable : « tout homme qui vit et croit en moi ne mourra jamais » est celle qui donne un sens à notre célébration d’aujourd’hui. Nous prions spécialement pour tous les « fidèles » défunts, donc ceux qui ont eu ici-bas la « foi » au Christ.  Nous savons que, même s’ils ont quitté le monde que nous connaissons, ils sont toujours vivants.  Nous savons aussi qu’ils peuvent être encore privés mystérieusement de la pleine jouissance de la présence de Dieu.  Aussi nous demandons à Jésus qu’il les délie – qu’il dise à leur sujet comme au sujet de Lazare : "Déliez-le et laissez-le aller".

 

Demandons pour nous aussi cette grâce d’être déliés de tout ce qui nous empêche de vivre en plénitude, de tout ce qui nous empêche de croire avec la même intensité que Marthe et de voir la présence de Dieu dans les personnes et les événements.

 

Armand Veilleux

 

 

 

 

 

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